Philippe Aghion

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Journée de l’institut de l’entreprise
Intervention de clôture de Philippe Aghion (Harvard) : Concurrence, croissance et
régulation.
Livre : Repenser l’Etat.
Compte rendu de l’intervention de Philippe Aghion, et qui n’engage l’orateur que dans la
limite de la compréhension par les auteurs du Compte Rendu de l’exposé aussi brillant
que rapide !
Innovation et concurrence : antinomie ?
La concurrence est crainte en France. Cela vient en partie de la théorie économique qui
oscille entre les vertus de la concurrence et le confort de la rente !
L’approche Schumpetérienne classique vante les vertus de la destruction créatrice de
l’innovation.
Depuis Schumpeter, l’économie internationale avec Ethier, Dixit-Stiglitz, Krugman
jusqu’à Romer tente de montrer les vertus de la concurrence. La rente liée à l’innovation
est implicitement opposée à la concurrence. En plaçant au cœur de ce débat la rente,
prolongée par les brevets ou toute autre mesure d’entrave à la concurrence, on aboutit
à nourrir le sentiment que la concurrence et l’innovation sont par essence antinomiques,
puisque la concurrence et la croissance (Krugman) semblent corrélées, donc tout ce qui
nuit à la concurrence au nom d’aider à l’innovation (politique industrielle, brevets, etc.)
est à proscrire !
Une autre approche classique est celle de l’économie de la firme : Tirole, Reinganum
Aghion-Howit.
Si les rentes de monopole nourrissent l’innovation alors la concurrence qui réduit les
rentes de monopoles est nuisible, et par voie de conséquence toute les mesures anti
trust …
Philippe Aghion nous présente son analyse de la situation qui présente l’avantage
d’associer les trois dimensions de la démarche scientifique économique. Une analyse des
modèles existants au regard du couperet des faits dans l’optique de mettre en évidence
les erreurs ou d’observation du réel ou d’interprétation. Ainsi sur ce sujet les études
empiriques sur la concurrence montrent les limites des théories dominantes. (Blandel et
Nickel). Comme toujours la réalité semble plus complexe !
Soit V0 la situation avant innovation et V1 la situation après innovation. La théorie
schumpetérienne veut que pour l’innovateur V1>V0 et pour les autres V1<V0, c’est la
destruction créatrice de valeur.
Les observations économétriques montrent que l’innovation se fait par étape, avant
d’innover il faut atteindre une taille critique qui permet de se placer à un niveau de
concurrence qui permet de dépasser les autres par l’innovation. Donc, déjà, s’il n’y a pas
de concurrence, il n’y a pas d’entrée sur le marché et donc personne ne peut innover à
part les leaders installés qui n’ont pas intérêt à le faire. A ce stade la concurrence rend
possible les décrochages liés à l’innovation. Donc, la concurrence profite aux rentes en
l’absence d’innovation. A titre d’exemple Philippe Aghion cite le cas d’un appartement
que vous trouvez trop petit à cause de la concurrence d’un colocataire à un moment
vous décider de partir, comment faire, dans le cas de l’entreprise, il faut innover pour
sortir. Donc innover permet d’échapper à la concurrence, d’où la concurrence pousse à
l’innovation.
Les entreprises plus soumises à la concurrence innovent pour y échapper et développe
leur productivité à cette occasion. Les entreprises qui sont peu soumises à la
concurrence vivent de leur rente, prennent du retard et sont incapables de résister à une
rupture d’innovation.
L’Etat peut intervenir sur cette situation pour favoriser le maintien d’un maximum de
firme dans la zone soumise à la concurrence donc capables d’innover et de durer.
L’effet « escape competition » de l’économie de la firme qui montre que la mise à l’abri
de la compétition est créateur de valeur est valable pour les faibles niveaux de
compétition que l’on ne rencontre pas dans les économies ouvertes et matures. Au delà
d’un certain niveau de compétition le modèle s’inverse. (U inversé) pour tendre vers
l’effet précité non conforme à l’approche académique.
Les pays à maturité (croissance lente) gagnent à développer la concurrence. Alors que si
la croissance est forte (pays émergent) cet effet est secondaire.
Porter cette approche à l’extrême n’est pas pour autant la panacée. Boldrin et Levine
ont voulu montrer que la concurrence est bonne à partir de modèles issus de la théorie
des jeux. Ils en concluent que le brevet qui limite la concurrence est une erreur de
l’histoire et donc qu’il faut supprimer les brevets. Cette démarche est l’illustration
qu’une réflexion économique conduite sur la seule base des modèles sans la
confrontation rigoureuse au réel peut conduire à dire des bêtises.
Phiilippe Aghion à partir d’analyses approfondies des ingrédients de la concurrence et
de l’innovation montre plutôt que c’est la complémentarité entre brevet et concurrence
qui maximise l’écart V1-V0 (bénéfice d’innovation) pour les pays en maturité
économique.
Quid de la politique industrielle ?
Si on croit en la concurrence, on n’est contre la politique industrielle. La politique
industrielle nous dit que le protectionnisme des pays émergents permet de protéger
leur industrie naissante. Kruger critique cette approche en disant que ce système
installe des rentes de situation souvent attribuées sur de mauvais critères de choix
(Corruption, présence, chantage à l’emploi, etc).
Des études empiriques montrent avec l’Inde entre autre que l’ouverture à la
concurrence n’empêche pas, voire développe la croissance !
Pourtant il faut reconnaître le constat que l’absence de politique industrielle a conduit
certains pays à se fourvoyer. Ex Espagne avec l’immobilier … La chine a une politique
industrielle qui ne lui nuit pas tant !
Philippe Aghion défend l’idée que la politique industrielle doit accompagner le
changement technologique en intervenant pour renforcer les points forts tout en
favorisant un climat de concurrence favorable à l’innovation. La politique industrielle
doit aussi éviter à l’économie de s’orienter vers des impasses (Ex orienter vers la
production verte, les énergies nouvelles, mais pas dans des domaines où le pays est
mauvais ou dans des secteurs en déclin…
En clair la politique industrielle doit jouer sur les externalités positives. Dans un autre
atelier, un représentant de Siemens soulignait l’avantage concurrentiel en terme de RD
fournit par le crédit d’impôt RD de la France.
Il convient donc de réconcilier Politique industrielle et concurrence. D’orienter et
maintenir la concurrence (pôles de compétitivité). Donc les subventions doivent
favoriser la concurrence il faut les distribuer entre les concurrents pour l’alimenter.
Peut on généraliser le modèle ? Quid de la compétitivité pays ou
région ?
D’après Tilly la concurrence entre les Etat aide à leur construction.
Réflexion autour d’un exemple : l’éducation de masse.
Pourquoi les pays se sont-ils engagés dans l’éducation de masse ? C’est le produit de
l’installation de la démocratie, du progrès social ? Hélas les données économétriques ne
prouvent pas ce modèle.
Les données montrent que c’est la rivalité (risque de guerre, ou conséquence de guerre)
qui a favorisé le besoin d’éducation de masse. L’effet de la rivalité est dominant, la
démocratie renforce cet effet. Plusieurs situations internationales confirment ce lien
positif entre menace de guerre et développement de l’éducation de masse dans un
monde où la guerre est devenue technologique.
Donc la concurrence internationale aujourd’hui joue le rôle de la rivalité guerrière d’hier
pour pousser les nations à l’éducation et à l’innovation afin de développer la
compétitivité du pays.
La démocratie est une variable complémentaire plutôt positive dans les pays matures.
Elle permet la destruction créatrice ou création destructrice (en clair dans un état de
droit on laisse jouer les mécanismes de marché et de concurrence y compris lorsqu’il y a
de la casse. A contrario l’absence de démocratie favorise les passe-droits, les
subventions à des activités non compétitives, la corruption qui limite la concurrence et
donc l’innovation.
Aujourd’hui la politique sociale doit accompagner le maintien des entreprises sur la
zone bleue de haute concurrence et innovation en aidant la mobilité, l’innovation, la
formation au long de la vie etc …
Plutôt que traiter les conséquences négatives de la destruction créatrice sans favoriser
les passages de V0 à V1.
Les questions (difficile d’oser en poser une après une aussi brillante démonstration ….)
Patrick Artus s’interroge sur la différence de la France avec l’Allemagne : Philippe
Aghion la place au niveau de l’efficacité de la politique industrielle au niveau des
Landers, sur la politique de formation, l’école y est plus proche de l’entreprise et enfin
sur la tradition du dialogue social qui installe un meilleur climat de confiance qu’en
France.
Une question porte sur la politique économique et son rôle dans cette approche.
Philippe Aghion explique que la politique économique doit être contracyclique. C’est sa
seule raison d’être. Il convient de redévelopper une politique sectorielle à l’échelle
européenne en maintenant la concurrence.
Question sur la coopération entre concurrents pour innover (secteur pharmaceutique,
automobile, aéronautique, etc). Philippe Aghion dit que la coopération en RD n’enlève
rien à la concurrence, que les universités américaines débattent en colloques des sujets
de leurs recherches puis s’arrachent les meilleurs étudiants et les meilleures entreprises.
Dany Deschamps
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