Penser le mal totalitaire (extrait), Joël Gaubert, M-Editer, 2004
4 © M-Editer & Joël Gaubert
puisque c'est alors l'exercice purement symbolique
ou raisonnable (ou représentatif) de la langue qui
se trouve déconstruit pas ses usages simplement
instrumental (présentatif) et sentimental (expressif)
: la pathologie sociale et politique est ainsi dérivée
d’une pathologie proprement symbolique,
intellectuelle et morale (en un renversement radical
de l'explication des sciences sociales naturalistes,
néo-marxistes notamment), les individus ne
parvenant plus, ni idéellement ni idéalement, à se
constituer comme citoyens et personnes
appartenant à une République politique et à un
Règne des fins moral par leur obéissance consentie
à des lois qu’ils se donneraient librement à eux-
mêmes en vue d’une vie bonne dans une société
juste. C’est alors la perte de leur sens commun, de
leur capacité de recevoir et d’exprimer un sens qui
les relierait, et par là de se communiquer entre eux
leurs pensées, qui est systématiquement
administrée par la technique du mythe politique
moderne, la possibilité de communication
intersubjective (de faire du lien social ou de la
« sociation », B. Stiegler) étant éradiquée par la
destruction de l’aptitude à la communication ou
plutôt au dialogue intrasubjectif (l'incapacité de se
parler à soi-même, de faire amitié ou encore
société avec soi-même (comme en témoigne
l'incapacité d'Eichmann à tout sens moral intime
comme à toute « pensée élargie » envers autrui,
comme H. Arendt l'a bien compris, dans
« Eichmann à Jérualem »). L’originalité du