GéostratéGiques n° 41 • 4e trimestre 2013 Les évolutions stratégiques de l’Amérique du Sud
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cubaine de 1959 en ce sens qu’elle a eu des conséquences sociales, politiques, éco-
nomiques et géostratégiques sans précédent dans l’histoire contemporaine de l’Amé-
rique latine et ce pour plusieurs raisons aussi pertinentes les unes que les autres.
D’abord cette révolution s’est produite dans une région considérée par les États-Unis
comme un pré-carré inviolable, Cuba étant à moins de 150 km des côtes améri-
caines, ce qui a ouvert le champ à la première implantation de l’Union soviétique
en Amérique latine à la faveur de la guerre froide. L’autre raison fut la certitude à
l’époque que la portée de la révolution castriste avait réellement échappée aux autori-
tés américaines en dépit d’une action forte économique et militaire en vue de juguler
les retombées de cette révolution sans y parvenir. Il faut rappeler que la riposte amé-
ricaine a été d’une extrême dureté, allant jusqu’à demander et obtenir l’exclusion de
Cuba de l’OEA (Organisation des États américains) le 25janvier 1962 à l’issu d’un
vote par 14 voix contre 6 (Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Équateur, Mexique), ce
qui a eu pour conséquence immédiate la rupture de toutes les relations commer-
ciales, diplomatiques et aériennes entre l’île et le reste du continent, isolant quasi
totalement Cuba mais qui voit arriver l’aide de l’allié soviétique. La troisième raison
fut bien évidemment l’inuence importante que cette révolution avait exercée sur les
États issus de ce que l’on appelait communément le Tiers-monde.
Plus tard, l’embargo américain a été renforcé le 23 octobre 1992 par la loi
«Torricelli» ou Cuban Democracy Act, adoptée par le Congrès sous la présidence de
Georges Bush, elle interdisait toute forme de commerce avec l’île, exception faite des
livraisons que peuvent justier la situation humanitaire et alimentaire désastreuse.
Cette loi a été sévèrement critiquée notamment par l’Union européenne considérant
qu’elle entravait le commerce entre les États, qu’elle constitue une violation agrante
du droit international sur le libre commerce et le libre transit et elle est contraire aux
principes de la déclaration transatlantique associant les États-Unis à la CEE, actuelle
Union européenne. Outre son caractère illégal, cette loi si néfaste pour la liberté
du commerce, voulant isoler davantage Cuba, n’a pas fait l’objet d’une décision de
l’ONU et a donné un eet contraire à celui recherché, en ce sens qu’elle a permis de
légitimer l’action de Castro qui en a proté pour durcir sa politique à la fois envers
les États-unis mais également sur le plan intérieur de Cuba.
Maintenant sa pression sur Castro, le Congrès américain vote une autre loi dite
Helms Burton ou (Cuban Liberty and Democratic Solidarity Act) datant du 12mars
1996, pendant le mandat présidentiel de Clinton. Comme la loi Torricelli, Helms
Burton, renforce le schéma de confrontation entre les deux pays et isole un peu plus
la Havane en interdisant notamment l’entrée du territoire américain aux hommes
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