l’opérateur . . . elle crisse et broie une fois, deux fois, puis le membre inutile des orteils
jusqu’au milieu de la cuisse est rapidement déposé dans la cuve sous la table . . .6
[traduction]
Les chirurgies et les amputations comme celle décrite ci-dessus ont été pratiquées pendant
des siècles sans soulagement efficace de la douleur. Ce n’est qu’au début des années 1840
que la douleur associée aux importantes interventions chirurgicales a été considérablement
réduite grâce à l’anesthésie. La découverte de l’anesthésie est l’un des « plus grands présents
à l’humanité »6 et mérite que l’on s’y attarde.
Beaucoup de personnes ont contribué à l’évolution de l’anesthésie. Toutefois, c’est Crawford
Williamson Long qui a découvert le premier anesthésique général connu sous le nom d’éther5.
Le 30 mars 1842, Long a excisé une tumeur à l’arrière du cou de James M. Venables qui a
inhalé de l’éther pendant toute la durée de l’intervention5. La chirurgie a été consignée
comme indolore et sans incidents5. Malheureusement pour Long son ingéniosité n’a pas été
reconnue parce qu’il n’a pas publié ses constatations5,6. Au moment où Long a commencé à
revendiquer sa découverte, d’autres luttaient pour qu’elle leur soit attribuée5.
Les avantages de l’anesthésie ont suscité de l’opposition au départ. Les gens ordinaires
résistèrent à l’idée de l’absence de douleur. La douleur indiquait que les organes d’une
personne étaient intacts et qu’elle était vivante5. L’anesthésie générale s’apparentait aux
états proches de la mort comme le coma, les empoisonnements mortels et les traumatismes
crâniens5 et n’était donc pas considérée comme un état souhaitable. De même, les médecins
croyaient que la douleur était un mal nécessaire en médecine. La douleur devait être
supportée pour des raisons de sécurité parce qu’elle guidait la conduite du chirurgien durant
une intervention5. Il y avait en outre des objections religieuses. Les pasteurs citaient des
passages de la bible pour rappeler au public que la douleur correspondait à la volonté divine5.
L’Église a mis en garde contre l’anesthésie durant l’accouchement sous prétexte qu’elle
empêcherait la formation de liens affectifs entre la mère et l’enfant5.
Comme beaucoup de nouveautés médicales, il a fallu du temps pour que l’anesthésie soit
acceptée. Un important progrès vers l’acceptation de l’anesthésie est attribué à John Snow, le
premier anesthésiste moderne5. Le 3 avril 1853, il a été appelé au palais de Buckingham où il
a administré du chloroforme à la reine Victoria pour soulager ses douleurs d’enfantement5.
Après l’accouchement, la Reine a dit que cela avait été « apaisant, reposant et infiniment
agréable »5. L’appui de la reine à l’anesthésie s’est répandu dans tout l’empire. Un
changement favorable dans la perspective de la chirurgie sans douleur a commencé à
s’imposer.
L’accueil favorable de l’anesthésie a amené un nouveau concept, soit que la douleur n’est pas
nécessaire. À partir du milieu du XIXe siècle, les patients ont commencé à demander d’être
endormis5. Et le demandent encore aujourd’hui. Les patients estiment que la douleur est un
état inacceptable qui exige une intervention. Jadis jugée non appropriée, l’anesthésie est de
nos jours essentiellement un droit du patient.
En outre, l’explication de la douleur est passée du domaine divin au domaine physiologique en
ce sens que l’existence de la voie de la douleur a été établie. La douleur trouve son origine
dans un réseau complexe de neurones comprenant au moins trois niveaux : périphérique,
spinal et supraspinal7. En deux mots, le niveau périphérique se compose des fibres (axones)
afférentes qui transmettent les sensations, y compris la douleur, à partir de la périphérie7. La
connexion de ces fibres sensitives se trouve dans la corne postérieure de la moelle. De là,
l’influx est transmis au cerveau par les voies ascendantes7. La modulation de la douleur se