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RÉFLEXION SUR LA
GESTION DES ÉTANGS
H. RAEYMAEKERS °
INTRODUCTION
Les écosystèmes aquatiques et semi-aquatiques
sont sans aucun doute parmi les plus menacés de
notre environnement. Le drainage, la pression démo-
graphique toujours plus forte, l’accroissement de la
demande touristique et de loisirs, nos modes de
consommation et de production constituent autant de
facteurs de disparition ou de pollution de ces milieux.
Les zones humides et certainement plus encore
les milieux de transition entre celles-ci et les zones
terrestres, les écotones (1), sont souvent caractérisés
par une richesse indéniable, tant d’un point de vue
biologique que paysager.
Parce que ces écosystèmes sont riches et de plus
en plus rares, il convient de les préserver.
Seule une gestion intégrée, impliquant la prise en
compte des différentes fonctions et usages des cours
d’eau et des milieux y associés engendre cette
préservation à long terme. Longtemps, la fonction
hydraulique fut privilégiée par les gestionnaires en
accordant la priorité à l’écoulement et à l’évacuation
des eaux, y compris les eaux usées. Aujourd’hui, les
fonctions biologique, économique, sanitaire, récréa-
tive, culturelle et paysagère doivent aussi entrer en
ligne de compte. La mise en place d’une gestion
intégrant la réponse aux besoins actuels tout en
maintenant la capacité de répondre à des besoins
futurs, éventuellement différents est, dans cette op-
tique, nécessaire.
Suite aux visites de terrain afin d’étudier la
végétation des pièces d’eau du bassin hydrographi-
que de la Molignée (RAEYMAEKERS et al., 2003) et
de visites complémentaires réalisées en 2000, quel-
ques réflexions sont émises sur la gestion de 32
pièces d’eau dans le bassin hydrographique de la
Molignée. Toutes les pièces d’eau du bassin n’ayant
pas été visitées (2) , cet aperçu ne se veut en aucun
cas exhaustif quant aux problèmes de gestion qui se
posent aux propriétaires, pour la plupart privés.
° Comité scientifique de la Conservation de la Nature et de la
Protection des Eaux, asbl, 5000 Namur.
(1) Interface entre deux écosystèmes voisins se différenciant de
chacun d'eux par des caractéristiques écologiques particulières
(2) Certaines pièces d’eau de très petite taille, les étangs de
pisciculture à l’exception de l’ésociculture (3) de Behoûde, et
quelques pièces d’eau dans des propriétés privées auxquelles
nous n’avons pas eu accès n’ont pas fait l’objet d’observa-
tions.
(3) Pisciculture de brochets (Esox lucius).
2
GESTION DES BERGES
STABILISATION DES BERGES
Suite à l’action de différents facteurs (piétinement
par les animaux, érosion, galeries d’animaux fouis-
seurs), les berges et digues des étangs, comme celles
des cours d’eau, nécessitent de temps à autre des
travaux de stabilisation.
Dans l’optique d’une gestion intégrée, les techni-
ques de stabilisation par réimplantation d’une végéta-
tion adaptée doivent être favorisées. Ces techniques
existent et sont maintenant bien maîtrisées. Elles ont
notamment été présentées dans divers ouvrages
(DETHIOUX 1989a, 1989b, 1989c et 1991; VERNIERS
1993, 1995; VERNIERS et al. 2001). L’implantation
d’une couverture végétale appropriée, apte à stabiliser
la berge par un bon enracinement et un degré de
recouvrement optimal permet en outre de diminuer la
quantité de sédiments entraînés dans les eaux, de
favoriser la biodiversité végétale et animale de ces
zones et de soigner l’aspect paysager des berges. Le
choix des espèces, pour le pied de berge ou pour celle-
ci doit en tous cas se baser sur une observation in situ
des espèces présentes dans la zone.
Dans le bassin hydrographique de la Molignée, les
pièces d’eau sont souvent gérées par des propriétaires
privés. Les techniques végétales de réaménagement
de stabilisation des berges sont alors
peu utilisées. Ainsi, par exemple, la
rénovation d’une berge de l’étang de
Ftêre a été réalisée durant l’été 1996
par le déversement de matériaux divers
(cailloux, terre) sans chercher à fixer
cette berge par de la végétation. La
colonisation naturelle par les végétaux
y fut assez lente et le résultat peu
satisfaisant des points de vue techni-
que, biologique et paysager (photos 1 et
2). Aussi, une information claire et
précise sur les techniques de base, les
ouvrage de référence et les services
compétents en la matière devrait être
conçue et diffusée auprès des proprié-
taires de cours d’eau non classés et de
pièces d’eau.
Photo 1. Décombres sur les berges de l'étang de Ftêre.
Photo 2. Berges de l'étang de Ftêre après « réaménagement ».
3
IMPACT DU BÉTAIL
Les berges de certaines portions de cours d’eau
du bassin sont fortement endommagées par un piéti-
nement par le bétail. Ce problème se pose toutefois
peu pour les étangs visités lors de cette étude. De
nombreuses communes, peu conscientes de l’impact
du piétinement excessif sur l’environnement, ont été
dispensées, sur base de propositions motivées de
leurs Conseils communaux et sur avis de la Députa-
tion permanente, de l’application de l’article 8 de
l’Arrêté royal du 5 août 1970, imposant la pose de
clôtures le long des cours d’eau lorsque celui-ci passe
dans une pâture. Dans le bassin de la Molignée, il
s’agit des anciennes communes de Anthée,
Biesmerée, Corenne, Denée, Ermeton-sur-Biert,
Falaën, Flavion, Florennes, Furnaux, Morville, Rosée,
Serville, Sosoye, Stave et Weillen.
Par ailleurs, il est évident que la présence d’un
cours d’eau ou d’une pièce d’eau doit aussi profiter
aux éleveurs, en permettant au bétail d’aller s’abreu-
ver. Cela constitue un gage de respect du cours d’eau
par l’agriculteur. L’impact du piétinement sur les
berges des cours d’eau du bassin de la Molignée
devrait être réduit en délimitant mieux les zones
d’accès aux cours d’eau. Outre l’amélioration de
l’état des berges, cela contribuerait au maintien
d’une qualité d’eau en limitant la mise en suspension
de sédiments.
INTÉRÊT DES BERGES EN PENTE DOUCE
ET DES ZONES D'ATTERRISSEMENT
Les milieux aquatiques et milieux associés pré-
sentent souvent un intérêt biologique élevé. Nous
attirons ici particulièrement l’attention sur les zones
de contact entre écosystèmes aquatiques et terres-
tres. Les écotones, transitions entre unités écologi-
ques adjacentes, présentent des caractéristiques pro-
pres dont une biodiversité remarquable. Leurs autres
intérêts se manifestent essentiellement à 2 niveaux :
valeur paysagère et contrôle de la qualité de l’eau.
Les berges en pente douce, temporairement
asséchées en été, laissent ainsi apparaître de la vase
exondée sur laquelle se développent souvent des
espèces végétales rares à l’échelle du bassin : Ra-
nunculus peltatus, Rorippa palustris, Juncus
compressus, Veronica scutellata, Ranunculus
trichophyllus.
Les zones d’atterrissement en queue d’étang
(étangs de Ftroûle, de Seuli, de Behoûde et de la
Forge d’Anthée) et les berges en pente douce (étangs
de Ftêre, des Closières, de Ftroûle et la petite mare
des Nowes) méritent en tous cas une attention toute
particulière en matière de gestion ou d’aménage-
ment.
La petite pièce d’eau des Nowes fut réaména-
gée en 1998. La berge en pente douce a été complè-
tement remodelée par remblai. Si ce réaménagement
n’a eu probablement que peu d’influence sur l’intérêt
herpétologique du site, il s’agit là de la disparition d’un
très beau transect végétal et de quelques espèces
végétales rares voire très rares à l’échelle du bassin,
notamment Juncus compressus et Veronica
scutellata. Le comblement partiel de cette mare de
très faible profondeur n’entraînant pas de modifica-
tion sensible du relief du sol, aucune demande de
permis ne fut nécessaire. Ainsi, la topographie de
telles pièces d’eau, raison même de leur grand
intérêt, constitue peut-être aussi leur plus grande
faiblesse. Une information claire et une sensibilisa-
tion relative à l’intérêt des mares devraient être
réalisées.
D’autre part, lors de la conception de nouvelles
pièces d’eau, une attention toute particulière devrait
être portée au profilage des berges et du fond. La
conception de celles-ci se révèle souvent peu imagi-
native. Rappelons que de plus en plus de particuliers
réalisent aujourd’hui des pièces d’eau dans leur
propriété. Berges en pente élevée et au tracé recti-
ligne, uniformité de la profondeur et des substrats de
fond sont autant de facteurs peu favorables à la
biodiversité. Tout aménagement devrait être pensé
en terme de diversité (la diversité des habitats ayant
une action prépondérante sur la diversité des espèces).
4
GESTION DES ROSELIÈRES
A l'amont immédiat des étangs de Behoûde et de
Seuli se trouvent des roselières. Par la forte prédomi-
nance du roseau commun (Phragmites australis) cel-
les-ci ne présentent qu’un intérêt botanique restreint. En
contrepartie, le caractère attractif de ces zones vis-à-vis
d’une avifaune diversifiée n’est plus à démontrer. Elles
nécessitent donc une gestion appropriée. Dans les deux
cas, des ligneux (surtout des saules) se développent en
leur sein. Il s’agit d’une évolution fréquente dans ce type
de milieux : l’accumulation de tiges sèches constitue un
amas de litière freinant la repousse des roseaux et créant
des zones de plus en plus sèches sur lesquelles se
développent des arbres. A moyen terme et sans inter-
vention de gestion, ce phénomène engendre la dispari-
tion de la roselière. L’enlèvement des massifs de ligneux
et un fauchage régulier – par exemple, le fauchage en
rotation d’un tiers de la roselière tous les 3 ans – avec
exportation des matériaux récoltés devraient assurer le
maintien de ces milieux à long terme.
A Seuli, l’envahissement de la roselière par les
ligneux est déjà bien avancée. Les massifs de saules sont
nombreux et étendus. Des peupliers de 8 mètres s’y sont
développés. Le maintien de la roselière y nécessiterait
une intervention assez rapide. Celle-ci est également
bordée par une frange de quelques mètres de la renouée Photo 3. Fallopia japonica en bordure de la zone humide de
l'étang de Seuli.
Photo 4. Raclage du sol à Seuli, un risque supplémentaire de propagation de
Fallopia japonica.
du Japon (Fallopia japonica), espèce végé-
tale introduite et très envahissante (photo 3).
Le meilleur moyen de lutte connu consiste à
faire deux fauches par an (mi-juin, mi-octobre)
et à laisser sécher les tiges coupées sur une
zone sèche. Cette technique nécessite une
application à long terme, étalée sur plusieurs
années. Le fauchage et le raclage du sol
comme il a été effectué représente une solu-
tion probablement peu efficace pour le site en
question mais aussi un risque de propagation
de l’espèce vers les zones où les terres ont été
évacuées. La renouée du Japon se multiplie
en effet essentiellement par voie végétative à
partir de fragments de racines présents dans
les terres de déblais notamment (photo 4).
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GESTION DES PLANTES AQUATIQUES
L’envahissement des plans d’eau par de la végé-
tation aquatique est un problème fréquemment ren-
contré dans les pièces d’eau du bassin. Celui-ci peut
être le résultat d’une prolifération d’espèces indigè-
nes mais aussi d’une introduction d’espèces exoti-
ques se révélant parfois extrêmement envahissan-
tes.
Souvent, cette prolifération d’herbiers aquati-
ques est mal perçue car elle peut gêner considérable-
ment l’utilisation habituelle des pièces d’eau (pêche,
baignade, canotage…). D’autre part, si les plantes
aquatiques sont productrices d’oxygène pendant la
journée, une trop grande biomasse végétale peut
représenter un danger pour les populations piscicoles
au cours de la nuit, créant des déficits temporaires en
oxygène. Le développement excessif d’herbiers aqua-
tiques dans une pièce d’eau traduit, rappelons-le, une
pollution de type organique.
Des solutions sont donc recherchées afin de
limiter, voire de supprimer totalement cette végéta-
tion aquatique. L’emploi d’herbicides a pu être cons-
taté, notamment à l’étang de Seuli. Ce type de
pratique doit être évité. D'autre part, l'identification
des sources de la pollution et la recherche de solu-
tions pour les limiter au maximum constituent une
priorité environnementale.
ENVAHISSEMENT DES PLANS DEAU
Plusieurs étangs du bassin versant
présentent un développement important
d’espèces végétales aquatiques : potamot
de Berchtold, potamot à feuilles capillai-
res, élodée à feuilles étroites ou différen-
tes espèces d’algues filamenteuses. Les
étangs de Behoûde, des Closières, de la
forge d’Anthée, de Ftroûle, de Montaigle
et de Moulins sont concernés (photos 5 et
6).
La présence abondante d’une végé-
tation aquatique n’entrave souvent les
activités habituellement pratiquées dans
les pièces d’eau que dans les zones les
moins profondes des étangs. Ici encore,
la conception asymétrique des pièces
d’eau intégrant des zones de profon-
deurs variées peut permettre de concilier
la présence d’un milieu écologique diver-
sifié avec la pratique d’activités telles
que la pêche ou la baignade.
L’utilisation d’herbicides, parfois
constatée, présente plusieurs inconvé-
nients majeurs et doit être évitée. Rappe-
lons que l’utilisation d’herbicides dans les
cours d’eau est interdite en Région wal-
lonne.
Contrairement à la possibilité d’un
Photo 5. Développement d'herbiers aquatiques à l'étang des Closières.
Photo 6. Herbiers aquatiques à l'étang de Ftroûle.
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