Eawag Überlandstrasse 133 Postfach 611 8600 Dübendorf Schweiz Telefon +41 (0)44 823 55 11 Telefax +41 (0)44 823 50 28 www.eawag.ch Kommunikation Andri Bryner Medienbeauftragter Telefon direkt +41 (0)44 823 51 04 Telefax direkt +41 (0)44 823 53 75 [email protected] Communiqué aux médias du 1er octobre 2008 Attention : Ne pas publier avant le mercredi 1er octobre 19 h HEC (parution dans „Nature“ le 2.10.09) De nouvelles espèces grâce à des différences de vue Yeux noirs et cheveux bruns comme critères de sélection d’un partenaire? Dans le règne animal aussi, les stimuli visuels jouent un rôle important. Chez de nombreuses espèces, les couleurs nuptiales du mâle décident de son succès ou de son échec auprès des femelles. Une étude menée avec des poissons multicolores révèle que ces choix ne sont pas dictés par une quelconque notion de beauté physique mais par la sensibilité spectrale des yeux des femelles résultant elle-même d’une adaptation à leur environnement. Les femelles qui distinguent mieux le bleu porteront leur choix sur un mâle bleu chatoyant. Celles qui sont plus sensibles au rouge préfèreront un partenaire sexuel rouge vif. Ces préférences peuvent être si fortes qu’elles conduisent à l’apparition de nouvelles espèces – à condition bien sûr que la diversité d’habitats de leur milieu n’ait pas été compromise par des activités anthropiques néfastes. Les réponses de la biologie de l’évolution quant au rôle joué par la sélection naturelle dans la formation de nouvelles espèces restent assez limitées. L’évolution que des cichlidés, poissons multicolores de certains lacs africains, ont effectuée en à peine quelques milliers d’années – un instant à l’échelle de l’évolution des espèces – vient étayer la thèse selon laquelle les préférences sexuelles peuvent conduire à l’apparition de nouvelles espèces même sans isolement géographique des différentes populations. Dans le cas des cichlidés, il semblait assez plausible que des différences de perception des couleurs soient impliquées dans le processus de sélection. Une étude qui vient d’être publiée dans la revue Nature apporte pour la première fois des preuves scientifiques à cette hypothèse. Voir et être vu Ole Seehausen, biologiste de l’évolution à l’Institut de recherche de l’eau Eawag et à l’Université de Berne et ses collaborateurs démontrent dans cet article que les femelles de cichlidés dont les yeux perçoivent mieux le bleu recherchent plutôt des mâles bleus pour l’accouplement. De même, les femelles dont les récepteurs sont plus sensibles à la partie rouge du spectre, choisissent des mâles arborant une parure nuptiale à dominante rouge. L’équipe de chercheurs a pu isoler les différents pigments des récepteurs oculaires à partir de leurs séquences d’ADN et protéiques. Les séquences nucléiques respectives des gènes codant pour les pigments visuels révèlent d’autre part que leur spécialisation n’est pas le fruit du hasard mais le résultat d’un processus de sélection naturelle. La sensibilité spectrale des poissons varie en effet en fonction de la profondeur d’eau à laquelle ils évoluent. Ainsi, les femelles d’eau profonde voient mieux le rouge tandis que le bleu est mieux perçu à proximité de la surface. Grâce à cette adaptation de leurs récepteurs à la couleur dominante du spectre visible dans leur environnement, les poissons s’assurent d’un avantage dans un domaine de profondeur donné. Ils 1/2 Université der Berne / Eawag: L’Institut Suisse de Recherche de l’Eau du Domaine des EPF peuvent ainsi mieux s’orienter et trouvent par exemple d’avantage de nourriture que leurs congénères non adaptés. Manifestement, les mâles ont de leur côté opéré une adaptation parallèle: les eaux profondes sont dominées par ceux qui arborent des couleurs nuptiales rouges tandis que les mâles à couleur bleue prennent l’avantage près de la surface. De nouvelles espèces apparaissent lorsque le spectre lumineux ne se modifie que lentement avec la profondeur. Ceci garantit pour chaque domaine de couleur suffisamment d’espace pour que les diverses variantes génétiques des poissons puissent profiter de leur avantage spectral dans leur propre niche écologique. Dans le cas du lac Victoria, les zones propices à cette sélection se situent près des berges plates à moyennement pentues dans une eau relativement limpide. Une explication à la régression de la biodiversité Les nouveaux résultats n’indiquent pas uniquement une voie d’apparition de nouvelles espèces, ils livrent aussi une explication plausible pour l’effondrement de la biodiversité piscicole que connait le lac Victoria depuis 25 ans. La surfertilisation du lac causée par l’activité agricole, la déforestation et les rejets des grandes villes environnantes a en effet contribué à un fort accroissement de la turbidité de l’eau. L’atténuation de la lumière incidente est depuis lors très rapide, la profondeur éclairée n’étant plus que de quelques mètres. Le rapprochement des différentes niches écologiques est alors tel que le mécanisme d’adaptation ne peut plus intervenir. Les auteurs ont ainsi constaté que les zones à forte turbidité n’abritaient plus deux espèces, bleue et rouge, distinctes mais au contraire une forme mixte unique ne présentant d’adaptation spécifique à aucune niche particulière. Ce mélange des espèces entraîné par les modifications de l’environnement aquatique a très certainement contribué au fait que sur les plus de 500 espèces de cichlidés que comptait le lac Victoria il y a à peine quelques générations, seules 250 subsistent actuellement. Qu’est-ce qu’une espèce? La biologie de l’évolution propose différentes définitions pour la notion d’espèce. Elles s’entendent toutes sur le fait que les populations d’organismes sont considérées comme appartenant à des espèces différentes si, dans la nature, elles coexistent sur plusieurs générations dans le même espace vital sans fusionner génétiquement. De nombreuses espèces s’hybrident occasionnellement mais peuvent rester différenciées grâce à l’existence de mécanismes s’opposant au flux de gènes. La définition de l’espèce comme étant un groupe d’individus incapables de se reproduire avec les membres d’autres espèces est depuis longtemps dépassée. Les mâles des cichlidés Pundamilia nyererei (à gauche) et Pundamilia pundamilia ont adapté leurs couleurs nuptiales à la lumière à dominante rouge ou bleue de leur environnement et donc à la sensibilité spectrale développée en conséquence dans le système visuel des femelles. © Eawag Pour plus d‘information: Prof Ole Seehausen, chef du département d’Ichtyoécologie et Evolution de l‘Eawag, Tel +41 41 349 21 21; [email protected] Téléchargement des photos sur www.eawag.ch 2/2 Université de Berne / Eawag: L’Institut Suisse de Recherche de l’Eau du Domaine des EPF