«Ainsi, de toute chose, l’accomplissement est toujours meilleur [que la chose même], car
toutes les choses engendrées sont engendrées en vue de leur accomplissement, et le but
visé est meilleur, et même, de toutes choses, c’est la meilleure. [...] Aussi est-ce d’abord
ce qui relève du corps humain qui arrive à l’accomplissement, puis c’est ce que relève de
l’âme (c'est-à-dire que l’accomplissement du meilleur vient toujours, en quelque sorte, au
terme de la genèse). [...] C’est donc une certaine sagesse qui est, conformément à la
nature, notre accomplissement, et exercer la sagesse est le but ultime pour lequel nous
avons été engendrés. Par conséquent, si nous avons été engendrés, il est clair que nous
existons aussi en vue d’exercer la sagesse et de nous instruire.»
ARISTOTE, Protreptique, III, 16-7
«C’est donc en vue de l’intellection et de l’intelligence que toute chose est digne d’être
choisie par les hommes [...] Et répétons-le : parmi les pensées, sont libres celles qui sont
dignes d’être choisies pour elles-mêmes, tandis que celles qui fondent la connaissance
sur d’autres motifs ressemblent à des [esclaves]. Or partout ce qui est digne d’être choisi
pour soi-même est supérieur à ce qui n’est digne d’être choisi que pour d’autres choses,
parce que ce qui est libre est aussi supérieur à ce qui ne l’est pas.»
ARISTOTE, Protreptique, IV, 18-19
«Par conséquent, exercer la sagesse et contempler [considérer les choses au point de
vue l’esprit] est l’œuvre de la vertu, et, entres toutes choses, c’est la plus digne de choix
pour les hommes, de même que voir l’est aussi, je crois, pour les yeux : c’est ce qu’on
choisirait d’avoir, même si par là ne devait en résulter rien d’autre que la vue elle-même.»
ARISTOTE, Protreptique, X, 32
«C’est précisément cela que Platon a placé au cœur des dialogues socratiques [semer le
doute], et il a, en passant mais avec netteté, suggéré dans le Théétète [...] que la philoso-
phie procédait initialement de ce sentiment, universel mais largement propre à elle (car
elle repose tout entière sur lui), à savoir le thaumazein, l’étonnement. Par celui-ci se révèle
une certaine étrangeté de ce qui est perçu, pensé ou dit, qui apparaît, à l’instant où on le
perçoit, comme incompréhensible. Le thaumazein se révèle l’amorce même de la philoso-
phie, parce que l’étonnement comporte en lui l’exigence d’aller au-delà de lui-même, de
surmonter le doute, en somme de se surmonter comme tel, par le dénouement du nœud
problématique, source d’aporie qui s’est présenté.»
BALAUDÉ, Le savoir-vivre philosophique, 25-6
«THÉÉTÈTE – Et par les dieux, Socrate, à quel point je m’étonne de ce que ces choses-là
peuvent bien être, cela dépasse les bornes ; et quelquefois, pour dire le vrai, quand j’y
porte le regard, j’ai la vue qui s’obscurcit.
SOCRATE – C’est que Théodore, mon cher, paraît ne pas mal deviner au sujet de ta natu-
re. Car c’est tout à fait de quelqu’un qui aime à savoir, ce sentiment, s’étonner : il n’y a pas
d’autre point de départ de la quête de savoir que celui-là, et celui qui a dit que Iris est née
de Thaumas n’a pas mal dressé sa généalogie.»
PLATON, Théétète, 155c-d