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Notes techniques sur Blinkity Blank (1955)
L’aspect visuel
Ce film d’animation réalisé sans caméra a été gravé directement sur une pellicule
recouverte d’émulsion noire au moyen d’un couteau, d’une aiguille et d’une lame de
rasoir. Des colorants transparents et une brosse en poil de martre ont servi à colorer la
gravure.
Le fait de travailler directement sur la pellicule noire opaque soulève la question
de la disposition et du repérage de l’image gravée. Blinkity Blank cherche précisément à
contourner le problème en explorant les possibilités qu’offrent l’animation intermittente
et l’irrégularité de l’image.
Cela signifie que le film n’a pas été conçu de la façon habituelle, les cadres se
suivant inexorablement et chaque seconde réclamant à tout prix sa juste ration de vingt-
quatre images par seconde. Non : sur la noire bande vierge de celluloïd tendue sur ma
table de travail, je gravais çà et là, escamotant bien des plages et répandant pour ainsi
dire les images sur le ruban vide du temps, laissant place aux intervalles, à la musique
et aux idées naissant au fil de ma gravure.
Les cadres sont pour la plupart absolument vides. Lorsqu’un film de ce genre est
projeté à la vitesse normale, l’œil reçoit le contenu d’une image isolée à un quarante-
huitième de seconde mais, à cause de l’image rémanente et de la persistance de la
vision, l’image demeure en réalité beaucoup plus longtemps sur la rétine et peut se
maintenir dans le cerveau de plusieurs secondes avant d’être remplacée par l’apparition
d’une image nouvelle.
La possibilité de jouer avec ces facteurs constituait l’un des intérêts de Blinkity
Blank sur le plan technique. Parfois, pour accentuer davantage, je gravais deux ou
plusieurs (au moins trois ou quatre) images adjacentes. Il arrivait qu’un ensemble
comporte des images continues et reliées entres elles, ce qui renforçait l’action et le
mouvement. À d’autres moments, l’ensemble se composait uniquement d’un essaim
d’images discontinues sans rapport entre elles et qui avaient pour effet de créer une
impression visuelle globale. Pour produire une rupture nécessaire avec l’action
saccadée des images isolées ou groupées, j’ai inséré des sections plus longues
formées d’images contiguës dont le mouvement coulait à la manière traditionnelle.
Au cours du processus de fabrication du film, les expériences et les essais
effectués ont mis au jour un certain nombre de lois liées à la vision persistante, aux
effets des images rémanentes et intermittentes produits à la fois sur la rétine et le
cerveau, en particulier lorsque ces images se présentent dans un ordre séquentiel et
continu.
Peut-être le film se rapproche-t-il du croquis, qui repose sur une impression née
d’une action particulière à un moment précis, ou du travail du dessinateur suggérant une
scène laissant intacte la majeure partie de la page et se limitant à donner par endroits
un coup de crayon, à esquisser un trait ou à ajouter une tache de couleur, souvent pour
aborder un sujet complexe. Cette méthode contraste avec celle du cinéma d’animation