TOUT PASSE,
SAUF LE PASSE
LUC HUYSE
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Aan O.,
voor alles en nog veel meer
Publié par AWEPA, 2009
www.awepa.org
Titre original :
Alles gaat voorbij, behalve het verleden
© Luc Huyse & Van Halewyck (2006)
Éditeur original :
Van Halewyck, Leuven, 2006
Traduction: Haasl BVBA
© de la traduction française :
Luc Huyse & Van Halewyck (2009)
Photo de couverture : Corbis
Conception de couverture : ????
Conception graphique : ????
Imprimé par : ?????
ISBN : ??????
SOMMAIRE
Préface 7
Prologue 9
Partie I – contre l’oubli 15
1 Un regard étonné sur le passé 17
2 Des victimes et des bourreaux 21
1 Les proies 23
2 Les chasseurs 38
3 Quand les victimes et les bourreaux
changent régulièrement de rôle 46
Partie II – effAcer lA douleur et
déblAyer le terrAin 55
1 La politique de la fermeté 57
1 De Solferino à Rome 58
2 Le juge pénal, fournisseur de justice 74
3 Trois voies 77
2 La justice, mais par d’autres voies 107
1 En quoi les tribunaux échouent 110
2 Anciens rituels, nouvelles applications 118
3 Un bilan intermédiaire 123
3 Amnistie, le péché originel 125
1 L’amnistie est un mot contaminé 126
2 Pourquoi effacer la faute ? 129
3 Pourquoi pas ? 131
4 Et alors ? 139
4 Exhumer le passé 141
1 Vérité et réconciliation, à la sud-africaine 142
2 La troisième voie 169
6 7
Partie III – l’Avenir du pAssé non Assimilé 183
1 Une évolution spectaculaire 185
2 Plaidoyer pour le réalisme 189
1 Les leçons de l’Argentine 190
2 Chaque chose en son temps 195
3 Pas de carte blanche 200
3 Aux gardes-champêtres de la justice 203
1 Fondamentalisme juridique ? 204
2 Investir dans quoi ? 208
Epilogue 217
Signet 221
PRÉFACE
Une guerre civile, une répression brutale, l’apart-
heid : ça ne meurt jamais complètement. Le cha-
grin que ces tragédies causent et les questions restées
sans réponse hantent l’esprit de ceux qui ont survécu.
Ils habitent, telle une douleur fantôme, le corps de ceux
qui viennent après eux, de leurs enfants et des enfants
de leurs enfants.
L’auteur de Tout passe, sauf le passé relate comment, de
l’Argentine au Zimbabwe, des hommes et des femmes
luttent contre une douleur qui ne veut pas les quitter.
En Éthiopie, il suit le procès du dictateur Mengistu ; en
ex-Yougoslavie, il écoute les survivants d’un massacre ;
en Espagne, il voit comment on enterre une nouvelle
fois Franco ; en Afrique du Sud, il s’entretient avec les
membres de la commission de vérité ; enfin, il s’inter-
roge sur les raisons du succès de ces mères et grands-
mères argentines de la Place de Mai. Apprivoiser le pas-
sé, c’est cela qui compte à chaque fois. Et, si possible,
mettre du baume au cœur de ceux qui vivent au-
jourd’hui et demain. Mais ce qui semble passé ne passe
pas.
Ce livre se lit aussi comme le récit d’une expédition
personnelle en terre inconnue. L’auteur s’appuie sur les
expériences qui ont été accumulées dans les pays (plus
particulièrement, la Belgique, la France et les Pays-Bas)
qui, après la seconde guerre mondiale, ont été confron-
tés au douloureux héritage de l’occupation allemande.
Avec cette histoire comme toile de fond, il examine les
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défis auxquels sont confrontées tant de sociétés ailleurs
dans le monde.
Tout passe, sauf le passé n’est pas un ouvrage académique.
Il ne comporte pas de notes, presque pas de jargon. Ce
rapport est composé comme un guide pratique qui sera
présenté aux sociétés qui sont confrontées à un passé de
guerre et de répression. Il sera distribué gratuitement
aux parlementaires, aux leaders de la société civile ainsi
qu’aux journalistes de ces pays. L’AWEPA (l’Associa-
tion des parlementaires européens pour l’Afrique) utili-
sera cette publication pour des actions de renforcement
des institutions en Afrique. Cette organisation travaille
en coopération avec des parlements sur ce continent.
Elle pense que des parlements forts constituent des
conditions préalables essentielles au développement de
l’Afrique car ils contribuent à la paix, à la stabilité et à
la prospérité sur ce continent. Les politiques axées sur le
traitement de l’héritage des multiples atrocités ont une
incidence directe sur la quête de la paix, de la stabilité et
de la prospérité. Telle est la raison d’être du présent
ouvrage.
La traduction et la diffusion du présent rapport ont
été rendues possibles grâce à l’aide du service ‘Consoli-
dation de la Paix’ du Service Public fédéral des Affaires
étrangères, Commerce extérieur et Coopération au Dé-
veloppement. L’AWEPA et Luc Huyse en remercient
chaleureusement l’Ambassadeur Luc Teirlinck et ses
collaborateurs. (L’auteur est seul responsable des opi-
nions exprimées dans cet ouvrage.)
PROLOGUE
Comment un homme en vient-il durant à peu près la
moitié d’une vie à lire et à écrire sur le thème des
séquelles de la guerre et des misères qui l’accompa-
gnent ? C’est une question que j’ai souvent l’occasion
d’entendre. Le divan du psychiatre pourrait peut-être
mettre au jour un événement s’étant produit au cours
des journées de septembre 1944. La ville belge je vi-
vais était libérée. Maman entendait dire par les voisins
que l’on était en train de piller les maisons de Belges
partisans des Allemands. Il y avait bien quelque chose à
chiper disait-elle : du beurre, du charbon, des chandails
en laine. Ainsi, mon père m’a emmené, je n’avais pas
encore sept ans, la manne était à ramasser. Je m’en
souviens : un trottoir où des meubles, des livres, des
marmites et des poêles étaient jetés sur la rue, et les pro-
priétaires, hagards, attendant ce qui pouvait encore arri-
ver. Papa a trouvé deux tomes d’une encyclopédie fran-
çaise. Des livres, cela avait plus de valeur qu’un peu de
lard ou de fromage pour le typographe qu’il était. Une
fois de retour, maman lui a demandé comment elle de-
vait cuire ce papier. Mes journées de libération à moi et
une paire de livres, est-ce en cela que réside une partie
de l’explication ?
Ou bien cette fascination a-t-elle des racines encore
plus profondes ? J’entendais parfois la guerre en plein
milieu de mes cours. C’est le premier jeudi du mois, il
est douze heures et les pompiers de Louvain essaient les
sirènes. Un hurlement. L’alerte aérienne. Le garçonnet
10 11
qui s’enfuyait en pleurant dans la cave, en mai 1944,
lorsque sa ville était bombardée presque chaque jour
par les Américains, s’éveille quasi instantanément en
moi. est l’établi en bois de mon père sous lequel on
pouvait se cacher avec tant de confiance ? Je me suis ar-
rêté au beau milieu d’une phrase pendant mon cours. Je
vois des visages étonnés, aussi je demande à mes étu-
diants s’ils connaissent le bruit qui pénètre par les fe-
nêtres ouvertes. Mais aucun d’eux n’a même entendu
les sirènes.
Chaque guerre survit sous d’innombrables aspects. Dans
la littérature, des films, des monuments, des musées, des
cimetières, des commémorations. Mais, plus important
encore, elle s’incruste dans nos sens, comme le hurle-
ment des sirènes me l’a fait éprouver si souvent. Et elle
se cache dans le paysage et manifeste encore sa présence
de temps à autre. À moi également. Juste à côté de
l’habitation de mes parents se trouve un champ sur le-
quel un étrange phénomène peut être observé chaque
été. Quelque part au milieu, les cultures ne poussent
presque pas. Elles s’étiolent. Une bombe est tombée
il y a plus de soixante ans. La terre calcinée reste impro-
ductive, saison après saison.
Au cours de la première moitié du vingtième siècle,
les guerres étaient essentiellement des confrontations
entre des États. Les choses ont changé et les conflits san-
glants se déroulent à présent principalement à l’inté-
rieur des frontières d’un pays. Des guerres civiles donc,
quelque cent trente depuis 1945. Chaque fois, le prix en
a été épouvantablement élevé : 18.000 morts en moyenne
et un nombre incalculable de blessés. Certaines ont été
de courte durée, d’autres se sont éternisées pendant des
décennies. Il s’est agi parfois de l’agonie d’un régime
colonial. Ailleurs, c’était un régime répressif qui a été à
l’origine d’une guerre civile. Le plus souvent encore,
des groupes de population se sont battus pour des ma-
tières premières, des terres agricoles, de l’espace. Dans
le pire des cas, cela a abouti à un génocide. Chaque fois,
il y a la confrontation individuelle avec un grand cha-
grin et des communautés entières cherchent inlassable-
ment à assimiler ce qui leur est arrivé. Il s’agit toujours
de dompter le passé et, si possible, d’apporter la paix dans
l’esprit et dans le cœur de ceux qui vivent aujourd’hui
et qui vivront demain. Mais ce qui semble passé ne s’ef-
face pas. Tel est le thème du présent ouvrage.
Mon premier pas dans l’univers du passé non assimi-
lé a été une étude sur le jugement, après la seconde
guerre mondiale, des Belges ayant collaboré avec l’occu-
pant allemand. Un peu plus tard, c’est le sort de leurs
congénères français et néerlandais qui a constitué mon
centre d’intérêt. L’implosion du communisme en Eu-
rope centrale et orientale a, à son tour, fourni du nou-
veau matériel. Ensuite, cela a été le tour de l’Afrique.
L’Éthiopie a constitué une première étape. Mengistu, le
chef d’un régime brutal, a prendre la fuite en mai
1991. Trois ans plus tard, les procès contre ses partisans
ont débuté. Il a été possible de bien suivre certains
d’entre eux, grâce à la traduction simultanée à partir de
l’amharique. Par la suite, j’ai pu observer sous d’autres
aspects encore la liquidation des anciennes blessures en
Afrique du Sud, au Burundi et au Zimbabwe.
C’est pourquoi, ce livre se veut également le récit
d’une expédition personnelle dans un domaine encore
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