DIFFUSION OPTIQUE INDUITE PAR LE CHAMP ÉLECTRIQUE DANS LES STRUCTURES NÉMATIQUES G. Assouline, E. Leiba To cite this version: G. Assouline, E. Leiba. DIFFUSION OPTIQUE INDUITE PAR LE CHAMP ÉLECTRIQUE DANS LES STRUCTURES NÉMATIQUES. Journal de Physique Colloques, 1969, 30 (C4), pp.C4-109-C4-113. <10.1051/jphyscol:1969426>. <jpa-00213728> HAL Id: jpa-00213728 https://hal.archives-ouvertes.fr/jpa-00213728 Submitted on 1 Jan 1969 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. JOURNAL DE PHYSIQUE Colloque C 4, supplément au no 11-12, Tome 30, Nov.-Déc. 1969, page C 4 - 109 DIFFUSION OPTIQUE INDUITE PAR LE CHAMP ÉLECTRIQUE DANS LES STRUCTURES NÉMATIQUES G. ASSOULINE, E. LEIBA Résumé. - Un milieu nématique soumis à un champ électrique et traversé par le courant électrique devierit fortement diffusant. L'origine du phénomène est le mouvement d'ions négatifs dans le milieu. Nos expérimentations faites avec un produit commercial, le p-(p-ethoxyphenylazo phényl heptanoate) montrent que cet effet présente un seuil de tension. Ce seuil pourrait correspondre à une ionisation du milieu. Celle-ci ne serait pas responsable directement des ions négatifs, seuls utiles au phénomène de diffusion, mais favoriserait par un effet secondaire, la formation de la charge d'espace. Abstract. - A nematic liquid crystal subjected to an electrical field becomes turbulent and scatters strongly the incident light. This effect is due to the flow of negative ions which shear the liquid crystal. Our experiments, with a commercial nematic, p-(p-ethoxyphenylazo phenyl heptanoate), show that there is a voltage threshold. This threshold possibly corresponds to an ionization of the liquid. Tt is thoirght that this ionisation produces the negative ions by a secondary effect which is related to a cathode potential fall. 1. Introduction. - Les molécules des corps présentant une phase mesomorphe sont de forme allongée. La phase dite nématique est caractérisée par l'orientation commune que prennent les axes des molécules. Une couche de cette structure est de ce fait optiquement anisotrope. On peut agir sur la direction de l'axe optique à l'aide d'un champ électrique ou magnétique. Ceux-ci ont en effet la propriété d'orienter les molécules du nématique. L'effet étudié ici est un effet nouveau mis en évidence par Heilmeier [l] et dénommé par lui « dynamic scattering mode » (DSM). Cet effet est la base de la plupart des applications des structures nématiques dans le domaine de l'électrooptique. Il est provoqué par l'application d'un champ électrique, accompagné du passage d'un courant. En absence de champ, le milieu est parfaitement transparent ; l'application du champ rend ce milieu fortement diffusant. Nous rapportons ici des mesures effectuées sur cet effet concernant plus spécialement un produit choisi pour sa gamme de température très large (600 à 119 OC) et pour ses caractéristiques bien adaptées aux exigences de la visualisation. Plusieurs observations viennent confirmer la théorie donnée par Heilmeier ; cependant, d'autres constatations ont été faites, qui demandent des explications complémentaires. II. Description du phénomène. - La cellule est formée d'un condensateur plan où le diélectrique est un film de nématique (Fig. 1). L'épaisseur de celui-ci est déterminée par deux cales de mylar, fixant l'écartement des électrodes de 6 à 100 p. Nous avons utilisé surtout des dépôts métalliques sur des lames de verre comme armatures. ELECTRODE SEMI.TRANSPARENTE CALES DE MYLAR (6 A 100t11 LAME DE VERRE \ CRISTAL LlOUlOE ELECTRODE RCFLECH~SSANTE FIG. 1. - Structure de la cellule. Notre étude a porté principalement sur un produit du commerce, le p-(p-ethoxyphenylazo) phenyl heptanoate nématique entre 600 et 119 OC. La figure 2 représente le dispositif de mesure de la diffusion optique. Celle-ci se produisant surtout vers l'avant, l'électrode inférieure est parfaitement réfléchissante. L'électrode supérieure a une transmission de l'ordre de 50 %. L'éclairement est effectué sous incidence oblique à l'aide d'un laser He-Ne ou d'une lampe à filament de tungstène. Une lentille Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphyscol:1969426 G . ASSOULINE, E. LEIBA PHOTOMULTIPLICATEUR LENTILLE COLLECTRICE FIG.2.- Dispositif de mesure de la diffusion induite par le champ électrique. placée entre la couche et le photomultiplicateur recueille le rayonnement diffusé dans la direction perpendiculaire à la couche. En l'absence de champ, le courant du photomultiplicateur correspondant à la faible diffusion existante est pris égal à l'unité. Nous définissons ici le contraste comme le rapport entre l'indication du photodétecteur en présence et en absence de champ électrique, La figure 3 représente la courbe de contraste relevée dans ces conditions. augmente la tension, le contraste augmente, permettant ainsi la représentation des teintes intermédiaires. Au-delà d'une certaine tension, variable avec I'épaisseur du sandwich, l'effet présente une saturation marquée. Le contraste maximal est de l'ordre de 12 ; il est indépendant de i'épaisseur du sandwich, c'est-à-dire du nombre de centres diffuseurs. En lumière non polarisée, le contraste maximal n'est que de 6 ou 7, ceci s'expliquant par la réflexion différente du verre suivant la polarisation. La figure 3 donne également la variation du courant en fonction de la tension. On constate, d'une part que le courant existe avant que ne se manifeste l'effet de diffusion et, d'autre part, qu'il n'y a pas saturation. Un relevé plus minutieux du courant pour les faibles tensions montre (Fig. 4) que la courbe présente un coude précisément à 5,5 V et ceci quelle que soit l'épaisseur. Ce coude est suffisamment net pour indiquer que l'effet de diffusion est lié à une apparition de porteurs de charges. FIG.4.- Courbe 1 = f (Y). FIG. 3. -Diffusidn et courant en fonction de la tension, épaisseur 8 p, T = 620. Contraste = 1 Diffusé en présence du champ J Diffusé sans champ On constate que la diffusion induite par le champ électrique débute assez brusquement à partir d'une tension de 5,5 volts. Il s'agit effectivement d'un seuil en tension, et non en champ électrique, tout au moins pour des épaisseurs inférieures à 100 y. Lorsqu'on III. Etude expérimentale. - L'origine de cet effet de diffusion a été établie par Heilmeier et all. La diffusion est provoquée par la formation d'ions négatifs apparaissant à la cathode et se déplaçant sous I'effet du champ vers l'anode en entraînant de la matière. Le mouvement de ces ions provoque la désorientation des molécules du nématique, et en conséquence la diffusion de la lumière, soit par cisaillement dû à un champ de vitesse (molécules à axe d'inertie distinct de l'axe dipolaire), soit par courants de convection provoquant des turbulences. DIFFUSION OPTIQUE INDUITE PAR LE CHAMP ELECTRIQUE L'existence de cette charge d'espace entraîne un gradient de pression à l'intérieur de la cellule, ainsi qu'il a été constaté expérimentalement, et cette diBérence de pression entre anode et cathode apparaît à peu près en même temps que l'effet de diffusion. Ce qui est moins bien établi, c'est le point de départ, à savoir l'origine des ions négatifs. Ils peuvent provenir, soit de la dissociation par le champ électrique du nématique ou d'impuretés, soit de l'émission d'électrons par la cathode par effet Schottky ou même par effet de champ (fixation des électrons sur les molécules neutres et formation d'ions négatifs). Heilmeier conclut que l'effet majeur provient de la dissociation de nématique. Les arguments présentés en faveur de cette hypothèse sont : - le courant varie conformément à la loi en exp M V % / ~où T a est une constante convenable et V la tension appliquée, - le courant augmente quand l'écartement entre électrodes augmente. Nous avons effectivement constaté que ceci était exact dans la plupart des cas. Cependant, quelques observations contribuent à rendre cette explication incomplète. Il n'y a pratiquement aucune corrélation entre la valeur du courant traversant le dispositif et l'intensité de la lumière diffusée. La figure 5 montre que, bien que le courant varie dans un rapport de 10 ou même de 100, la courbe de diffusion ne subit que des modifications mineures. . /1 1 C 4 - 111 Si l'on fait varier la température, le courant augmente conformément à la loi en exp v % / ~ alors T que la diffusion a plutôt tendance à diminuer (Fig. 6). Nous reviendrons plus loin sur le comportement de la diffusion en fonction de la température. FIG.6. - Influence de la température. Si l'on change la nature de l'électrode, le courant est considérablement modifié mais sans répercussion sur la diffusion. La figure 7 montre les courbes rela- 20- 1 CONTRASTE 1 / -15 15. 'l I ,' FIG. 5. - --- Contraste = f (v). - - - - - - Courant J = f (v). FIG. 7. - Electrodes Au-Au,. épaisseur 10 u. . Al cathode. - Al cathode. -- -- G . ASSOULINE, E. LEIBA C 4 - 112 tives à une cellule à électrodes différentes. Les courbes de contraste sont décalées dans l'échelle des tensions par suite des potentiels de contact différents. Si l'on tient compte de ce décalage, les deux courbes sont à peu près superposables. Bien que le courant varie dans le même sens que le travail de sortie, il n'est pas possible de trouver une relation entre l'intensité 1 et le potentiel de sortie di de la cathode. Il est certain toutefois, que l'effet Schottky existe et qu'il est parfois prédominant. Or, cet effet peut donner directement des ions négatifs, par fixation des électrons sur les molécules neutres, alors que l'hypothèse de la dissociation moléculaire, qui donne des ions positifs et négatifs en quantité égale, demande une hypothèse supplémentaire pour éliminer une catégorie d'ions. Une dernière constatation enfin : le courant ne varie pas toujours en exp v % / ~ mais T suit souvent une loi moins simple. En conclusion, on peut penser que les ions responsables de l'effet optique ne constituent qu'une faible partie du courant total mesuré, puisqu'il n'y a aucun lien entre la valeur du courant et l'effet optique. Si on se limite à l'étude du courant, les ions négatifs peuvent provenir de l'un des deux mécanismes, effet Schottky et dissociation moléculaire, sans que l'on puisse conclure. Dans un effort pour mieux saisir l'origine de ces ions, nous avons étudié plus attentivement le seuil de la courbe de diffusion. IV. Etude du seuil et interprétation du phénomène. de diffusion débuta toujours à la même tension, 5,5 volts environ, quel que soit l'écartement des électrodes entre 6 et 100 p, valeurs extrêmes essayées (Fjg. 8). - L'effet La figure 9 montre que ce seuil est indépendant de la nature des électrodes. 1 CONTRASTE FIG.9. - Courbes de contraste, influence de la nature des électrodes. Lorsqu'on utilise des électrodes différentes, le seuil varie légèrement à cause de la différence de potentiel de contact ; si on en tient compte, le seuil reste le même. Le seuil n'est pas fonction de l'état de surface de l'électrode : des cellules avec des électrodes en verre ordinaire ou en verre poli optiquement donnent la même tension de démarrage. Par contre, lorsqu'on opère en impulsions, le seuil varie en fonction de la durée de l'impulsion de tension appliquée. La figure 10 montre que la tension de seuil augmente lorsque l'impulsion de tension devient plus courte. Le fait que le seuil, qu'il soit en champ ou en tension, dépende du temps pendant lequel l'action élec- f CONTRASTE FIG.8. - Courbes de contraste, influence de l'épaisseur de la cellule. FIG. 10. - Variation de la tension de seuil en fonction de la largeur T de l'impulsion de tension, épaisseur 12 p. DIFFUSION OPTIQUE INDUITE PAR LE CHAMP ÉLECTRIQUE trique se manifeste, indique qu'il ne s'agit pas d'un seuil d'émission par effet Schottky. Les seuls mécanismes qui dépendent de la durée peuvent être, soit une accélération des ions suffisante pour cisailler la masse du liquide et faire tourner les domaines, soit une ionisation par effet d'avalanche (choc des ions sur les neutres). La migration des ions a pour effet d'imposer un champ de cisaillement g = dv/dx où v est la vitesse. Les domaines sont soumis à l'action de ce champ décrit par le paramètre g et à l'action inverse de i'agitation thermique décrite par la constante de diffusion rotationnelle Dr.Pour que les ions en mouvement puissent entraîner les domaines, il faut que g devienne supérieur à Dr. Il faut donc que les ions puissent acqué rir une vitesse suffisante, d'où apparition d'un seuil. La deuxième hypothèse qui suppose une ionisation par choc des ions existants sur les molécules neutres est plus vraisemblable par le fait que l'apparition de la diffusion est d'un changement brusque de pente la du courant. allons essayer de décrire plus explicitement le mécanisme. Du point de vue électrique le nématique se comporte comme un diélectrique liquide généralement conducteur d'origine ionique. Les ions proviennent de l'eau dissoute ou des impuretés électrolytiques, ou bien sont créés par des agents extérieurs (rayons cosmiques, UV, agitation thermique). En présence du champ ces ions s'accélèrent et pour une tension convenable acquièrent suffisamment d'énergie pour ioniser les molécules neutres. Des mesures publiées [2] sur d'autres diélectriques liquides paraissent indiquer que la tension pour laquelle l'ionisation se produit varie peu avec l'écartement des électrodes. On peut supposer que, par analogie avec ce qui se produit dans une décharge gazeuse en continu, il se forme une gaine cathodique dans laquelle se produit une chute de tension plus importante que dans le reste de la cellule. L'existence d'un champ important dans cette gaine peut expliquer la formation des ions négatifs de deux manières : soit en favorisant l'ionisation en volume délivrant ainsi des ions négatifs attirés par l'anode, les ions positifs restant au voisinage de la cathode, soit qu'elle favorise l'effet Schottky. L'argument éliminant ce dernier à cause de la dépendance du temps n'est plus valable. On explique ainsi en outre, que le phénomène démarre à la cathode. Ce mode de création d'ions négatifs ne se réalise qu'après ionisation. La supposition de Heilmeier selon laquelle une catégorie d'ions (les ions positifs) est éliminée après l'ionisation (absorption ou mobilité dif- C4-113 férente), n'explique pas l'importance de celle-ci. Les ions existent avant ionisation, en quantité suffisante, et la charge d'espace pourrait s'établir immédiatement. Ainsi, l'ionisation déclenche la diffusion parce qu'elle favorise la création d'ions négatifs et non pas parce qu'elle crée des ions en quantité suffisante. V. Effet de la température. - Les mesures de diffusion effectuées en fonction de la température sont reportées sur la figure 6. L'effet de diffusion n'est pas constant dans toute la plage de mésomorphisme. A partir d'une certaine température, l'effet commence à diminuer, pour s'annuler à la température de transition. Ceci peut être dû à une variation de viscosité du nématique ou bien à une diminution progressive de la taille des domaines dans la mesure ceux-ci existent, ou enfin à une diminution du degré &ordre. Si la deuxième hypothèse est exacte, on devrait observer une modification de la courbe spectrale de la diffusion. Celle-ci est assez plate dans le domaine du visible. avec ceDendant un maximum vers (3 oOO 4. couleur naturelle du produit, et une décroissance vers les longueurs d'onde plus élevées à partir de 8 000 A, ainsi qu'une variation plus compliquée vers le haut du spectre, à partir de 4 000 A. Dans la limite des mesures entreprises jusqu'à présent, l'allure de cette courbe ne change pas en fonction de la température. La diminution de l'effet de diffusion ne serait donc pas due à une modification de la taille des domaines. Cependant, d'autres mesures sont nécessaires, ainsi que des mesures de viscosité en fonction de la température. VI. Concluslon. - Un milieu nématique soumis à un champ électrique et traversé par le courant électrique devient fortement diffusant. L'origine du phénomène est le mouvement d'ions négatifs dans le milieu. Ceuxci provoquent une désorientation des molécules créant ainsi la diffusion optique. Le phénomène présente un seuil. Ce seuil correspond vraisemblablement à une ionisation du milieu. Celle-ci n'est pas responsable directement des ions négatifs, seuls utiles au phénomène de diffusion, mais favorise par un effet secondaire la formation de la charge d'espace. Références [1] HEILMEIER (G. H.), ZANOM (L. A.), BARTON (L. A.), P. I. E. E. E., juillet 1968, 56. [2] DURAND(E.), Electrostatique et Magnétostatique. Masson-Paris.