Avis du CÉC concernant le respect des ordonnances de non

Avis du Comité d’éthique clinique (CEC) de l’Hôpital du Sacré-Cœur de
Montréal sur le respect des ordonnances de non-réanimation (ONR) par les
anesthésiologistes en salle d’opération
Le CEC a répondu à une demande de consultation du chef des
anesthésiologistes concernant une rencontre de service durant laquelle la
pertinence du respect des ordonnances de non-réanimation a été débattue. Cet
Avis ne constitue pas une prescription morale, mais plutôt une ligne directrice,
dont peuvent s’inspirer les anesthésiologistes et les autres professionnels
concernés les ONR en salle d’opération.
Contexte
La rencontre de service à laquelle ont assisté la présidente et un médecin
membre du CEC en mai 2007 faisait suite à la présentation et à la discussion
d’un cas qui avait suscité des opinions très tranchées et fortement opposées de
la part des anesthésiologistes lors une réunion antérieure. Certains disaient qu’il
fallait réanimer en tout temps, même en présence d’une ordonnance de non-
réanimation (ONR) inscrite au dossier. D’autres étaient d’avis qu’il fallait
respecter l’ordonnance de non-réanimation. Le cas qui avait suscité le débat était
celui d’une dame pour qui la famille avait demandé et obtenu une prescription de
non-réanimation, lors d’une rencontre avec le chirurgien, en cas d’arrêt
cardiaque en salle d’opération. Selon un anesthésiologiste qui avait parlé avec
cette dame, elle semblait apte à participer aux décisions de soins et de
traitements la concernant.
Après une présentation du chef des anesthésiologistes portant sur la
problématique éthique soulevée par le cas, une discussion a suivi entre les
médecins présents. L’essentiel du propos a porté sur le respect ou non des
ONR, lors d’un arrêt cardiaque en salle d’opération, et sur la difficulté pour les
anesthésiologistes de respecter ces ordonnances, parce que cela ne figure pas
au protocole appris durant leurs études et parce que tous les actes qu’ils posent
lors d’une intervention chirurgicale peuvent être considérés comme faisant partie
du domaine de la réanimation. Quels sont les actes qu’ils peuvent poser en
présence d’une telle ordonnance, par rapport à ceux qu’ils ne peuvent pas
poser? Pour plusieurs, cela semble difficile à déterminer.
À cet égard, le problème des chirurgies dites «palliatives», pour lesquelles les
risques opératoires sont très élevés, a été posé. Pour certains, il serait préférable
de ne pas pratiquer ce genre de chirurgies en présence d’une ordonnance de
non-réanimation. D’autres anesthésiologistes sont prêts à respecter les ONR,
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mentionnant qu’il est important de respecter l’autonomie de la personne qui a
discuté avec son chirurgien ou son médecin traitant et qui refuse d’être réanimé
en cas d’arrêt cardiaque survenant en salle d’opération.
Les médecins ont indiqué qu’actuellement les risques opératoires sont discutés
avec les patients au cours d’une rencontre avec le chirurgien. Ils étaient d’accord
sur le fait que le chirurgien ne donnait pas d’indications sur les risques liés à
l’anesthésie.
Repères légaux à considérer dans une réflexion sur la question
1) L'énoncé de la règle fondamentale
Le consentement se fonde essentiellement sur l'inviolabilité de la personne.
L'article 10 du Code civil énonce:
Article 10 al.1
Toute personne est inviolable et a droit à son intégrité.
Deux (2) outils ont été retenus par le législateur pour parvenir à faire de ce
principe une réalité: 1) le consentement et 2) le consentement substitué. Il est
donc essentiel d'appliquer ces outils selon la finalité de l'inviolabilité et non
comme s'il s'agissait d'outils sans fondement.
Or le concept d’inviolabilité a évolué. Il s’est appliqué d’abord à protéger
l’intégrité physique de la personne, pour s’étendre graduellement au respect de
son autonomie.
2) Les outils de réalisation de l'inviolabilité
A) Le consentement
Il semble presque redondant de parler du consentement comme d'un outil de
réalisation de l'inviolabilité parce que justement on a tendance à oublier qu'il en
est ainsi et à considérer le consentement comme une fin en soi. Pourtant un
processus de consentement qui n'a pas pour finalité le respect de l'inviolabilité
de la personne (entendons ici autant l'intégrité que sa volonté) n'a aucun sens et
ne répond pas à aucune exigence du législateur qui s'exprime dans deux articles
sur la question. D'abord le second alinéa de l'article 10 énonce que:
Article 10 al. 2
Sauf dans les cas prévus par la loi, nul ne peut lui porter atteinte
sans son consentement libre et éclairé.
Puis l'article 11 du code précise, sans rien ajouter à l’idée, que:
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Article 11 al. 1
Nul ne peut être soumis sans son consentement à des soins,
quelle qu'en soit la nature, qu'il s'agisse d'examens, de
prélèvements, de traitements ou de toute autre intervention.
Ce consentement rejoindra la finalité du respect de l'inviolabilité dans la seule
mesure où il rencontrera 3 conditions que sont:
i) Provenir d'une personne apte à le donner
ii) Être libre
iii) Être éclairé
i) La personne apte
L'aptitude est un fait clinique, même si elle peut faire en certaines circonstances
l'objet d'une réévaluation postérieure par le tribunal. D'ailleurs un des tests
judiciaires, le plus couramment utilisé, origine de la pratique clinique et est connu
sous le nom de Critères de la Nouvelle-Écosse, en raison de son utilisation
judiciaire et législative en Nouvelle-Écosse depuis 1990.
En vertu des Critères de la Nouvelle-Écosse une personne est apte à consentir
si, au moment où on lui propose un traitement ou un soin diagnostique ou
thérapeutique:
elle comprend la maladie ou l'état pour lequel un traitement lui est proposé
elle comprend la nature et le but du traitement proposé
elle comprend les risques encourus à entreprendre le traitement
elle comprend les risques encourus à ne pas entreprendre le traitement
son état n'entrave pas, de façon générale, son jugement à consentir
Nous pourrions ajouter que cette aptitude varie dans le temps et selon la
complexité des informations à juger. Par ailleurs, d’autres indications cliniques et
éthiques peuvent les compléter.
ii) Le consentement libre
Un consentement est libre lorsqu'il est exprimé sans contraintes morales,
physiques ou psychologiques indues. Cette dernière expression doit qualifier des
contraintes qui sortent de l’ordinaire, de manière à ne pas transformer des
contraintes «normales» en obstacles au pouvoir de décider.
ii) Le consentement éclairé
Finalement, le consentement est éclairé lorsque le malade comprend les
avantages, risques et conséquences des examens et des traitements proposés
et qu'il connaît les alternatives valables, y compris l'absence de traitement.
Évidemment l'obligation de renseignement du professionnel à l'égard de la
personne qu'il traite dépasse la stricte nécessité juridique d'obtenir en bout de
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piste le résultat tangible du consentement, qui se traduit le plus souvent par une
signature. En effet, cette signature doit rencontrer sa finalité c'est-à-dire que non
seulement la personne doit-elle avoir consenti mais encore ce consentement doit
avoir été donné en toute connaissance de cause. Si l'on tentait de dresser la
liste du contenu de l'obligation d'informer, l'on obtiendrait à peu près ceci:
les réponses aux questions
la nature du diagnostic
la nature du traitement ou de l'intervention envisagée
les conséquences de ces gestes thérapeutiques ou prophylactiques
les effets secondaires
la période de convalescence
les risques de complications
les risques importants
les risques prévisibles
les alternatives valables
les conséquences de la décision du patient
la personne qui intervient (le cas échéant)
Il y a cependant deux (2) exceptions à l'obligation d'obtenir un consentement
libre et éclairé d'une personne apte. La première exception confirme une pratique
sociosanitaire de ne pas informer un patient, dont l'aptitude dans notre cas ne fait
pas de doute mais, dont la vie ou l'intégrité physique serait menacée par la
connaissance de cette information. La seconde exception relève de la règle de
simple bon sens qui veut qu'en cas d'urgence le consentement n'est plus requis
comme l'énonce l'article 13 du Code civil :
Article 13 Code civil
En cas d'urgence, le consentement aux soins n'est pas
nécessaire lorsque la vie de la personne est en danger ou son
intégrité menacée et que son consentement ne peut être obtenu
en temps utile.
Il est toutefois nécessaire lorsque les soins sont inusités ou
devenus inutiles ou que leurs conséquences pourraient être
intolérables pour la personne.
Il est donc clair, du point de vue de la loi, qu’une personne apte peut refuser un
traitement, même si la conséquence de ce refus entraîne sa mort, en autant que
ce refus est libre, c’est-à-dire non imposé de l’extérieur par des pressions indues,
et éclairé, c’est-à-dire effectué en toute connaissance de cause. Le refus est
éclairé si la personne a reçu toutes les informations pertinentes à sa prise de
décision.
B) Le consentement substitué.
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Ce qui a été dit du consentement qu'on requiert de la personne directement
concernée n'a évidemment de valeur que dans la mesure où la première
condition de validité est remplie: il s'agit d'une personne apte. Dès qu'il y a
inaptitude, mais pas avant, l'on doit se rebattre sur le consentement substitué qui
comme le consentement simple s'inscrit dans l'idée fondamentale de respecter
l'inviolabilité de la personne.
Dans cette optique de protéger l'inviolabilité de la personne, le législateur tente
de pallier la défection de la volonté directement exprimée, par la possibilité
d'obtenir un consentement substitué d'un protecteur identifié ou directement du
tribunal. Les principes généraux du consentement substitué sont énoncés à
l’article 11 al.2 du Code civil:
Article 11 al.2
Si l'intéressé est inapte à donner ou à refuser son consentement
à des soins, une personne autorisée par la loi ou par un mandat
donné en prévision de son inaptitude peut le remplacer.
Trois aspects méritent une attention particulière: 1) Définir les situations où l'on
aura recours à un substitut ou au tribunal. 2) Déterminer ce qu'on entend par
l'obligation faite au substitut d'agir dans le seul intérêt du patient. 3) Délimiter les
volontés dont devra tenir compte le substitut dans sa décision.
1) Situations où l'on aura recours à un substitut ou au tribunal
Ici, les règles du Code civil instaurées en 1991 viennent réglementer certaines
situations qui peuvent être départagés en 3 catégories: les mineurs de moins de
14 ans, les mineurs de 14 ans et plus et les personnes majeures inaptes à
consentir ou à refuser des soins (personnes sous tutelle, curatelle ou sous
mandat d’inaptitude). Si, dans les faits, la personne est apte à consentir ou
refuser un soin, il est interdit de recourir au consentement substitué, même si elle
est sous tutelle ou curatelle.
Ainsi, si la personne a rédigé un mandat en cas d’inaptitude, ce dernier n’est pas
valide avant d’avoir été homologué. Ceci signifie qu’une personne qui a rédigé
un tel mandat peut être encore apte. Si tel est le cas, sa volonté prévaut sur celle
d’une personne qui a été nommée pour la représenter quand elle sera inapte et
sur celle de ses proches.
2) & 3) L'intérêt et la volonté du patient
Déterminer qui sera le substitut est certes important mais n'est pas l'essentiel du
consentement substitué malgré la multitude des règles. De la même façon que
le formulaire AH-101 n'est pas l'essence du consentement, il n'en est que le
véhicule, l'essence du consentement substitué se trouve dans les obligations du
substitut et pas seulement dans sa désignation.
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