Nostra Aetate : le levain dans la pâte

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Nostra Aetate : le levain dans la pâte
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Nostra Aetate : le levain dans la pâte
Conférence du Jeudi 17 mars 2016
Au temple 4, rue Villars Aix-en-Provence
par Bernadette Avon pour l'AJC Aix-en-Provence
Introduction
Si tous les catholiques savent que leur Église a tenu un concile appelé Vatican II (11 octobre 1962 8 décembre 1965 en 4 sessions), voulu par le pape Jean XXIII, peu nombreux sont ceux qui savent
ce qu’ils lui doivent. Et encore plus rares sont ceux qui savent de quoi il retourne lorsqu’on évoque
le texte « Nostra Ætate », un des derniers documents à avoir été promulgué (28 octobre 1965).
- Les buts du concile1
Selon le discours d’inauguration du concile par Jean XXIII, le 11 octobre 1962, il est d’abord affirmé
que « la doctrine de l’Église est immuable et doit être fidèlement respectée. » Toutefois la tâche du
concile est de la présenter « de la façon qui répond aux exigences de notre époque » (ea ratione
quam tempora postulant nostra).
Et, dans les exigences de l’époque, il y a un mouvement né au XIX e siècle qui a pris de l’ampleur
après la seconde guerre mondiale : le mouvement œcuménique2. Le pape lui accorde une telle
importance que dès l’annonce du concile il émet le souhait de l’ouvrir à des observateurs des
autres confessions chrétiennes, chose qui ne s’était jamais faite. Et pour cela, dès 1960, il crée une
commission qui devient très vite un secrétariat pour l’Unité des chrétiens qu’il confie au cardinal
Bea en tant que président et au cardinal Willebrands comme secrétaire 3. À peu près dans le même
temps, Jean XXIII va aussi se préoccuper des relations de l’Église avec le judaïsme.
Paul VI, qui succède à Jean XXIII, assigne quatre objectifs au concile dans son discours d’ouverture
de la seconde session :
- l’approfondissement de la doctrine de l’Église,
- le renouveau de l’Église à travers un retour à ses traditions les plus « authentiques et
fécondes »,
- la recomposition de l’unité entre tous les chrétiens,
- l’ouverture d’un dialogue avec le monde contemporain.
- Quelques précisions techniques sur les documents du concile
À partir de ces objectifs, on peut comprendre pourquoi le concile a promulgué 16 textes en 3
types de documents : 4 constitutions, 9 décrets et 3 déclarations. Si on fait ces distinctions, ce
n’est pas tant à cause d’une différence de leur importance théologique, quoique ce sera sur cet
argument que leurs détracteurs s’appuieront, que par rapport au sujet traité et à la manière de le
traiter.
En effet s’agit-il d’affirmer l’immuabilité de la doctrine, on aura des constitutions, s’agit-il de
répondre aux exigences de l’époque, on aura des décrets. S’agit-il d’un domaine non encore
1
IIe concile œcuménique du Vatican, consultation Wikipédia consultation 25 janvier 2016
2
Origine de l’œcuménisme Wikipédia consultation 5 mars 2016. h oikoumenh = la terre habitée
3
Théo 1992, p. 585
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abordé par les différents conciles, on aura des déclarations 4. On peut dire aussi à propos des
déclarations, qu’elles permettent un réel temps d’adaptation liée à la réflexion en tenant compte
de l’évolution de la pensée, de la prise de conscience des problèmes.
Mais si les constitutions et les décrets, dans un esprit de continuité, font toujours référence à la
Tradition, c’est-à-dire aux Pères de l’Église et aux différents conciles, ce n’est pas le cas des
déclarations parce qu’elles ont un aspect de nouveauté qui défie l’histoire.
Les 3 déclarations ont concerné5 : l’éducation, la liberté religieuse et les relations avec les religions
non chrétiennes. C’est celle-ci qui nous intéresse aujourd’hui et tout particulièrement le §4 qui
concerne les relations avec le judaïsme6.
Ajoutons que les déclarations ne sont pas venues ex nihilo, elles sont profondément liées à
l’expérience humaine qui a fait mûrir les choses, et spécialement l’expérience des guerres, la 2 e
guerre mondiale en particulier, avec d’un côté la fraternité dans les situations de combat et de
résistance et, d’un autre côté, l’horreur de la Shoah. Pouvait-on continuer à se combattre, à
chercher à se convertir, à s’ignorer ?
3 parties
- une petite histoire de la rédaction d’un grand document
- les conséquences de la publication d’un tel document
- la situation actuelle
1e partie : petite histoire de la rédaction d’un grand document
- Les événements qui ont préparé Nostra Ætate
Plusieurs événements ont contribué à préparé Nostra Ætate. Je retiendrai essentiellement :
- La dénonciation par Jules Isaac de l’enseignement du mépris.
- La conférence interreligieuse de Seelisberg en Suisse, du 30 juillet au 5 août 1947 qui visait à
étudier les causes de l’antisémitisme chrétien7.
- La rencontre, le 13 juin 1960, entre Jean XXIII et l’historien Jules Isaac, fondateur avec Edmond
Fleg de l’Amitié judéo-chrétienne. À La fin de l’entretien Jules Isaac avait demandé à Jean XXIII :
« Pouvons-nous espérer une révision de l’attitude de l’Église vis-à-vis de notre peuple ? » Ce à quoi
4
- Une constitution a une valeur doctrinale ferme et permanente, elle s’impose d’emblée.
- Un décret est un ensemble de décisions ayant une portée pratique pastorale et disciplinaire pour notre
temps.
- Une déclaration se hasarde dans un chemin neuf et donne des orientations, c'est-à-dire des pistes de
réflexion et de comportement dans l'état actuel du monde et de la recherche.
5
Gravissimum educationis, sur l’éducation chrétienne promulguée le 28 octobre 2965
Nostra Aetate sur les relations de l’Église avec les autres religions promulguée le 28 octobre 1965
Dignitatis humanae, sur la liberté religieuse, promulguée le 7 décembre 1965
6
http://www.notredamedesion.org/fr/dialogue Deux pionniers : le pape Jean XXIII et le cardinal Bea.
7
70 personnalités de 17 pays
- 28 juifs dont Jules Isaac et le rabbin Jacob Kaplan
- 23 protestants
- 9 catholiques dont l’abbé Charles Journet, un des rédacteurs la constitution conciliaire
« Gaudium et Spes » (l’Eglise dans le monde de ce temps) et ami de Jacques Maritain et le P. Démann,
NDS, Cahiers Sioniens, ami de J. Isaac
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Jean XXIII avait répondu : « Vous avez droit à plus que de l’espoir. » Et le pape avait demandé à
l’historien de voir le cardinal Bea ; ce sera fait le 15 juin8.
- La genèse d’un « document sur les juifs »
Jean XXIII était depuis longtemps sensibilisé au judaïsme et à la question juive. Il ne pouvait
oublier l’horreur de la shoah et sa propre impuissance à procurer aux juifs plus qu'une aide
individuelle et restreinte, alors qu'il était Délégué apostolique à Istanbul (1935-1944). Comme
pape, il avait déjà donné l'ordre de supprimer le mot « perfide » dans la prière traditionnelle du
Vendredi Saint (1959). Mais lorsque la même année il demanda aux 2.594 évêques de lui
soumettre des suggestions pour des sujets à traiter au Concile, il ne reçut d'eux que fort peu
d'encouragements explicites quant à sa sollicitude pour les juifs 9.
Dans les sept gros volumes de réponses, Thomas Stransky 10 n’a trouvé qu'une seule référence —
mais combien significative ! — aux juifs. Un prélat d'Amérique Latine plaide pour la «
condamnation de toute persécution contre les juifs pour des raisons religieuses ou ethniques ».
Mais il ajoute : « le Concile ne doit pas oublier les faits du passé et les claires affirmations du
judaïsme international ; pendant des siècles les chefs de ce judaïsme ont méthodiquement conspiré
avec une haine sans répit contre le nom de catholique et ils préparent la destruction de l'ordre
catholique et la construction d'un Judaïsme impérialiste mondial. Devons-nous haïr ? Non ! Mais
vigilance, charité, combat systématique contre le combat systématique de cet 'Ennemi de
l'Homme' dont l'arme secrète est le ferment des pharisiens, c'est à dire l'hypocrisie. »
Par contre, les universités catholiques et les instituts supérieurs d'enseignement qui avaient aussi
reçu officiellement des demandes de suggestions vont donner d’autres réponses. Celle de l'Institut
Biblique Pontifical dont le P. Bea était ancien recteur (1930-1949), comprenait une section, « De
antisemitismo vitando » (pour se garder de l’antisémitisme), où l'on donnait des raisons bibliques
positives pour rejeter la notion bien trop répandue de « malédiction », «réprobation », ou «
responsabilité collective » des juifs dans la mort de Jésus, ainsi que l'idée d'un châtiment divin qui
en serait la conséquence, les condamnant à une errance perpétuelle. Le P. Bea, devenu évêque et
bientôt cardinal est donc apparu comme celui qui était à même de s’occuper du problème.
Qui est le cardinal Bea ?
- Le cardinal Bea
C’est un jésuite, bibliste, dont la passion pour l’Écriture s’est éveillée en même temps que son
intérêt pour la destinée du peuple juif, lorsqu’il est chargé d’enseigner l’Ancien Testament au
théologat de Valkenburg (1917-1921). Dès 1924, il est appelé à Rome pour enseigner la théologie
biblique à l’université pontificale grégorienne, puis il devient recteur de l’institut biblique et inspire
largement l’encyclique de Pie XII 11 « Divino afflante Spiritu » de 1943 qui traite de l’étude moderne
des Écritures saintes12.
8
Sources n° 2
Sources n° 2
10
Sources n° 2
11
Bea a été le confesseur de Pie XII.
12
Le cardinal Bea, wikipédia consultation du 28 janvier 2016
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Et c’est à lui13 que Jean XXIII confie la tâche de travailler et de présenter le texte sur les relations
avec le judaïsme, qui deviendra la 4 e partie de la déclaration Nostra Ætate. Le cardinal Bea dira
plus tard que la question des relations avec les juifs lui tenait particulièrement à cœur. C’était pour
lui un problème personnel et spirituel. Et comme il était déjà chargé du secrétariat pour l’unité des
chrétiens, c’est tout naturellement que les relations avec le judaïsme vont se trouver intégrées à
ce secrétariat, et sont toujours liées à lui. Depuis on a argumenté sur le fait que le christianisme
étant né du judaïsme, les relations avec le judaïsme sont des relations « ad intra », internes à
l’Église elle-même.
Mais il n’était pas le seul à porter ce souci majeur. En France, les sœurs de Notre Dame de Sion le
partageaient déjà largement…
- La congrégation NDS
Notre-Dame de Sion, couramment abrégé en NDS, est une congrégation religieuse catholique
fondée en 1843 par Théodore et Alphonse Ratisbonne, deux juifs convertis au catholicisme.
L'histoire de la congrégation se confond avec celle des relations entre judaïsme et christianisme.
En effet, la spiritualité de la congrégation se caractérise par une conscience de l’enracinement de
la foi chrétienne dans le peuple juif. D'après son texte fondateur : « La Congrégation a été fondée
pour témoigner, dans l’Église et dans le monde, de la fidélité de Dieu à son amour pour le peuple
juif et pour travailler à l’accomplissement des promesses bibliques, révélées aux patriarches et aux
prophètes d’Israël pour toute l’humanité » (Const. 2).
Mais, la congrégation a d'abord été fondée dans un esprit missionnaire : convertir les juifs au
christianisme, les choses ne commencent à changer qu’à partir de l’expérience de la Seconde
Guerre mondiale où nombre des membres de la congrégation vont secourir des familles juives.
Mais le drame de l’affaire Finaly entache encore pendant plusieurs années les orientations de la
congrégation. Le changement d’optique, c’est-à-dire désormais le refus de tout prosélytisme ou
tentative de conversion envers le peuple juif, est total à partir du concile. Et la congrégation
devient alors, dans le monde catholique l'un des principaux acteurs du dialogue avec le judaïsme,
dans le respect de cette religion.
- La naissance d’un document
- Dès l’automne 1960, donc après la visite de Jules Isaac au pape, la presse avait fait état d’une
possible invitation d’observateurs juifs au Concile. L’atmosphère autour de la question n’a pas
tardé à devenir orageuse. Les milieux religieux juifs se divisent, les milieux politiques israéliens
s’intéressent, les milieux arabes s’inquiètent, décelant dans la démarche conciliaire un pas vers
une future reconnaissance officielle de l’État d’Israël. Alors que pour les autorités du Concile, la
question est purement religieuse, elle devient vite une affaire politique. Les patriarches des Églises
orientales s’inquiètent des conséquences pour leurs communautés. Les rumeurs se multiplient,
surgissent les menaces…14
13
Jean XXIII le crée cardinal en décembre 1959, pour lui donner le poids nécessaire pour contacter les Églises et
communautés chrétiennes non catholiques et créer un réseau d’observateurs qui participeront au concile. C’est
la première fois qu’une telle initiative est prise. Pour ces Églises et ces communautés, tout est neuf, et leur
méfiance séculaire vis-à-vis de l’Église catholique doit être surmontée. Bea sera vraiment la cheville ouvrière des
contacts œcuméniques avant et durant le concile Vatican II. Ensuite il sera le premier président du Conseil
pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens. Grand architecte de l’amélioration des rapports de l'Église
catholique avec les autres confessions chrétiennes.
14
Sources 3
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5
- En 1961, le Secrétariat pour l’unité des chrétiens rédige un projet de décret ‘Sur les Juifs’. Le
cardinal Bea en donne les raisons et réfute toute contre-indication, la question juive au Concile
étant exclusivement religieuse, sans la moindre implication politique. Le sujet pourrait être
présenté en schéma indépendant ou intégré dans un autre schéma idoine14.
- Mais au vu des réactions, en juin 1962, donc avant la 1 e session du concile, il est décidé de retirer
le document ‘sur les Juifs’.
- Du côté de NDS14, on avait reçu une note conclusive de la rencontre de Jules Isaac avec Jean XXIII
(du 13 juin 1960). D’après cette note, Jules Isaac avait fait au pape une suggestion : ne pourrait-on
penser à une « sous-commission » conciliaire chargée spécialement d’étudier la grave question de
l’enseignement chrétien concernant le peuple de l’Ancien Testament, le « Vieil Israël » ? « Nous
sommes, disait-il, j’en ai la conviction, nombreux à former d’un cœur fervent et plein d’espoir, le
vœu que le Saint Père non seulement envisage et adopte l’idée de cette création, mais encore, pour
lui donner plus de résonance - qu’il veuille l’annoncer sous telle ou telle forme qu’il lui plaira et qu’il
en montre à tous les fidèles la très haute signification. » Et la note se terminait ainsi : « Présentant
de telles requêtes, j’ai pleinement conscience de mon audace, mais j’ai aussi conscience de parler
au nom des martyrs de tous les temps. Mes épreuves, mes deuils, les recommandations suprêmes
que j’ai reçues, m’ont confirmé que c’était vraiment une mission sacrée. J’ai survécu pour
l’accomplir. » Suivaient deux références à l’Écriture : l’une tirée de Luc (1, 46-50) : « Il a secouru
Israël, se souvenant de sa miséricorde, comme il l’avait promis à nos Pères, envers Abraham et sa
semence pour toujours ». Et l’autre tirée de l’Épître aux Romains (11, 32) : « Les dons et l’appel de
Dieu sont sans repentance, car Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour faire
miséricorde à tous ».
- En juillet 1962, les sœurs apprennent qu’une action devait être menée par les évêques au Concile
et que pour la 1 e fois, la « question juive » serait officiellement abordée. Mais on a vu que le
document a été retiré avant même la 1e session.
- C’est seulement quelques semaines avant la 2 e session qu’un petit groupe des sœurs de NDS qui
s’est nommé lui-même « Centre pour Israël » va mener une certaine action. Il s’agissait d’obtenir,
dans un texte conciliaire une définition du peuple juif qui rende à ce peuple sa juste place dans
une vision chrétienne du Salut. Et il fallait joindre les évêques les plus susceptibles de s’intéresser
au projet14.
- Les sœurs contactent d’abord Mgr Villot qui les prévient que la question d’Israël n’a pas encore
« affleuré » à la conscience de l’ensemble des Pères conciliaires. Il conseille d’atteindre d’autres
évêques pour « climatiser » l’assemblée à travers des contacts. En France ce sera Mgr Martin à
Rouen qui est coordinateur des initiatives conciliaires, le cardinal Bea à Rome qui a toute la
confiance de Jean XXIII et a obtenu de lui, le 13 décembre 1962, la réinsertion du schéma sur les
juifs au programme du concile, en Belgique le cardinal Suenens.
- Le 9 septembre 1963, sœur Marie Bénédicte rencontre Mgr Martin qui suggère deux idées :
trouver des théologiens et relancer en France d’autres évêques dont Mgr Veuillot qui prend en
compte la proposition des sœurs sur la théologie de l’œcuménisme avec le peuple juif. Il les envoie
au P. Congar qui leur demande de présenter leurs idées dans une suite logique et de faire une
conclusion. Elles vont alors rencontrer le P. Hruby qui était d’origine juive et qui demande la
participation d’un protestant ce sera le Pasteur Richard-Mollard. Et les sœurs présentent les 4
propositions qu’elles ont rédigées :
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1- Israël, le peuple juif se situe à l’intérieur du déroulement de l’Histoire de l’Église, de son
mystère. Ce qui écarte l’idée que ce peuple se situe au plan purement ethnique et que les juifs
sont un peuple « comme les autres ». Ce qui écarte la confusion entre l’État d’Israël – deux
millions de juifs – dont l’existence pose des problèmes politiques difficiles, et les juifs – 12 millions
d’hommes – dont l’Église répond devant Dieu à titre unique.
2- Israël, le peuple juif, est le « peuple racine » de l’Église, (on avait « oublié » depuis des siècles la
phrase de st Paul : « c’est la racine qui te porte »), du mystère chrétien, de notre Histoire, de notre
économie sacramentaire, de notre morale. Ce qui écarte l’idée de « substitution de l’Église à
Israël » et évoque l’idée d’« accomplissement ».
3- Israël, le peuple juif, est le peuple témoin historique de la révélation biblique du Dieu vivant, de
la réalité charnelle de l’Incarnation. Il est le témoin historique de l’attitude de l’homme confronté
avec le don de Dieu. Ce qui écarte l’idée du peuple conservé pour le châtiment du déicide.
4- Israël, le peuple juif, a aujourd’hui encore, à titre unique, partie liée avec l’Église dans le
déroulement du dessein de Dieu dans l’eschatologie, selon la dialectique décrite par Paul dans
Romains 9-11. Ce qui écarte absolument l’idée du peuple juif rejeté de Dieu.
C’est donc tardivement, lors de la 2 ème session, le 8 novembre 1963, que le schéma « De l’attitude
des catholiques à l’égard des non-chrétiens, et d’abord des Juifs » (1 ère version) est distribué aux
Pères. Il s’ajoute, comme chapitre IV, au schéma sur l’œcuménisme. Si le titre s’est élargi, le
contenu traite essentiellement de la relation de l’Église avec le judaïsme. Une fenêtre s’est
néanmoins entrouverte... Au cours de l’examen général du schéma sur l’œcuménisme, du 19 au
21 novembre, ce chapitre fait l’objet d’un certain nombre de réserves : le texte est inopportun, la
question juive ne relève pas de l’œcuménisme, le rejet de l’antisémitisme devrait intégrer une
condamnation de toute discrimination, etc. Le 21 novembre, ce chapitre est dissocié des trois
premiers du schéma sur l’œcuménisme. Chassant la crainte d’un retrait du texte, le cardinal Bea, à
la clôture de la session, annonce que l’étude en sera reprise à la prochaine session. 15
- Entre la 2e et la 3e session le texte présenté par le cardinal subit des modifications importantes…
Peu après l’ouverture de la 3ème session, le 25 septembre 1964, le cardinal Bea présente le
nouveau schéma (2ème version). Le texte comprend deux parties :
- Les relations avec les Juifs : le patrimoine religieux commun s’enrichit de références à la
lettre aux Romains ; mais y est supprimé le rejet de la condamnation de ‘déicide’ pour
satisfaire aux réticences de certains Pères16.
- Les relations avec les religions non-chrétiennes : affirmation de la paternité universelle de
Dieu, de la fraternité humaine universelle et condamnation de toute discrimination.
Mention explicite y est faite des musulmans17.
15
Sources n° 1
Idée qui avait déjà été supprimée dans le catéchisme issu du concile de Trente (1545-1563). Au sujet du rôle
des chrétiens et des juifs dans la Passion, le Catéchisme enseigne (1 re partie, chapitre 5, § 3) :
« Nous devons donc regarder comme coupables de cette horrible faute, ceux qui continuent à retomber
dans leurs péchés. Puisque ce sont nos crimes qui ont fait subir à Notre-Seigneur Jésus-Christ le supplice de la
Croix, à coup sûr, ceux qui se plongent dans les désordres et dans le mal crucifient de nouveau dans leur cœur,
autant qu’il est en eux, le Fils de Dieu par leurs péchés, et Le couvrent de confusion. Et il faut le reconnaître, notre
crime à nous dans ce cas est plus grand que celui des Juifs. Car eux, au témoignage de l’Apôtre, s’ils avaient connu
le Roi de gloire, ils ne L’auraient jamais crucifié. Nous, au contraire, nous faisons profession de Le connaître. Et
lorsque nous Le renions par nos actes, nous portons en quelque sorte sur Lui nos mains déicides. »
17
Sources n° 1
16
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7
- Lors de l’examen du texte, les 28 et 29 septembre, plusieurs Pères interviennent en faveur de
l’Islam, des grandes religions asiatiques, et même de l’animisme. Insensiblement, le projet sur les
Juifs est appelé à s’ouvrir aux rapports avec les religions non-chrétiennes.
- Le 20 novembre 1964, la veille de la clôture de la 3 e session, le cardinal Bea présente au Concile
le nouveau texte (3ème version), prévu désormais comme la Déclaration sur « L’attitude de l’Église à
l’égard des religions non-chrétiennes ». Le document comporte, en 5 paragraphes, le cadre
général et les idées maîtresses de la déclaration finale qu’approuvera le Concile. Le même jour, le
texte, en sa globalité, est adopté par l’assemblée.
- Pendant la 3ème intersession, la violence des réactions croît dans les pays arabes contre le schéma
et son vote, les patriarches orthodoxes syriaque et copte le condamnent sévèrement. Le
Secrétariat multiplie les interventions pour éclairer les esprits.
- Lors de la 4 ème session conciliaire, le 14 octobre 1965, le cardinal Bea présente, pour la dernière
fois, le texte amendé (4 ème version) : l’accent y est mis sur ce qui unit, des précisions sont
apportées sur le bouddhisme et sur la vie morale en Islam. Quant aux Juifs, le schéma vise à
sauvegarder la vérité évangélique et à rejeter toute injustice à leur égard. Le lendemain, le texte
est définitivement accepté. Une petite opposition irréductible persiste pour des motifs divers. En
séance publique, le 28 novembre, après un dernier vote sur le texte (2 221 voix pour et 88 contre),
le pape Paul VI promulgue la déclaration Nostra Ætate « Sur les relations de l’Eglise avec les
religions non-chrétiennes ».
- Notons que deux autres documents du concile font état des religions non-chrétiennes :
- La constitution « Lumen Gentium »18 : nul ne peut être considéré comme étranger à
l’Église du Christ : catholiques « incorporés pleinement à la société qu’est l’Église
[catholique] » ; chrétiens séparés, que leur baptême et l’union dans l’Esprit saint
continuent à associer à l’Église ; non-chrétiens enfin, puisque tous les hommes sont
rachetés par le sang du Christ (§ 13-16).
- Le décret « Ad Gentes »19 évoque de même les « semences du Verbe », semina Verbi, qui
se trouvent cachées dans les différentes « traditions nationales et religieuses », et dont la
reconnaissance doit être articulée avec l'exigence d'évangélisation20.
2e partie : les conséquences de la publication d’un tel document
(Le levain dans la pâte)
- La réception de la déclaration « Nostra Ætate »
Elle a été fortement mitigée autant par ceux qui en attendaient beaucoup que par ceux qui ne
voulaient pas en entendre parler.
18
Constitution dogmatique sur l’Église : Le Christ est lumière des nations. Appel de chaque chrétien à la sainteté.
L’Eglise catholique est à elle seule l’Eglise du Christ. Il existe pourtant beaucoup d’éléments de sanctification en
dehors de l’Eglise. Cf. http://www.paroissedegazeran-catholique-yvelines.cef.fr/vatican%202/LUMEN
%20GENTIUM.htm
19
Le décret traite de l’activité missionnaire de l’Église catholique. http://www.eglise.catholique.fr/glossaire/adgentes/
20
Cette vision renouvelée du rapport aux différentes traditions religieuses s’est illustrée spectaculairement dans
les rencontres d’Assise, initiées par Jean-Paul II et poursuivies par Benoît XVI.
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8
- Les premiers ont souligné les manques du texte : aucune référence à la Shoah, aucune référence
à l’État d’Israël, affaiblissement de certains termes par exemple à propos des persécutions
perpétrées contre les juifs, on a dans le texte final « réprouvent » au lieu de « condamnent »…
- Quant à ceux qui refusent le texte, dont Mgr Lebfebvre et ses partisans, ils vont en particulier
s’appuyer sur le fait que le texte n’est « qu’une déclaration » et n’aurait donc pas de caractère
obligatoire… on trouve encore cela de nos jours.
- La place du secrétariat pour les relations avec le judaïsme
- Selon Thomas Stransky21, C'est certainement la visite de Jules Isaac à Jean XXIII et à Augustin Bea
qui fut à l'origine de la recherche de l'organisation conciliaire chargée de prendre en mains un
sujet encore plus délicat que celui de l'unité chrétienne. Cette recherche aboutit à la décision du
18 septembre 1960 : on dit au cardinal que le Secrétariat pour l’unité des chrétiens devait
préparer une déclaration sur le peuple juif. Dans sa relation du 25 septembre 1964, le cardinal
disait sur ce point : « L'étroite association entre l'Église, le peuple élu du Nouveau Testament, et le
peuple élu de l'Ancien Testament, est commune à tous les chrétiens, et ainsi il y a un lien intime
entre le mouvement œcuménique et les questions discutées dans cette déclaration. » Les préjugés
traditionnels et l'antisémitisme sont clairement rejetés. Des indications bibliques et pastorales
fournissent le point de départ d'une réflexion théologique sur le rôle du judaïsme postbiblique
dans l'histoire du salut. Les études et les dialogues, souhaités par le concile, devront contribuer à
une meilleure connaissance du judaïsme, tel qu'il se conçoit lui-même.
Un article de la revue du SIDIC22 explique en quoi la déclaration Nostra Ætate constituait une
révolution théologique : « Augustin Bea est vraiment l'architecte de Notra Ætate. S'appuyant sur
sa connaissance de la Bible et poussé par un grand amour, il défendait courageusement et avec
beaucoup d'insistance les grands thèmes de ce document, dans lequel le lien fondamental entre les
juifs et tous les chrétiens est mis en lumière. »
Voici ce que disait le cardinal Bea en présentant le texte : « À cette déclaration, on peut, à juste
titre, appliquer l’image biblique du grain de sénevé. Au début il s’agissait d’une simple déclaration
courte sur l’attitude des chrétiens vis-à-vis du peuple juif. Avec le temps, et surtout par la
discussion qui eut lieu au concile, ce grain – grâce à vous – est devenu un arbre dans lequel
beaucoup d’oiseaux trouvent déjà leur nid. C’est-à-dire dans lequel, au moins d’une certaine
manière, toutes les religions non-chrétiennes ont leur place. À peu près comme dans son
encyclique « Ecclesiam suam », le souverain pontife embrasse tous les non-chrétiens ». Et il ajoutait
« C’est dans les fruits que la déclaration doit porter après le concile et qu’elle portera
certainement, que réside son importance et sa très haute valeur. 23»
- Le travail de NDS23
Dans les deux années qui suivent le concile les sœurs en France vont rencontrer 2 personnalités du
monde juif : le rabbin André Chekroun et le Grand rabbin Kaplan.
- Avec le rabbin André Chekroun
Il reconnaît que le concile consacre l’abandon de l’optique du prosélytisme par l’Église catholique .
« Notre travail, dit-il, c’est de donner à nos communautés la compréhension juste de l’Autre. » […]
21
Source 2
Cardinal Bea, « l'architecte de Nostra Ætate », revue du SIDIC, numéro spécial consacré au cardinal Bea, 1969
23
Sources n° 3
22
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9
« Ce qui divise, dit-il encore, plus que la personne de Jésus c’est une attitude qui veut nous
annexer. Autrement dit, ce qui nous divise c’est une attitude qui n’est pas selon votre Evangile ».
- Avec le Grand rabbin Jacob Kaplan
Une des questions qui se posaient : arriver à se situer réciproquement dans le projet de Dieu.
Réponse du Grand rabbin : « Ne pourriez-vous pas dire « comme un frère aîné dans la foi ? ». Et à
la question que lui posait sœur Marie Bénédicte : « Priez-vous parfois pour nous les chrétiens ? » Il
répondait avec une citation d’un rabbin du XVIII e siècle : « Et vous peuple chrétien, nations
chrétiennes, comme ce serait beau si vous observiez vous-mêmes le commandement de vos
premiers maîtres ! comme votre part serait belle si vous aidiez les juifs à observer leur Torah ! En
vérité, vous mériteriez une récompense comme si vous aviez agi vous-mêmes, car – ainsi que dit le
Talmud – plus grand est celui qui fait agir que celui qui agit et ne fait pas agir. »
- Dès 1965, la fondation du SIDIC (Service Information Juifs Chrétiens) à Rome sur la demande d’un
certain nombre d’évêques et de théologiens de plusieurs pays, dans le but de faire passer la
déclaration Nostra Ætate dans la vie des chrétiens, animé par le P. Rijk, proche du cardinal Bea.
- En 1969 SIDIC-Paris est officiellement reconnu.
- La même année les évêques français décident la formation du « Comité épiscopal pour les
relations avec le judaïsme ».
- Les textes fondamentaux
- 3 janvier 1975 (de Rome): Orientations et suggestions pour l’application de la Déclaration
conciliaire « Nostra Aetate ».
Ces orientations condamnent fermement toute forme d’antisémitisme ou de discrimination et
affirment la nécessité de mieux se connaître.
- Elles portent sur le sens du dialogue : respect de l’autre, meilleure connaissance de sa
propre tradition et action commune pour la justice et les paix.
- Elles soulignent les liens dans la liturgie entre les deux traditions et la continuité entre les
deux alliances.
- Elles insistent sur l’enseignement et l’éducation, la foi en un même Dieu, l’absence
d’opposition entre les deux Testaments et la continuation de l’histoire d’Israël.
- Elles proposent l’action sociale commune.
- Mai 1985 (de Rome) : Notes pour une présentation correcte des Juifs et du Judaïsme dans la
prédication et la catéchèse de l’Église catholique.
- À propos de l’enseignement religieux, les notes soulignent la nécessité de faire référence
à la place indispensable des juifs et du judaïsme dans la catéchèse et la prédication.
- Elles rappellent l’unité de la Révélation biblique à travers les textes. Elles appellent à
distinguer la lecture juive et la lecture chrétienne (intérêt et limite de la typologie).
- Elles demandent de contextualiser ce qui concerne les juifs dans le Nouveau Testament,
de prendre garde au vocabulaire (rappel du grand souci de Jules Isaac à propos de
l’enseignement du mépris).
- Elles soulignent les sources juives de la liturgie chrétienne.
- Elles font état de la pérennité d’Israël et de l’existence de l’État d’Israël.
- 12 mars 1998 (de Rome) : « Nous nous souvenons » : une réflexion qui porte entièrement sur la
Shoah (accompagnée d’une lettre introductive du pape JP II). Elle mentionne :
Nostra Aetate : le levain dans la pâte
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- la tragédie
- ce qu’il faut garder en mémoire : « ils étaient tous juifs »
- les relations juifs / chrétiens à travers l’histoire
- l’antisémitisme et la Shoah avec la responsabilité de l’antijudaïsme chrétien, et le rappel
des autres massacres.
- Elle propose de regarder ensemble vers un avenir commun.
Mais il y avait eu auparavant des réactions françaises
- 16 avril 1973 : L’attitude des Chrétiens à l’égard du judaïsme : Orientations pastorales du Comité
épiscopal pour les relations avec le judaïsme publiées par la Conférence épiscopale française. En
notant les titres des paragraphes on a déjà une idée précise de magnifique texte :
- L’existence juive interroge la conscience chrétienne.
- Le lent cheminement de la conscience chrétienne.
- La vocation permanente du peuple juif.
- Ne rien enseigner qui ne soit conforme à l’esprit du Christ.
- Accéder à une compréhension juste du judaïsme.
- Promouvoir la connaissance et l’estime mutuelles.
- L’Église et le peuple juif : « Israël et l’Église ne sont pas des institutions
complémentaires », mais « sont le signe de l’inachèvement du dessein de Dieu… ».
- 30 septembre 1997 : Déclaration de repentance lue par Mgr Olivier de Berranger, évêque de St
Denis, devant le Mémorial de Drancy.
Tout en reconnaissant l’œuvre de sauvetage de chrétiens à titre individuel, la déclaration fustige le
repli sur soi, la vision étroite, le silence coupable des autorités religieuses. Elle reconnaît les
défaillances de l’Église de France : « Nous confessons cette faute. Nous implorons le pardon de
Dieu et demandons au peuple juif d’entendre cette parole de repentance. Cet acte de mémoire
nous appelle à une vigilance accrue en faveur de l’homme dans le présent et pour l’avenir. »
- Les gestes et attitudes
- La visite de Jean-Paul II à la Grande synagogue de Rome : 13 avril 1986.
- La reconnaissance de l’État d’Israël (l’accord fondamental entre les deux États est du 30
décembre 1993 et la nomination du nonce apostolique en Israël du 15 juin 1994 et la remise des
lettres de créance du 1er ambassadeur d’Israël au Vatican du 29 septembre 1994).
- La visite de Jean-Paul II en Israël et la prière au Kotel, la visite de Yad Vashem : Mars 2000.
- L’écho de Nostra Ætate dans le judaïsme
- « Dabru émet », une déclaration juive sur les chrétiens et le christianisme parue pour la 1 e fois
aux USA en septembre 2000, reconnaît l‘évolution de la pensée chrétienne vis-à-vis du judaïsme et
souligne ce qui peut unir.
- Juifs et chrétiens adorent le même Dieu.
- Juifs et chrétiens s’en remettent à l’autorité du même livre, la Bible (que les Juifs
appellent TaNaKh et les Chrétiens « Ancien Testament »).
- Les Chrétiens peuvent respecter le droit des Juifs à la terre d’Israël.
- Juifs et Chrétiens acceptent les principes moraux de la Torah.
- Le nazisme n’était pas un phénomène chrétien.
- La différence humainement inconciliable entre Juifs et Chrétiens ne sera pas abolie
jusqu’à ce que Dieu ait racheté le monde entier, comme promis dans l’Écriture sainte.
Nostra Aetate : le levain dans la pâte
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- Une nouvelle relation entre Juifs et Chrétiens n’affaiblira pas la pratique juive.
- Juifs et Chrétiens doivent œuvrer ensemble pour la justice et pour la paix.
- Dans les Églises protestantes
Avant Nostra Ætate, depuis 1948, il y avait eu des déclarations des conseils œcuméniques des
Églises, comme des synodes nationaux ou provinciaux. Et ce la continue après 1965.
- Amsterdam 1948 : L’attitude chrétienne en face des Juifs : assemblée du Conseil œcuménique
des Églises
- 27 avril 1950 : Déclaration des synodes de l’Église évangélique d’Allemagne réunis à Weissensee
- Janvier-février 1960 : Message du synode provincial de Berlin-Brandebourg ratifié par le synode
général de l’EKD (Église évangélique d’Allemagne)
- Paris 14 mars 1961 : Vœu du conseil de la Fédération protestante de France adressé au conseil
œcuménique des Églises.
- New-Dehli 1961 : Résolution concernant l’antisémitisme, assemblée du conseil œcuménique des
Églises de New-Dehli.
- 1960-1961 : Résolution du synode de l’EKD au sujet du Procès Eichmann.
- 22 juillet 1961 : Déclaration publiée à l’occasion du Kirchentag lors du procès Eichmann
- Bristol février 1967 : l’Église et le peuple juif, commission de Foi et Constitution.
- Upsal (Suède) 4-19 juillet 1968 : Résolution sur le Moyen-Orient adoptée par la 4 e assemblée de
Conseil Œcuménique des Églises.
- Augsbourg Pentecôte 1971 : Déclaration commune catholique protestante sur les tâches
œcuméniques, publiée lors du Kirchentag d’Augsbourg.
- France 12 décembre 1973 : Déclaration du comité « Église et peuple d’Israël » de la fédération
protestante de France.
- 11 novembre 1875 : Appel du pasteur Philip A. Potter, secrétaire général du Conseil œcuménique
des Églises concernant la résolution de l’ONU sur le sionisme.
- 1988 : Les Églises et le peuple juif, « vers une entente nouvelle » (cf. commission consultative).
- 1997 : Origine et but du cheminement chrétien aux côtés du judaïsme, fédération des Églises
protestantes de la Suisse.
- 2001 : Eglise et Israël : résultats des consultations du groupe de dialogue doctrinal de Leuenberg
(1996-2000)
- Les Églises orthodoxes
Là, la situation est beaucoup plus difficile. Pour les Églises orthodoxes, la Révélation chrétienne est
fondée sur l’Écriture et la Tradition représentée par les Pères de l’Église. Aucune nouveauté ne
peut être acceptée. Et la faiblesse majeure de Nostra Ætate est l’absence de référence à la
Tradition. Il y a bien des références à st Paul mais aucune aux Pères. Les Églises orthodoxes ne
peuvent donc pas faire leurs les propositions de NA.
Mais il y a actuellement une commission orthodoxe qui existe dans le dialogue judéo-chrétien qui
travaille à trouver dans la tradition des Pères des « références acceptables ».
3e partie : La situation actuelle
Entre autres choses, 3 textes majeurs ont été publiés fin 2015. Les deux premiers émanent du
judaïsme, le 3e vient de la commission pontificale pour les relations entre juifs et chrétiens.
Nostra Aetate : le levain dans la pâte
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- La Déclaration pour le jubilé de fraternité à venir
Elle a été rendue publique mardi 23 novembre 2015, à Paris, au Collège des Bernardins, et elle a
été remise au cardinal archevêque de Paris, André Vingt-Trois, par le Grand Rabbin de France,
Haïm Korsia, à l’occasion du 50e anniversaire de la déclaration conciliaire Nostra Aetate, sur les
rapports de l’Eglise catholique avec le judaïsme et les religions non-chrétiennes.
Deux grandes parties sous forme de questions :
- Qu’avons-nous, Juifs appris de vous, Chrétiens, durant ces 50 dernières années ?
- Que l’Église catholique, mais aussi les Églises protestantes, des membres éminents de
l’Eglise orthodoxe et anglicane, ont décidé de renouer avec les sources et valeurs juives
inscrites au cœur de l’identité de Jésus et des apôtres.
- Que le peuple juif n’est plus tenu pour le responsable de la mort de Jésus.
- Que la foi chrétienne n’annule ni ne remplace l’Alliance contractée entre Dieu et le peuple
d’Israël.
- Que l’antijudaïsme, qui a souvent fait le lit de l’antisémitisme, et qui a jadis pu nourrir
l’enseignement doctrinal, est un péché.
- Que le peuple juif n’est plus considéré comme un peuple banni.
- Que l’État d’Israël est désormais reconnu par le Vatican.
- Que pouvons-nous, Juifs espérer construire avec vous, Chrétiens, dans les 50 prochaines
années ?
- Œuvrer ensemble à la construction de cette fraternité universelle et à l’actualisation
d’une éthique commune, valable pour le monde entier.
- Apprendre à nous défaire des préjugés qui se sont creusés au fil du temps dans nos
consciences respectives sur ce que croit, pense et fait l’autre, pour mieux écouter ce que
chacune des religions dit d’elle-même et de son projet pour le respect et la prospérité de
toute l’humanité.
- Nous attacher désormais à mieux comprendre l’autre, l’apprécier, l’estimer, l’aimer pour
ce qu’il est et accomplit en propre.
- La Déclaration rabbinique orthodoxe sur le christianisme du 3 décembre 2015
Elle a pour sous-titre : « Faire la volonté de notre Père céleste : vers un partenariat entre Juifs et
Chrétiens »
- Il s’agit d’accepter la main qui est tendue car Israël reconnaît désormais sans ambiguïté le
changement des enseignements de l’Église catholique :
- rejet de toute forme d’antisémitisme,
- reconnaissance du caractère éternel de l’Alliance entre D.ieu et le peuple juif,
- rejet du déicide,
- affirmation de la place unique d’Israël dans l’histoire sainte et la rédemption ultime du
monde.
De son côté Israël reconnaît :
- que le christianisme n’est ni un accident ni une erreur, mais le fruit d’une volonté divine
et un don fait aux nations,
- que Jésus a apporté un double bienfait au monde : soutien de la Torah et disparition de
l’idolâtrie,
Nostra Aetate : le levain dans la pâte
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- que les communautés chrétiennes sont destinées à durer, qu’elles sont habitées par
l’amour du ciel et que la récompense ne leur sera pas refusée,
- la valeur constructive constante du christianisme comme partenaire du judaïsme dans la
rédemption du monde et n’a plus de crainte que cela soit exploité à des fins missionnaires,
- la mission commune aux Juifs et aux chrétiens sous le regard du Tout-Puissant de parfaire
le monde,
- que Juifs et Chrétiens sont destinés à être des partenaires aimants,
- qu’ils ont plus en commun que ce qui les divisent : la relation avec l’unique Créateur, les
saintes Écritures juives, la croyance en une tradition contraignante, les valeurs de la vie, de
la famille de l’équité miséricordieuse, de la justice, de la liberté inaliénable, de l’amour
universel et de la paix du monde…
- « Les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables » (Rm 11, 29) du 10 décembre 2015
Très longue réflexion de la commission du Vatican sur les rapports entre catholiques et juifs à
l’occasion du 50e anniversaire de Nostra Ætate (§4).
Ce nouveau document est strictement théologique, ce qui est une nouveauté par rapport aux
documents précédents. Et il s’agit d’un point de départ car de nombreuses questions demeurent
ouvertes à la recherche.
Soulignons que le document, travail collectif intense en allemand et en anglais, a aussi été élaboré
en consultant des autorités juives pour les passages qui concernent le judaïsme.
Les buts : faire en sorte que le dialogue acquière plus de profondeur et d’ampleur du point de vue
théologique.
On peut en donner l’index : 7 parties
1. Bref historique de l’impact de Nostra Ætate (n. 4) dans les 50 dernières années
2. Statut théologique spécial du dialogue juif-catholique
3. La Révélation dans l’histoire comme « Parole de Dieu » dans le judaïsme et dans le
christianisme
4. Rapport entre Ancien et Nouveau Testament et Ancienne et Nouvelle Alliance
5. Universalité du salut en Jésus Christ et Alliance non révoquée de Dieu avec Israël
6. Le mandat de l’Église d’évangéliser par rapport au judaïsme
7. Objectifs du dialogue avec le judaïsme
- Et encore des gestes
- La visite du pape François en Terre Sainte (24 – 26 mai 2014)
- La visite du pape François à la grande synagogue de Rome (17 janvier 2016)
- Pour cette première visite, le pape a tenu à porter « le salut fraternel de paix » de l’Eglise de
Rome « et de toute l’Eglise catholique […], en l’étendant à toutes les communautés juives ».
- Il rappelait que dans le dialogue interreligieux, la rencontre « des frères et sœurs devant le
Créateur » est fondamentale. Rencontre dans la louange et le respect mutuels, dans un désir de
connaissance réciproque et d’estime dans le souci d’agir ensemble.
- Reprenant ce qu’il avait dit le 28 octobre précédent :
il remerciait Dieu pour la transformation de la relation entre les chrétiens et les juifs : «D’ennemis
et étrangers, nous sommes devenus amis et frères. »
Nostra Aetate : le levain dans la pâte
site http://www.ajcf-provence.org/
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- Puis il rappelait son grand souci du défi prioritaire pour « une écologie intégrale ». « En tant que
chrétiens et juifs, nous pouvons et nous devons offrir à l’humanité tout entière le message de la
Bible sur la protection de la Création » et le souci de voir en tout homme un frère.
- Enfin rappelant la Shoah et en particulier vis-à-vis des Juifs de Rome, il rappelait que « le passé
doit nous servir de leçon pour le présent et pour l’avenir. »
- Un regard musulman sur Nostra Ætate
Un congrès international a été organisé à Rome, à l’université pontificale grégorienne du 26 au 28
octobre 2015, à l’occasion du 50e anniversaire de Nostra Ætate, sur le dialogue interreligieux.
À l’audience générale du 28 octobre 2015 était présent en particulier Abdallah Redouane,
secrétaire du centre islamique culturel d’Italie dont fait partie la mosquée de Rome, la plus grande
d’Italie. Interrogé par radio Vatican,
- il soulignait d’importance de l’événement de ce congrès anniversaire auquel les
musulmans participaient massivement pour la 1e fois.
- Pour lui désormais il n’y a plus de barrières dogmatiques qui peuvent interdire le rapport,
le dialogue et le vivre ensemble.
- Dialoguer veut dire tout simplement « choisir la voie la plus adéquate pour pouvoir traiter
les thèmes difficiles et aussi les questions épineuses de notre temps ».
Conclusion
« La fraternité entre Juifs et Chrétiens constitue un premier jalon et une invitation à faire du
dialogue entre toutes les religions et les spiritualités la pierre angulaire d’une humanité réconciliée
et pacifiée. Puisse-t-elle habiter le cœur de nos prières. »
(Conclusion de la Déclaration pour le jubilé de fraternité à venir)
Bernadette AVON
AJC Aix-en-Provence 17 mars 2016
Sources
1- Nostra Ætate, les relations avec les religions non-chrétiennes
Yves Plunian, Augustin de l’Assomption en Turquie
http://www.assomption.org/fr/spiritualite/saint-augustin/revue-itineraires-augustiniens/augustinet-ses-contemporains/iv-augustin-aujourd2019hui/nostra-aetate-les-relations-avec-les-religionsnon-chretiennes
2- http://www.notredamedesion.org/en/dialogue_docs.php?a=3b&id=1312
Thomas F. Stransky CSP Pauliste (membre de la Société des prêtres missionnaires de saint Paul,
apôtre, C.S.P.). - Recteur de l'Institut œcuménique de Tantur pour les études théologiques (à
Jérusalem ; en 1992). Il fait partie des membres fondateurs du Secrétariat pour la promotion de
l’unité des chrétiens 1960-1970 et est un membre de RCC/WCC Joint Working Group = Roman
Catholic Church et World Council of Churches)
3- La Congrégation NDS en France pendant le Concile Vatican II, sœur Marie-Bénédicte NDS, 21
janvier 2001, Paris
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