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Lors de ces conversations, « les thèmes abordés évitent soigneusement les questions liées
aux principes doctrinaux fondamentaux et abordent plutôt un large spectre de défis
scientifiques et sociaux contemporains »2 : la sainteté de la vie, le statut de la famille, la
place des Saintes Écritures dans la vie en société, la liberté religieuse, les fondements
éthiques du comportement humain, la sauvegarde de l’environnement, les rapports
entre les autorités civiles et religieuses, les qualités essentielles du leadership religieux
dans les sociétés laïques (§11).
« Catholiques et Juifs reconnaissons les uns comme les autres que notre fraternité ne
saurait faire disparaître d’un coup de balai nos différences doctrinales ; elle renforce
cependant une authentique bienveillance mutuelle envers les valeurs essentielles que nous
partageons et qui, si elles ne s’y limitent pas, englobent la vénération de la Bible
hébraïque »3
Tout cela aboutit à la publication de déclarations conjointes.
La conclusion de ce premier chapitre du document catholique (§13) est à souligner : « Le
dialogue n’est pas seulement un choix, mais un devoir. » Et malgré les difficultés certaines
liées aux convictions chrétiennes (annonce de Jésus comme Seigneur et Messie), on peut
reconnaître qu’il y a une « riche complémentarité qui nous permet de lire ensemble les
textes de la Bible hébraïque. »
Les deux chapitres suivants abordent justement les difficultés doctrinales, la différence
fondamentale entre judaïsme et christianisme. Alors que le message central de Jésus sur
le règne de Dieu est en accord avec un courant de pensée juive de son temps, c’est dans
la représentation de la personne de Jésus qu’en a fait la foi chrétienne que la différence
est fondamentale. Le document juif « Entre Jérusalem et Rome » insiste sur cette
différence qu’il qualifie de « séparation irréductible ».
Mais le chapitre 2 du document catholique rappelle aussi que, pour que les Chrétiens
comprennent ce qu’ils sont, ils doivent nécessairement se confronter au judaïsme (§14).
Et du coup peut-on vraiment qualifier ce dialogue « d’interreligieux » ? (§15).
L’expression relève de l’analogie car on n’a pas affaire à deux religions
fondamentalement différentes, sans influence réciproque. Ici, l’une est née de l’autre. Et
même plus précisément « le judaïsme du temps de Jésus est le terreau qui a nourri aussi
bien les juifs que les chrétiens ». Les juifs d’après la destruction du second temple n’ont
plus de culte, mais se recentrent sur la prière et l’interprétation de l’Écriture. « Juifs et
chrétiens sont donc nés de la même mère et peuvent être considérés comme appartenant à
la même fratrie ».
Après une réflexion assez longue sur la séparation qui rappelle notamment les propos
des Pères de l’Église, la théologie de la substitution, l’interprétation de la lettre aux
Hébreux… Le document (§19) montre à quel point le rapport entre judaïsme et
christianisme est différent des rapports entre le christianisme et les autres religions,
mais leur a servi de « catalyseur ». Et donc plutôt que de parler de dialogue
interreligieux, il propose de parler de dialogue « intra-religieux » ou « intra-familial ». Ce
qui renvoie à la terminologie de Jean-Paul II : « nos frères préférés », « nos frères aînés ».
2 « Entre Jérusalem et Rome, Réflexions sur le 50e anniversaire de Nostra Aetate », document des Rabbins
européens du 10 février 2016.
3 cf. note précédente