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La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - no6 - vol. III - novembre-décembre 2000
DOSSIER THÉMATIQUE
Télérobotique et réalité virtuelle :
l’avenir de la chirurgie hépatique
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J. Marescaux, B. Malassagne, L. Soler, J. Leroy*
C
ontrairement à l’imagerie médicale convention-
nelle, la réalité virtuelle offre une vision 3D natu-
relle du malade, sous la forme d’une copie numé-
rique. Cette représentation 3D permet de mieux percevoir les
objets en les rendant plus visibles et en permettant à l’observa-
teur de s’immerger dans l’image, d’interagir avec elle et de navi-
guer dans son univers.
Ainsi, la réalité virtuelle est définie par trois bases fondamentales :
l’immersion, la navigation et l’interaction (figure 1). L’immersion
correspond à la sensation d’être “plongé” dans l’univers de l’image
3D. La navigation correspond au déplacement à l’intérieur de
l’image, c’est-à-dire à l’intérieur des objets. Enfin, l’interaction
consiste en la manipulation, la déformation et la transformation de
l’image 3D en temps réel, comme s’il s’agissait de matière.
Si la réalité virtuelle permet au chirurgien de mieux percevoir les
lésions que présente le malade, la robotique, elle, apporte une
aide physique. Cette aide consiste à faire appliquer la gestuelle
chirurgicale à des outils télémanipulés dont l’évolution est contrô-
lée. Les buts de la robotique sont aujourd’hui de faciliter l’inter-
vention, de la rendre moins agressive et d’en améliorer les tech-
niques. Demain, la robotique intégrera toutes les données de la
planification préopératoire de l’intervention, ce qui permettra de
réaliser au bloc opératoire l’opération qui correspond le mieux à
la nature et à la localisation des lésions du malade.
ENJEUX
La réalité virtuelle s’applique tout particulièrement à la chirurgie
hépatique dont les principes reposent sur les rapports anatomiques
entre tumeurs et vaisseaux intrahépatiques. La résection hépatique
doit être suffisante pour obtenir de bonnes marges de sécurité
tumorale, sans être excessive pour ne pas entraîner d’insuffisance
hépatique postopératoire, surtout en cas d’hépatectomie majeure
sur foie pathologique. Une évaluation préopératoire précise de
l’étendue de l’hépatectomie et des volumes de foie restant après
exérèse est donc indispensable lors de la planification préopéra-
toire. L’imagerie usuelle, scanner et IRM, n’offre que des recons-
tructions 3D complexes, incertaines, et surtout, elle ne permet
aucune interactivité. De plus, la visualisation des reconstructions
nécessite des machines et des stations graphiques lourdes et coû-
teuses. Ces contraintes techniques ne permettent pas de proposer
en routine au clinicien une imagerie hépatique 3D. Les recons-
tructions 3D ne peuvent être que mentales et à partir des images
2D. Ce n’est que lors de l’intervention chirurgicale que la recons-
truction mentale 3D sera confrontée à la réalité.
RECONSTRUCTION 3D SEMI-AUTOMATIQUE
Le premier système a été mis au point à partir des données bidi-
mensionnelles du projet Visible Human (1, 2) provenant de la
National Library of Medicine (NLM, Washington/États-Unis) (1).
Il a permis une reconstruction semi-automatique 3D du foie. Un
modèle réaliste 3D de l’anatomie du foie a été créé en utilisant un
langage mathématique adapté à l’analyse d’images médicales
(3-5). Ce modèle permet aujourd’hui un apprentissage de l’anato-
mie hépatique et une initiation aux concepts de la réalité virtuelle.
Dans un second temps, des outils d’aide à la planification chi-
rurgicale ont été mis au point avec ce premier système informa-
tique en simulant une tumeur hépatique par l’ajout de lésions vir-
tuelles. Le chirurgien peut ainsi délimiter interactivement
* IRCAD (Institut de recherche contre les cancers de l’appareil digestif),
EITS (European Institute of Telesurgery), Strasbourg.
Figure 1. Les trois bases de la
réalité virtuelle : immersion,
navigation et interaction.