LA REVUE DE L’IEIF
n° 76
2etrimestre 2016
Entre nous...
Interview d’Odile Decq,
architecte
Le coworking,
laboratoire du travail
et de la ville de demain
par NATHANAËL MATHIEU
Afrique
Pays du Maghreb : les efforts
de développement des marchés
immobiliers
par FABRICE LÉGER
Maroc : vers un renouveau
de l’investissement immobilier ?
par NAZIH CHENTOUF
Promotion immobilière : l’Afrique
francophone, futur eldorado ?
par YVES MEDJEUMEN
Crowdfunding immobilier :
fonctionnement, enjeux…
et défis !
par CÉLINE MAHINC et CHLOÉ MAGNIER
Sommaire complet en page 2
À PROPOS DE L’IEIF
L’IEIF, centre de recherche indépendant,
est le lieu privilégié d’échanges et de réflexions
pour les professionnels de l’immobilier
et de l’investissement.
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2e trimestre 2016
76
Réflexions Immobilières IEIF
N0 76
2e TRIMESTRE 2016
entre nous...
Interview d’Odile Decq,
architecte
afrique
Pays du Maghreb: les eorts
de développement des marchés
immobiliers
par Fabrice Léger
Maroc : vers un renouveau
de l’investissement immobilier ?
par Nazih Chentouf
Promotion immobilière :
l’Afrique francophone, futur
eldorado ?
par Yves Medjeumen
financeMent iMMobilier
Crowdfunding immobilier:
fonctionnement, enjeux...
et défis!
par Céline Mahinc et Chloé Magnier
iMMobilier d’entreprise
Le coworking, laboratoire
du travail et de la ville de demain
par Nathanaël Mathieu
Marketing et innovation dans
la mise en location de l’immobilier
d’entreprise
par Laurent Lehmann
Les charges locatives,
une inconnue dans l’équation
immobilière
par Guillaume Parisot
loGeMent
Le tiers-financement de la
rénovation énergétique: état
des lieux et perspectives
par Olivier Ortega
construction
La maquette numérique BIM
comme levier de valorisation
par Gabrielle Millan
les cahiers palladio
Le crowdfunding à l’assaut
de la promotion immobilière
par Maxime Gille
l’actualité biblioGraphique
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IEIF Réflexions immobilièRes
Immobilier d’entreprise
40
Marketing et innovation
dans la mise en location
de l’iMMobilier d’entreprise
Comment réussir la commercialisation locative d’un immeuble
de bureaux? Présentation de limmeuble, ciblage de la clientèle,
élaboration du message, rencontres, visites, etc., lauteur passe en
revue les usages en faisant part de son retour d’expérience: les bonnes
pratiques, les erreurs souvent commises, les innovations qui arrivent…
et celles qui se font attendre.
Le marketing en immobilier d’entreprise est peu
théorisé, organisé et financé, particulièrement
durant la phase de commercialisation locative.
C’est pourtant une action majeure pour créer
de la valeur. Il facilite la recherche des locataires, per-
met daugmenter la qualité du revenu, contribue à la
liquidité du patrimoine. C’est aussi ce qui permet de
confirmer la justesse du business plan de toute opé-
ration. Linnovation existe dans ce domaine, mais les
évolutions sont lentes. Nous essayerons d’en com-
prendre les raisons et proposerons des solutions.
Limmobilier d’entreprise désigne tout à la fois les
commerces, les entrepôts, les immeubles sous
gestion, les bureaux, les locaux d’activité. Dans
cet article, nous exclurons le résidentiel. Nous
n’aborderons pas non plus la vente aux entre-
prises et aux investisseurs. Sil s’agit d’opérations
motivées par des raisons financières ou patrimo-
niales dont les leviers et les acteurs ne sont pas
comparables. Les sujets hors France ne seront
pas abordés non plus pour permettre aux lecteurs
de se situer dans un contexte opérationnel.
les invariants
1.Le Cycle
À quel moment de la vie de limmeuble intervient-
on? Est-on en amont, avant le permis de construire,
ou en aval, après obtention des autorisations et les
travaux démarrés, ou encore après lachèvement du
chantier ou simplement avec une opération exis-
tante et en létat? C’est le point de départ permet-
tant de situer lintensité de l’eort commercial qu’un
bailleur peut consentir. L’histoire est soit à écrire en
totalité, soit à eacer pour repartir du bon pied.
C’est un moment prometteur pour innover, car on
observe souvent une anticipation trop marquée de
la commercialisation, le souhait, normal, de sortir
de son risque le plus tôt possible. Mais les condi-
tions ne sont pas forcément réunies pour valori-
ser limmeuble, les moyens alloués à sa promotion
ne sont parfois pas encore connus sans permis de
construire. Le réalisme de l’opération ou sa capacité
à tenir les délais sont encore en question. Comment
pourtant quantifier le risque, comment enrichir la
stratégie pour démarrer la commercialisation au bon
moment? Il existe des solutions présentées ci-après.
2.La localisation
C’est peu dire que les professionnels attachent de
limportance à l’emplacement d’un actif. C’est le
foisonnement des possibilités, de son potentiel, qui
en dépendent dans tous les registres: de la valeur,
en passant par la durée de la commercialisation, la
qualité de la cible. Récemment, SFL s’est intéres-
sée de façon approfondie aux conséquences de la
localisation allant jusqu’à modéliser des avantages
économiques quantifiés pour les entreprises notam-
ment sur le registre de l’attraction des salariés à haut
potentiel.
3. Le profil du propriétaire
ou de son mandataire
La très forte poussée des volumes de capitaux
investis depuis quinze ans a multiplié le nombre des
acteurs et de leurs représentants. Les investisseurs
représentent ainsi un large spectre allant de fonds
privés jusqu’aux fonds souverains, sans oublier les
fonds dinvestissement, plus concentrés que jamais
et atteignant des volumes sous gestion jamais éga-
lés. À titre d’exemple, Blackstone maîtrise 335 mil-
liards d’euros.
par Laurent Lehmann Consultant en stratégie pour l’industrie immobilière
No 76. 2e TRIMESTRE 2016
Immobilier d’entreprise 41
Ce mouvement est conjoncturel et structurel: il agit
sous la double poussée de lévolution démogra-
phique et du fait urbain, d’une part, mais aussi du fait
des politiques d’allocations d’actifs qui privilégient
fortement les rendements généreux de l’immobilier.
De ce profil dépendra l’approche du sujet ou, plutôt,
la texture du discours commercial. C’est un environ-
nement personnalisé dont il faut tenir compte, ainsi
que de l’anticipation des attentes des interlocuteurs.
4.In situ
Limmeuble n’est pas un objet hors-sol, virtuel. Il
est donc nécessaire daller sur le site pour observer
et analyser l’environnement. Mieux, à pied, com-
prendre le cheminement vers les transports, repé-
rer le voisinage et l’environnement immédiat. Une
reconnaissance sur le terrain permet de «respirer»
latmosphère du lieu, de vérifier l’ensoleillement,
autant déléments qui constitueront le ferment du
plan marketing.
Ces facteurs constituent le préalable à tout exercice
de commercialisation locative. De plus, lorsque la
visite de limmeuble est possible, celle-ci en révè-
lera les accidents et les atouts. Limmobilier a cela de
rassurant: c’est un objet visible, contextualisé, dont
lobservation favorisera la compréhension. Un esprit
ouvert et curieux, attentif aux détails, permet de faire
du marketing immobilier davantage qu’un cash-flow.
5.Le marché, les données
C’est le répertoire du jeu le mieux couvert par les
agents, et il est tout simplement indispensable. L’ana-
lyse des études sera éclairante pour comprendre
la nature de la demande, en volume, par secteur
d’activité, par taille d’entreprise. Prendre le temps de
mesurer l’ore concurrente favorisera et profilera
une proposition en valeur, en surface, en nombre, à
compléter d’une analyse détaillée des comparables
qui permettra dévaluer ses chances face aux com-
titeurs.
Les transactions, enfin, sont riches d’enseignements:
même si un rétroviseur n’annonce jamais rien, il per-
met, comme pour lhistoire, d’instruire le présent.
Inutile de commenter cet aspect qui est, pour cha-
cun des professionnels confrontés à la commercia-
lisation, le préalable à toute opération. Les conseils
en immobilier maîtrisent à la perfection cet exercice,
dont le marketing doit se saisir pour comprendre les
enjeux de la cible et bien peser ses leviers.
À ce stade, linnovation n’est pas vraiment présente.
On peut s’attendre toutefois, dans les mois à venir, à
une plus grande profondeur dans l’analyse des mou-
vements, en particulier en s’appuyant sur les antici-
pations, les mécanismes prédictifs. Ils peuvent être
conçus à partir de données hors immobilier et non
structurées qui sont disponibles à la vente, comme
celles d’Orange, ou libres daccès comme celles de
la région Île-de-France.
D’ores et déjà, il existe des services comme ceux
proposés par la société Explore1 qui permettent, à
partir des signaux faibles relevés dans les médias,
d’anticiper des attentes et, ainsi, de constituer des
segments de cibles qui n’expriment pas encore un
besoin sur le marché. Cet exercice nécessite tou-
tefois une étude fine de linformation. C’est toute la
limite de ce type de données, qui ne renseigne pas
et rend nécessaire le recrutement d’analystes ou de
spécialistes de la data.
rendre coMpte,
évaluer les actions
1.Le pitch
Un exposé précèdera toute opération de marketing,
décrivant l’ore commerciale, la vision du commer-
cialisateur. Passons sur les dicultés de la prépara-
tion et concentrons-nous sur l’usage et le profit qui
en est fait. C’est un élément de sélection, un puissant
moyen de s’approprier en peu de temps l’opération,
une démonstration également de sa volonté et de
ses compétences. C’est déjà beaucoup!
Pourtant, une innovation serait bienvenue. Les recom-
mandations, la feuille de route s’évaporent vite, les
interlocuteurs changent et, inévitablement, on perd le
fil. Les grands groupes de conseils ont la capacité de
développer des applications qui ont vocation à conser-
ver la trace de leur eort, un tableau de bord vivant,
récapitulant la valeur d’actions marketing en les chif-
frant autant que possible.
2.Les conseils pour anticiper
La cible n’est pas unique et homone –on parle de
segments–, et lapproche personnelle relève d’une
stratégie diérenciée, composante réelle du mar-
keting. Le passage obligé nécessite de s’intéresser à
la société convoitée et de privilégier une démarche
commerciale individuelle dans laquelle l’immobilier
n’est pas le sujet à aborder en première approche.
Chacun a fait l’expérience d’une ore immobilière
qui arrive à un moment où la réflexion n’est pas mûre.
La phase de conseil devient ainsi un préalable, d’où
lintérêt d’avoir des équipes au sein des sociétés de
conseils qui divisent le travail, pour mieux accom-
pagner des temporalités diérentes mais aussi des
besoins qui ne sont pas ceux qui viennent à l’esprit
au début de la commercialisation. Ainsi la rencontre
de ce besoin et de l’ore immobilière se fera au
moment opportun, suscitant parfois l’impatience
des propriétaires, qui souhaiteraient que les visites
d’immeubles soient plus fréquentes.
1.www.explore.fr.
IEIF Réflexions immobilièRes
Immobilier d’entreprise
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3.KPI1
L’unique KPI utilisé par les bailleurs est un rapport de
commercialisation. Pour être plus précis, ce sont les
visites de limmeuble ou les rencontres avec le pro-
priétaire qui seront jugées comme un élément de
performance. Cela aboutit parfois à la tyrannie de la
visite qui, comme on le rappelle un peu plus haut,
n’a pas beaucoup de sens si l’on prend en compte
la vie des sociétés. A fortiori, ce sujet du déplace-
ment sur site devient plus prégnant lorsque l’on doit
convaincre une grande entreprise, car elles sont
moins nombreuses, avec une grande concentration
des interlocuteurs, la plupart du temps des directeurs
immobiliers.
À ce stade, on utilisera d’autres facteurs et diérents
leviers pour justifier la confiance du propriétaire
envers son conseil. À mesure que le digital produit
des scores mesurables (ROI2, coûts de campagnes
à l’euro près, etc.), il devient possible d’identifier
tout le parcours client. Les techniques utilisées par
le marketing digital feront, dici peu, tache d’huile et
deviendront de nouveaux indicateurs qui permet-
tront d’enrichir les missions.
culture client
Une prise à bail est rarement une décision prise par
une seule personne sur un nombre de critères ou de
facteurs limités. C’est une succession d’événements
dont le séquencement n’est jamais identique, ce qui
rend ces métiers de «chasse» passionnants. La mul-
tiplication des points de contact au sein de l’entre-
prise favorisera l’action dans bien des cas. Il est donc
nécessaire de disposer de collaborateurs ayant des
savoir-faire complémentaires, avec une prime pour
ceux qui connaissent le monde de l’entreprise et qui
ponrent limportance de limmeuble. Et aussi pour
ceux qui savent qu’une décision doit s’incarner à par-
tir d’une hypothèse, une adresse par exemple.
Les sociétés lisent leur projet avec un regard dié-
rent de celui des bailleurs. C’est la recherche d’un lieu
de services pour les collaborateurs, d’une intensité
de vie culturelle aux alentours, de la proximité des
concurrents et de lécosystème de létablissement,
de la qualité du haut débit, du temps réel des trans-
ports, etc. Ces facteurs n’apparaissent pas encore
dans la plupart des sélections proposées aux entre-
prises. Des opérateurs de données rendront pos-
sible dici peu ce type d’analyse et enrichiront l’ore
immobilière. Des éléments plus intangibles seront
ainsi mieux identifiés, ils entreront dans les classe-
ments et hiérarchiseront les orations.
De l’immeuble à la personne, un parcours contra-
dictoire. La description de l’objet, qui est à la fois un
produit darchitecture et dingénierie mais aussi un
contenant avec ses fonctions, demeure toutefois un
ensemble informationnel ne permettant pas toujours
de convaincre les interlocuteurs avec pertinence.
C’est une information montante, asymétrique, qui ne
rencontre pas forcément au bon moment les préoc-
cupations du client.
Il manque un lien, un niveau de personnalisation,
tenant compte du contexte de l’entreprise et qui
devrait pouvoir simuler une solution avec son hori-
zon de temps. Rêve ? Prémonition ? Sans doute,
mais il serait possible aujourd’hui daller plus loin sur
la caractérisation en s’inspirant des réseaux sociaux:
créer un profil dimmeuble (pour les plus importants
d’entre eux) –sur LinkedIn par exemple –, intégrer
ses attributs, donner la parole à une communauté
d’entreprises et de relais professionnels, en faisant
vivre les anecdotes, les détails. Une autre façon de
faire vivre limmeuble auprès du groupe intéressé.
Des voisins à l’immatériel, le grand écart. Les socié-
tés localisées à proximité représentent le plus sûr
potentiel pour la location d’un immeuble. Cela
s’explique par l’extrême diculté de transférer des
salariés sur des sites distants. Le management pèse
aussi dans les choix de localisation et s’applique à
demeurer sur des sites où ses clients, ses salariés et
lensemble des cadres dirigeants ont leurs habitudes.
Il est intéressant de constater à quel point ce sujet est
traité de façon peu rationnelle.
L’utilisation du géocodage, par exemple, qui prend
en compte des facteurs de transports, de lieux de
localisations des salariés, fait parfois pencher la
balance entre plusieurs sites éloignés, mais cela
demeure néanmoins marginal. Linnovation viendra
des données de toutes natures qui, combinées, per-
mettront de scénariser de façon objective les pos-
sibilités dimplantation, le critère immobilier n’étant
plus la clé d’entrée unique, voire principale.
univers de référence,
stratégies
1.Premium
En Asie, les propriétaires ont une approche originale
de la commercialisation. Ils capturent très en amont
la valeur d’un locataire, quelle que soit la surface,
pour peu que sa notoriété soit significative. Sa signa-
ture vaudra un «premium», c’est-à-dire un avantage
économique dont il sera le seul à bénéficier. Le pari
est non pas dacher un prix unique de loyer ou de
le diérencier par niveaux, mais d’orir un discount
significatif aux premiers. À partir de là, la commer-
cialisation sera facilitée et permettra dattirer dautres
1.Key Performance Indicator: indicateur clé de performance.
2.Return on Investment: retour sur investissement.
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