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Digital (In)securityDigital (In)security
Qu’elles viennent d’applications mobiles, de cap-
teurs de mouvements, ou d’implants intelligents, les
données à caractère médical se sont multipliées durant
ces dernières années. La nature de ces données va de
l’information très générale sur l’état du patient au relevé
hyper précis de ses constantes vitales. Ainsi, on voit eu-
rir un peu partout des applications pour smartphones
qui, combinées par exemple avec des bracelets accé-
léromètres, mesurent l’activité et l’état de santé de la
personne. Ces applications sont aussi à même de récu-
pérer le pouls (pour les coureurs par exemple) ou, addi-
tionnées à certains capteurs, le taux d’oxygène dans le
sang. À cela s’ajoute le fait que les nouveaux implants
intelligents, tel le cœur articiel récemment implanté
dans un patient, produisent eux aussi d’énormes quan-
tités de données.
Toutes ces données sont très utiles pour le suivi à
long terme de nombreuses maladies. C’est pourquoi di-
vers acteurs de la chaîne médicale devraient pouvoir y
accéder: le médecin pour mieux soigner le patient, le
fabricant du produit pour l’améliorer, les chercheurs
pour trouver les traitements les plus ecaces, les auto-
rités sanitaires et les assureurs maladie pour n’autoriser
ou ne rembourser que les traitements qui apportent un
bénéce au patient. Si tous ces acteurs sont intéressés
aux données du patient, ce dernier n’est, par contre, pas
vraiment intéressé à ce que son assureur maladie sache
qu’il a l’habitude de se coucher à 5h du matin, ou que
quiconque sache qu’il était en état d’ébriété en rentrant
chez lui ; ou encore que sa femme apprenne qu’il a une
très intense activité physique avec sa secrétaire tous les
midis. Ces données, quoique très intéressantes pour la
recherche comme pour la gestion de la médecine, sont
donc très personnelles et elles devraient le rester.
Notre but est de redonner au patient le contrôle de ses
propres données en développant des solutions qui lui
permettent d’en partager certaines, tout en empiétant le
moins possible sur sa vie privée.
Permettre au patient de continuer à décider du
devenir de ses données tout en restant anonyme
En collaboration avec l’institut IEFM de l’Université
de Berne, nous développons un système de gestion de
registres médicaux qui sont destinés à la recherche
médicale et qui contiennent des données anonymes.
Nous souhaitons cependant que chaque patient garde le
contrôle de ses propres données, pour qu’il puisse, par
exemple, autoriser un (autre) médecin à y accéder. Cest
pourquoi nous avons mis au point un système cryptogra-
phique qui permet au patient de gérer ses propres don-
nées tout en restant anonyme.
Ce système est basé sur les infrastructures de crypto-
graphie à clé publique déployées actuellement à grande
échelle. Dans ces infrastructures, les utilisateurs reçoi-
vent deux clés : la clé privée qui est stockée en lieu sûr,
le plus souvent dans une carte à puce, et la clé publique
qui est partagée avec le monde entier. La clé publique
doit être validée par une autorité de certication qui dé-
livre un certicat liant la clé publique et l’identité du
patient. Malheureusement, nous ne pouvons pas utiliser
directement les informations de ces systèmes. Le certi-
cat contient l’identité du patient, il est donc impossi-
ble de garder cette information dans une base dont les
données se veulent anonymes. Garder la clé publique
est tout aussi impossible : celle-ci étant par essence pu-
blique, il est possible de retrouver la personne qui la
possède. Nous avons donc mis au point un système qui
garde une trace de la clé privée an de pouvoir vérier
que la personne qui veut accéder à telle ou telle donnée
y est bien autorisée.
Rendre le pouvoir au patient dans le contrôle de
ses données
Les données médicales produites par des capteurs
placés sur ou dans le corps des patients sont très utiles.
Nous cherchons une solution au problème suivant: com-
ment répartir les données provenant de ces capteurs
entre tous les destinataires possibles, patients, méde-
cins, hôpitaux, chercheurs, fabricants d’implants médi-
caux, autorités ou assurances maladie ? Nous dévelop-
pons un système qui transfère de manière sécurisée et
chirée les données utiles à chaque partie, sans quelles
puissent pour autant être interceptées par des oreilles
malveillantes. Nous construisons une architecture ba-
sée sur des protocoles cryptographiques, dans laquelle
les capteurs sont en relation avec un smartphone ; c’est
ce dernier qui est responsable de la sélection et de
l’encryptage des données. Un serveur permet ensuite de
concentrer les données provenant de tous les smartpho-
nes, et de les envoyer anonymement à leurs destina-
taires. La cryptographie permet au patient de sélection-
ner directement qui aura accès à quelle information.
Rendre le contrôle de ses données au patient est un
challenge. C’est lui permettre de sélectionner les destina-
taires de ses informations et de garder le contrôle sur ses
données, alors qu’elles sont anonymes. Même si cette
tâche est ardue, elle est indispensable pour que tous les
citoyens adoptent ces nouvelles techniques. La recherche,
la médecine, les assurances ont besoin d’accéder à ces
données pour travailler, nous devons donc absolument
arriver à garantir au patient de garder la maîtrise de ses
propres données pour qu’il accepte d’être partie intégran-
te de ce processus.
Contact
– emmanuel.benoist@b.ch
Infos : risis.b.ch
Dr Emmanuel Benoist
Professeur d’informatique
La gestion des données médicales a longtemps été
laissée aux professionnels. Nous développons des
solutions visant à redonner aux patients la maîtrise
des informations qui les concernent. Ils peuvent ainsi
rer leurs données personnelles, stockées dans une
base anonyme, sans avoir à révéler leur identité.
Ceci leur permet aussi de choisir avec qui ils sont
d’accord de partager ces données médicales et sous
quelles conditions.
Rendons le pouvoir
aux patients !
Le patient contrôle tous les transferts d’information
« Nous avons mis au point un système cryptographique qui permet au patient de gérer ses
propres données tout en restant anonyme. »
De nombreux capteurs sont déjà disponibles, toutefois le patient doit
pouvoir contrôler l'accès aux données produites.
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