sommaire I. Préface .....................................................................13 II. À la découverte du génie génétique .........................15 Donner le vrai sens à chaque mot .......................15 Modification génétique : espoir ou danger ?.........17 III. OGM : retour à la réalité .......................................25 Quelques exemples dans le domaine de la santé ..25 La situation des OGM en agriculture..................28 IV. La polémique sur les OGM....................................41 Les opposants aux OGM ....................................41 Les arguments des anti-OGM.............................44 Les méthodes des anti-OGM ..............................50 La victoire des opposants aux OGM ...................64 V. Réponses aux opposants ..........................................69 OGM, alimentation et santé...............................69 OGM et environnement.....................................87 OGM et utilité sociale ......................................118 OGM et politique ............................................151 OGM et éthique...............................................163 9 ogm : le gâchis VI. La société face au progrès scientifique et technique...177 Un vieux débat .................................................177 L’alimentation, domaine de l’irrationnel ...........178 La peur du risque..............................................180 Le principe de précaution (PP) .........................182 PGM et développement durable (DD) .............186 VII. Les responsables politiques et les OGM .............189 Des rapports scientifiques pour quoi faire ? .......189 L’incohérence des responsables politiques..........193 Démocratie d’opinion, idéologie, électoralisme, chauvinisme ...........................201 VIII. OGM, médias et opinion publique...................207 IX. OGM, entreprises et société ................................217 Les entreprises de biotechnologies exclues du débat ...........................................217 Monsanto, la cible privilégiée des anti-OGM....220 Notre recherche en biologie végétale et nos sociétés semencières en péril ...............228 La France et les pays en voie de développement (PVD).............................232 France et Europe hors jeu pour les investisseurs en biotechnologie végétale ............................233 X. OGM : miroir de notre société ..............................235 La prise de risques s’étiole .................................235 La montée de l’anti-science ...............................236 Le repliement hexagonal ...................................238 10 sommaire Le goût de la réglementation.............................240 La nécessaire vision à long terme.......................241 Un difficile consensus .......................................242 XI. Rêvons un peu.....................................................245 Une France plus impliquée dans les sciences et les nouvelles technologies....245 Une France moteur de la recherche européenne ...251 Une France engagée dans les sciences du vivant...252 Une agriculture française dynamisée par les nouvelles technologies .......................255 Des responsables politiques qui préparent la France du futur ...................260 XII. Pour conclure sur les OGM................................263 Sortir de l’imbroglio actuel ...............................263 Préparer l’avenir................................................265 Notes.........................................................................269 i. préface L’introduction d’une nouvelle technologie, surtout si elle est puissamment novatrice, a toujours eu ses détracteurs. Cependant l’ampleur de la contestation et l’ancrage de la peur liés à l’adoption des biotechnologies végétales en Europe et surtout en France ont de quoi surprendre. Certes, cette technologie est issue de découvertes récentes et dérangeantes, s’agissant de l’unicité du code génétique au sein du monde vivant. Mais, à l’inverse, les applications du génie génétique ont fait l’objet, depuis près de 30 ans, de travaux très importants par des équipes scientifiques du monde entier et dans un cadre réglementaire qui n’a jamais été aussi rigoureux, notamment en Europe. Par ailleurs ces OGM ou plus précisément ces PGM (Plantes Génétiquement Modifiées) sont cultivés à grande échelle et à la satisfaction de millions d’utilisateurs, dans de nombreux pays développés ou en développement, sans que l’on ait rencontré le moindre problème sanitaire ou environnemental. 13 ogm : le gâchis La communauté scientifique, les grandes organisations internationales ou nos multiples commissions nationales d’experts reconnaissent les avantages actuels et surtout futurs de ces PGM. Alors ? Pourquoi ce rejet ? Est-ce une nouvelle exception française ? Est-ce un changement radical de la société européenne face au progrès technique ? Vivrait-on une éclipse de la raison ? Ces interrogations, et bien d’autres, m’ont amené, m’appuyant sur ma longue expérience professionnelle, à analyser l’imbroglio actuel, à expliquer la réalité des PGM et à tenter des recommandations pour sortir d’une situation bloquée qui risque de nous priver des atouts exceptionnels offerts par la nouvelle « révolution verte ». Puisse cet ouvrage contribuer à introduire dans la polémique qui ne cesse d’enfler et dans le faux débat accaparé par les croisés de l’anti-sciences, mais hélas partagé par de nombreux décideurs, des éléments crédibles de réflexion et des lueurs d’espoir pour le développement des biotechnologies végétales dans notre pays. Juillet 2005 ii. à la découverte du génie génétique donner le vrai sens à chaque mot Beaucoup de personnes ont une opinion bien tranchée sur les OGM : on est pour ou on est contre ! Mais connaît-on vraiment le sujet sur lequel les avis sont si souvent péremptoires ? Donner une définition simple qui puisse éclairer la très grande majorité de nos concitoyens n’est pas évident. Cette difficulté d’appréhender ce que sont précisément les OGM est, le plus souvent, source de confusion et d’incompréhension. Dans Organismes Génétiquement Modifiés, il y a d’abord « Organismes » dont l’explication est aisée puisqu’il s’agit de tous les organismes vivants, du plus simple d’entre eux, la bactérie unicellulaire, jusqu’aux organismes les plus évolués: plantes, animaux constitués de plusieurs milliards de cellules. On peut citer pour exemples d’OGM largement utilisés, des bactéries génétiquement modifiées capables de produire de l’insuline pour les diabétiques ou bien du maïs transformé devenu résistant à certains insectes parasites évitant ainsi l’utilisation d’insecticides. 15 ogm : le gâchis « Génétiquement Modifié » mérite de plus grandes explications, d’autant plus que ce couple adverbe/participe passé potentialise une connotation inquiétante dramatisée habilement et avec succès par les opposants aux OGM, surtout dans un contexte d’une société européenne avide de « retour à la nature ». Rappelons que chaque organisme vivant est caractérisé par un code génétique propre à chaque espèce. Cette information génétique est stockée dans les chromosomes, sortes de bâtonnets situés dans le noyau de chaque cellule. Chaque chromosome est constitué d’une molécule complexe, l’ADN (Acide Désoxyribo Nucléique) se présentant en double hélice et portant l’information génétique stockée sous forme d’un code composé de quatre bases (nucléotides) : adénine, thymine, cytosine et guanine (ATCG). Ces chromosomes marchent par deux, l’un provenant du père, l’autre de la mère. Le gène est une séquence d’ADN qui constitue l’élément de base du patrimoine génétique. Il est responsable d’une fonction particulière dans l’organisme. Chaque espèce comporte un nombre de gènes différents, de quelques milliers à quelques dizaines de milliers (30 000 à 35 000 pour l’homme). Le génome est l’ensemble du patrimoine génétique d’un individu ou d’une espèce présent dans chacune de ses cellules. Toutes ces notions sont issues de découvertes récentes liées pour l’essentiel à l’arrivée du microscope et du microscope électronique mais aussi au développement de l’interdisciplinarité. 16 à la découverte du génie génétique Nous sommes dans une science majeure du xxie siècle : la biologie moderne ou biologie moléculaire qui travaille dans l’infiniment petit : le micromètre, le nanomètre ou l’Angström, c’est-à-dire du millionième au cent millionième de mètre ! On peut comprendre qu’une technologie travaillant à cette échelle puisse la rendre impénétrable et par là même mystérieuse pour beaucoup de nos concitoyens. modification génétique : espoir ou danger ? Qu’y a-t-il de si nouveau et de si troublant dans ces organismes génétiquement modifiés ? Paradoxalement c’est au moment où l’on comprend mieux les mécanismes intimes de la vie que l’on éprouve une certaine angoisse devant la réalité ! Un phénomène naturel Les modifications génétiques ont toujours existé. Les plantes échangent des gènes, naturellement, sans l’intervention de l’homme. Des insertions de fragments d’ADN se produisent fréquemment dans la nature et l’on estime qu’un tiers des espèces vivantes sont des hybrides naturels. Ce sont les mutations créatrices de variétés, responsables de la biodiversité et moteur de l’évolution. Depuis quatre milliards d’années, début de l’histoire du règne vivant, un énorme brassage naturel de gènes a fabriqué, au fil des millénaires, des organismes vivants génétiquement modifiés en sélectionnant les gènes qui apportent des avantages sélectifs. 17 ogm : le gâchis Dans la conception actuelle de l’évolution des espèces, c’est le jeu du hasard lié aux mutations qui se combine avec la sélection naturelle uniformisante qui va éliminer les organismes les moins aptes et les moins compétitifs. C’est la célèbre formule de Jacques Monod : le Hasard et la Nécessité pour exprimer la combinaison « mutationsélection ». Une pratique ancienne s’appuyant sur le hasard Depuis des millénaires, depuis 400 générations, les hommes ont amélioré les plantes en faisant de la biologie et de la génétique sans le savoir. D’abord en domestiquant des espèces sauvages, puis en sélectionnant de façon empirique des populations, enfin plus récemment à partir du début du xxe siècle et en s’appuyant sur les lois de l’hérédité, en procédant à la sélection des plantes par croisements, procédé plus rationnel, certes, mais toujours hasardeux. Cette sélection classique en vigueur aujourd’hui se traduit en effet par un brassage aléatoire des génomes des deux parents. En mélangeant au hasard plusieurs dizaines de milliers de gènes, le risque est pris d’introduire des caractères indésirables dans la nouvelle variété, et il faut plusieurs générations de croisements pour parvenir à fixer les caractères recherchés, sans pour autant être sûr d’avoir supprimé ceux que l’on veut éliminer. Aujourd’hui, pourrait-on dire, à part les champignons des bois et les fraises sauvages, tout ce qui est produit par les agriculteurs a été génétiquement modifié. 18 à la découverte du génie génétique Un bond technologique lié aux découvertes scientifiques La grande découverte qui, comme souvent dans l’histoire des sciences et des technologies, suscite à la fois peur et espoir, c’est ce que l’on a appelé « l’universalité du code génétique. » Révélation majeure et toute récente puisque datant du milieu du xxe siècle, cette unicité du code génétique au sein du monde vivant est perçue par les uns comme le départ d’une grande aventure humaine riche de progrès décisifs dans de multiples domaines. Pour d’autres elle est source d’éventuelles et graves dérives pouvant aller jusqu’à l’eugénisme, c’est-à-dire l’amélioration de la race humaine. En réalité les biotechnologies ne font qu’accélérer un processus naturel et depuis longtemps amplifié depuis que l’homme pratique l’agriculture. Après la découverte des lois de l’hérédité en 1865 par Gregor Mendel et des composants de la cellule en 1878, c’est le xxe siècle qui a apporté les progrès scientifiques de la biologie moderne : – théorie chromosomique de l’hérédité en 1907 (Th. Morgan) ; – identification du gène en 1909 (W. Johannsen) ; – découverte de l’ADN en 1944 (O. Avery) ; – découverte de sa structure moléculaire en 1953 (Crick, Watson, Wilkins). Cette macromolécule filamenteuse d’ADN a la capacité unique de transmettre de génération en génération les multiples caractères spécifiques des individus et des espèces, c’est-à-dire l’hérédité. 19 ogm : le gâchis Chose plus troublante encore : quelles que soient les espèces, cette molécule d’ADN a toujours la même structure et le même comportement général. C’est ce que Jacques Monod, autre fondateur de la biologie moléculaire, exprimait en ces termes : « Ce qui est vrai pour la bactérie est vrai pour l’éléphant. » De façon différente, on peut dire, pour caricaturer l’universalité de l’ADN, et sans aucunement vouloir se montrer irrévérencieux, que : 45 % des gènes de la belle Monica Belluci sont identiques à ceux d’une discrète levure de bière, et que 85 % des gènes du génial Albert Einstein sont les mêmes que ceux d’un chimpanzé d’Afrique équatoriale. Le génie génétique, conséquence logique des avancées scientifiques Une découverte scientifique engendre le plus souvent des applications pratiques, des technologies, mises au service du plus grand nombre. Ainsi les découvertes récentes sur l’ADN et en génétique ont permis un approfondissement considérable dans la compréhension des organismes vivants. La cellule est apparue comme une usine biologique ouvrant la voie aux biotechnologies. De l’universalité du code génétique est née bien naturellement l’idée de la transgénèse, c’est-à-dire le transfert dans le patrimoine d’un être vivant, d’un gène d’intérêt mais qui lui est étranger. Et c’est ici que réside, pour l’essentiel, le trouble ou les craintes de beaucoup de personnes et en même temps un 20 à la découverte du génie génétique immense espoir, face à ce qui constitue le « franchissement de la barrière des espèces ». Sujet dérangeant puisque contraire à ce qui a été enseigné, récemment encore, sur le banc de nos écoles et de nos universités. Et pourtant, comment ne peut-on voir la chance extraordinaire de pouvoir utiliser aujourd’hui tous les gènes de la nature afin d’améliorer et d’ouvrir des perspectives immenses à nos plantes cultivées. Le premier transfert de gène d’une bactérie du sol à une cellule végétale a eu lieu en laboratoire en 1977. C’était hier ! Premier succès du génie génétique en aucune manière contesté. Quelques années auparavant J. Monod exprimait son scepticisme sur la mise en œuvre de la transgénèse dans son remarquable ouvrage Le hasard et la nécessité : « L’échelle microscopique du génome interdit pour l’instant et sans doute à jamais de telles manipulations… » Les progrès fulgurants du génie génétique ces dernières décennies ont vite balayé les doutes de J. Monod et ouvert des perspectives immenses dans plusieurs domaines, notamment la santé et l’agriculture où les premières applications des biotechnologies ont vu le jour et se développent rapidement au fil des ans. Du vaccin contre l’hépatite B aux plantes transgéniques résistantes aux insectes ! 21 ogm : le gâchis Génie génétique ou manipulations génétiques? La force des mots et la connotation qu’ils véhiculent servent à alimenter la polémique sur les OGM. La visite attentive d’un grand laboratoire de biotechnologie devrait suffire à rassurer ceux qui croient ou veulent faire croire à des manipulations hasardeuses de charlatans sans scrupule au service de quelque multinationale diabolique et corrompue. Les technologies de transgénèse exigent des compétences spécifiques et des moyens importants pour parvenir à insérer convenablement un gène d’intérêt dans un organisme vivant. On est à cent mille lieux de l’atelier de fabrication de farine de viande responsable de la maladie de la vache folle que les opposants, bien injustement et sans vergogne comparent à l’élaboration d’un OGM. Connaissent-ils la technicité et la difficulté que constitue cette technologie: – l’identification du gène d’intérêt dans l’organisme donneur qu’il faut rechercher et qui fait appel à la génomique1 ; – l’isolement de ce gène parmi les milliers que comporte cette macromolécule en double hélice qu’est l’ADN; – l’intégration de ce gène d’intérêt dans une construction génétique afin de pouvoir le multiplier; – son transfert et son insertion dans l’organisme hôte que l’on veut transformer et améliorer, par des méthodes qui tiennent de la prouesse technologique se jouant dans l’infiniment petit; – la sélection des cellules transformées ; – la régénération de l’organisme génétiquement modifié; 22 à la découverte du génie génétique – enfin l’évaluation de l’expression du gène et son contrôle avant sa multiplication. Il ne peut s’agir de manipulations génétiques à la portée du premier bricoleur ou de l’apprenti biologiste en mal de renommée. Le génie génétique réclame de réels talents scientifiques et des moyens financiers considérables, compte tenu de la sophistication des biotechnologies et des investissements nécessaires, notamment pour pouvoir répondre aux contraintes draconiennes imposées par la réglementation en laboratoire et en plein champ. Comment alors peut-on s’étonner que les premiers OGM sortent des laboratoires de sociétés puissantes disposant d’équipes scientifiques nombreuses et compétentes ? En même temps, comment ne pas regretter que ces innovations majeures ne soient pas le fruit des recherches de notre recherche publique, française ou européenne ? De nombreux pays, et particulièrement la Chine, ont vite mesuré l’enjeu de ces nouvelles technologies et ont investi fortement dans la recherche et la formation en biotechnologie végétale. Par rapport aux techniques classiques d’amélioration des plantes, la transgénèse élargit considérablement les possibilités de création de nouvelles variétés. En outre, elle permet de travailler plus vite avec une plus grande maîtrise et une meilleure précision d’insertion de nouveaux gènes provenant ou pas de la même espèce. 23 ogm : le gâchis En réalité, cette biotechnologie végétale n’est rien d’autre qu’une nouvelle phase de modernisation de l’agriculture qui a débuté il y a de nombreux siècles.