définit huit qualités requises pour tisser des liens de confiance fondés sur le respect
de la personne : chaleur, écoute, disponibilité, simplicité, humilité, authenticité,
humour, compassion. i [8]
Le territoire sur lequel s’exercent ces qualités fondamentales soignantes trouve un
écho dans le terme de sollicitude qui a une place importante dans la philosophie de
P.Ricoeur. L’auteur place la dynamique de la sollicitude sur la trajectoire de l’éthique
et donne à ce mot le statut de « spontanéité bienveillante, soucieuse de l’altérité des
personnes, intimement liée à l’estime de soi au sein de la visée de la vie bonne ». [9].
Ce statut qui s’applique à la relation d’amitié est poussé plus loin par P.Ricoeur dans
la relation dissymétrique soignant/malade et on ne peut que citer ce remarquable
texte : « C’est peut-être là l’épreuve suprême de la sollicitude, que l’inégalité de
puissance vienne à être compensée par une authentique réciprocité dans l’échange,
laquelle, à l’heure de l’agonie, se réfugie dans le murmure partagé des voix ou
l’étreinte débile des mains » . [10]
Jean-claude Besanceney reprend le terme de sollicitude comme « ce qui ne peut
s’apprendre mais peut s’acquérir » c’est-à-dire « les attitudes personnelles, liées à ses
propres valeurs, et affinées au contact des réalités ». Pour l’auteur la sollicitude est
partie intégrante d’une éthique qui invite « à être compatissant, à dépasser le
légalisme, devenir créatif et apprivoiser l’incertitude comme réalité de la condition
humaine ». [11].
Le terme de sollicitude est aussi repris par Guy Durand comme composante du
principe de bienfaisance et de respect de la vie- [12]. Pour lui le mot a été mis à la
mode par le courant féministe. Ce mouvement incarné en particulier par les travaux
de la psychologue américaine Carol Gilligan (1936- ) qui a observé que les filles
avaient une façon différente de réfléchir aux questions éthiques. Elles prioriseraient
les détails concrets d’une situation en discutant avec les intervenants concernés, en
mettant au second plan une approche par les principes. Cette approche de l’éthique
priorisant la discussion, bien que difficilement démontrable sur le terrain, n’est peut-
être pas à ignorer, la profession étant très majoritairement féminine.
La sollicitude ne se réduit pas seulement au geste, à l’attention portée à autrui, au
respect (sinon comment la distinguer de la bienveillance ?), mais c’est aussi ce lieu
mouvant et intime de la confluence de nos croyances, de nos valeurs. C’est cette
réciprocité bâtie dans une relation de confiance censée guider quotidiennement notre
agir, notre pensée, notre parole dans la visée éthique de la « vie bonne avec et pour
autrui » [13].
Cela ne s’apprend peut-être pas, mais cela se construit, indéfiniment, et demande
effort, engagement. Portée comme vertu essentielle guidant notre relation à l’autre, y
compris dans le champ professionnel, les avis des comités d’éthique ou les décisions
du législateur, la sollicitude est nommée par Paul Ricoeur « sollicitude critique » en
tant que « forme que prend la sagesse pratique dans la région des relations
interpersonnelles » [14].
En matière d’éthique infirmière, il n’est pas absurde de penser que cette sollicitude
s’inscrit dans une prudence (« phronesis ») pratique faite de présence, discussion, de
prise en compte de l’altérité, de respect inconditionnel de l’autre, d’empathie, de