La nouvelle carte spectrale des conflits : une géographie introuvable
GéostratéGiques n° 38 • 1er trimestre 2013
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plus diffuses, moins identifiables dont l’efficacité dépendra surtout de la perception
et de la représentation symbolique qu’en font les medias à l’échelle globale. En
effet, la binarité et le manichéisme symboliques qui caractérisaient la conflictualité
bipolaire de la guerre froide, en tant que « guerre des blocs » et de « fronts », a laissé
la place à une conflictualité fluide, opaque, diffuse, protéiforme, « globalisée » et
pluridimensionnelle qui s’étend à diverses menaces et domaines de la sécurité, de la
santé publique, de la démographie incontrôlée, de l’immigration et le problème des
réfugiés, le réchauffement climatique et les menaces naturelles et biologiques sans
compter les menaces de prolifération des armes légères.
Technodéterminisme et approche diachronique de la conictualité
sociétale
Bien sûr, afin de mieux répondre à cette nouvelle forme de conflictualité, les États
et les organisations internationales mettent en place de nouvelles formes de straté-
gies qui cumulent les méthodes douces de dissuasion et de persuasion (Softpower
and policy) et les méthodes répressives plus conventionnelles (Hardpower). D’autre
part, aujourd’hui la grille d’analyse du phénomène polémologique s’est transfor-
mée au fur et à mesure de l’émergence de nouvelles formes de conflictualité et
de guerres : « guerre économique », « guerre cognitive », « infoguerre ou guerre
d’information », la « guerre en réseau », opérations basées sur les effets « guerres de
représentations », de sorte que l’herméneutique classique du phénomène conflictuel
jadis fondée sur le dualisme ennemi/ami, territoire/acteurs en présence s’est lour-
dement complexifiée. Evidemment, si l’on s’accorde à dire que la conflictualité ou
l’agonalité constituent une constante fondamentale et permanente de la condition
humaine et de la vie des États, les stratégies, les méthodes et les techniques de la
conflictualité, comme l’a si bien montré Colin Gray, sont évolutives et modifient la
nature des conflits. Ainsi, au-delà de la thèse qui soutient un certain déterminisme
technologique, il convient de constater que l’apparition des nouvelles technologies
de communication et d’information, Internet, les satellites, le fameux « cyberspace »
a favorisé l’avènement d’une conflictualité plus diffuse et irrégulière c’est-à-dire une
conflictualité sociétale qui ne s’insère plus dans les schémas rigides et convention-
nels des guerres interétatiques. Bien entendu, l’argument iréniste selon lequel la
guerre est un phénomène obsolète demeure encore mal fondé, car l’actualité de
tous les jours démontre, en dépit de la globalisation des échanges, de la démocrati-
sation des sociétés, de la maîtrise des armements, le rôle régulateur et préventif des
institutions internationales, combien la guerre et la conflictualité restent encore des
phénomènes vérifiables et vivaces et constitutifs de l’essence historique des sociétés
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