Chaos hamiltonien dans les plasmas de fusion

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Aix-Marseille Université
Centre de Physique Théorique de Marseille
Thèse
présentée pour obtenir le titre de DOCTEUR en
Physique et science de la matiere
Chaos hamiltonien dans les
plasmas de fusion
Benjamin Cambon
[email protected]
Soutenue publiquement le 16/09/2015 devant un jury composé de :
Président
Rapporteurs
Examinateurs
Directeur de thèse
Serge Lazzarini
Marie-Christine Firpo
Duccio Fanelli
Michel Vittot
Xavier Garbet
Alexei Vasiliev
Xavier Leoncini
Ecole doctorale de Physique et science de la Matière
Thèse réalisée au
Centre de Physique Théorique de Marseille
Aix_Marseille Université
Campus de Luminy, case 907
163 Avenue de Luminy, 13288 Marseille Cedex 9
Tél : +33 4 91 26 95 00
Fax : +33 4 91 26 95 53
Web : http ://www.cpt.univ-mrs.fr
Sous la direction de
Financement
Xavier Leoncini
[email protected]
Bourse de l’école doctorale Sciences Pratiques de l’ENS Cachan
Résumé
La physique touchant à la fusion nucléaire offre une richesse phénoménologique
extraordinaire dans laquelle s’entremêlent des aspects de physique atomique, plasmas chauds, champ magnétique ou encore dynamique non linéaire. Cette diversité
explique pourquoi de nombreuses recherches sont actuellement en cours autour
du futur tokamak ITER, avec une volonté commune d’améliorer le confinement
du plasma. Cette thèse s’inscrit dans ce projet global de maitriser la production
d’énergie par l’utilisation de la fusion nucléaire.
Notre travail se portera sur un axe délaissé par la physique nucléaire depuis de
nombreuses années : l’étude de la trajectoire exacte d’une particule chargée dans
un champ magnétique de type tokamak. Nous considérerons des particules tests
plongées dans un champ magnétique indépendant du temps. Par définition, elles
n’interagissent pas entre-elles et n’ont aucun effet sur le champ magnétique. Le but
de notre étude sera alors de mettre en évidence des différences de comportement
majeures entre d’une part les trajectoires des particules et d’autre part les lignes
de champ magnétique. Cette ligne directrice nous amènera également à aborder le
thème du transport radial dans les tokamaks. Dans l’ensemble de cette étude, les
effets du champ électrique seront négligés.
Pour mener à bien cette thèse, nous commencerons dans une première partie par
expliciter nos motivations et replacer nos recherches dans une problématique plus
vaste. En particulier, nous verrons que les techniques employées aujourd’hui pour
simuler la dynamique d’un plasma de fusion reposent sur des modèles magnétohydrodynamiques ou gyrocinétiques dont les hypothèses sont parfois contestables.
Nous exposerons ensuite l’approche hamiltonienne choisie pour simuler la trajectoire exacte d’une particule et introduirons les différents outils dont nous aurons
besoin par la suite, en particulier la caractérisation des phénomènes chaotiques.
L’ensemble de cette partie constituera le socle de connaissance nécessaire à la
compréhension de notre travail personnel.
Dans la seconde partie, nous présenterons brièvement l’outil numérique développé qui permettra de mettre en évidence des différences de comportements importantes entre ligne de champ et trajectoire de particule. Dans un premier temps,
nous exhiberons du chaos de trajectoire en présence de ligne de champ intégrable
i
Résumé
en ajoutant au champ magnétique idéal une perturbation de type ripple. Puis,
nous montrerons qu’un même résultat peut être démontré dans le cas d’un champ
magnétique idéal axisymétrique. Ce résultat entrainera des questions importantes
autour de l’invariance du moment magnétique µ considéré comme constant par les
codes gyrocinétiques. Nous mettrons en évidence des zones de l’espace des phases
dans lesquelles cette hypothèse est largement mise à défaut.
Enfin, la dernière partie de ce manuscrit portera sur le comportement des particules tests en présence d’un champ magnétique potentiellement chaotique. En
particulier, nous concentrerons notre approche autour de champ magnétique présentant des barrières de transport interne ou ITB. Nous expliciterons un résultat
récent, à savoir que l’énergie des particules influence grandement leurs dynamiques
en modifiant la topologie de la section de Poincaré que nous étudierons. Si les ITB
permettent de limiter la diffusivité radiale au sein d’un tokamak, ce résultat pourrait être particulièrement intéressant en permettant d’utiliser ces ITB comme des
filtres à particules rapides.
ii
Hamiltonian chaos into fusion
plasmas
Abstract
Physics related to nuclear fusion offers an extraordinary phenomenological wealth
where some aspects of atomic physics get mixed up: hot plasmas, magnetic field
and nonlinear dynamics. This variety explains why a lot of research is currently
carried out near the future ITER tokamak, and looking to improve plasma confinement. This thesis falls within the scope of this global project consisting in
mastering energy production by using nuclear fusion.
We will work on an axis which has been neglected by nuclear physics for many
years: the study of the exact trajectory of a charged particle within a magnetic
field of the tokamak type. We will consider test particles immerged into a timeindependent magnetic field. By definition, they don’t interact with each other and
have no effect on the magnetic field. The objective of our study will be to prove
major behaviour differences between the particles’ trajectories on the one hand,
and the magnetic field lines on the other hand. This guiding line will also lead us
to approach the subject of radial transport in tokamaks. Overall, this study will
overlook the effects of the magnetic field.
To see this thesis through the end, we will start in part one by making our
motivations explicit and by contextualizing our research into a larger problematic.
We will especially see that the technics used nowadays to simulate the dynamic of
fusion plasma are based on magnetohydrodynamic or gyrokinetic models which hypotheses are sometimes debatable. We will then present the Hamiltonian approach
chosen to simulate the exact trajectory of a particle, and will introduce the various
tools we will later need, including the characterizationof chaotic phenomena. This
whole part will form the knowledge base required for the good understanding of
our personal work.
Within part two, we will briefly present the developed digital tool which will
highlight important behaviour differences between field line and particle trajectory.
Initially, we will exhibit trajectory chaos in the presence of integrable field lines
by adding a ripple perturbation to the ideal magnetic field. In a second phase,
we will show that a similar result can be proven in the case of an asymmetrical
ideal magnetic field. This result will lead to substantial questions regarding the
invariance of the µ magnetic moment considered as constant by gyrokinetic codes.
v
Abstract
We will evidence zones of phase space in which this hypothesis is widely called
into question.
The last part of this manuscript will finally focus on the behaviour of the test
particles in the presence of a potentially chaotic magnetic field. We will particularly
concentrate our approach on magnetic fields with internal transport barriers - ITB.
We will construct a recent result, namely that the particles energy greatly affect
their dynamics by modifying the topology of Poincaré section, which we will study.
If ITBs make it possible to limit the radial diffusivity within a tokamak, this result
could be particularly interesting by allowing the use of these ITBs as fast particle
filters.
vi
Table des matières
Résumé
i
Abstract
v
Table des matières
vii
Liste des algorithmes
x
Introduction
1
De la fusion nucléaire controlée au chaos hamiltonien : Motivation de notre étude
5
1 La fusion nucléaire contrôlée
1.1 Principe et rappel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.1.1 Objectifs de la Fusion nucléaire contrôlée . . . . . . . . .
1.1.2 Le critère de Lawson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.1.3 La fusion Deutérium/Tritium . . . . . . . . . . . . . . .
1.2 Différents types de confinement . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.2.1 Confinement Inertiel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.2.2 Confinement magnétique . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.2.2.1 Principe du confinement magnétique . . . . . .
1.2.2.2 Phénomène de dérive . . . . . . . . . . . . . . .
1.2.2.3 La configuration magnétique de type Tokamak
1.3 L’état plasma dans les tokamaks . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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18
2 Des difficultés expérimentales de la fusion contrôlée à la gyrocinétique 21
2.1 Collisions et transport anormal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
vii
TABLE DES MATIÈRES
2.2
2.3
2.4
Approche cinétique : le modèle Maxwell-Vlasov . .
2.2.1 Théorie cinétique . . . . . . . . . . . . . . .
2.2.2 Simulations numériques . . . . . . . . . . .
La MagnétoHydroDynamique (MHD) . . . . . . . .
2.3.1 Les équations fluides . . . . . . . . . . . . .
2.3.2 La MHD . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.3.3 Application de la MHD et limite de validité
L’équation gyrocinétique . . . . . . . . . . . . . . .
2.4.1 Principe de la gyrocinétique . . . . . . . . .
2.4.2 L’invariant adiabatique . . . . . . . . . . . .
2.4.3 L’équation gyrocinétique . . . . . . . . . . .
2.4.4 Application aux simulations numériques . .
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3 Trajectoire d’une particule chargée dans un tokamak
3.1 Hypothèses d’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.2 Mouvement du centre-guide . . . . . . . . . . . . . .
3.2.1 Equation du mouvement . . . . . . . . . . . .
3.2.2 Dynamique transverse de vG⊥ . . . . . . . . .
3.2.3 Dynamique de v|| . . . . . . . . . . . . . . . .
3.3 Principe de la conservation de l’invariant adiabatique
3.4 Trajectoire banane . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.5 Conclusion partielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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4 Systèmes hamiltoniens
4.1 Systèmes hamiltoniens : Définitions . . . . . . . . . . . . . . .
4.2 Application au cas d’une particule dans un champ magnétique
terne figé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.3 La structure symplectique de l’espace des phases . . . . . . . .
4.3.1 L’espace des phases . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.3.2 Le crochet de poisson . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.3.3 Structure symplectique . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.4 Théorème de Liouville et intégration numérique . . . . . . . .
4.4.1 Théorème de Liouville . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.4.2 Intégration d’un système hamiltonien . . . . . . . . .
4.4.2.1 Intégration numérique . . . . . . . . . . . . .
4.4.2.2 Problème de dérive en énergie . . . . . . . . .
4.4.2.3 Les intégrateurs symplectiques . . . . . . . .
4.5 Théorème de récurrence de Poincaré . . . . . . . . . . . . . .
4.6 Conclusion partielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
viii
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TABLE DES MATIÈRES
5 Systèmes hamiltoniens intégrables et chaotiques
5.1 Intégrabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5.1.1 Théorème de Liouville (2) . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5.1.2 Variable Action-Angle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5.1.2.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5.1.2.2 Exemple de l’oscillateur harmonique en 1D . . . .
5.1.2.3 Généralisation au cas multidimensionnel . . . . .
5.1.3 Théorème d’Arnold-Liouville . . . . . . . . . . . . . . . . .
5.2 Application au cas d’une particule chargée dans un champ magnétique externe figé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5.2.1 Deux invariants exacts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5.2.2 L’invariant adiabatique µ0 . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5.2.3 Objectif de notre étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5.3 Chaos dans les systèmes hamiltoniens . . . . . . . . . . . . . . . .
5.3.1 La théorie perturbative dans les systèmes hamiltoniens . .
5.3.2 Spectre d’une trajectoire chaotique. . . . . . . . . . . . . .
5.4 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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A la recherche du chaos
69
6 Intégrabilité des lignes de champ versus trajectoires chaotiques
6.1 Intégration numérique de la trajectoire d’une particule . . . . . . .
6.1.1 Intégrateur symplectique : Méthode de Gauss-Legendre . . .
6.1.2 Vérification du code symplectique . . . . . . . . . . . . . . .
6.1.3 Visualisation et section de Poincaré . . . . . . . . . . . . . .
6.2 Perturbation du champ magnétique : effet ripple . . . . . . . . . . .
6.2.1 Le ripple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
6.2.2 Espace des phases mixte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
6.3 Intégrabilité des trajectoires versus intégrabilité des lignes de champ
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74
76
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83
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86
7 Effet de la géométrie toroïdale sur les trajectoires de particules
7.1 Tore infini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
7.2 Choix de la fonction F . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
7.3 Trajectoire de particule en géométrie torique . . . . . . . . . .
7.3.1 Choix de la section de visualisation . . . . . . . . . . .
7.3.2 Trajectoires chaotiques dans une géométrie torique . .
7.3.3 Evolution de l’espace des phases lorsque R diminue . .
7.3.4 Conclusion sur la présence de chaos . . . . . . . . . . .
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ix
TABLE DES MATIÈRES
7.4
Variations du moment magnétique dans les trajectoires chaotiques
7.4.1 Variation du moment magnétique au sein d’une zone chaotique de l’espace des phases . . . . . . . . . . . . . . . . .
7.4.2 Spectre des variations de hµ0 i . . . . . . . . . . . . . . . .
7.4.3 Conclusion sur l’invariant adiabatique . . . . . . . . . . . .
7.4.4 Possibilité d’étude complémentaire . . . . . . . . . . . . .
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99
Chaos de particule : Application aux barrières de transport
internes - ITB
101
8 Barrière de transport interne et confinement amélioré
8.1 Principe d’une ITB . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
8.1.1 Caractérisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
8.1.2 Importance du q-profil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
8.2 Modélisation magnétique des ITB dans un modèle hamiltonien . .
8.2.1 Géométrie et modélisation de la perturbation magnétique .
8.2.1.1 Configuration magnétique dans le cas d’un q-profil
monotone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
8.2.1.2 Configuration magnétique dans le cas d’un q-profil
« reversed shear » . . . . . . . . . . . . . . . . .
8.2.1.3 Intégration numérique . . . . . . . . . . . . . . .
8.2.2 Intégrabilité, chaos et ITB . . . . . . . . . . . . . . . . . .
8.2.2.1 q-profil monotone . . . . . . . . . . . . . . . . . .
8.2.2.2 q-profil reversed shear . . . . . . . . . . . . . . .
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110
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112
113
9 Caractéristiques de la trajectoire d’une particule test en présence d’une
topologie magnétique mixte
117
9.1 Résultats autour d’un q-profil monotone . . . . . . . . . . . . . . . 119
9.2 Résultat autour d’un q-profil en reversed shear . . . . . . . . . . . . 121
9.3 Travail en cours et perspective . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
Conclusion globale et pistes d’études
125
Bibliographie
127
x
Introduction
Dans cette thèse, nous allons constamment nous situer à mi-chemin entre fusion
nucléaire et théorie du chaos. Afin de replacer ce travail dans un contexte historique
beaucoup plus étendue, nous allons tenter une courte introduction montrant la
place du chaos dans les sciences à travers les âges et dans la recherche de la fusion
nucléaire contrôlée. Puis, nous formulerons notre problématique et définirons les
grands axes de notre travail.
Histoire du chaos à travers les âges
La notion de Chaos est apparue pour la première fois chez les grecs. A l’époque,
elle signifiait « un espace d’errance indéfinie, de chute ininterrompue ». Cette idée
est assez éloignée de son sens communément admis aujourd’hui où il désigne soit
du désordre, de la violence ou de l’inintelligibilité dans son sens commun soit une
caractéristique d’un système dynamique imprédictible pour les physiciens. La place
du chaos dans la société a donc énormément changé au cours du temps. Concernant
les sciences, la notion même du chaos au sens scientifique a été violemment réfutée
pendant des siècles.
Un exemple pertinent concerne l’astronomie. Pendant de nombreuses années,
l’étude du système solaire notamment mené par Kepler a cherché une explication
totale de sa forme et ses mouvements. Cet axe de recherche se poursuivit jusqu’à
l’arrivée d’Isaac Newton. Contrairement à ces prédécesseurs, ce dernier ne chercha à expliquer ni le nombre des planètes connues à son époque, ni les valeurs de
leurs distances respectives au Soleil. En revanche, il trouva un moyen de prédire
les positions futures de ces planètes à partir de leurs positions actuelles. Il introduisit ainsi la notion de condition initiale. Si la mécanique de Newton est capable
de prédire la trajectoire d’objet céleste, elle accepte de considérer les conditions
initiales comme de simples données. Cette évolution à priori mineure est en réalité
un progrès gigantesque permettant d’introduire d’autres concepts comme les équations différentielles qui sont depuis devenues la base de la physique des systèmes
dynamiques.
Ce formalisme fut alors la source d’innombrables calculs permettant de prédire
1
Introduction
et d’expliquer des phénomènes de plus en plus fins. Cette réussite totale de la
physique Newtonienne fit même introduire par Laplace dans « Essai philosophique
sur les probabilités » l’idée que tout système régit par les lois de Newton dont nous
connaitrions les conditions initiales serait entièrement prédictible. C’est l’arrivée
du déterminisme. Pour connaitre le déplacement d’une planète sur un temps infini,
il suffisait de considérer la force exercée par le soleil, d’appliquer les lois de Kepler,
puis d’apporter à la trajectoire ainsi trouvée quelques corrections d’ordres plus
élevés dues à la présence des autres astres. Ainsi, la totalité des lois de la nature
pouvait se décomposer en phénomènes simples dont il suffisait de connaitre l’origine
pour en déduire l’évolution.
Le déterminisme resta l’unique théorie jusqu’à ce que James Clerck Maxwell
pose une question à priori simpliste : Peut-on vraiment effectuer deux expériences
présentant les mêmes conditions initiales ? La réponse fut trivialement : non. En
effet, le simple fait d’avancer dans le temps est déjà une source de différence. De
plus, on ne peut pas certifier que deux situations sont rigoureusement identiques.
Ainsi, plutôt que de supposer que des conditions identiques entrainent des dynamiques identiques, la doctrine de la physique devint : des conditions initiales
semblables entrainent des dynamiques semblables. Pourtant, il semble rapidement
évident que cette affirmation peut être mise à défaut en étudiant notamment la
stabilité des systèmes dynamiques. Cette constatation perturba la communauté
scientifique au point de faire admettre aux physiciens que tout système instable
serait régi par les lois du hasard et dépasserait donc leur domaine de compétence.
Ce statut d’intouchable dont bénéficièrent ces phénomènes instables perdura
jusqu’aux travaux d’Henri Poincaré à la fin du XIX ème siècle. Considérant un
système à trois corps composé de la terre, du soleil et de la lune, il décida de
ne pas se focaliser sur une trajectoire issue d’une condition initiale mais plutôt
d’étudier l’ensemble des trajectoires possibles. C’est le début de la topologie. En
particulier, il remarqua que la majorité des trajectoires n’étaient pas de simples
ellipses se déformant au cours du temps mais présentaient au contraire une complexité effrayante. La décomposition en mouvement simple n’était plus qu’illusion.
On distingua alors deux types de mouvements : ceux stables vérifiant la doctrine
de Maxwell et ceux instables dont un écart minime de ses conditions initiales entrainaient un écart de trajectoire important. Dès lors, la théorie autour de cette
sensibilité se développa, notamment sous l’influence de Liapunov qui permit de
quantifier ce phénomène d’instabilité et introduisit le temps de Liapunov et l’horizon de prévisibilité. Finalement, ce n’est que récemment, en 1975, que le mot
chaos apparait. Il est particulièrement amusant de constater que le mot chaos est
alors utilisé en contresens complet de son sens premier. Si l’origine du chaos subsiste dans le peur de l’incompréhensible, la théorie du même nom a désormais la
volonté de rendre intelligible des phénomènes jusqu’alors considérés comme régis
2
par le hasard.
Après guerre, les physiciens réalisèrent peu à peu l’importance du chaos dans la
dynamique. Par exemple, en 1963, le météorologue Edward Lorenz mit en évidence
le caractère chaotique des équations régissant les phénomènes météorologiques [1].
Si les exemples de systèmes chaotiques sont aujourd’hui connus, les théorèmes permettant leurs études restent rares. Ainsi, une théorie particulièrement importante
pour nous est la théorie des perturbations permettant de mettre en lumière les
travaux de Kolmogorov, Arnold et Moser, connus sous le nom de théorème KAM
[2].
Parrallèlement au développement de la théorie du chaos, les recherches menées
autour de la fusion nucléaire contrôlée à partir des années 50 mirent en lumière la
complexité de garder un ensemble de particules portées à très hautes température
et formant un plasma confinées dans une enceinte magnétique que nous nommerons
tokamak. De nombreuses instabilités dans la structure du plasma apparaissent
très rapidement après le début de la décharge et sont typiquement la preuve de
phénomènes chaotiques régissant l’évolution du plasma. Des travaux de Bogoliubov
[3] et Kruskal [4] à ceux de Evans [5] et Cary [6], la dynamique non linéaire et
la physique du chaos ont ainsi été au coeur des problématiques liées à la fusion
nucléaire.
Notre thèse s’inscrit donc dans cette logique.
Problématique et contribution
Depuis l’avènement de l’outil informatique, les méthodes de simulations numériques permettant de simuler un plasma de fusion ont été sans cesse améliorées.
Cependant, si la plupart des codes numériques développés cherchent à modéliser
le comportement du plasma de fusion tout en considérant divers phénomènes complexes comme la rétroaction du plasma sur le champ magnétique, peu d’études
portent directement sur la trajectoire exacte d’une particule chargée plongée dans
un champ magnétique de type tokamak. Ainsi, nous allons considérer une approche
purement magnétique d’un tokamak en négligeant les effets du champ électriques
et étudier le mouvement de particules tests. Bien que ce système ait l’air simple
puisque régi par les lois de Newton, il n’est pas si trivial d’étudier ces trajectoires,
justement en raison de la possibilité d’apparition de chaos dans leur espace des
phases.
La problématique de cette thèse est donc de comprendre et d’étudier les principales caractéristiques du mouvement d’une particule chargée soumise à un champ
magnétique de type tokamak et d’en déduire certaines conséquences sur le transport radial au sein de la chambre de confinement.
Ainsi, la première partie de ce manuscrit proposera un retour sur l’ensemble des
connaissances nécessaires à la compréhension de ce travail. Elle s’axera autour de
3
Introduction
deux thèmes majeurs : la fusion nucléaire et la dynamique hamiltonienne.
Les deux autres parties seront dévolues à nos travaux personnels.
Une approximation parfois effectuée consiste à croire que l’intégrabilité des particules est à mettre en corrélation directe avec celles des lignes de champ magnétique.
Si ce résultat se justifie par l’intuition qu’une ligne de champ permet de guider
une particule, peu de résultats précis évoquent ce phénomène. En particulier, nous
savons que la géométrie toroïdale du tokamak entraine des phénomènes de dérive
rendant obsolète ce genre de raisonnement. Ainsi, la première idée de cette thèse
sera de distinguer intégrabilité des lignes de champ et intégrabilité des trajectoires
de particules. Une fois cette constatation effectuée, nous nous demanderons quelles
sont les conséquences de la présence de chaos dans les trajectoires des particules et
en paticulier sur leur moment magnétique. Enfin, nous étudierons les impacts de
ce résultat sur le transport radial en présence de barrières de transport internes.
4
De la fusion nucléaire controlée au
chaos hamiltonien : Motivation de
notre étude
« Si vous trouvez que
l’éducation coûte cher,
essayez l’ignorance. »
(A.Lincoln)
.
La fusion nucléaire contrôlée est, depuis la fin de la seconde guerre mondiale,
un des moteurs de la recherche en physique, au même titre que l’aérospatial
ou la miniaturisation des composants électroniques. Au cours des 70 dernières
années, les physiciens ont été amenés à développer des méthodes d’études pour
décrire et modéliser au mieux le plasma dans lequel se produisent les réactions
de fusion nucléaire. La physique des plasmas de fusion regroupe aujourd’hui
aussi bien des approches « fluide » que « cinétique ». Le premier objectif de
cette partie est de discuter de ces approches et de mettre en avant la théorie gyrocinétique ainsi que ses hypothèses. En particulier, nous insisterons sur
l’existence d’un invariant adiabatique lié au moment magnétique de la particule
et considéré comme invariant exact dans l’approche gyrocinétique. Nous étudierons alors le cas simple d’une particule chargée se déplaçant dans un champ
magnétique externe figé de type tokamak dans l’approximation adiabatique
pour expliquer l’origine de l’invariant adiabatique mais également pour comprendre l’origine des trajectoires bananes, trajectoires que nous serons amenés
à visualiser par la suite.
Jusqu’ici, nous utiliserons une dynamique basée sur une approche newtonienne. Pourtant, nous verrons ensuite que l’approche hamiltonienne est parfaitement adaptée à la description de la trajectoire d’une particule chargée dans
un champ magnétique externe figé. Nous discuterons également des caractéristiques propres aux systèmes hamiltoniens et nous exhiberons la nécessité
d’un intégrateur numérique particulier reposant sur un schéma symplectique.
Enfin, nous étudierons l’intégrabilité ou, à contrario, le caractère chaotique
des trajectoires des particules. Nous mettrons cette propriété en relation avec
l’invariance du moment magnétique et exhiberons la problématique particulièrement importante soulevée par celle-ci.
7
Chapitre 1
La fusion nucléaire contrôlée
1.1 Principe et rappel
1.1.1 Objectifs de la Fusion nucléaire contrôlée
La fusion nucléaire est un processus au cours duquel 2 noyaux atomiques fusionnent pour former un noyau plus lourd. Cette réaction est spontanée au sein
des étoiles grâce aux conditions de pression et de température extrêmes y régnant
(2.1011 atm et 1, 5.107 K au coeur du Soleil) et est la source énergétique de leur
rayonnement (voir [7]). Au coeur du Soleil, chaque seconde, 6, 20.1011 kg d’Hydrogène sont convertis en 6, 157.1011 kg d’Hélium. La masse perdue 4m = 6, 43.109 kg
est transformée en énergie au travers de la célèbre équation d’Einstein 4E =
4m.c2 où c représente la célérité de la lumière dans le vide [8]. La puissance dégagée par les réactions nucléaires au sein du Soleil correspond ainsi à 5, 8.1020 M W .
A titre de comparaison, en période de grand froid, la ville de Marseille consomme
environ une puissance électrique de 1.103 M W . Il n’est donc pas étonnant de voir
les scientifiques essayer de maîtriser sur Terre la fusion nucléaire à des fins énergétiques.
Cependant, sur Terre, il est extrêmement difficile d’obtenir des conditions permettant d’exploiter la fusion nucléaire comme source d’énergie. En effet, pour
vaincre la répulsion coulombienne et fusionner, les noyaux doivent être soumis à
des températures et/ou pressions très éloignées de ce que l’on trouve ordinairement sur Terre (Voir Section Différents types de confinement). Quelque soit la
méthode de confinement choisie, l’obtention de ces conditions nécessite un apport
énergétique très important conduisant à la conclusion que la fusion nucléaire n’est
pas forcément rentable. Cette constatation a été théorisée après la seconde guerre
mondiale par John D. Lawson [9].
9
Chapitre 1 La fusion nucléaire contrôlée
1.1.2 Le critère de Lawson
Le critère d’ignition ou critère de Lawson part du constat simple que, pour être
rentable, la puissance générée par les réactions de fusion Pf doit compenser au
minimum la puissance consommée pour maintenir le système dans les conditions
permettant la fusion nucléaire, notée Pc . On doit donc avoir :
(1.1.1)
Pf > Pc
En considérant que la matière est totalement ionisée, la densité d’énergie stockée
sous forme d’agitation thermique W est donnée par :
X
3
ni Ti ),
(1.1.2)
W = kB (ne Te +
2
où ne et ni correspondent aux concentrations d’électrons et d’ions présents dans
le plasma de fusion, kB la constante de Boltzmann et Te et Ti les températures
ioniques et électroniques. En appelant τE le temps de confinement de l’énergie, c’est
à dire le temps que mettrait le plasma à se refroidir en l’absence de chauffage, on
obtient la puissance consommée pour maintenir le système :
3
k (ne Te
2 B
+
P
n i Ti )
(1.1.3)
τE
De plus, la puissance dégagée par les réactions de fusion est proportionnelle au
nombre de réactions. Elle est donc proportionnelle aux ni , ne mais aussi au taux de
réaction hσvi, moyenne du produit de la section efficace de réaction et de la vitesse
relative des deux réactifs, ne dépendant que de la température. Enfin, la puissance
dégagée par une réaction nucléaire rentre également en compte. Cependant, en
pratique, même si l’on souhaite obtenir une réaction auto-entretenue, seule une
partie de la puissance dégagée pourra être utilisée pour maintenir le système dans
l’état nécessaire à la création de réactions de fusion, le reste étant destiné à la
production d’énergie. On notera donc Ef la fraction de l’énergie dégagée par une
réaction de fusion et potentiellement utilisable pour chauffer le plasma. On a alors :
Pc =
Pf = ne ni hσviEf
(1.1.4)
L’eq. 1.1.1 se traduit donc par :
ne ni τE >
3
k (ne Te
2 B
+
P
hσvii1 i2 Ef
ni Ti )
(1.1.5)
Dans l’eq 1.1.5, il convient de distinguer deux types de variables. D’une part,
des grandeurs dépendant de la méthode de confinement du plasma de fusion, ce
sont les densités de particules ni , ne et le temps de confinement τE . D’autre part,
10
1.1 Principe et rappel
à température fixée, les grandeurs Ef et hσvi qui sont fonctions uniquement de la
réaction de fusion choisie. Voyons donc quelle réaction présente le meilleur rendement et étudions ensuite les différentes méthodes de confinement.
1.1.3 La fusion Deutérium/Tritium
Afin de satisfaire le critère de Lawson, nous devons choisir au mieux les réactifs
que nous souhaitons faire fusionner. En considérant que Te = Ti = T , le critère de
Lawson devient :
ne ni τ E >
3
k (ne
2 B
P
+ ni )T
hσvii1 i2 Ef
(1.1.6)
La grandeur T /hσvi ne dépendant que de la réaction considérée et de la température T doit donc être minimisée. En particulier, on ne retiendra que les réactions
mettant en jeu 2 réactifs, la probabilité que 3 particules se collisionnent étant beaucoup trop faible. Pour chaque réaction, il existe alors une température optimale
permettant de minimiser ce critère. Le tableau 1.1 nous montre cette température optimale et la valeur de T /hσvi pour différentes réactions envisageables. La
réaction Deutérium/Tritium se présente ainsi comme celle ayant la température
optimale la plus basse, c’est à dire la plus facile à obtenir, et le rapport hσvi/T le
plus grand.
Réaction
2
D +3 T
2
D +2 D
2
D +3 He
P + +6 Li
P + +11 B
T[keV]
13, 6
15, 0
58
66
123
hσvi/T [m3 /s/keV 2 ]
1, 24.10−24
1, 28.10−26
2, 24.10−26
1, 46.10−27
3, 01.10−27
Table 1.1 – Minimisation de T /hσvi et température optimale
On peut alors écrire l’équation de fusion :
2
D +3 T →4 He + n + 17, 6M eV
(1.1.7)
La réaction 2 D −3 T admet d’autres avantages permettant de considérer qu’elle
est à privilégier. D’abord, la réaction présente 2 produits, de sorte que l’un chauffe
le plasma alors que l’autre fournit de l’énergie à l’extérieur du confinement. Ainsi,
l’ion Hélium, également appelé particule alpha et entièrement ionisé emporte avec
lui une énergie Ef = 3.56M eV qu’il réinjectera pour chauffer le plasma alors que
le neutron emporte 80% de l’énergie dégagée par la réaction de fusion nucléaire -
11
Chapitre 1 La fusion nucléaire contrôlée
soit environ 14M eV - qui sera utilisé pour produire de l’énergie électrique. Notons
également que le deutérium est présent en abondance dans les océans, ce qui en
fait un réactif facile à produire - Le tritium est lui un élément rare sur Terre et
radioactif avec un temps de demi-vie environ égale à 12 ans mais est produit par
les réacteurs nucléaires. A la vue de ces résultats, nous ne considèrerons désormais
plus que la réaction 2 D +3 T dans la suite du manuscrit.
Bien que la température optimale de fusion de la réaction 2 D −3 T soit la
plus faible considérée, elle reste malgré tout de 13.6keV. Selon la distribution de
Maxwell-Boltzmann, hEi = 32 kB hT i, cette température exprimée en eV correspond
à 1, 57.1011 K. Elle doit être comparée à la température d’ionisation, typiquement
de 13eV pour affirmer que la matière confinée est sous forme de plasma totalement
ionisé. En considérant un plasma à 50% de Deutérium tel que nD = nT = n2e , on
peut réécrire l’eq 1.1.6 comme :
ni τE ? 1, 5.1014 s.cm−3
(1.1.8)
L’eq 1.1.8 ne dépend plus que de la concentration des réactifs et du temps de
confinement énergétique. Une fois la réaction de fusion choisie, il est donc nécessaire
de se pencher sur la méthode de confinement pour espérer satisfaire le critère de
Lawson en jouant sur l’un des deux paramètres.
1.2 Différents types de confinement
1.2.1 Confinement Inertiel
La première méthode de confinement présentée ici est sans doute la moins médiatisée en France. Il s’agit du confinement inertiel. La méthode inertielle consiste
à amener le plasma à une pression très élevée - 106 atm - pendant des temps très
courts déterminés par l’inertie du système - de l’ordre de 10−11 s. Contrairement
au confinement magnétique que nous étudierons par la suite, le confinement inertiel va donc comprimer le plasma jusqu’à obtenir des densités ioniques de l’ordre
de ni ' 1026 cm−3 , soit environ 300g.cm−3 ou 1000 fois la densité d’un solide. En
admettant que cette densité soit atteinte, on voit que le critère de Lawson peut
être vérifié pour des temps de confinement de quelques picosecondes.
Le principe du confinement inertiel repose sur l’irradiation par un laser puissant
- par exemple le Laser MégaJoules LMJ qui sera mis en activité en 2015 - ou par
faisceaux de particules sur des microbilles de réactifs Deutérium-Tritium qui se
compriment pendant des temps très bref avant que le plasma ne se détende. Si l’on
souhaite brûler une partie importante du plasma lors de cette compression, il faut
que les réactions de fusion soit plus rapides que la détente du plasma sous l’effet de
sa pression interne. Dans le cas d’une microbille sphérique portée à la température
12
1.2 Différents types de confinement
de 40keV , il sera par exemple possible de brûler un tiers du combustible si le
produit de la masse volumique par le rayon de la sphère ρR dépasse 3g.cm−2 (voir
[10]). Pour une masse M de Deutérium/Tritium, ce critère peut aussi s’écrire avec
ρ exprimée en g.cm−2 :
10
(1.2.1)
ρ> √
M
Supposons ainsi une bille de combustible sphérique de 1mg. En densifiant le mélange à 300g.cm−3 et en le chauffant à 40keV pendant 25ps, il est possible d’obtenir
plus de 100M J d’énergie. Ces conditions expérimentales peuvent théoriquement
être atteintes en implosant une coquille sphérique de combustible solide cryogénique à l’aide d’un laser délivrant une énergie de 1 à 2 mégajoules. Pour autant,
pour obtenir ce résultat, il est nécessaire de vérifier plusieurs points.
D’abord, il est possible de compresser la matière avec peu d’énergie, environ
40keV mais il faudrait 1, 1M eV pour chauffer 1mg de combustible à 40keV , ce
qui rendrait impossible l’obtention de la condition d’ignition. La technique est
donc de chauffer une petite zone de la bille que l’on appellera point chaud et qui
engendrera une réaction auto-entretenue à condition de capturer à nouveau une
partie de l’énergie dégagée pour chauffer le plasma via les particules alpha émises.
Ensuite, il faut utiliser une technique de compression du combustible adéquate.
Le laser utilisé à cet effet doit utiliser des longueurs d’ondes faibles, de l’ordre
de 0, 3µm et comporter plusieurs faisceaux - 240 pour le LMJ - afin d’éclairer la
bille uniformément. En effet, tout écart à l’uniformité de l’éclairement diminue
l’efficacité de la compression et peut empêcher les points chauds d’apparaître. En
pratique, on tente de maintenir la non-uniformité d’éclairement en dessous de 1%.
Enfin, si l’on réussit à passer outre les difficultés de chauffage et d’éclairement, il
faudra veiller à ce que les perturbations hydrodynamiques du système - équivalent
à une configuration du type Rayleigh-Taylor - et les instabilités de l’interaction
laser-plasma ne viennent pas perturber le système et empêcher sa compression.
Le confinement inertiel est aujourd’hui une voie possible vers la création d’un
réacteur nucléaire fonctionnant sur les principes de la fusion. Cependant, ce confinement n’est pas le seul envisageable et dans la suite du manuscrit, nous nous
concentrerons spécifiquement sur le confinement du plasma par champ magnétique.
1.2.2 Confinement magnétique
Nous allons aborder le confinement d’une particule chargée par un champ magnétique. L’objectif est de justifier le champ magnétique de type tokamak que
nous utiliserons pour nos travaux. En particulier, nous considèrerons dans la suite
13
Chapitre 1 La fusion nucléaire contrôlée
de cette sous-section que le champ électrique, moins énergétique que le champ
magnétique dans un tokamak d’un facteur 102 , est négligeable.
1.2.2.1 Principe du confinement magnétique
Supposons un système d’une particule de charge q se déplaçant dans un champ
magnétique uniforme tel que B = B0 b où b est un vecteur unitaire. En négligeant
la pesanteur, la seule force s’appliquant sur le système est la force de Lorentz.
En notant v la vitesse de la particule, l’application de la seconde loi de Newton
conduit à :
ma = q(v × B)
(1.2.2)
L’éq 1.2.2 peut se réécrire :
qB0
(v × b)
(1.2.3)
m
La grandeur qB0 /m est homogène à une pulsation que l’on notera ωc = qB0 /m
et que l’on appellera pulsation cyclotronique. On remarque aussi que le travail
de la force de Lorentz est nul, ce qui conduit à avoir une norme de la vitesse
constante v = v0 On décompose alors l’accélération en a = a|| + a⊥ respectivement
ses composantes parallèles et perpendiculaires au champ magnétique. L’éq 1.2.3 se
traduit alors par le système :
a=
a|| = 0
(1.2.4)
a⊥ = ωc (v⊥ × b)
(1.2.5)
Dans le plan perpendiculaire au champ magnétique, le mouvement est à force
centrale. Le mouvement de la particule dans ce plan est donc un cercle de rayon
rL = vω⊥c que l’on appelle rayon de Larmor ou rayon cyclotronique. Le tableau 1.2
donne la valeur du rayon de Larmor d’un électron et d’un proton à différentes
énergies pour un champ magnétique de 5T .
Rayon de Larmor
rLelectron (mm)
rLproton (mm)
Température
10eV 100eV 1keV 10keV
0.002 0.007 0.021 0.67
0.09
0.29
0.91
2.9
Table 1.2 – Rayon de Larmor d’un proton et d’un électron pour B = 5T
14
1.2 Différents types de confinement
Le mouvement d’une particule dans un champ magnétique est donc la somme
d’un mouvement de translation le long d’une ligne de champ magnétique et d’un
mouvement de rotation autour de celle-ci ([11],[12]). Pour piéger la particule, l’idée
est alors de refermer la ligne de champ magnétique sur elle-même.
1.2.2.2 Phénomène de dérive
En refermant la ligne de champ, on espère donc que la particule tourne indéfiniment autour d’un axe magnétique. Malheureusement, cela n’est pas le cas à cause
de phénomènes de dérives éloignant progressivement la particule de la ligne de
champ qu’elle suivait initialement. Nous nous contenterons ici de décrire la dérive
introduite par la courbure du champ magnétique qui a l’avantage d’être présente
y compris en l’absence de champ électrique et qui suffit à expliquer la nécessité
d’un champ magnétique de type tokamak. Cette dérive provient de 2 phénomènes
majeurs.
Tout d’abord, considérons le mouvement de rotation cyclotronique. Si le champ
B n’est pas uniforme et admet un gradient d’intensité transverse, le rayon de Larmor dépend de la position de la particule. En particulier, il sera plus faible lorsque
le champ magnétique sera fort. Ce phénomène conduit à une dérive perpendiculaire au champ magnétique et à son gradient. Supposons un champ magnétique
dirigé selon ez et un gradient d’intensité selon ey . L’éq 1.2.3 projetée sur ey donne :
m dvy
= vx B
q dt
(1.2.6)
En supposant que le gradient de B est faible sur le mouvement cyclotronique,
on peut développer B au premier ordre comme B = B0 + B 0 y où y est pris sur le
mouvement de rotation tel que y = vω⊥c sin(ωc t). De même, on développe la vitesse
de la particule selon vx comme vx = v0x + vd1 où v0x = v⊥ sin(ωc t). On tire alors
de l’eq 1.2.6
m dvy
v⊥
= −v⊥ sin(ωc t) B + B 0 sin(ωc t) − vd1 B0
q dt
ωc
(1.2.7)
En prenant la moyenne sur une giration cyclotronique de cette équation avec
= 0, on obtient :
h dvdty i
vd1 = −
2
B 0 v⊥
B 2ωc
(1.2.8)
ou vectoriellement :
vd1 =
2
v⊥
B × ∇B
2ωc B 2
(1.2.9)
15
Chapitre 1 La fusion nucléaire contrôlée
Ensuite, négligeons le mouvement de rotation de la particule autour d’une ligne
de champ. Dans une première approche, cette approximation revient à considérer
uniquement la translation le long de long de la ligne de champ du centre du mouvement cyclotronique. On appelle ce point particulier centre-guide et on note sa
vitesse vG . La première cause de dérive est alors l’apparition d’une force centrifuge
sur le centre-guide provenant de la courbure du champ magnétique. En notant Rb
le rayon de courbure de la ligne de champ, on applique la seconde loi de Newton
au centre-guide (voir chapitre 3) :
2
mvG||
dvG⊥
=−
N + q(vG × B)
m
dt
R
(1.2.10)
En notant N̂ la normale à la ligne de champ et Rb son rayon de courbure, le
même type de raisonnement que précédemment amène à une vitesse de dérive vd2
donnée par :
vd 2 =
2 vG||
BG
N
×
ωcG BG Rb
(1.2.11)
En réunissant l’eq 1.2.11 et l’éq 1.2.9, la vitesse de dérive totale s’écrit donc :
2 2
v⊥
B × ∇B vG||
BG
N
vd =
+
×
2ωc B 2
ωcG BG Rb
(1.2.12)
A travers ce calcul simple, on constate l’apparition d’une dérive verticale en
fonction du signe de la charge de la particule. Cette dernière n’est donc pas confinée. La solution à ce problème est la modification du champ magnétique. En plus
de sa composante sur eϕ , il faut rajouter une composante « verticale » permettant
de « tordre » les lignes de champ. Pour créer ce champ magnétique, deux solutions majeures ont été imaginées. Le stellerator, première solution envisageable, a
été imaginé par les américains et crée un champ magnétique complexe grâce à un
placement judicieux des bobines de courant entourant la chambre de confinement.
La seconde solution est une idée russe, le Tokamak. Nous allons maintenant nous
y intéresser.
1.2.2.3 La configuration magnétique de type Tokamak
Le tokamak est un système de confinement magnétique torique dont les notations
concernant sa géométrie sont précisées fig 1.2.1 . Dans la suite de ce manuscrit,
nous veillerons particulièrement à distinguer l’axe magnétique du tokamak ξ = 0
du centre de la chambre de confinement r = 0. Nous utiliserons également souvent
les coordonnées toriques (r, ϕ, θ). Le plasma de fusion est donc enfermé dans une
16
1.2 Différents types de confinement
Figure 1.2.1 – Géométrie torique du tokamak
chambre entourée par des bobines permettant de créer un champ magnétique toroïdal Bϕ . Comme nous l’avons vu, un champ magnétique purement toroïdal ne
suffirait pas à confiner le plasma. Il est nécessaire d’avoir aussi une composante
poloïdale Bθ . La particularité du tokamak est de créer cette composante en majeure partie grâce à un courant toroïdal circulant dans le plasma lui-même. Ce
courant de quelques M A est généré, selon les principes d’un transformateur, par
un enroulement primaire situé en dehors de la chambre entrainant une variation
de flux à l’intérieur du tokamak. La combinaison du champ toroïdal Bϕ et poloïdal
Bθ conduit à des lignes de champ hélicoïdales s’enroulant autour d’une surface torique permettant théoriquement de confiner les particules chargées. Typiquement,
l’amplitude globale du champ magnétique au centre du plasma est de l’ordre de
6 − 8T , la composante poloïdale représentant environ 10% de l’amplitude globale.
Dans la suite du manuscrit, nous utiliserons un champ magnétique cohérent avec
les constatations précédentes et proche de celui constaté expérimentalement dans
le tokamak ( voir par exemple [13] ou [14]). Il sera de la forme :
B0 R
(eϕ + f (r)eθ )
(1.2.13)
ξ
où B0 est la valeur du champ magnétique pour r = 0, R le grand rayon du
tokamak, ξ = R + rcos(θ) la distance à son axe - voir fig 1.2.1 - et f une fonction
représentant l’amplitude du champ poloïdal, ne dépendant que de la distance au
centre de la chambre de confinement et que nous expliciterons dans les chapitres
B=
17
Chapitre 1 La fusion nucléaire contrôlée
2 et 3. Les vecteurs eϕ et eθ sont respectivement associés aux directions ϕ et θ.
Nous aurons également besoin du potentiel vecteur associé au champ magnétique :
!
ξ
F (r)
eϕ − log( )ez + ∇Φ
A = B0 R
ξ
R
(1.2.14)
´r
où F =
f et le terme ∇Φ sert de jauge ne modifiant pas la dynamique du
système.
La configuration magnétique du tokamak utilisée dans notre étude est donc
fixée. Pour comprendre comment vérifier le critère de Lawson, intéressons-nous
désormais au plasma confiné.
1.3 L’état plasma dans les tokamaks
Jusqu’ici, nous avons envisagé le confinement d’une particule chargée dans un
champ magnétique. Cependant, dans un tokamak, le plasma ionisé est le siège de
nombreuses interactions entre particules qui modifient le comportement de chacune
d’entre-elles. Il est donc nécessaire de faire évoluer notre approche et de ne plus
considérer la matière dans laquelle se produit les réactions de fusion nucléaire
comme la somme de particules isolées mais plutôt comme un ensemble formant
un plasma. En particulier, on souhaite donc utiliser les notions de densité et de
température pour le décrire.
Classiquement, la densité de particules se situe proche de 1020 m−3 , soit 10−5
fois la densité atmosphérique. En revanche, pour pouvoir fusionner, les particules
doivent être portées à des températures de l’ordre de 108 K soit environ 106 fois
la température à la surface terrestre. Il en résulte que la pression dans le plasma
est comparable à la pression atmosphérique. La force résultant de cette pression
entrainant les particules vers l’extérieur de la chambre est compensée par le champ
magnétique assurant le confinement. Cependant, même si les problèmes de confinement sont encore mal compris, certaines expériences menées au JET ont montré
que le temps de confinement énergétique augmentait avec l’amplitude du courant
circulant dans le plasma mais diminuait avec l’augmentation de la pression du
plasma. Cette constatation conduit à la recherche d’un compromis entre des densités de particules élevées et un temps de confinement le plus long possible dans le
but de vérifier le critère de Lawson. Typiquement, les densités étant de l’ordre de
1020 m−3 , le temps de confinement nécessaire à la vérification du critère d’ignition
est de l’ordre de plusieurs dizaines de secondes.
Malheureusement, les temps de confinement actuels dans le tokamak ne sont
pas en accord avec le critère de Lawson. Si Tore Supra détient le record de la
18
1.3 L’état plasma dans les tokamaks
plus longue décharge, 6min30s, effectuée en Décembre 2003, celle-ci était soutenue par une puissance de 3M J et n’était donc pas auto-entretenue. Le record de
rendement est détenu par JET qui est parvenu à restituer 70% de la puissance
qui lui avait été apportée. Dans le prochain chapitre, nous allons donc voir quels
sont les phénomènes à l’oeuvre dans le plasma, nuisible à son confinement et à son
auto-entretien.
19
Chapitre 2
Des difficultés expérimentales de la
fusion contrôlée à la gyrocinétique
Dans ce second chapitre, nous allons mettre en évidence la nécessité de théories pour décrire les macro- et microinstabilités du plasma de fusion. Nous verrons
les fondements de la théorie cinétique, de l’équation de Vlasov à la gyrocinétique
mais également l’approche fluide conduisant à la théorie de la MagnétoHydroDynamique, ou MHD. L’étude approfondie de ces différentes théories et de leurs
applications aux codes numériques étant extrêmement riches et complexes, le but
de cette partie ne sera pas de les présenter en détail mais plutôt de poser les bases
de ces théories simulant aujourd’hui au mieux un plasma de fusion. En particulier,
nous décrirons les codes gyrocinétiques actuels mais aussi les hypothèses fortes et
les questions qu’ils soulèvent.
2.1 Collisions et transport anormal
Le confinement magnétique est très efficace pour une particule chargée isolée
mais pas forcément pour un plasma. Plusieurs phénomènes d’interactions entre
particules peuvent expliquer cette constatation. Le plus évident en première lecture
est le phénomène de collision. Pourtant, il ne permet pas d’expliquer le transport
constaté expérimentalement, 10 à 100 fois plus important que prévu.
Dans un tokamak, les collisions jouent un rôle important dans plusieurs processus. D’abord, elles sont responsables de la résistivité électrique du plasma, créant
ainsi son chauffage ohmique. En plus de permettre son confinement, le fort courant
circulant dans le plasma permet de chauffer le plasma jusqu’à des températures de
l’ordre de 20 à 30 millions de degrés. Ce chauffage n’étant pas suffisant à l’obtention
de réactions de fusion nucléaire, il est nécessaire d’utiliser des dispositifs complémentaires comme l’injection de particules énergétiques neutres ou le chauffage par
21
Chapitre 2 Des difficultés expérimentales de la fusion contrôlée à la gyrocinétique
ondes électromagnétiques ([13],[15]).
Ensuite, on s’attend à ce que les collisions soient également responsables du
transport énergétique et des problèmes de confinement. En effet, au coeur du
plasma de fusion, on peut considérer que la majeure partie des pertes énergétiques
est due à la conduction thermique. Dans ce cas, le temps de confinement énergé2
tique devrait être de l’ordre du temps de diffusion χaT où χT est la diffusivité thermique et a une taille caractéristique du système transversal au champ magnétique
de confinement. En pratique, nous choisirons a comme le petit rayon du tokamak
ra . A priori, une approche néoclassique considère que ce transport conductif est
gouverné par les processus collisionnels ce qui revient à dire que les coefficients
de diffusion sont proportionnels à une fréquence de collision fcol multipliée par le
carré du rayon de Larmor telle que :
χT ∼ rL2 fcol
(2.1.1)
Avec cette approche, la diffusion ionique est estimée entre 10−2 et 10−1 m2 s−1 ,
soit 60 fois plus que la diffusion électronique. Dans une estimation haute et en
considérant que a = 1m, on trouve donc que le temps de confinement énergétique
est de l’ordre de 10s. Malheureusement, les valeurs expérimentales mesurées sont
plutôt typiquement proches de la seconde pour le temps de confinement et de
1m2 s−1 pour la diffusion ionique, soit un ordre de grandeur au-dessus de la valeur
attendue pour les ions et deux ordres de grandeurs au-dessus pour les électrons.
Cette constatation expérimentale a conduit les physiciens à utiliser le terme de
transport anormal pour parler du transport dans les plasmas de fusion, phénomène faiblement dû au processus de collisions internes. Cependant, attention à
ne pas confondre le transport anormal étudié ici en relation avec les phénomènes
d’instabilités et celui parfois rencontré en système dynamique traduisant un comportement superdiffusif de certains systèmes [16] [17].
Pour comprendre ce transport anormal, il faut considérer le plasma comme
un système ayant sa propre dynamique et se pencher sur ses instabilités à petites échelles dans lesquelles le transport anormal trouve son origine. En effet,
on constate des phénomènes de diffusions turbulentes entraînés par des microinstabilités provenant du fait que le plasma de fusion est très loin d’un équilibre
thermodynamique, avec de forts gradients. Historiquement, ces turbulences ont
amené les physiciens à modéliser le plasma au travers d’une approche fluide. Dans
cette description, les principales instabilités menant à un transport transverse au
champ magnétique sont causées par des gradients transverses de densités, vitesses,
température, pression ou par des fluctuations électrostatiques. L’étude approfondie de ces phénomènes de turbulence peut être trouvée dans différents travaux
([18],[19]. Il est important de noter que certaines de ces instabilités apparaissent
de manière théorique y compris en considérant un plasma parfaitement conducteur.
22
2.2 Approche cinétique : le modèle Maxwell-Vlasov
Avec l’arrivée des simulations numériques dans la deuxième partie du XX ème
siècle, deux approches différentes ont vu le jour pour essayer de comprendre et
modéliser ces instabilités. D’une part, une approche cinétique, performante mais
nécessitant de gros moyens de calculs, a été envisagée puis développée pour apparaître sous forme de code gyrocinétique. D’autre part, l’approche MHD, développée
avant l’apparition du premier tokamak pour décrire le transport dans les étoiles
et comprendre plus généralement le comportement d’un fluide soumis à un champ
magnétique, a également été un axe d’étude. Pour des raisons de cohérence mathématique -et non historique- nous allons aborder ces différentes approches en
montrant d’abord l’insuffisance d’une théorie cinétique lourde et beaucoup trop
coûteuse en temps de calcul avant d’aborder les grands principes de la MHD et
ses limites. Enfin, nous nous pencherons sur la gyrocinétique, ses hypothèses, et
les codes numériques associés.
2.2 Approche cinétique : le modèle Maxwell-Vlasov
2.2.1 Théorie cinétique
La théorie cinétique décrit le comportement du plasma en termes de trajectoire
des particules le composant. En raison du grand nombre de particules, il est totalement inenvisageable d’étudier ce système comme un problème à N corps. Une
approche statistique est donc requise. En pratique, on effectue cette approche en
introduisant la fonction de distribution f (x, v, t) qui mesure la densité de probabilité pour une particule de se trouver à un temps t dans une position (x, v) de
l’espace des phases. Il est particulièrement important de noter que l’espace des
phases associé (x, v) est ici un espace de 6 dimensions. L’utilisation de cette approche suppose d’utiliser des fonctions continues pour les fonctions de distributions
amenant la plupart du temps à modéliser la dépendance en v des fonctions de distributions par des Maxwelliennes. En faisant cette approximation, nous perdons
la prise en compte des phénomènes de collisions dans les équations cinétiques.
En considérant que la densité de probabilité est alors invariante le long d’une
trajectoire, on peut écrire l’équation :
df
=0,
(2.2.1)
dt
avec dtd l’opérateur de dérivation totale par rapport au temps sur une trajectoire.
On peut donc le formuler :
d
∂
∂
∂
=
+ ẋ
+ v̇
.
dt
∂t
∂x
∂v
(2.2.2)
23
Chapitre 2 Des difficultés expérimentales de la fusion contrôlée à la gyrocinétique
Une particule chargée dans un champ magnétique vérifiant la relation m.dv/dt =
q(E + v × B),on obtient l’équation de Vlasov :
∂f
q
∂f
∂f
+v
+ (E + v × B)
=0.
(2.2.3)
∂t
∂x m
∂v
Cette équation amène à faire plusieurs commentaires.
En premier lieu, pour étudier la dynamique du plasma, il est nécessaire de
connaître l’évolution des champs électriques et magnétiques. Pour cela on ajoute
à l’équation de Vlasov les équations de Maxwell :
∇×E=−
∂B
∂t
∇.E =
∇ × B = µ 0 J + ε0 µ 0
ρ
ε0
∂E
∂t
∇.B = 0,
(2.2.4)
(2.2.5)
´
´
P
P
avec ρ = i qi fi d3 pi et J = i qi /mi fi pd3 p
D’autre part, cette approche entraine donc la perte des phénomènes de collisions entre particules. Pour les prendre en compte, il est nécessaire de rajouter un
terme de collision dans l’éq 2.2.3. On appelle alors l’équation cinétique collisionnelle s’écrivant :
∂f
∂f
q
∂f
+v
+ (E + v × B)
=
∂t
∂x m
∂v
∂f
∂t
∂f
∂t
!
(2.2.6)
c
peut s’expliciter dans certaines conditions. On pourra notamLe terme
c
ment retrouver les approches de Boltzmann et Fokker-Planck dans des travaux
datant d’après guerre [20]. Cependant, l’utilisation de ces équations dans les codes
numériques pose des problèmes importants.
2.2.2 Simulations numériques
A priori, la théorie cinétique peut être directement implémentée dans des codes
numériques et permet de simuler un plasma de fusion. Malheureusement, les coûts
numériques pour résoudre avec précision cette équation sont très élevés. Deux
grandes catégories de stratégies de discrétisation et d’intégration de l’équation de
Vlasov sont envisageables.
D’abord, les méthodes Eulériennes utilisent un maillage de l’espace des phases à
six dimensions. A chaque élément de volume élémentaire correspond une valeur de
la fonction de distribution. Il est donc capital de créer un maillage suffisamment
fin pour avoir une définition correcte et modéliser les effets des turbulences microscopiques. Mais ce maillage en six dimensions coûte très cher en temps de calcul.
Si l’on veut simuler l’évolution de la fonction de distribution sur des temps assez
24
2.3 La MagnétoHydroDynamique (MHD)
longs pour modéliser les phénomènes de transport -environ 10 ordres de grandeur
au-delà de la fréquence cyclotronique -, on doit prendre des pas de temps très
grands devant le rayon de Larmor et donc négliger le mouvement cyclotronique,
entrainant une perte de stabilité et de précision des résultats. De plus, le maillage
spatial s’avère également coûteux car on doit modéliser des tailles allant de la longueur de Debye - 0, 1mm environ pour un plasma de fusion - à celle du tokamak
de l’ordre du mètre, soit 4 ordres de grandeurs au-delà. Ainsi, une modélisation
globale du tokamak par une méthode Eulérienne de l’équation de Vlasov reste
aujourd’hui hors du domaine de compétence informatique.
Ensuite, Les méthodes dites Lagrangiennes consistent à suivre le mouvement de
macro-particules au cours du temps par l’étude de ses caractéristiques le long de sa
trajectoire. Contrairement aux méthodes Eulériennes, il n’y a donc pas ici a priori
de recherche d’une représentation continue de l’espace physique, puisque chaque
particule transporte ses propriétés physiques. Cette approche permet d’utiliser des
pas de temps bien supérieurs à ceux tolérés par les méthodes de type Eulériennes
car on ne s’intéresse plus ici à la trajectoire d’une seule particule mais bien à
l’évolution d’une macroparticule, ayant des tailles caractéristiques grandes devant
celles d’une particule. En particulier, on peut prendre des temps d’échantillonnages
grands devant l’inverse de la fréquence cyclotronique. Dans cette catégorie, on
peut citer les méthodes de type particulaires - ou PIC, pour Particles In Cell - qui
consistent à modéliser le plasma par des macro-particules qui se déplacent suivant
le champ électromagnétique donné par les équations de Maxwell. Dans ce cas, il
n’y pas d’utilisation de grille en vitesse, mais uniquement en espace pour le calcul
du champ électromagnétique grâce aux équations de Maxwell. Bien que requérant
un coût de calcul potentiellement plus faible que l’approche Eulérienne, ce type de
méthode a pour inconvénient majeur l’existence d’un fort bruit numérique.
Enfin, il est intéressant de noter qu’aujourd’hui, certaines approches essaient
de créer des hybrides des méthodes Eulériennes et Lagrangiennes appelées méthodes semi-lagrangiennes. Par exemple, c’est l’approche suivi par le code Gysela
- GYrokinetic SEmi-LAgrangian, développé à l’IRFM au CEA Cadarache.
Les simulations cinétiques, coûteuses en temps de calcul, ne permettent donc
pas d’étudier l’évolution du tokamak dans sa globalité avec précision. Partant
de l’éq 2.2.3, deux théories différentes peuvent être mises à jour. Penchons-nous
maintenant sur l’approche fluide pour comprendre quels sont les avantages de cette
approche et ses limites.
2.3 La MagnétoHydroDynamique (MHD)
Les équations de Vlasov et Fokker-Planck décrivent le plasma avec précision
mais sont, en première approche, très couteuses en temps de calcul numérique.
25
Chapitre 2 Des difficultés expérimentales de la fusion contrôlée à la gyrocinétique
Une approche différente consiste à considérer le plasma comme un fluide et à le
décrire en terme de densité n(x, t), de vitesse fluide vs (x, t) et de pression p(x, t).
Dans cette partie, on veillera à faire la distinction entre la vitesse fluide que l’on
notera vs et v la vitesse des particules apparaissant dans l’équation de Vlasov. La
MHD est alors un cas particulier de la mécanique des fluides.
2.3.1 Les équations fluides
Le calcul ci-dessous a été effectué notamment dans [18]. Dans une approche
fluide, la densité, la vitesse et la pression peuvent s’écrire comme les moments
d’ordre respectivement 0, 1 et 2 de la fonction de distribution. Soit :
ˆ
n = f (x, v, t)dv
(2.3.1)
1
vs =
n
ˆ
f (x, v, t)vdv
(2.3.2)
f (x, v, t)(v − vs ) ⊗ (v − vs )dv
(2.3.3)
ˆ
P̂ = m
La pression P̂ est donc un tenseur. En considérant une fonction de distribution isotrope - hypothèse justifiée par le fait de considérer un milieu fortement
collisionnel - la pression devient un scalaire et s’écrit :
ˆ
m
2
f (x, v, t)(v − vs ) dv
(2.3.4)
P =
3
On obtient alors les équations de conservation en calculant les différents moments
de l’équation cinétique collisionnelle. En nommant F la force de Laplace, le moment
d’ordre 0 donne :
!
ˆ
ˆ
ˆ
∂n
∂
1
∂f
∂f
+
vf dv +
F dv =
dv
(2.3.5)
∂t
∂x
m
∂v
∂t c
En considérant que les collisions ne changent pas le nombre total de particules, le
terme de droite devient nul. De plus, en intégrant par partie, on peut transformer
l’equation en :
ˆ
ˆ
∂n
∂
1
∂F
+
vf dv −
f
dv = 0
(2.3.6)
∂t
∂x
m
∂v
Le terme ∂F
est également nul pour les forces électromagnétiques, ce qui traduit
∂v
l’invariance de la force perçue par une particule en mécanique non relativiste. on
obtient alors l’équation de continuité :
26
2.3 La MagnétoHydroDynamique (MHD)
∂n
+ ∇(nvs ) = 0
(2.3.7)
∂t
Une démarche similaire avec le moment d’ordre 1 fournit les équations du mouvement :
ˆ
∂
∂nvs
+m
m
∂t
∂x
ˆ
vvf dv −
∂
(F (v)v) f dv = m
∂v
ˆ
∂f
v
∂t
!
dv,
(2.3.8)
c
où, comme
on a intégré par partie le troisième terme. En notant
´ ∂fprécédemment,
R = m v ∂t dv, on a alors :
c
ˆ
∂nvs
∂
m
+m
vvf dv − nF(vs ) = R
(2.3.9)
∂t
∂x
En écrivant v = (v − vs ) + vs dans le second terme, on a alors :
∂nvs
+ ∇P + m∇(nvs vs ) − nF(vs ) = R
(2.3.10)
∂t
Finalement, on peut alors retrouver une équation du type Navier-Stokes :
m
!
∂vs
nm
+ vs ∇(vs ) = −∇P + nF + R
∂t
(2.3.11)
Les éq 2.3.7 et 2.3.11 fournissent donc 2 équations fluides vectorielles que l’on
peut assimiler à la conservation du nombre de particules et à l’équation d’Euler.
On remarque cependant que l’équation d’évolution temporelle du moment d’ordre
0 n introduit le moment d’ordre 1 v. De même, l’équation sur v fait intervenir
P. On pourrait alors calculer les différents moments d’ordre k de l’équation de
Vlasov et trouver que l’évolution temporelle du moment d’ordre k fait intervenir
le moment d’ordre k + 1. Ce phénomène est un problème très important car le
système d’équations obtenu ne sera fermé que si l’on fait tendre n vers l’infini.
On aurait donc un système infini d’équations et la théorie fluide serait exacte.
Cependant, elle serait aussi très difficile à utiliser. Il est donc nécessaire de tronquer
ce système d’équation à un degré assez faible grâce à une équation supplémentaire
appelée équation de fermeture. Cette équation porte généralement sur la pression
comme dans le cas de la MHD.
2.3.2 La MHD
La MHD est une théorie monofluide décrivant l’évolution du plasma. Dans un
tokamak, en négligeant les produits des collisions de fusion et les impuretés, on
27
Chapitre 2 Des difficultés expérimentales de la fusion contrôlée à la gyrocinétique
peut considérer que le plasma est la somme d’un « fluide ionique » et d’un « fluide
électronique ». Le principe de la MHD est alors de considérer le barycentre du
système pour passer d’un modèle bifluide à un modèle monofluide. Ce modèle
ne prend donc pas en compte les différences comportementales entre les ions, les
électrons ou les particules α. En prenant n = ni = ne , on peut alors définir la
masse volumique du fluide ρ = (ρi + ρe )n ainsi que la somme des courants ioniques
et électroniques J = qn(vi − ve ) = qnvs Dans ce cas, les éq 2.3.7 et 2.3.8 donnent :
∂ρ
+ ∇(ρvs ) = 0
∂t
(2.3.12)
!
∂vs
ρ
+ vs ∇vs = J × B − ∇p
∂t
(2.3.13)
L’équation de fermeture sur la pression est alors souvent donnée par l’équation
traduisant le comportement adiabatique du plasma :
d −γ pρ
=0
dt
En utilisant l’éq 2.3.12, on peut traduire cette condition par :
(2.3.14)
dp
= −γp∇.vs
(2.3.15)
dt
Enfin, pour obtenir les équations de la MHD, il est nécessaire d’exprimer le
champ E. Pour cela, on commence par modéliser les phénomènes de collisions entre
les différentes particules fluide comme un terme frottement fluide Fcol = −λvs . En
appliquant la seconde loi de Newton, on obtient :
dvs
= q(E + vs × B) − λvs
(2.3.16)
dt
La prise en compte d’un terme de frottement induit le déplacement du système
vers un état d’équilibre. En se plaçant dans l’état stationnaire, on a alors :
m
λvs = q(E + vs × B)
(2.3.17)
En multipliant à gauche et à droite par nq, on obtient :
λ
J = E + vs × B
nq 2
(2.3.18)
le terme λ/nq 2 correspond alors à la résistivité du plasma. Dans l’hypothèse de
la MHD idéale, on considère un plasma parfaitement conducteur. Dit autrement,
λ/nq 2 −→ 0. Emettre cette hypothèse revient à se placer dans un régime faiblement
collisionnel pour les macro-particules ou l’on peut négliger les effets diffusifs devant
28
2.3 La MagnétoHydroDynamique (MHD)
ceux conductifs. On a alors E = −vs × B. Les équations de la MHD idéale sont
alors résumées ci-dessous :
∂ρ
+ ∇(ρvs ) = 0
∂t
∇ × B = µ0 J
!
∂vs
+ vs ∇vs = J × B − ∇p
ρ
∂t
∇×E=−
(2.3.19)
∂B
∂t
(2.3.20)
dp
= −γp∇.vs
E = −vs × B
(2.3.21)
dt
Les équations de la MHD sont donc constituées par différents types d’équations. D’abord, les équations de Maxwell-Ampère et Maxwell-Faraday. Ensuite,
l’équation de conservation des particules et l’équation d’Euler qui sont issues de
l’intégration de l’équation de Vlasov. Puis la loi d’ohm et l’équation de fermeture
fluide adiabatique.
2.3.3 Application de la MHD et limite de validité
La théorie fluide repose implicitement sur le fait que les fonctions de distribution
en vitesse sont des maxwelliennes. Elle est donc valable lorsque le libre parcours
moyen d’une particule est faible devant les longueurs macroscopiques caractéristiques du système. Autrement présenté, il faut que les fréquences de collisions soient
importantes. Cette hypothèse est vérifiée dans les plasmas de fusion stellaire et la
MHD est la théorie majoritaire pour l’étude des étoiles. En revanche, ce n’est pas
le cas pour le coeur des plasmas chauds de fusion contrôlée. Si la MHD décrit bien
les bords du tokamak, là où se produisent de nombreuses collisions, le centre du
plasma où se créent les réactions de fusion n’est que très faiblement collisionnel
avec des libres parcours moyens des particules de l’ordre du kilomètre.
Bien que le centre du tokamak soit en dehors du domaine d’étude de la MHD, il
faut noter que cette modélisation fluide fournit une stabilité théorique du plasma
souvent remarquablement en accord avec l’expérience. Ce phénomène a parfois été
en partie expliqué comme dans [21]. Une condition portant sur le champ magnétique nous intéresse particulièrement.
L’éq 1.2.14 nous a fournit le champ magnétique régnant dans la chambre du
tokamak. On peut réécrire la fonction f (r) comme :
f (r) =
r
r
'
,
ξq(r)
Rq(r)
(2.3.22)
q(r) est alors appelé facteur de sécurité et mesure le pas de l’hélice dessinée par
les lignes de champ magnétique. Il vérifie donc :
29
Chapitre 2 Des difficultés expérimentales de la fusion contrôlée à la gyrocinétique
rBϕ
(2.3.23)
RBθ
Un des résultats forts de la MHD est la prédiction de fortes macroinstabilités en
dents de scie dans les régions q(r) ≤ 1 [22]. Dans ces régions, on a observé des cycles
constitués d’une montée lente des températures et densités électroniques suivies par
une chute brutale. Les profils observés prenaient alors une forme asymétrique, d’où
le nom de dents de scie. Lors du « crash », ces phénomènes amènent à un transport
énergétique radial très important, l’amplitude des oscillations en température et
densité pouvant atteindre 10%. En pratique, on cherchera donc à éviter l’apparition
de ce genre d’instabilité en assurant la condition q(r) > 1, ∀r.
Malgré le fait que la MHD soit toujours utilisée pour modéliser certains phénomènes au sein du plasma de fusion, en particulier aux bords du tokamak, d’autres
limites comme l’incapacité de la théorie MHD à prendre en compte les interactions
ondes-particules - effet Landau par exemple [23] - créent également la nécessité
d’une théorie alternative. Aujourd’hui, certains codes comme Gysela ou GTC Gyrokinetic toroidal code - utilisent aujourd’hui une approche cinétique appelée
gyrocinétique pour décrire l’évolution de certaines microinstabilités.
q(r) '
2.4 L’équation gyrocinétique
2.4.1 Principe de la gyrocinétique
Nous avons vu précédemment la théorie cinétique portée par l’équation de Vlasov et ses limites quant à son implémentation dans des codes numériques. Une
solution est de s’intéresser aux fréquences caractéristiques de giration des ions Ωi
et des microinstabilités ω ∗ responsables du transport anormal. Une étude faite par
exemple dans [24] montre que l’on a :
ω∗
∼ 10−3 .
(2.4.1)
Ωi
On peut donc désormais séparer les échelles de temps des microinstabilités et
celles des mouvements cyclotroniques. L’idée clef de la gyrocinétique est alors de
moyenner la trajectoire d’une particule sur son mouvement cyclotronique et de
ne considérer plus que le mouvement du centre-guide. L’application de cette idée
conduit à effectuer un changement de variables pour travailler dans des variables
associées au centre guide. Cependant, pour mettre en place ce changement de
variable, nous devons d’abord nous pencher sur l’invariant adiabatique µ [4, 25].
30
2.4 L’équation gyrocinétique
2.4.2 L’invariant adiabatique
Dans un tokamak, l’échelle de variation du champ magnétique peut, la plupart
du temps, être considérée comme très grande devant le rayon cyclotronique. Dans
1. De plus, si l’on suppose également que
l’approximation, on aura alors rL ∇B
B
le champ magnétique vu par la particule varie lentement en comparaison du mouvement cyclotronique, on a dB
ωc B Dans cette approximation, on peut montrer
dt
qu’il est possible de construire un invariant du mouvement, que l’on appelle invariant adiabatique µ, sous la forme d’un développement asymptotique en δB
. Le
B
premier terme de ce développement vaut [26, 27, 28] :
2
mv⊥
(2.4.2)
2B0
Nous verrons les origines de cette constante dans le prochain chapitre. On veillera
dans la suite du manuscrit à bien faire la différence entre µ l’invariant théorique et
µ0 son approximation au premier ordre. Aujourd’hui encore, l’invariant µ soulève
des questionnements. En effet, si l’on a explicité les premiers termes du développement asymptotique, on ne connait pas l’ensemble de ces termes et, en particulier,
on ne peut pas être certain que ce développement converge sur l’ensemble de l’espace des phases créant bien un invariant. Dans la suite du manuscrit, nous verrons
que certains de nos résultats entrainent des questionnements quant à l’existence
de cet invariant exact sur l’ensemble de l’espace des phases sur des temps relativement courts, prolongeant ainsi certains travaux exprimant des variations de µ sur
des temps longs [29, 30, 31, 32, 33].
µ0 =
2.4.3 L’équation gyrocinétique
Le but de l’approche gyrocinétique est de définir de façon exacte le centre-guide
d’une particule grâce à un changement de coordonnée adapté permettant de décrire
l’espace des phases en dissociant les variables rapides des variables lentes. La méthode permettant d’effectuer ce changement de variable, la transformation de Lie,
est décrite dans [34]. Le système de coordonnées alors utilisé devient (x, v|| , µ, γ)
ou γ est une variable rapide, cyclique, décrivant le mouvement de rotation de la
particule autour du centre-guide. L’équation de Vlasov s’écrit alors simplement
dans le nouveau système de coordonnées :
∂f
∂f
∂f
∂f
∂f
+ ẋ
+ v˙||
+ µ̇
+ γ̇
=0
∂t
∂x
∂v||
∂µ
∂γ
(2.4.3)
En tenant compte de l’hypothèse µ est constante du mouvement et que, pour
obtenir une théorie gyromoyennée, l’on moyenne le mouvement d’une particule sur
la période de variation de γ [35, 36, 37, 25], on obtient alors l’équation :
31
Chapitre 2 Des difficultés expérimentales de la fusion contrôlée à la gyrocinétique
∂f
∂f
∂f
+ ẋ
+ v˙||
=0
∂t
∂x
∂v||
(2.4.4)
Les expressions de ẋ et v˙|| sont données dans [34]. Il est cependant important
de noter que ces fonctions dépendent des champs électriques et magnétiques mais
également de la constante adiabatique µ. Grâce à cette approche, nous avons réduit un espace des phases à 6 dimensions à un espace des phases à 4+1 dimensions
dans lequel une des dimensions est une constante le long des trajectoires. Numériquement, ce résultat constitue une avancée notable et rend les modélisations du
plasma moins coûteuses en temps de calcul. De plus, Nous n’avons plus besoin
de résoudre le rayon de Larmor. Les pas de temps peuvent donc être grandement
augmentés, ce qui permet de modéliser le plasma sur des temps plus longs.
2.4.4 Application aux simulations numériques
Jusqu’à présent, nous avons donc vu les difficultés de la MHD à simuler le coeur
du plasma. Pour vaincre cette difficulté ainsi que le coût de calcul de la théorie
cinétique, on a développé la théorie gyrocinétique reposant sur un changement
de variable pour réduire la dimension de l’espace des phases étudié. Cependant,
cette approche repose sur un invariant adiabatique µ dont l’existence n’est pas
démontrée mathématiquement dans l’ensemble de l’espace des phases. Au-delà
de cette difficulté, les codes numériques tel que Gysela ne peuvent pas prendre en
. Ces codes
compte la valeur théorique de µ, un développement asymptotique en δB
B
prennent généralement comme approximation le fait que l’on puisse assimiler µ à
son terme dominant :
µ = µ0
(2.4.5)
Plusieurs questions majeures sont alors soulevées par cette approximation importante. Tout d’abord, considérer µ0 constant est-il réaliste ? Puis, quelles sont
les conséquences de cette invariance pour les trajectoires des particules ? Peut-on
entrainer une différence comportementale importante entre les trajectoires de particules réelles et les simulations ? Dans le prochain chapitre, nous allons considérer
une particule chargée se déplaçant dans un champ magnétique externe figé pour
expliquer les fondements de l’invariance de µ et faire apparaître différents types
de trajectoires.
32
Chapitre 3
Trajectoire d’une particule chargée
dans un tokamak
Dans le chapitre précédent, nous avons donné les bases de la gyrocinétique. D’un
point de vue théorique, cette approche est extrêmement riche et comprend plusieurs versions distinctes. En effet, nous pouvons d’abord étudier le problème du
mouvement d’une particule chargée dans un champ électromagnétique en considérant que le mouvement de la particule rétro-agit lui-même sur les champs E et B
- c’est l’approche gyro-centre [38] - ou seulement sur E - approche Vlasov-Poisson
[39]. Cependant, en première approche, il est parfois possible de négliger les effets
de rétroactions et de considérer que les particules suivent leurs trajectoires dans des
champs électrique et magnétique externes. Dans ce chapitre, nous allons justifier
l’étude du mouvement d’une particule chargée dans un champ magnétique externe
stationnaire - ∂t B = 0 - avant d’étudier le mouvement de son centre-guide et
d’évoquer les fondements de l’invariance adiabatique de µ. Enfin, nous évoquerons
l’existence, dans un tokamak, de plusieurs types de trajectoires.
3.1 Hypothèses d’étude
L’étude du mouvement d’une particule chargée dans un champ électromagnétique est, en général, très compliquée et nécessite une approche numérique. Cependant, il est possible de mener un calcul analytique sous certaines conditions.
Comme suggéré, nous allons considérer une particule se déplaçant dans un champ
magnétique externe figé. Nous pouvons justifier cette approche en focalisant notre
étude sur les particules α, produit de la fusion nucléaire. Ces particules ont une
énergie -3, 5M eV - très supérieure aux ions et électrons −10keV - formant le plasma
de fusion dans le tokamak. Les vitesses de ces deux types de particules étant très
éloignées, on peut considérer que les particules majoritaires créent un champ ma-
33
Chapitre 3 Trajectoire d’une particule chargée dans un tokamak
gnétique perçu par les particules α rapides, comme figé. Nous considèrerons donc
que l’éq 1.2.13, qui est la somme d’un champ magnétique toroïdal produit par
des bobines externes et d’une moyenne du champ poloïdal créée par le plasma,
est une bonne approximation du champ magnétique stationnaire total vu par ces
particules. De plus, dans cette étude, comme dans la suite de ce manuscrit, nous
considèrerons que les effets du champ électrique sont négligeables.
Enfin, nous allons également émettre l’hypothèse d’adiabaticité, c’est à dire
que nous considèrerons le cas où le champ magnétique est lentement variable à
l’échelle du mouvement cyclotronique de la particule. Les hypothèses de cette
théorie adiabatique ont déjà été explicitées dans la section concernant la théorie
gyrocinétique. Il faut que les échelles de fluctuations du champ magnétique soient
grandes devant le rayon de Larmor et la fréquence de Larmor :
∇B
1 et dB/dt ωc B
(3.1.1)
B
Cette approche sera notamment prépondérante au moment de discuter des invariants du mouvement comme le nom de « constante adiabatique » le laisse entendre.
Dans la suite de ce chapitre, nous étudierons donc le mouvement d’une particule
chargée dans un champ magnétique stationnaire externe dans la limite de la théorie
adiabatique.
rL
3.2 Mouvement du centre-guide
3.2.1 Equation du mouvement
Dans ces conditions, nous avons vu dans le premier chapitre qu’il était possible de
décomposer le mouvement d’une particule chargée en un mouvement cyclotronique
rapide à petite échelle et en un mouvement du centre-guide à plus grande échelle.
Le premier mouvement correspond alors à un mouvement de rotation dans le
plan transverse à B alors que le second est celui que nous souhaitons mettre en
équation. Cependant, pour cela, il ne suffit pas de remplacer la particule réelle
par une particule fictive se trouvant au centre du mouvement cyclotronique et d’y
appliquer la seconde loi de Newton. En effet, nous avons constaté que le mouvement
cyclotronique, de par la variation du champ magnétique, pouvait entrainer une
dérive du centre-guide et donc impacter sa dynamique. Formulé différemment,
pour considérer que la dynamique de la particule est la somme d’un mouvement
cyclotronique et d’un mouvement de centre-guide, il est nécessaire de considérer le
champ magnétique pris au centre-guide mais également la variation de ce dernier
le long du mouvement cyclotronique. Au premier ordre en rL /R, la différence
entre le champ magnétique pris au centre-guide et celui le long du mouvement
34
3.2 Mouvement du centre-guide
cyclotronique B̃ peut s’écrire :
B̃ = (rL .∇)B,
(3.2.1)
où rL représente le vecteur ayant pour support le rayon de Larmor orienté du
centre-guide vers la particule et de norme rL . Dans ce chapitre, nous considèrerons
que B est le champ magnétique à la position du centre-guide.
L’expression de l’équation régissant la dynamique du centre guide s’obtient en
prenant la moyenne sur le mouvement cyclotronique de l’équation du mouvement
de la particule. En notant γ l’angle correspondant au mouvement de rotation
cyclotronique :
˛
dvG
q
= qvG × B +
(v⊥ × B̃)dγ ,
(3.2.2)
m
dt
2π
où vG est la vitesse du centre guide et v⊥ = rL × ωc avec ωc = mq B la vitesse de
rotation rapide de la particule. On s’intéresse alors au terme moyenné. On a :
v⊥ × B̃ = (rL × ωc ) × (rL .∇)B.
(3.2.3)
En utilisant la propriété « (a × b) × c = (a.c)b − (c.b)a », on peut transformer
ce double produit vectoriel en :
q
[((rL .∇)B.rL ) B − ((rL .∇)B.B) rL ] ,
(3.2.4)
m
rL est un vecteur tournant dans le plan transverse à B. En choisissant une base
fixe (x, y) de ce plan, on peut décomposer rL comme :
v⊥ × B̃ =
rL = rL (cos(δ)x + sin(δ)y) .
(3.2.5)
L’éq 3.2.4 se traduit alors par :
dB
dB
qrL2
[((cos(δ)
+ sin(δ)
).(cos(δ)x + sin(δ)y))B
v⊥ × B̃ =
m
dx
dy
−(((cos(δ)
dB
dB
+ sin(δ)
).B)(cos(δ)x + sin(δ)y))] .
dx
dy
En moyennant sur γ, les termes croisées s’exprimant en cos(γ)sin(γ) vont s’annuler alors que ce ne sera pas le cas des termes quadratiques. La moyenne de
l’équation précédente donne donc :
˛
dγ
qr2
v⊥ × B̃
= L [(∇⊥ .B)B − B∇⊥ B]
(3.2.6)
2π
2m
35
Chapitre 3 Trajectoire d’une particule chargée dans un tokamak
En utilisant l’équation de Maxwell ∇.B = 0, on remarque que ∇⊥ .B = −∇|| B.
mv 2
De plus, en remarquant que µ0 = 2B⊥ = qrL2ωc on obtient :
˛
dγ
µ0
v⊥ × B̃
= − ∇B
(3.2.7)
2π
q
Grâce à ce raisonnement, on obtient la forme classique de l’équation du mouvement du centre-guide :
dvG
= qvG × B − µ0 ∇B
(3.2.8)
dt
Il est important de noter que ce calcul n’est valable que dans la limite adiabatique, du fait de l’approximation au premier ordre du champ magnétique de la
particule le long du mouvement cyclotronique. En pratique, cette équation n’est
pas vraiment utilisée car on lui préfère ses projections transverses et parallèles au
champ magnétique. On considèrera vG = v|| + vG⊥ . L’absence de notation spécifique sur la composante parallèle au champ magnétique provient du fait que la
projection du mouvement de rotation cyclotronique dans ce plan est nulle et que
l’on a donc vG|| = v|| .
m
3.2.2 Dynamique transverse de vG⊥
On projette l’éq 3.2.8 dans le plan transverse au champ magnétique :
dvG⊥
m
dt
!
dv||
+m
dt
⊥
!
= qvG × B − µ0 ∇B .
(3.2.9)
⊥
Le second terme de la partie gauche de l’équation est lié à la courbure des lignes
de champ. En prenant les mêmes notations que dans le chapitre 1, on a :
dv||
m
dt
!
⊥
dv||
db
= mv||
+ mb
dt
dt
!
= mv||
⊥
db
N
.
= mv||2
dt
Rb
(3.2.10)
Nous obtenons alors l’équation :
dvG⊥
m
dt
!
+ mv||2
⊥
N
= qvG × B − µ0 ∇B .
Rb
(3.2.11)
Cette équation est quasiment l’analogue de l’éq 1.2.10 qui nous a permis d’établir
la dérive d’une particule dans un champ magnétique toroïdal. Nous avons simplement pris en compte les variations du champ magnétique vu par la particule le
long de son mouvement cyclotronique, c’est à dire la première
cause de dérive dé
dvG⊥
= (vG⊥ .∇⊥ ) vG⊥ est
crite dans le premier chapitre. En considérant que
dt
⊥
un terme d’ordre supérieur aux autres - Hypothèse vérifiée à postériori - et en
36
3.2 Mouvement du centre-guide
multipliant vectoriellement par B, on obtient alors une équation de dérive de la
particule similaire à celle trouvée eq 1.2.12 :
vG⊥
v||2 B
N
µ0 B × ∇B
×
=
+
.
q
B2
ωcG B Rb
(3.2.12)
Dans cette équation, on reconnait les deux termes de dérives précédemment cités,
respectivement celui associé à la décroissance en 1/R du champ magnétique et celui
associé à la courbure des lignes de champ. Ces deux termes en 1/R expliquent que
l’on ait pu négliger le terme (vG⊥ .∇⊥ )vG⊥ proportionnel à vG⊥ .
En plus des commentaires précédents, il est capital de comprendre que, si cette
vitesse de dérive amenait à la fin du confinement magnétique dans le cas d’un
champ magnétique purement toroïdal, ce n’est plus le cas lorsque l’on rajoute une
composante poloïdale. En effet, alors que cette dérive était constamment dirigée
vers le haut - ou vers le bas selon le signe de la charge - lorsque les lignes de champs
étaient des cercles toroïdaux, la transformation de ces cercles en hélice entraine
une rotation de vG⊥ via ses différentes composantes permettant de maintenir la
particule confinée.
, on
A ce stade, il est intéressant d’expliciter N. En effet, en considérant b = B
B
a par définition :
N
≡ (b.∇)b
(3.2.13)
Rb
En utilisant les propriétés mathématiques de l’opérateur b.∇, on peut réécrire :
1
N
= ∇(b.b) − b × (∇ × b)
(3.2.14)
Rb
2
Le premier terme de la partie droite étant nul, en notant µe 0 l’habituelle perméabilité magnétique du vide, on a :
N
1
1
∇B
µe 0 J
= −b × ∇ × B + ∇ × B = −b × − 2 × B +
Rb
B
B
B
B
(3.2.15)
Soit finalement :
N
∇⊥ B J × B
=
+ 2
f0
Rb
B
B /µ
(3.2.16)
Dans une approche fluide, en l’absence de champ électrique, les équations de la
MHD précédemment obtenue fournissent ∇p = J×B où p est la pression cinétique.
Le second terme peut donc être vu comme le rapport de la pression cinétique par
la pression magnétique. Dans les tokamaks, le champ magnétique étant très fort,
37
Chapitre 3 Trajectoire d’une particule chargée dans un tokamak
il ne dépasse pas quelques pourcents. Dans cette approximation, on pourra donc
considérer que l’on a :
N
∇⊥ B
'
Rb
B
L’éq 3.2.12 prend donc une forme définitive :
vG ⊥ '
(3.2.17)
mv||2 + µ0 B B × ∇B
q
B3
(3.2.18)
Ce calcul, bien que fastidieux, amène à un résultat sur la vitesse de dérive assez
simple et exploitable. Intéressons-nous maintenant à la composante de la vitesse
parallèle à B
3.2.3 Dynamique de v||
En notant que la force de Lorentz s’applique perpendiculairement à B, la projection de l’éq 3.2.8 parallèlement au champ magnétique fournit :
dv||
dvG⊥
.b + m
.b = −µ0 ∇|| B
dt
dt
Le premier terme se calcule comme précédemment :
m
(3.2.19)
!
dv||
dv||
dv||
db
m
.b = mv||
+ mb
.b = m
dt
dt
dt
dt
(3.2.20)
Le second terme s’explicite également :
h
i
dvG⊥
.b = m v|| ∇|| + (vG⊥ .∇⊥ )vG⊥ .b
(3.2.21)
dt
Dans cette équation, on reconnait le terme (vG⊥ .∇⊥ )vG⊥ que l’on considèrera
encore comme un terme d’ordre supérieur et qui sera donc négligé. Il reste à calculer
le terme v|| ∇|| vG⊥ . En remarquant que ∇|| = b.∇, on a :
m
v|| (∇|| vG⊥ ).b = v|| [∇(b.vG⊥ ) − vG⊥ × (∇ × b) − b × (∇ × vG⊥ ) − (vG⊥ .∇)b] .b
(3.2.22)
Un raisonnement sur les différents opérateurs différentiels très proche de celui
effectué pour obtenir l’expression de la vitesse de dérive nous fournit l’expression :
v|| (∇|| vG⊥ ).b = −v|| vG⊥
38
J×B
B 2 /µ0
(3.2.23)
3.3 Principe de la conservation de l’invariant adiabatique
Comme précédemment, ce terme peut être considéré comme très faible. L’éq 3.2.19
se traduit donc simplement par :
dv||
= −µ0 ∇|| B
(3.2.24)
dt
Cette relation fournit donc l’équation du mouvement du centre-guide d’une particule chargée parallèlement au champ magnétique dans le cas où ce dernier est
considéré comme figé, que l’on se trouve dans l’approximation adiabatique et que
le champ électrique est négligé. Dans ce cas, on peut donc constater que l’accélération le long de la ligne de champ magnétique provient de la variation du champ
magnétique le long du mouvement cyclotronique. Ainsi, même en l’absence de
champ électrique, la norme de v|| n’est pas conservée.
Pour obtenir la trajectoire d’une particule, on peut alors résoudre ces équations
du mouvement numériquement. Cependant, nous n’obtiendrons pas les trajectoires
exactes. En effet, tout au long du calcul, nous avons fait l’hypothèse adiabatique
pour négliger des termes d’ordres supérieurs et considérer µ0 comme constant.
Dans l’hypothèse adiabatique, on peut montrer les fondements de cette dernière
hypothèse que les physiciens cherchent à généraliser à l’ensemble du calcul gyrocinétique [40].
m
3.3 Principe de la conservation de l’invariant
adiabatique
Dans le cas d’une particule chargée se déplaçant dans un champ magnétique figé,
l’énergie du système est conservée. Autrement dit, en notant Em l’énergie totale
de la particule :
mv||2
mv 2
=
+ µ0 B = constante
(3.3.1)
Em =
2
2
Le principe est alors de prendre la moyenne sur la période cyclotronique de la
dérivée de cette équation. Soit :
˛
˛
dv|| dγ
d(µ0 B) dγ
= −m v||
(3.3.2)
dt 2π
dt 2π
Il est important de bien remarquer que µ0 ne sera conservé que dans la moyenne
du mouvement cyclotronique, c’est à dire dans l’approximation adiabatique. Le
terme de droite étant déjà moyenné, il ne subit aucune modification. On a alors :
˛
dv|| dγ
d(µ0 B)
= −m v||
(3.3.3)
dt
dt 2π
39
Chapitre 3 Trajectoire d’une particule chargée dans un tokamak
La moyenne de la partie droite de l’équation consiste en fait à redéfinir la direction parallèle comme la direction parallèle au champ B, pris à la position du
centre-guide. La dérivée temporelle est donc régie par l’éq 3.2.24. On a donc :
d(µ0 B)
= µ0 v|| ∇|| B
dt
Enfin, en se souvenant que (v⊥ .∇⊥ )B = 0, on a :
(3.3.4)
dB
d(µ0 B)
= µ0 v|| ∇|| B + (v̂G⊥ .∇⊥ )B = µ0
,
(3.3.5)
dt
dt
ce qui conclut la démonstration de l’invariance de µ0 . Il faut ici être particulièrement vigilant et ne pas confondre l’invariance de µ dans la théorie gyrocinétique
qui n’est pas encore totalement prouvée et le calcul que nous venons de mener
qui prouve simplement l’invariance adiabatique de µ0 dans le cas particulier d’un
champ magnétique externe figé dans l’approximation adiabatique et dont l’objectif était d’expliquer le fondement de l’invariance de µ. L’explication du terme
« adiabatique » et l’importance de l’invariance de µ sera étudiée dans le prochain
chapitre. Néanmoins, auparavant, nous pouvons fournir une signification physique
de µ0 . En effet, considérons le flux de B englobé par le mouvement cyclotronique.
En première approche, au cours de ce mouvement, B peut être considérer comme
constant :
1
2π
ˆ
πr2
1
B.dS = L B =
2π
2
mv⊥
qB
!2
B=
m
µ0
q
(3.3.6)
L’invariance de µ0 correspond donc à l’invariance du flux magnétique à travers
le mouvement cyclotronique. Cette invariance entraine également que la section
du tube de flux engendré par le mouvement cyclotronique doit être inversement
proportionnelle à l’amplitude du champ B. Dit autrement, le rayon de Larmor
varie comme B −1/2 .
3.4 Trajectoire banane
Comme nous l’avons décrit, les lignes de champ magnétique décrivent des tores
emboités. En première approche, on s’attend à ce que les particules piégées s’enroulent autour de ces tores. Si l’on effectue alors une coupe transverse dans le
plan (ξ, z), on s’attend à une trajectoire circulaire à laquelle s’ajoute également
le mouvement de rotation cyclotronique. Pourtant, certaines particules s’éloignent
de ce type de mouvement pour effectuer un mouvement de va-et-vient autour de la
position θ = 0 (fig 1). On s’attend alors à une trajectoire en arc de cercle dans le
40
3.4 Trajectoire banane
Figure 3.4.1 – Coupe poloïdale de deux trajectoires de particules dans un champ
magnétique externe figé : Une passante - rouge - et une banane
-bleu
plan (ξ, z) admettant deux points de rebroussement. Cependant, ces particules subissent en réalité des dérives verticales qui, à un point de rebroussement la pousse
vers l’extérieur de la surface magnétique, et à l’autre point de rebroussement vers
l’intérieur. De part leur projection dans le plan (ξ, z), on qualifie alors leurs trajectoires de « trajectoires bananes ». La fig 3.4.1 représente une coupe poloïdale
(ξ, z) du tokamak dans lequel les projections de deux trajectoires de particules sont
simulées. L’épaisseur des deux trajectoires provient de leur giration cyclotronique.
En effet, nous avons effectué ces simulations grâce à un intégrateur symplectique
-cf Partie 2- permettant de résoudre le mouvement cyclotronique et d’étudier le
mouvement d’une particule sur un temps long. Au_delà de ce phénomène, nous
notons une différence de comportement entre une particule dite passante, dont la
projection de la trajectoire dans le plan poloïdal est quasiment une ellipse, et une
particule piégée, dont la projection de la trajectoire ressemble à une banane. On
peut expliquer l’apparition de ces dernières en considérant que, pour décrire de
telles trajectoires, la vitesse parallèle aux lignes de champ de ces particules doit
s’annuler aux points de rebroussement. Pour faciliter notre approche et donner un
critère simple permettant de fournir une condition pour obtenir des trajectoires
bananes, nous considèrerons que = r/R est petit, approximation correcte dans
les tokamaks récents. Dans cette approximation, au premier ordre, la norme du
41
Chapitre 3 Trajectoire d’une particule chargée dans un tokamak
champ magnétique s’écrit :
B = B0 (1 − cos(θ)) + o()
(3.4.1)
D’après l’invariance de l’énergie et celle de l’invariant adiabatique, on a :
mv||2
+ µ0 B0 (1 − cos(θ)) = E
2
(3.4.2)
Soit aussi :
mv||2
− µ0 B0 cos(θ) = E − µ0 B0 ≡ E 0
(3.4.3)
2
Tout se passe alors comme si l’on étudiait le portrait de phase d’un pendule. La
condition de piégeage se traduit alors par :
mv||2
≤ 1 + cos(θ)
2µ0 B0 (3.4.4)
2
/(2B0 ) au premier ordre, on obtient :
En se souvenant que µ0 = mv⊥
q
v||
≤ (1 + cos(θ))
v⊥
La condition de piégeage s’écrit alors par convention pour θ = 0 :
(3.4.5)
√
v||
)θ=0 ≤ 2
(3.4.6)
v⊥
Les particules parcourant une trajectoire banane sont ainsi piégées du coté faible
champ du tokamak. Notons également que dans un plasma de fusion, les particules
piégées peuvent se libérer à condition d’être percutée par une autre particule. Au
coeur du tokamak, le plasma étant faiblement collisionnel, les particules ont le
temps de décrire de nombreuses bananes avant de pouvoir se libérer.
(
3.5 Conclusion partielle
Jusqu’ici, les trois premiers chapitres de ce manuscrit s’inscrivent dans une approche de type physique des plasmas. A travers cette étude, nous avons montré
l’intérêt de la fusion nucléaire contrôlée puis dégagé les principales théories permettant d’étudier la dynamique du plasma. Nous avons enfin étudié le cas simple
d’une particule chargée se déplaçant dans un champ magnétique externe figé. Nous
avons exhibé les équations du mouvement du centre-guide, montré l’apparition de
trajectoire banane et donné une justification de l’apparition de la constante adiabatique µ dans la gyrocinétique. Cependant, nous avons mené la totalité de cette
42
3.5 Conclusion partielle
étude dans la limite adiabatique. Nous allons maintenant essayer de comprendre
quels sont les domaines de validité d’une telle hypothèse et quelles sont ses conséquences. Pour cela, nous adopterons le point de vue de la dynamique des systèmes
hamiltoniens.
43
Chapitre 4
Systèmes hamiltoniens
Jusqu’à présent, nous avons étudié la dynamique d’une particule dans un champ
magnétique externe figé grâce à la mécanique newtonienne. Cependant, une autre
approche est possible et sera utilisée dans la partie 2 de ce manuscrit : l’approche
hamiltonienne. Nous allons donc mettre en place cette méthode en expliquant en
quoi notre système correspond à un système hamiltonien. Puis, nous nous intéresserons à la caractérisation des systèmes hamiltoniens et à leurs conséquences. Ce
chapitre sert donc de lien entre la mécanique Newtonienne présentée précédemment
et la théorie du chaos que nous étudierons après. Dans la suite de ce manuscrit,
nous nous intéresserons particulièrement aux systèmes conservatifs, ensemble dont
fait partie une particule dans un champ magnétique.
4.1 Systèmes hamiltoniens : Définitions
Tout système conservatif peut être décrit via l’approche lagrangienne [41]. Dans
cette dynamique, les équations du mouvement d’un système à N degrés de liberté
dépendent des coordonnées généralisées {xi }i=1,...,N et des vitesses correspondantes
{ẋi }i=1,...,N . Le lagrangien du système s’écrit alors L(xi , ẋi , t). En mécanique hamiltonienne, les vitesses ẋi sont remplacées par les moments conjugués pi définis
comme :
dL
≡ pi .
(4.1.1)
dẋi
Dans la littérature, on trouve également les pi sous le nom d’impulsions généralisées. Cependant, nous veillerons par la suite à ne pas utiliser cette appellation
puisque, comme nous le verrons, dans l’étude de la trajectoire d’une particule chargée dans un champ magnétique figé, les moments conjugués ne correspondront pas
à l’impulsion habituelle mvi .
45
Chapitre 4 Systèmes hamiltoniens
En prenant une écriture vectorielle x = (x1 , x2 , ..., xN ) et p = (p1 , p2 , ..., pN ).
L’hamiltonien d’un système est alors donné par la transformée de Legendre du
lagrangien :
H(x, p, t) = max(pẋ − L(x, ẋ, t)) .
ẋ
(4.1.2)
En utilisant les équations de Lagrange, il est alors possible d’écrire les équations
du mouvement sous forme hamiltonienne :
∂H
dx
=
dt
∂p
dp
∂H
= −
dt
∂x
dH
∂L
= −
dt
∂t
(4.1.3)
(4.1.4)
(4.1.5)
Les éq 4.1.3 et 4.1.4 traduisent le fait que les variables x et p sont conjuguées.
Elles constituent un ensemble de 2N équations différentielles du premier ordre.
L’éq 4.1.5 traduit quant à elle le fait que si l’hamiltonien - et donc le lagrangien
- ne dépend pas explicitement du temps, alors l’hamiltonien est une constante du
mouvement. On dit alors que les équations du mouvement 4.1.3 et 4.1.4 deviennent
autonomes. Dans la suite de ce manuscrit, cette hypothèse sera toujours validée.
L’hamiltonien peut alors être vu comme l’énergie mécanique du système conservatif
et peut s’écrire H = H(x, p)
L’exemple classique d’un système hamiltonien est donné par l’oscillateur harmonique unidimensionnel. x et p deviennent des scalaires et ce système est alors régi
par l’équation mẍ + kx = 0. En notant p = mẋ, on a alors le système d’équation :
p
dx
=
dt
m
dp
= −kx
dt
(4.1.6)
(4.1.7)
En considérant H = p2 /(2m) + kx2 /2, on peut réécrire ce système d’équation
par :
dx
∂H
=
dt
∂p
dp
∂H
= −
dt
∂x
46
(4.1.8)
(4.1.9)
4.2 Application au cas d’une particule dans un champ magnétique externe figé
L’oscillateur harmonique est donc un exemple de système hamiltonien. Nous
utiliserons ce résultat lorsque nous chercherons à expliquer l’intégrabilité d’un système Hamiltonien. Penchons-nous maintenant sur le cas d’une particule chargée
dans un champ magnétique externe figé.
4.2 Application au cas d’une particule dans un
champ magnétique externe figé
On considère une particule chargée se déplaçant dans un champ magnétique
externe figé. En considérant A un potentiel vecteur associé au champ magnétique
et en notant ẋ = v, le lagrangien de ce système s’écrit [42] :
mv2
+ qv.A(x) .
2
On définit alors p le moment conjuguée à x comme :
L=
∂L
= mv + qA(x) .
∂v
L’hamiltonien du système est alors donné par la relation H = p.v − L. Après
réarrangement des termes, on obtient :
p=
(p − qA)2
mv2
=
.
2m
2
Dans cette équation, on constate que l’hamiltonien correspond à l’énergie cinétique de la particule. Cette remarque se justifie en se souvenant que la force de
Lorentz appliquée par le champ magnétique sur la particule ne travaille pas. Ce
résultat est donc classique. En revanche, nous insistons sur le fait que p n’est pas
donné par mv mais comporte également le potentiel vecteur. En particulier, l’hamiltonien n’est donc pas à variables séparables. On peut alors obtenir les équations
du mouvement :
H=
∂H
(p − qA)
=
(4.2.1)
∂p
m
q
∂H
= (∇A).(p − qA)
(4.2.2)
ṗ = −
∂x
m
Ce système est donc bien hamiltonien. Contrairement au chapitre précédent, ces
équations sont les équations du mouvement exactes d’une particule chargée dans
un champ magnétique externe figé. Nous nous en servirons dans la prochaine partie
de ce manuscrit pour effectuer des simulations numériques. Il est donc primordial
de se pencher sur les propriétés fondamentales des systèmes hamiltoniens.
v =
47
Chapitre 4 Systèmes hamiltoniens
4.3 La structure symplectique de l’espace des phases
4.3.1 L’espace des phases
Les équations de Hamilton consistent en 2N équations couplées du premier
ordre. Ces équations décrivent l’évolution des variables xi et de leurs moments
conjugués pi . Ces variables sont considérées indépendantes. La solution des équations de Hamilton décrit ainsi la trajectoire d’une particule dans un espace de dimension 2N . Cet espace décrit par {x1 , x2 , ..., xN , p1 , p2 , ..., pN } est appelé espace
des phases Γ . Chaque point de l’espace des phases décrit donc un état du système
différent. Une conséquence immédiate est que dans le cas d’un système autonome
déterministe, à cause de l’unicité des solutions, deux trajectoires différentes ne se
recoupent jamais dans l’espace des phases.
Figure 4.3.1 – Evolution du système dans l’espace des phases
L’évolution d’un système hamiltonien dans son espace des phases est décrit par
un flot hamiltonien φt - fig 4.3.1 - défini de Γ −→ Γ et vérifiant :
(x(t), p(t)) = φt (x(0), p(0)) .
Etudier un système revient donc à étudier ses trajectoires dans son espace des
phases. Pour cela, un outil puissant est le crochet de Poisson.
48
4.3 La structure symplectique de l’espace des phases
4.3.2 Le crochet de poisson
Les équations de Hamilton, grâce au traitement quasi-symétrique des positions
et impulsions, permettent d’écrire de façon élégante la variation temporelle d’une
grandeur physique quelconque. Soit f (x, p, t) une fonction quelconque. On a alors
[43] :
∂f X ∂f
∂f
∂f X ∂H ∂f
∂H ∂f
df
=
+
+ ṗi
=
+
−
.
ẋi
df
∂t
∂xi
∂pi
∂t
∂xi ∂pi
i
i ∂pi ∂xi
On définit alors les crochets de Poisson de deux grandeurs physiques f et g
quelconques par l’identité :
{f, g} =
X ∂f ∂g
i
∂pi ∂xi
−
∂f ∂g
,
∂xi ∂pi
(4.3.1)
ce qui fournit l’équation d’évolution :
∂f
df
=
+ {f, H} .
df
∂t
La dynamique d’une grandeur physique ne dépendant pas explicitement du
temps peut donc être décrite par les crochets de Poisson. En particulier, on peut
appliquer cette propriété aux variables xi et pi :
dxi
= {xi , H}
dt
dpi
= {pi , H}
dt
(4.3.2)
(4.3.3)
Les équations 4.1.3, 4.1.4 d’un coté et 4.3.2,4.3.3 de l’autre permettent alors
de décrire de façon similaire l’évolution d’un système dans son espace des phases.
Concernant le crochet de Poisson, nous notons que c’est une opération bilinéaire
antisymétrique vérifiant l’identité de Jacobi {f, {g, h}}+{h{f, g}}+{g, {h, f }} = 0
et de Leibniz en chacun de ses arguments {f, gh} = {f, g}h + {f, h}g. On peut ici
effectuer un rapprochement entre d’un côté un espace vectoriel muni d’un produit
vectoriel et un espace des phases muni du crochet de Poisson de l’autre. Cette
structure appelée symplectique est l’objet de la prochaine section.
4.3.3 Structure symplectique
L’espace des phases Γ = (x, p) muni de son crochet de Poisson définit donc
une structure symplectique. Cette structure est caractérisée, dans un système de
49
Chapitre 4 Systèmes hamiltoniens
coordonnées donné, par les relations de conjugaisons canoniques entre les xi et les
pi :
{xi , pj } = δi,j
{xi , xj } = 0 {pi , pj } = 0.
(4.3.4)
L’idée que nous allons développer est de montrer que certains changements de
variables, appelés transformations canoniques, conservent cette caractérisation et
donc la structure symplectique. Pour cela, commençons par exprimer différemment
le crochet de poisson. Comme l’éq 4.3.1 le suggère, on a :
{f, g} =
X ∂f ∂g
i
∂pi ∂xi
−
X ∂f ∂g
∂f ∂g
∂f ∂g
=
δi,j +
(−δi,j ) ,
∂xi ∂pi
∂xi ∂pj
i,j ∂pi ∂xj
(4.3.5)
soit en injectant les eq 4.3.4 :
{f, g} =
X ∂f ∂g
i,j
∂pi ∂xj
{xi , pj } +
∂f ∂g
{pi , xj } .
∂xi ∂pj
(4.3.6)
En considérant le vecteur commun n(x1 , x2 , ...xN , p1 , p2 , ..., pN ) pour les 2N coordonnées de l’espace des phases et en introduisant l’éq 4.3.4 :
{f, g} =
X ∂f ∂g
k,l
∂nk ∂nl
{ni , nl } =
∂f ∂f
S
.
∂n ∂n
(4.3.7)
avec la matrice S carrée de dimension 2N × 2N que l’on peut écrire par bloc :
"
#
0 1x
S=
.
−1p 0
(4.3.8)
Cette matrice a plusieurs propriétés évidentes dont t S = −S et det(S) = 1.
Grâce à cette nouvelle écriture du crochet de poisson, on peut réécrire les équations
du mouvement sous forme compactes :
" #
∂H
ẋ
=S
ṗ
∂n
(4.3.9)
Cependant, cette équation est dépendante de la base de coordonnées choisie.
En effet, x et p sont attachés à une base. Pourtant, de même que les propriétés
géométriques d’un espace euclidien sont intrinsèques et ne dépendent pas de la base
dans lequel le produit scalaire a été défini, la structure symplectique ne doit pas
dépendre du choix des variables canoniques utilisées. Autrement dit, toutes autres
variables (X, P) vérifiant les relations de conjugaisons canoniques préservent la
structure symplectique. La transformation (x, p) −→ (X, P) est alors appelée
transformation canonique.
50
4.4 Théorème de Liouville et intégration numérique
Pour que cette transformation soit canonique, il faut donc que :
{xi , pj } = {Xi , Pj } = Si,j .
(4.3.10)
Soit J la matrice de changement de base entre (x, p) et (X, P) définie par
Ji,j = ∂Xi /∂xj . Cette équation impose :
J.S.t J = S .
(4.3.11)
Les conséquences immédiates de cette relation sont que les matrices associées à
des transformations canoniques doivent respecter :
J = −S.t J.S ,
(4.3.12)
ce qui conduit également à la relation :
det(J) = ±1 .
(4.3.13)
Ainsi, une transformation canonique pourra s’écrire t (X, P) = J.t (x, p) où la
matrice J vérifie les conditions définies éq 4.3.12. La condition det(J) = ±1 nous
sera utile lors de la discussion autour des intégrateurs classiques et symplectiques.
Cet aspect jusqu’ici très théorique prend tout son sens lorsque l’on considère l’évolution d’un système hamiltonien au cours du temps. C’est le théorème de Liouville
[2].
4.4 Théorème de Liouville et intégration numérique
4.4.1 Théorème de Liouville
Nous allons d’abord donner la formulation la plus courante du théorème de Liouville avant de le raccrocher à la structure symplectique. Nous avons précédemment
défini une ligne de flot dans l’espace des phases Γ. Maintenant, au lieu de considérer une seule ligne de flot dans Γ , on étudie l’ensemble de toutes les lignes de
flot correspondant au même hamiltonien. Cela revient à considérer toutes les trajectoires issues de conditions initiales différentes. Le théorème de Liouville assure
que ∀Γ0 ⊆ Γ un sous ensemble mesurable de l’espace des phases, son volume V0
est conservé lors de l’évolution d’un système hamiltonien -fig 4.4.1.
Cette propriété est vraie pour tous les systèmes hamiltoniens autonomes. Sans
entrer dans la démonstration du théorème de Liouville, essayons d’en donner une
version adaptée à l’étude de la structure symplectique que nous avons faite précédemment. Soit (x0 , p0 ) l’état initial d’un système conservatif. Considérons le
volume de l’espace des phases V0 défini par :
51
Chapitre 4 Systèmes hamiltoniens
Figure 4.4.1 – Evolution du volume de l’espace des phases
ˆ
V0 =
dx0 dp0 ,
D0
où D0 ⊂ Γ est le domaine du système au temps t0 . Soit Dt l’image sous le flot
hamiltonien de D0 après un temps t. Le volume correspondant s’écrit alors :
ˆ
Vt = dxt dpt ,
Dt
On définit alors le flot hamiltonien φt = {φ1 , φ2 , ..., φN , ..., φ2N } comme :
φi (x0 , p0 , t) = qi (t),
φi (x0 , p0 , t) = pi−N (t),
i = 1...N
i = N + 1...2N
(4.4.1)
(4.4.2)
On définit alors Je le jacobien associé à la transformation (x(t), p(t)) −→ (x(0), p(0))
dont on peut exprimer les différents termes :
(
Je = |det
∂φi
∂nj
)2N
|,
i,j=1
avec n = (x, p). Le volume Vt peut alors s’exprimer :
52
4.4 Théorème de Liouville et intégration numérique
ˆ
Vt =
e
Jdx
0 dp0 .
Dt
On voit alors que le théorème de Liouville revient à dire que Je = 1. Autrement dit, le théorème de Liouville prouve que la transformation (x(t), p(t)) −→
(x(0), p(0)) est bien canonique, ce qui permet d’affirmer que la structure symplectique est conservée sous un flot hamiltonien. Nous pouvons également faire ici un
rapprochement entre l’équation de Vlasov et le théorème de Liouville ; En effet, si
l’on définit une densité de probabilité ρ(x, p, t) dans l’espace des phases, celle-ci
est emportée par le flot Hamiltonien et évolue donc selon la loi ∂ρ/∂t + {ρ, H} = 0
que l’on peut réécrire :
∂ρ
∂ρ
∂ρ
+ ẋ
+ ṗ
= 0.
∂t
∂x
∂p
Cette analogie traduit simplement la conservation de la densité de probabilité
par le flot hamiltonien.
La propriété fondamentale des systèmes symplectiques est donc la conservation
du volume de l’espace des phases. Les schémas d’intégrations numériques doivent
donc absolument conserver cette propriété. Nous allons voir que ce n’est pas toujours le cas.
4.4.2 Intégration d’un système hamiltonien
4.4.2.1 Intégration numérique
Soit un système d’équations différentielles de la forme :
dz
= f (z) .
dt
On cherche à résoudre numériquement cette équation, c’est-à-dire obtenir une
solution de z(τ ) connaissant une condition initiale z(0) = z0 . On aura donc
z(τ ) = ψ(z0 , τ ). τ désigne le pas de temps choisi, supposé petit. La première
méthode développée fut celle d’Euler et réalise l’application suivante :
z(τ ) = z0 + τ f (z0 ) .
La méthode d’Euler explicite est en fait une approximation au 1er ordre en τ du
développement de Taylor :
τ 2 df
τ3
f (z0 ) +
z(τ ) = z0 + τ f (z0 ) +
2 dz
6
!
d2 f
df
f (z0 ) + ( )2 f (z0 ) + O(τ 4 ) .
2
dz
dz
53
Chapitre 4 Systèmes hamiltoniens
De même, on appelle une application z(τ ) = ψ(z0 , τ ) un intégrateur du nème
ordre si elle coïncide avec le développement de Taylor jusqu’à l’ordre n . Par
exemple, la célèbre méthode Runge-Kutta, sous sa forme classique, est du 4ème
ordre
4.4.2.2 Problème de dérive en énergie
Appliquons maintenant ces méthodes d’intégrations traditionnelles à l’exemple
simple d’un oscillateur harmonique à une dimension. Nous avons précédemment
vu que l’hamiltonien de ce système, en prenant k = m = 1, est donné par H =
p2 /2 + x2 /2. La solution des éq 4.1.6 et 4.1.7 est bien connue et s’écrit sous forme
matricielle :
"
#
"
#"
x(τ )
cos(τ ) sin(τ )
=
p(τ )
−sin(τ ) cos(τ )
#
"
#
x0
x
=J 0 .
p0
p0
(4.4.3)
Bien sur, on remarque que la matrice J est bien associée à une transformation
symplectique et que l’on a det(J) = 1. Pourtant, si nous cherchons à intégrer le
système précédent grâce à la méthode d’Euler, on trouve :
"
#
"
x(τ )
1 τ
=
p(τ )
−τ 1
#"
#
"
#
x0
x
= JE 0 ,
p0
p0
(4.4.4)
où la matrice JE n’est pas la matrice d’une transformation symplectique puisque
det(JE ) = 1 + τ 2 . L’intégration numérique via la méthode d’Euler explicite ne
conserve donc pas le volume de l’espace des phases. En remarquant aussi que
(p2 (τ ) + x2 (τ ) = (1 + τ 2 )(p20 + x20 ), on constate que l’énergie du système n’est
également pas conservée.
De même, il est possible de montrer que la méthode de Runge-Kutta amène à
6
det(jRK ) = 1 − τ72 + o(τ 6 ) [44]. Même si la dérive de l’énergie est plus faible qu’avec
la méthode d’Euler, elle n’en reste pas moins toujours présente. Sur des temps
longs, ces méthodes d’intégrations divergent des solutions exactes et l’intégration
numérique via ces méthodes modifie donc artificiellement les propriétés du système
hamiltonien en brisant sa structure symplectique. Pour éviter ce phénomène, on
utilise des schémas d’intégration appropriés aux systèmes hamiltoniens appelés
intégrateurs symplectiques.
4.4.2.3 Les intégrateurs symplectiques
Les intégrateurs symplectiques sont donc des intégrateurs numériques permettant de respecter la propriété fondamentale des systèmes symplectiques : la conservation du volume de l’espace des phases. Notons que l’idéal serait d’obtenir des
54
4.4 Théorème de Liouville et intégration numérique
intégrateurs assurant à la fois le caractère symplectique du système et la conservation de l’énergie. On peut donc chercher à construire un intégrateur qui les
respecte, mais il est démontré qu’il ne peut y avoir une telle méthode pour des
hamiltoniens non-intégrables. Par contre, il est possible de développer des intégrateurs qui conservent l’une ou l’autre de ces propriétés. Ceux qui conservent
la structure de l’espace des phases sont appelés intégrateurs symplectiques. Leur
étude a débuté au début des années 80 [45] et s’est rapidemment développée [46]
[47] [48].
Afin de comprendre leur fonctionnement, penchons-nous sur un cas simple, celui
d’un hamiltonien à variables séparables pouvant s’écrire : H = T (p)+V (x). Notons
immédiatement que ce n’est malheureusement pas le cas de l’hamiltonien d’une
particule se déplaçant dans un champ magnétique. Ainsi, nous ne pourrons pas utiliser l’intégrateur symplectique classique expliqué ici. Notre schéma d’intégration
sera alors discuté dans la seconde partie du manuscrit.
Dans le cas d’un hamiltonien séparable, un simple changement dans la méthode
d’Euler permet de la rendre symplectique :
∂V
∂T
)p=p0 et p(τ ) = p0 − τ (
)x=x(τ ) .
∂p
∂x
La principale différence rendant la méthode d’Euler symplectique, est que ces
deux applications se font successivement. La deuxième transformation se fait au
point x = x(τ ) et non à la position initiale, contrairement au schéma d’Euler
classique. La transformation (x0 , p0 ) −→ (x(τ ), p(τ )) est alors la composition de
deux transformations canoniques (x0 , p0 ) −→ (x(τ ), p0 ) −→ (x(τ ), p(τ )). Elle est
ainsi elle-même canonique et conserve donc le caractère symplectique de l’espace
des phases.
Cependant, ne confondons pas symplectique et exact. Le caractère symplectique
est conservé mais la méthode d’Euler, même symplectique, reste une approximation
du premier ordre en τ . On peut alors construire des intégrateurs symplectiques
d’ordre n en complexifiant le schéma d’intégration et donc, en rendant le code
plus coûteux en temps de calcul. Il sera ainsi toujours nécessaire de trouver un
compromis entre précision et temps de calcul.
Enfin, concernant la variation de l’énergie du système dans les schémas d’intégrations symplectiques, il a été montré que, contrairement au schéma classique,
l’erreur sur l’énergie totale est bornée à l’ordre τ n . Autrement dit, ces méthodes
restent stables et permettent des études sur des temps longs. Certaines études
[49][50] discutent des différences de comportement entre intégrateurs classiques et
symplectiques. Cette possibilité d’étude sur temps long prendra tout son sens dans
le prochain chapitre lorsque l’on discutera du chaos adiabatique potentiellement
présent dans la trajectoire d’une particule chargée dans un champ magnétique externe figé. Nous justifierons alors le choix d’un intégrateur symplectique pour notre
x(τ ) = x0 + τ (
55
Chapitre 4 Systèmes hamiltoniens
étude. Cependant, avant d’aborder la notion de chaos, nous allons mettre en avant
un dernier outil qui nous sera utile : le théorème de Poincaré [51].
4.5 Théorème de récurrence de Poincaré
Le théorème de récurrence de Poincaré est une conséquence du théorème de Liouville. Il stipule que pour un système autonome borné - en position et en impulsion
-, tout voisinage, aussi petit soit-il, d’un point d’une trajectoire sera nécessairement visité de nouveau par la trajectoire. Donc si les hypothèses du théorème sont
satisfaites et si l’état du système est initialement décrit par (x0 , p0 ), l’état après
un temps donné repassera à une distance arbitrairement proche de (x0 , p0 ). Ce
temps est appelé temps de récurrence de Poincaré ou temps de premier retour.
Ainsi, une conséquence directe du théorème de Poincaré est que pour un système
conservatif, tout point matériel en mouvement repassera un nombre infini de fois
arbitrairement proche de son point de départ. Cette conclusion peut sembler en
contradiction avec les lois de la physique statistique par exemple. En effet, Supposons une détente adiabatique d’un gaz d’un volume V1 dans un volume plus grand
noté V1 + V2 , le théorème de Poincaré suppose qu’il existe un temps t1 au bout
duquel tout le gaz se retrouvera à nouveau dans le seul volume V1 . On introduit
donc ici une notion de réversibilité étonnante au vu des équations classique de la
physique statistique. Cependant, ce paradoxe peut être résolu en tenant compte
du fait que ce temps croit extrêmement vite avec le nombre de degrés de liberté,
et que, pour un gaz ayant des dimensions macroscopiques, t1 dépasse de nombreux
ordres de grandeur l’âge de l’univers.
Comme nous l’avons vu, étudier l’évolution temporelle d’un système revient à
considérer son évolution sous le flot hamiltonien. Cependant, à travers ce théorème
apparait une autre possibilité. En effet, il est alors possible de définir une hypersurface de dimension 2N − 1 autour de (x0 , p0 ) et de regarder l’intersection entre
la trajectoire du système dans son espace des phases et l’hypersurface en question.
On passe donc de l’étude d’une fonction continue dans un espace à 2N dimensions
à une application dans 2N − 1 dimensions.
Nous verrons que les sections de poincaré permettent notamment d’obtenir des
coupes en 2D de système en 3D permettant de séparer trajectoires périodiques,
intégrables ou chaotiques.
4.6 Conclusion partielle
Au travers de ce chapitre, nous avons mis en place le formalisme hamiltonien
en montrant que le problème d’une particule dans un champ magnétique externe
56
4.6 Conclusion partielle
figé faisait partie des systèmes hamiltoniens. Nous avons défini le caractère symplectique des systèmes conservatifs et exposé le théorème de Liouville tout en expliquant les difficultés liées à l’intégration des systèmes hamiltoniens. Enfin, nous
avons évoqué le théorème de Poincaré et les sections du même nom. Dans la suite
de ce manuscrit, nous allons nous intéresser au caractère intégrable ou chaotique
des systèmes dynamiques.
57
Chapitre 5
Systèmes hamiltoniens intégrables
et chaotiques
Le système d’une particule chargée se déplaçant dans un champ magnétique
externe figé suit donc une évolution hamiltonienne. Au sein de cette théorie, on
peut distinguer deux types de trajectoires aux comportements très différents :
intégrables ou chaotiques. Nous allons voir dans cette partie qu’est-ce qu’un système intégrable. Nous appliquerons les résultats explicités pour montrer que la
trajectoire réelle d’une particule chargée dans un champ magnétique n’est pas forcément intégrable, contrairement à la simulation de cette dernière par les codes
gyrocinétiques. L’intérêt de notre étude sera alors de mettre en lumière des zones
de l’espace des phases où l’hypothèse de trajectoires intégrables n’est pas vérifiée.
Autrement dit, nous souhaitons voir apparaitre du chaos. Ainsi, la dernière section
de ce chapitre sera consacrée au chaos et à sa visualisation.
5.1 Intégrabilité
Considérons un système hamiltonien à N degrés de liberté. Pour un ensemble
de conditions initiales données, il est en théorie toujours possible d’intégrer les 2N
équations de Hamilton pour trouver la trajectoire du point représentatif du système
dans l’espace des phases. Cependant, malgré le déterminisme de la mécanique
classique, de nombreux systèmes sont extrêmement sensibles à une variation, même
très faible, de leur condition initiale. Ainsi, une erreur ε sur leurs conditions initiales
peut entrainer un comportement complètement différent de celui attendu. De part
cette sensibilité, ces systèmes ne sont finalement pas prévisibles. On parle alors de
systèmes chaotiques et de chaos déterministe. A contrario, d’autres systèmes ont
une évolution suffisamment régulière pour qu’on puisse la prévoir sur des temps
longs. Des conditions initiales proches conduisent alors à des trajectoires voisines.
59
Chapitre 5 Systèmes hamiltoniens intégrables et chaotiques
On parle alors de systèmes intégrables.
Dans la nature, les systèmes intégrables sont rares. Pourtant, il n’est pas inintéressant de les étudier pour ensuite se pencher sur le cas des systèmes chaotiques.
5.1.1 Théorème de Liouville (2)
Notre première volonté est de caractériser les systèmes intégrables. Pour cela, on
s’intéresse à un second théorème de Liouville mettant en relation les invariants du
mouvement et le caractère intégrable du système [52]. Ainsi, il dit qu’un système à
N degrés de liberté est intégrable s’il existe N constantes du mouvement J1 , ..., JN
indépendantes et en involution, c’est-à-dire dont le crochet de Poisson est tel que
{Ji , Jj } = 0.
En première approche, ce théorème peut nous faire croire à tort que décider
de l’intégrabilité d’un système peut être facile. Malheureusement, dans la plupart
des systèmes, il est extrêmement difficile de trouver les invariants du mouvement.
Cette recherche peut se faire, par exemple, en exploitant les propriétés de symétrie
du système. Pour un système hamiltonien autonome, l’une de ces constantes est
l’énergie. Cette propriété entraine qu’il existe dans ces systèmes forcément au moins
une constante du mouvement. Un corollaire à cela est le fait que tout système
hamiltonien autonome à un seul degré de liberté est intégrable. En revanche, pour
N > 1, les systèmes intégrables sont plutôt des exceptions. Nous verrons que le
théorème de Liouville est au coeur de notre étude.
5.1.2 Variable Action-Angle
5.1.2.1 Définition
Dans le cas d’un système intégrable, le nombre d’invariants indépendants qui
commutent est égal au nombre de degré de liberté. Afin d’étudier un tel système,
l’idée est alors de transformer canoniquement notre système de coordonnée (x, p)
en des couples (ϕk , Jk ) avec k = 1...N , où les Jk sont invariants sous le flot hamiltonien. Ce sont donc les nouvelles « impulsions généralisées constantes ». On peut
montrer que les Jk sont donnés par [52] :
˛
Jk = pdx ,
(5.1.1)
γk
où γk est une trajectoire fermée dans l’espace des phases. Afin de donner un sens
physique à J, considérons un système conservatif à 1 dimension. L’équation d’une
trajectoire dans l’espace des phases est alors donnée par p = p(x, E). Selon les
valeurs de l’énergie, deux types de trajectoire peuvent se présenter : une trajectoire
60
5.1 Intégrabilité
fermée ou une trajectoire ouverte. Dans le cas d’une orbite fermée, les variables
(x, p) repassent périodiquement en un point représentatif de l’espace des phases.
Par contre, le cas d’une orbite ouverte se présente si p est une fonction périodique
de q de période q0 . Dans ce dernier cas la valeur de q peut croître indéfiniment.
J est donc la surface dans l’espace des phases associée à une période complète. Si
l’orbite est ouverte, alors il suffit d’intégrer sur une période q0 . Jk est alors appelée
variable d’action.
La transformation cherchée étant canonique, la structure des équations canoniques est préservée. Pour un système 1D, en notant H = H̃(ϕ, J) on aura donc :
∂ H̃
dϕ
=
dt
∂J
dJ
∂ H̃
= −
dt
∂ϕ
(5.1.2)
(5.1.3)
Or, J est une constante du mouvement alors ∂H/∂ϕ = 0. L’hamiltonien ne
dépend donc que le l’action. Puisque J est une constante par rapport au temps,
H(J) l’est aussi. On en déduit que ∂H/∂J = 0 est indépendant des variations
temporelles. Les équations de Hamilton se traduisent alors par :
ϕ(t) = =
∂ H̃
t + ϕ0 = νt + ϕ0
∂J
J = J0
(5.1.4)
(5.1.5)
Dans cet exemple à 1 dimension, on s’aperçoit alors que si J est une constante du
mouvement, alors ϕ est directement lié à la pulsation caractéristique du système.
Ainsi, ces variables sont très pratique pour connaitre la périodicité du système
sans pour autant le résoudre totalement. Nous concluons donc que la dynamique
du système de dimension 1 dans ces variables actions/angles est un mouvement
périodique. Dit autrement, toute étude d’un système de dimension 1 conservatif
peut se ramener à l’étude d’un oscillateur harmonique, d’où l’exemple suivant.
5.1.2.2 Exemple de l’oscillateur harmonique en 1D
Dans le chapitre précédent, nous avons donné l’hamiltonien et les équations de
l’oscillateur harmonique unidimensionnel avec H = p2 /(2m) + kx2 /2. Les trajectoires dans l’espace des phases s’écrit donc :
s
p=
1
2m E − kx2 .
2
61
Chapitre 5 Systèmes hamiltoniens intégrables et chaotiques
La variable d’action est alors définit par :
˛
J=
˛ s
1 2
2m E − kx dx .
pdx =
2
En posant le changement de variable q =
q
2E/ksin(θ), on calcule cette intégrale :
m
.
k
Cette équation donne l’aire de la surface dans l’espace des phases qui est enfermée
dans l’orbite d’une période d’énergie E. On en tire l’hamiltonien en fonction de
J :
r
J = 2πE
s
1 k
J.
H̃(J) =
2π m
La fréquence d’oscillation du système est alors obtenue par :
s
1 k
∂H
=
.
ν=
∂J
2π m
On retrouve ici un résultat bien connu. Comme expliqué auparavant, nous avons
donc trouvé la fréquence du système sans pour autant avoir résolu entièrement les
équations du mouvement.
5.1.2.3 Généralisation au cas multidimensionnel
Dans le cas d’un système intégrable à N degré de liberté, le même raisonnement
est possible. En effet, supposons que le système est périodique dans chaque variable qi - Attention à ne pas en déduire que le système des phases est lui-même
périodique dans l’espace des phases puisqu’il suffit que le rapport de deux périodes
soit irrationnel pour qu’il n’existe plus de période commune à ces deux orbites. Les
variables d’actions ayant déjà été définies, on pose les équations du mouvement :
∂ H̃
(J)t + ϕ0i = νi t + ϕ0i
∂Ji
= J0i
ϕi (t) =
(5.1.6)
Ji
(5.1.7)
Le mouvement est donc localisé sur la surface de dimension N du tore défini par
les rayons constants Ji . Les fréquences de rotation autour de chaque rayon Ji sont
données par νi . Un point capital est que les variables d’angles αi ne dépendent pas
des autres αj . Ainsi, ils ne sont fonctions que des variables d’actions qui sont ellesmêmes des constantes au cours du mouvement. Un système intégrable peut donc
62
5.1 Intégrabilité
être décrit par N couples de variables canoniquement conjuguées évoluant uniformément en t, mais dépendant de toutes les actions. De façon générale, les systèmes
intégrables sans propriété particulière de périodicité peuvent donc tous être décrits
en termes de variables action/angle. Cette approche amène directement à un théorème fondamental des systèmes dynamiques : le théorème d’Arnold-Liouville [52].
5.1.3 Théorème d’Arnold-Liouville
Le théorème d’Arnold-Liouville discute des caractéristiques des trajectoires des
systèmes intégrables dans leurs espaces des phases.
Soit un système hamiltonien autonome localement intégrable à N degré de liberté - et donc à N invariants en involutions - et d’hamiltonien conservé H, Γ
l’espace des phases et J1 ...JN les constantes du mouvement. ALors :
1- Il existe S ⊂ Γ une surface telle que la restriction de Ji sur S soit constante
au cours de l’évolution et sur laquelle a lieu le mouvement.
2- S est difféomorphe au tore T N = {ϕi |ϕi ∈ [0, 2π[}N
i=1 où les ϕi sont appelées
variables d’angles.
3- Il existe un choix d’angle ϕi tel qu’il existe des variables canoniquement
conjuguées « actions » Ji telles que l’hamiltonien ne dépendent que des actions J
Ce théorème nous permet de justifier notre étude précédente et d’affirmer l’existence des variables actions/angles. Le premier point traduit simplement l’existence
de N constantes du mouvement. En effet, la donnée de N relations telles que
Ji = cste définit une surface de dimension N qui sera invariante si ces mêmes
relations le sont. Le second point exprime le fait que S doit en fait être une surface
fermée, bornée et convexe. Enfin, la troisième proposition affirme que, dans une
base canonique « adaptée », S est exactement un tore dont la paramétrisation est
donnée par les équations du mouvement dans la base canonique des variables actions/angles. On dit alors que l’espace des phases est feuilleté en tores invariants.
Cette dernière affirmation très forte ne doit pas faire oublier qu’il peut être extrêmement compliqué de trouver le changement de variables adéquates permettant
d’obtenir les variables actions/angles.
Supposons alors un système intégrable à deux degrés de liberté. Dans ce cas,
sa trajectoire évolue sur un tore de dimension 2, facilement représentable dans
l’espace. On considère alors ν1 la fréquence de rotation toroïdale - autour du grand
axe - et ν2 celle poloïdale. En effectuant une section de Poincaré de ce système
en fixant l’angle de rotation du grand axe, on obtient une figure composée soit
de points isolés traduisant la périodicité du système dans le cas où ν1 = kν2 avec
k ∈ N, soit d’une courbe fermée de dimension 1 lorsque ν1 6= kν2 . Le système est
alors qualifié de pseudo-périodique.
Les invariants du mouvement, au travers des théorèmes de Arnold et de Liouville, permettent donc de donner un critère d’intégrabilité que l’on peut exploiter
63
Chapitre 5 Systèmes hamiltoniens intégrables et chaotiques
numériquement à l’aide d’une section de Poincaré.
5.2 Application au cas d’une particule chargée dans
un champ magnétique externe figé
5.2.1 Deux invariants exacts
Dans notre système composé d’une particule chargée dans un champ magnétique
externe figé, nous avons déjà exhibé un invariant du mouvement, l’énergie :
(p − qA)2
E=H=
2m
Un second invariant réside dans l’invariance du système par rotation toroïdale.
En effet, dans le cas idéal présenté dans le premier chapitre de cette partie, le champ
magnétique ne dépend pas de l’angle toroïdal ϕ. D’après le théorème de Noether
[53], cette invariance se traduit dans le formalisme lagrangien par l’existence d’un
second invariant du mouvement M s’écrivant :
∂L
∂
M=
=
∂ ϕ̇
∂ ϕ̇
mv 2
+ qA.v
2
!
(5.2.1)
En remarquant que ∂ ϕ̇ = ξ∂vϕ , on a alors :
∂
M =ξ
∂vϕ
mv 2
+ qA.v
2
!
(5.2.2)
Soit aussi :
M = ξ(mvϕ + qAϕ ) = ξpϕ
(5.2.3)
Cet invariant sera exact tant que l’invariance par rotation sera conservée. Nous
verrons dans la deuxième partie de ce manuscrit que nous pouvons le briser facilement en considérant les effets de ripple susceptible de rajouter une dépendance
en ϕ du champ magnétique.
A ce stade, une constatation s’impose. Notre système a trivialement 3 degrés de
libertés et au moins 2 invariants du mouvement. D’après le théorème de Liouville,
trouver un troisième invariant indépendant et en involution avec les deux premiers
revient donc à prouver l’intégrabilité du système. En particulier, l’étude effectuée
précédemment en considérant µ0 constant ne peut donc fournir que des trajectoires
intégrables alors que, dans le système physique réel admettant µ0 comme simple
invariant adiabatique, rien ne justifie un tel résultat. L’existence d’un troisième
invariant - que ce soit au travers du moment magnétique µ0 ou de la série µ dont
64
5.2 Application au cas d’une particule chargée dans un champ magnétique
externe figé
le premier terme serait µ0 - est donc directement relié à la propriété fondamentale
d’intégrabilité des trajectoires. Penchons-nous donc sur l’invariance de µ0 dans
l’approche hamiltonienne que nous venons d’établir.
5.2.2 L’invariant adiabatique µ0
Nous avons vu qu’une approche newtonienne permettait d’expliquer les fondements de l’invariance adiabatique de µ0 . Dans le formalisme hamiltonien, une
approche similaire peut être menée. En effet, plaçons-nous dans l’hypothèse adiabatique en considérant qu’au premier ordre, le champ magnétique est constant sur
une giration cyclotronique. Dans cette approche, on peut considérer l’intégrale de
p⊥ le long du mouvement cyclotronique :
˛
J = p⊥ drL .
En séparant les deux partie de cette intégrale et en utilisant le théorème de
Stokes, on a :
¨
2πr
ˆ L
J=
mv⊥ dl + q
∇ × A.dS .
0
En se souvenant que B = ∇ × A et en remplaçant v⊥ = rL × ωc par sa valeur,
on obtient :
J=
2πm
µ0 .
q
On retrouve donc bien que µ0 , dans l’hypothèse adiabatique, est un invariant.
Cependant, ce calcul n’a été possible uniquement grâce à l’hypothèse du champ
magnétique constant sur une giration cyclotronique. Elle ne permet pas de conclure
sur l’invariance exacte de µ0 et donc sur le caractère intégrable du système. En effet, sur des temps longs, l’accumulation d’erreur sur chaque giration cyclotronique
peut potentiellement rendre cette étude invalide. Le fait de ne pas pouvoir conclure
sur l’invariance exacte d’un µ ne permet également pas de conclure quant à l’intégrabilité des trajectoires. Présenté différemment, il est théoriquement possible
d’avoir un système non intégrable mais plutôt quasi-intégrable, que l’on pourrait
voir comme la somme d’un système intégrable et d’une perturbation. Nous allons
voir dans la prochaine section que l’évolution d’un tel système peut être décrite
de manière générale par la théorie KAM. Cependant, auparavant, il est temps de
définir les objectifs de notre étude.
65
Chapitre 5 Systèmes hamiltoniens intégrables et chaotiques
5.2.3 Objectif de notre étude
Dans cette première partie du manuscrit, nous avons soulevé de nombreuses
questions sur l’invariance adiabatique du moment magnétique µ0 et sur l’existence potentielle d’un invariant exact µ qui serait une série dont le premier terme
correspondrait à µ0 . Nous avons montré que l’existence d’un tel invariant, à condition d’être en involution avec l’énergie et le moment toroïdal, entrainerait directement l’intégrabilité du système. En particulier, les codes numériques considérant
µ0 constant simulent donc l’ensemble des trajectoires des particules réelles par des
trajectoires intégrables.
Dans le cas simple d’une particule se déplaçant dans un champ magnétique
externe figé, de nombreuses questions tournant autour de l’intégrabilité des trajectoires peuvent être posées. Peut-on alors mettre à défaut cette modélisation et
trouver des zones de l’espace des phases qui ne correspondent pas à un système
intégrable ? Peut-on avoir des zones chaotiques dans lesquelles l’invariance de µ
serait très fortement remise en cause ? Y-a-t-il une relation entre chaos de ligne de
champ magnétique et chaos de trajectoire de particule ?
Ces questions, à priori relativement basiques, soulèvent en réalité plusieurs difficultés. Parmi les plus évidentes, nous pouvons citer la nécessité de simuler la
trajectoire sur des temps longs pour permettre aux phénomènes adiabatiques d’apparaitre. Pour cela, nous devrons utiliser un intégrateur basé sur un schéma symplectique. De plus, la visualisation des phénomènes chaotiques dans un système
de six dimensions peut poser de grosses difficultés, notamment au moment de
choisir une section de Poincaré adapté. En particulier, une question récurrente
sera : Dans quelle région de l’espace des phases doit-on chercher le chaos ? Cette
recherche additionnée avec le problème de visualisation sera alors une source de
difficulté constante que nous évoquerons dans la deuxième partie.
Avant de réellement entrer dans le travail que nous avons effectué, penchons-nous
sur le chaos hamiltonien afin de le définir et d’en exhiber ses principales caractéristiques. En particulier, nous étudierons le cas où la théorie KAM s’applique.
5.3 Chaos dans les systèmes hamiltoniens
Dans un système déterministe, chaque condition initiale détermine entièrement
son évolution. Cependant, deux conditions initiales très proches peuvent avoir des
évolutions complètement différentes. L’évolution du système devient alors imprévisible car une petite erreur de mesure où une simple troncature conduisent à des
résultats complètement faux au bout d’un certain temps. C’est le chaos déterministe. Cependant, notons que ce n’est pas parce qu’un système est chaotique qu’il
ne peut pas être hamiltonien. En effet, dans le cas d’un système autonome hamil-
66
5.3 Chaos dans les systèmes hamiltoniens
tonien chaotique, le chaos sera localisé dans l’hypersurface correspondant à une
énergie constante -comme dans le cas d’un système intégrable -. La plupart du
temps, le chaos est un phénomène néfaste entrainant par exemple du bruit dans
les systèmes électroniques. Cependant, notons que depuis une vingtaine d’années,
le chaos déterministe trouve des applications particulièrement intéressantes, notamment dans la cryptographie ou dans les systèmes mélangeants.
5.3.1 La théorie perturbative dans les systèmes hamiltoniens
Pour obtenir du chaos dans un système hamiltonien, une des méthodes est
de perturber un système intégrable. Dans le système de coordonnées canoniques
(ϕ, J), notons H0 (J) l’hamiltonien correspondant à des trajectoires intégrables. Le
système perturbé est alors donné par H = H0 (J) + H1 (J, ϕ, ) où est supposé
petit. Les équations du mouvement sont alors données par :
∂H
∂H1
dϕ
=
= ω(J) + dt
∂J
∂J
∂H
∂H1
dJ
= −
= −
dt
∂ϕ
∂ϕ
(5.3.1)
(5.3.2)
En introduisant cette perturbation, on change totalement la dynamique du système. En effet, en première approche, les variables angles dépendent cette fois-les
les unes des autres et nous brisons donc le feuilletage en tore invariants de l’espace
des phases. Pourtant, le théorème KAM montre que pour suffisamment petit,
il subsiste de nombreux tores invariant [52]. Plus précisément, pour des systèmes
2H
) 6= 0, la majorité des tores invariants J = cste
non dégénérés vérifiant det( ∂J∂i ∂J
j
sont simplement « déformés » sans disparaitre sous l’effet d’une petite perturbation hamiltonienne. Formulé différemment, le théorème KAM affirme que pour une
quantité mesurable de conditions initiales, les trajectoires remplissent des tores invariants dans le cas sans perturbation mais également pour le système perturbé. En
première approximation, nous pouvons considérer que les tores brisées se situent
autour des résonances entre plusieurs fréquences ωi rationnelles du type nωi = mωj
avec (n, m) ∈ Z2 alors que des fréquences irrationnelles n’entraineront pas de résonance et conserveront l’invariance des tores. Une conséquence directe est que la
section de Poincaré en 2D d’une trajectoire chaotique ne sera plus un cercle.
La principale force du théorème KAM est d’être l’un des rares théorèmes s’intéressant à la dynamique de systèmes chaotiques sur des temps à priori infini. En
effet, la plupart des études menées précédemment portaient sur des théories adiabatiques limitées dans le temps. Ici, il s’agit plutôt d’étudier la stabilité des tores
prévus dans la dynamique intégrable, dans le cas d’une perturbation du système
le rendant chaotique et pour des temps infinis.
67
Chapitre 5 Systèmes hamiltoniens intégrables et chaotiques
5.3.2 Spectre d’une trajectoire chaotique.
Jusqu’à présent, nous avons donné 2 méthodes pour caractériser une trajectoire
chaotique dans un système hamiltonien. La première est sa sensibilité aux conditions initiales. La seconde est sa représentation dans une section de Poincaré. Une
troisième caractérisation est possible en considérant le spectre de puissance de la
transformée de Fourier d’une trajectoire [54]. Dans le cas d’un système intégrable,
nous avons vu que les trajectoires étaient toutes la compositions de plusieurs mouvements d’oscillations ayant chacune une fréquence ωi . Le spectre d’une telle trajectoire ne contient donc qu’une assemblée de raies fines situées aux pulsations ωi ,
à leurs harmoniques, et aux combinaisons linéaires nωi + mωj avec (n, m) ∈ Z2 .
Dans le cas d’un système chaotique, la dépendance des variables d’angles fait que
le système n’est ni périodique, ni quasipériodique. Ainsi, on s’attend à ce que le
spectre d’un système chaotique soit la somme d’un spectre à large bande auquel
se superposeront éventuellement certaines raies caractéristiques du système.
Dans la seconde partie de ce manuscrit, nous montrerons certaines différences
apparaissant dans le cas simple d’une particule chargé dans un champ magnétique
externe figé selon si sa trajectoire est intégrable ou, au contraire, chaotique.
5.4 Conclusion
Dans ce chapitre, nous avons mis la lumière sur le caractère intégrable ou à
contrario chaotique des systèmes hamiltoniens. Ces résultats seront la base de l’interprétation de nos futurs résultats. Nous avons également posé la problématique
de notre étude en montrant que considérer µ0 comme invariant revenait à dire
que les trajectoires d’une particule dans un champ magnétique uniforme externe
figé étaient intégrables. Nous allons maintenant essayer de trouver des cas où nous
pourrons mettre à défaut cette hypothèse.
68
A la recherche du chaos
« Si j’avais deux visages,
est-ce que je porterais
celui-ci ? »
(A.Lincoln)
.
Dans la première partie de cette thèse, nous avons mis en lumière les motivations de cette thèse et donné les principaux outils de la théorie Hamiltonienne
nous permettant de partir à la recherche du chaos dans la trajectoire d’une particule chargée se déplaçant dans un champ magnétique externe figé. Dans cette
seconde partie, nous allons donc expliciter les méthodes de simulations et de
visualisations que nous utiliserons et donner plusieurs résultats. Nous commencerons par mettre en évidence l’une des principales difficultés de notre étude :
l’espace des phases de dimension 6 dans lequel se déplace une particule chargée.
En effet, en raison de cette dimension élevée, une recherche de chaos directe
reposant sur une exploration hasardeuse de cet espace des phases s’avère peu
fructueuse. Nous proposerons alors d’autres approches permettant de mettre en
évidence d’une part des différences de comportement entre les lignes de champ
magnétique et les trajectoires de particules, et d’autre part des trajectoires de
particule chaotiques, y compris en présence d’une configuration magnétique
idéale axisymétrique. Dans la totalité de notre étude, nous rappelons que les
effets du champ électrique sont considérés comme négligeables.
A travers ces résultats, nous allons mettre en avant une contradiction entre
invariance supposée du moment magnétique et chaos dans les trajectoires de
particules. Ce paradoxe nous pousse à étudier l’hypothèse de l’invariance du
moment magnétique. Dans la fin de ce chapitre, nous montrerons qu’une réduction globale de l’espace des phases effectuée grâce à l’invariance de µ n’est
pas justifiée.
71
Chapitre 6
Intégrabilité des lignes de champ
versus trajectoires chaotiques
Pour que l’étude du chaos dans les trajectoires de particules soit pertinente, il
nous semble avant tout important de montrer la nécessité de le distinguer du chaos
de ligne de champ magnétique. En effet, certaines études confondent parfois les
deux notions en considérant que la première est une bonne approximation de la
seconde puisqu’elle correspond à la dynamique d’une particule ayant un rayon de
Larmor nul. Si cela était une représentation fidèle de la réalité, il vaudrait alors
souvent mieux étudier les propriétés des lignes de champ magnétique évoluant dans
un espace physique à 3 dimensions plutôt que de s’intéresser aux caractéristiques
d’une trajectoire dans un espace des phases de dimension 6. Or, ce chapitre va
nous permettre de clairement exposer des différences de comportement notables
entre les deux notions. Nous commencerons en explicitant notre méthode d’intégration tout en mettant en lumière les difficultés liées à la recherche d’une section
de visualisation pertinente. En particulier, nous verrons que s’intéresser aux comportements des particules plutôt que des lignes de champ rend le choix d’une
section de Poincaré à représenter en 2D délicat. Puis, nous évoquerons le ripple,
un phénomène permettant de prendre en compte les défauts des bobines créant le
champ magnétique toroïdal en introduisant directement une perturbation brisant
l’invariance par rotation toroïdale du système dans le potentiel vecteur A. Grâce
à cela, nous conclurons sur la possibilité d’observer du chaos dans les trajectoires
de particules tout en ayant des lignes de champ magnétique intégrables.
73
Chapitre 6 Intégrabilité des lignes de champ versus trajectoires chaotiques
6.1 Intégration numérique de la trajectoire d’une
particule
6.1.1 Intégrateur symplectique : Méthode de Gauss-Legendre
Dans le chapitre précédent, nous avons déjà évoqué la nécessité d’utiliser un intégrateur symplectique. En effet, intégrer la trajectoire d’une particule en utilisant
un intégrateur habituel peut introduire artificiellement des attracteurs dans l’espace des phases amenant un comportement de la particule totalement faussé et non
hamiltonien. Afin d’effectuer des simulations sur des temps longs, l’intégrateur utilisé ici est donc basé sur un schéma d’intégration symplectique de Gauss-Legendre
d’ordre 6 dont le détail peut être trouvé dans [55] et dont nous allons expliquer
sommairement le fonctionnement et justifier son utilisation.
Considérons un système hamiltonien autonome associé à un flot φt (x, t) et un
hamiltonien H. A condition que 4t soit suffisamment petit, la discrétisation du
système amène à la construction d’un nouveau système dont la dynamique peut
être différente, dépendant elle-même de 4t. On note alors ψ∆t,H le flot du système
numérisé dépendant « gentiment » de ∆t et de H. On a alors :
(xn+1 , pn+1 ) = ψ∆t,H (xn , pn ) .
La méthode associée à ψ∆t,H est alors dite d’ordre r si lorsque ∆t tend vers 0 :
||φ∆t − ψ∆t,H || = O(∆tr+1 ) .
Il existe de nombreuses méthodes différentes pour assurer la création d’un intégrateur symplectique. Cela est particulièrement vrai pour des hamiltoniens à
variables séparables ou quadratiques. Pour notre hamiltonien, il existe également
plusieurs façons de procéder. Bien que n’étant pas la plus rapide, la méthode de
Gauss-Legendre d’ordre 6 présente une excellente précision et un rapport final précision/temps de calcul intéressant. Comme conseillé dans [55], nous préférons donc
ce schéma d’intégration à d’autres comme la méthode de Taylor.
Partant d’une équation différentielle du type ẋ = f (x), la méthode de GaussLegendre repose sur l’équation :
xn+1 = xn + k
3
X
bi g i .
i=1
Dans cette équation, les bi sont fournis par des tables [citer butcher]. Les gj sont
eux-même définis implicitement par :
74
6.1 Intégration numérique de la trajectoire d’une particule
gj = f (x0 + k
3
X
aij gi )
avec
j = {1, 2, 3}
i=1
Due à cette dernière équation, cette méthode est implicite. Elle comprend donc
les désavantages liées à une telle méthode. D’abord, afin de trouver les gj , nous
avons recours à une méthode du point fixe. Pour assurer la convergence de la série
ainsi créée vers un point fixe, on souhaite que le terme initial (gj )0 soit le plus
proche possible de la valeur finale gj . Pour cela, on utilise un prédicteur. A l’aide
des positions précédentes, on estime la valeur de gj que l’on assimile à (gj )0 afin
d’optimiser le code. Dans le cas la série converge, on définit une condition d’arrêt
comme ||gn+1 − gn || < . Si cette équation est vérifiée, la condition est satisfaite
et on obtient xn+1 . Sinon, l’itération continue. Cependant, la série peut parfois
diverger lorsque le pas de temps choisi est trop important ou que l’espace des
phases est particulièrement complexe. Dans ce cas, il nous faut définir un nombre
maximal d’itération et s’assurer qu’un message d’erreur nous parviendra montrant
la valeur de ||gn+1 − gn ||. Dans la suite des simulations, on fixe le nombre maximal
d’itération à Nmax = 30 et la précision à = 10−12 .
Une conséquence de ce schéma d’intégration est que les simulations de particules
ayant des trajectoires complexes, par exemple proche d’une séparatrice, seront très
coûteuses en temps de calcul. En effet, si la suite converge rapidement vers xn+1
dans le cas d’une trajectoire simple, par exemple intégrable analytiquement, il lui
faut d’avantage de termes dans des cas plus compliqués comme lorsque la particule
se déplace aux abords d’une séparatrice ou suit un mouvement chaotique. Dans
ces cas, le coût en temps de calcul peut être multiplié par un facteur 10.
A défaut d’être rapide, l’intégrateur symplectique de Gauss-Legendre d’ordre
6 assure la conservation du volume de l’espace des phases, donc le caractère hamiltonien du problème et est construit pour assurer la stabilité des invariants du
mouvement. De plus, la sauvegarde des données concernant l’énergie et l’invariant toroïdal en tout point de la trajectoire nous permet de vérifier que ces deux
constantes sont bien conservées au cours du mouvement. L’enregistrement des valeurs de l’invariant adiabatique µ0 permet également de visualiser ses variations.
Dans la suite de ce manuscrit, nous utiliserons donc l’invariance de l’énergie et,
lorsqu’il n’y a pas de perturbation brisant l’axisymétrie, celle de l’invariant de Noether pour justifier la conservation des invariants exacts et comparer celle-ci avec
les variations de l’invariant adiabatique. Nous insistons encore une fois sur le fait
que ce code est développé dans un espace des phases de dimension 6 et que nous
utilisons l’invariance de l’énergie et de M pour vérifier le bon fonctionnement du
code.
Une complication propre au code utilisé est la nécessité de travailler en coordonnées cartésiennes pour assurer son aspect symplectique. En particulier, cela nous
75
Chapitre 6 Intégrabilité des lignes de champ versus trajectoires chaotiques
empêche, dans le cas général torique, d’utiliser la coordonnée radiale ψ généralement utilisée pour décrire les lignes de champs magnétiques [36]. Cette impossibilité justifie le choix que nous avons fait de travailler en coordonnées (r, θ, ϕ)
comme décrit dans le premier chapitre. Afin d’assurer le bon fonctionnement du
code, nous avons également procédé à un adimensionnement des variables. Nous
choisissons alors d’adimensionner les longueurs par le petit rayon du tokamak, le
temps par l’inverse de la pulsation cyclotronique et le champ magnétique par B0
la valeur du champ pour r = 0. Ainsi, en notant ˜ la variable adimensionnée, on
aura :
re = r/ra ,
eB0
t,
m
e = B/B .
B
0
te = ωc t =
(6.1.1)
(6.1.2)
(6.1.3)
Par la suite, nous utiliserons exclusivement les variables adimensionnées. Pour
plus de clarté et de lisibilité, nous supprimerons le˜et nous noterons donc (r, t, B)
les variables adimensionnées. Afin de vérifier le bon fonctionnement de notre code,
commençons par étudier un cas intégrable analytiquement et comparons les résultats théoriques aux résultats du code.
6.1.2 Vérification du code symplectique
Nous considérons d’abord le cas d’un champ magnétique de type tokamak en
l’absence de plasma. Ce dernier étant responsable de la composante poloïdale du
champ, cette hypothèse revient à considérer un champ magnétique purement toroïdal de la forme :
B=
R
eϕ ,
ξ
où R est le grand rayon du tokamak et ξ la distance à l’axe.
Le principal intérêt de cette étude est de pouvoir résoudre ce problème analytiquement et d’obtenir une solution exacte nous permettant la comparaison avec
le résultat de l’intégrateur symplectique. En appliquant la seconde loi de Newton à une particule de charge e - dont l’adimensionnement s’exprime en nombre de
charge -, de masse m - exprimée en nombre de masse -, se déplaçant dans ce champ
magnétique et en négligeant la force de pesanteur, on obtient dans les coordonnées
polaires (ξ, ϕ, z) :
76
6.1 Intégration numérique de la trajectoire d’une particule
Re
ż ,
ξ¨ − ξ ϕ̇2 = −
mξ
ξ ϕ̈ + 2ξ˙ϕ̇ = 0 ,
Re ˙
z̈ =
ξ.
mξ
(6.1.4)
(6.1.5)
(6.1.6)
La projection sur l’axe ez est alors intégrable en :
Re
ln(ξ) + C1 ,
m
La constante qui apparait ici est fixée par les conditions initiales. On note également que cette équation entraîne forcément une dérive selon ez mettant en avant
le non-confinement de la particule en l’absence de champ poloïdal. De la même
façon, la projection sur eϕ s’intègre en :
ż =
ξ 2 θ̇ = C2 ,
Cette projection permet donc de faire apparaitre l’invariant lié au théorème de
Noether qui s’écrit simplement dans de cas M = ξ 2 θ̇. En reportant le résultat de
ces deux intégrations dans l’équation de projection sur er , en multipliant par r et
en intégrant, on a :
C2
ξ˙2
+ 2+
2
2ξ
2
Re
ln(ξ)
m
2
+
Re
C1 ln(ξ) = cste = Hef f .
m
(6.1.7)
Le calcul permet donc de mettre en évidence un hamiltonien effectif à 1 degré de
liberté démontrant l’intégrabilité de la trajectoire de la particule dans ce champ
magnétique simplifié en l’absence de plasma. Une comparaison entre le portrait
˙ obtenue par l’intégrateur symplectique d’une part et par le calcul
de phase (ξ, ξ)
d’autre part est présentée figure 6.1.1 . On peut constater une excellente corrélation
entre les deux courbes. Précisons que cette simulation a été réalisée en prenant
∆t = 0.01, ce qui correspond environ à une centaine de points par giration de
Larmor. Elle couvre une période de 4.107 pas de temps, et a été réalisé avec R = 3,
C1 = 0 et C2 = 1. En zoomant sur une trajectoire et en la comparant à la trajectoire
exacte, on peut affirmer que la différence entre les deux est plus faible que la
précision des valeurs enregistrées, c’est-à-dire 10−7 .
Concernant la conservation des invariants, la figure 6.1.2 montre la conservation
de l’énergie d’une part et de l’invariant dû à l’axisymétrie de l’autre. Sur chacune
des deux figures sont présentes une courbe correspondant à une trajectoire intégrable et une autre associée à une trajectoire chaotique que nous étudierons dans
77
Chapitre 6 Intégrabilité des lignes de champ versus trajectoires chaotiques
0.4
0.2505
0.3
0.2
0.25
0
ξ˙
ξ˙
0.1
0.2495
-0.1
-0.2
0.249
-0.3
exat urve
-0.4
integrator urve
0.2485
0.7
0.8
0.9
1
1.1
1.2
1.3
1.4
0.97
0.98
0.99
ξ
1
1.01
1.02
1.03
ξ
˙ de la trajectoire d’une particule
Figure 6.1.1 – Gauche : portrait de phase en (ξ, ξ)
dans un champ magnétique toroïdal. Droite : Zoom et comparaison
entre intégration numérique par code symplectique et calcul analytique exact avec ∆t = 0.01et 4.107 points.
0.04
0.04
0.035
0.03
0.03
0.02
M
Energy
0.025
0.02
0.01
0.015
0.01
0
0.005
-0.01
0
0
20000
40000
60000
t
80000
100000
0
20000
40000
60000
80000
100000
t
˙ de la trajectoire d’une particule
Figure 6.1.2 – Gauche : portrait de phase en (ξ, ξ)
dans un champ magnétique toroïdal. Droite : Zoom et comparaison
entre intégration numérique par code symplectique et calcul analytique exact avec ∆t = 0.01et 107 points.
78
6.1 Intégration numérique de la trajectoire d’une particule
la suite de cette section. Dans les deux cas, on note une parfaite invariance des
deux grandeurs supposées constantes de façon théorique. Cette constatation sera
vraie pour toutes les simulations proposées dans ce manuscrit - excepté bien sûr
pour l’invariant de Noether lorsque nous briserons l’axisymétrie. Cette constatation
nous permettra de discuter des variations, même faibles, du moment magnétique.
Ces vérifications nous conduisent donc à affirmer que notre code est capable d’effectuer des simulations sur des temps longs et d’étudier l’invariance supposée du
moment magnétique, c’est à dire les deux objectifs que nous nous étions fixés. Notons qu’une seconde vérification sera présentée lorsque nous étudierons le cas dans
lequel R tend vers l’infini. Dans la suite, nous reprenons le cas général d’un champ
magnétique comportant une partie toroïdale mais également une autre poloïdale.
6.1.3 Visualisation et section de Poincaré
L’un des problèmes majeurs de l’étude de la trajectoire d’un particule que nous
avons menée est la représentation de cette dernière dans un espace de dimension
2. En effet, s’il existe des sections de Poincaré bien adaptées à la représentation
des lignes de champ magnétique, il en va différemment pour la dynamique des
particules. Afin d’illustrer ce propos, prenons le cas d’une section poloïdale du tokamak correspondant au plan (ξ, z). Dans cette représentation, les lignes de champ
magnétique sont des cercles. La fig 6.1.3 montre la trajectoire de 2 particules dans
ce plan. On distingue les deux comportements - ellipse ou banane - précédemment cités. Cependant, la principale difficulté pour analyser ce résultat est liée à
l’épaisseur des trajectoires.
En analysant en détail cette figure, on voit que cette dernière est due à la giration de Larmor de la particule autour d’une ligne de champ. L’idée est alors
de « supprimer » cette épaisseur en ne considérant qu’un seul point par mouvement cyclotronique. Ainsi, on retrouverait une section nous permettant d’analyser
les principales caractéristiques du mouvement d’une particule. Pour faire cela, on
s’intéresse à la variation temporelle du moment magnétique µ0 . Dans le cas d’une
trajectoire ayant des conditions initiales entrainant un comportement intégrable ou
quasi-intégrable, la variation de µ0 est représenté fig 6.1.4. En première approche,
on peut considérer que la courbe de µ0 est la somme d’une constante hµ0 i dont
nous discuterons plus en détail l’invariance dans les prochains chapitres et d’une
sinusoïde de fréquence égale à la fréquence cyclotronique. Nous insistons sur le fait
que ce constat n’est pas un résultat mettant en avant les variations de µ0 . En effet,
la gyrocinétique « moyenne » le mouvement cyclotronique d’une particule pour ne
considérer que le mouvement de son centre-guide. Pour discuter de cette approche,
il faut donc considérer la valeur moyenne de l’invariant adiabatique sur une période cyclotronique. La grandeur ayant un intérêt sera donc par la suite hµ0 i qui
ici, en première lecture, est bien conservé. Cependant, les variations sinusoïdales
79
Chapitre 6 Intégrabilité des lignes de champ versus trajectoires chaotiques
Figure 6.1.3 – Coupe poloïdale de deux trajectoires de particules dans un champ
magnétique externe figé : Une passante - rouge - et une banane
-bleue
Figure 6.1.4 – Variation du moment magnétique µ0 le long d’une trajectoire intégrable
80
6.1 Intégration numérique de la trajectoire d’une particule
de µ0 nous permettent de définir une section pertinente.
En plus de choisir le plan (ξ, z), nous choisissons de ne pas faire apparaitre toutes
les positions de la particule mais uniquement lorsque µ ∼ hµ0 i et, pour assurer
l’unicité de l’égalité sur une période cyclotronique, lorsque dµ/dt > 0.hµ0 i est alors
calculé sur plusieurs centaines de périodes cyclotroniques au début des simulations
et correspond à :
ˆ
1
µ0 (t)dt ,
hµ0 i =
T
T
Avec cette démarche, nous obtenons une trajectoire ne comportant qu’un seul
point par giration de Larmor. Cette section est présentée fig 6.1.5. Nous retrouvons
Figure 6.1.5 – Coupe poloïdale de deux trajectoires de particule dans un champ
magnétique externe figé : Une passante - rouge - et une banane
-bleu
donc une trajectoire « fine » nous permettant d’analyser le déplacement de la
particule. Cependant, cette section comporte également deux problèmes majeurs.
Premièrement, dans le cas de trajectoires chaotiques que nous étudierons dans
la suite, les variations de µ ne sont absolument pas sinusoïdales. En particulier, il
peut se passer des temps extrêmement longs devant la période de Larmor pendant
laquelle la relation µ ∼ hµ0 i n’est absolument pas vérifiée - à cause du choix que
nous avons fait de calculer la valeur moyenne de µ0 au début de la simulation et où aucun point n’est ajouté à la section. De plus, les variations importantes et
81
Chapitre 6 Intégrabilité des lignes de champ versus trajectoires chaotiques
non périodiques de µ remettent en question la définition même de fréquence cyclotronique et donc de hµ0 i. Ces difficultés font que cette section ne sera pas utilisée
dans la suite du manuscrit, sauf indication contraire, et nous obligent à compléter
cette première approche par une seconde, plus robuste. Au lieu de s’intéresser à
la condition µ ∼ hµ0 i, nous nous penchons sur les extrema locaux de µ0 . Dit autrement, nous faisons apparaitre uniquement les points i vérifiant dµi /dt = 0 et
d2 µi /dt < 0. Cette définition nous permet de passer outre la définition de hµ0 i et
définit une section de Poincaré. Dans le cas de trajectoires intégrables, les deux
sections sont quasi-équivalentes.
Malgré ces améliorations, un problème subsiste. La section correspondant au
plan (ξ, z) à ”µ = µmax ” permet de visualiser une trajectoire mais échoue lorsqu’il
s’agit d’en visualiser de nombreuses. En effet, dans cette section qui est une projection de l’espace des phases sur un espace de dimensions inférieures, les trajectoires
de deux particules différentes peuvent se couper. Cela pose problème lorsqu’il s’agit
de parcourir l’espace de dimension 6 associé à la trajectoire d’une particule pour
trouver d’éventuelles zones chaotiques. En effet, de nombreuses simulations ont
été menées pour trouver des traces de chaos. La fig 6.1.6 est un bon exemple des
résultats que nous pouvions trouver. Si en première approche la trajectoire semble
Figure 6.1.6 – Trajectoire d’une particule dans le plan (ξ, z) à µ = µmax . A gauche
une trajectoire en ellipse que nous pouvons trouver proche de la
séparatrice entre banane et ellipse. A gauche le zoom sur cette
dernière. Les échelles de longueurs sont différentes de celles utilisées
habituellement. R = 60, ra = 20
être classique en ellipse, un fort zoom montre une dynamique pseudo-chaotique de
la trajectoire. Nous pourrions assimiler ce résultat à un chaos par résonance entre
deux ou plusieurs fréquences. Cependant, 2 phénomènes nous amènent à être pru-
82
6.2 Perturbation du champ magnétique : effet ripple
dent et à ne pas considérer cette figure comme un résultat probant. D’abord,
regardons la taille de la zone chaotique. Nous devons être vigilent au fait que l’adimensionnement est différent des autres figures. Ici, R = 60 et ra = 20 - ce dernier
peut s’expliquer par notre première volonté que nous avions d’avoir un rayon de
Larmor proche de 1, avant de changer d’option. La zone chaotique s’étend sur une
largeur de 0.15 soit environ 0.75% de la largeur de la chambre de confinement. Ce
chaos serait donc très localisé proche de la séparatrice. De plus, si nous changeons
les conditions initiales, que ce soit en position ou en vitesse, nous n’arrivons pas
retrouver ce genre de trajectoire chaotique mais nous pouvons trouver des trajectoires intégrables au même endroit que celle-ci sur cette section. Autrement dit,
cette trajectoire n’était pas exploitable directement. En se souvenant que le plan
(ξ, z) à µ = µmax est une section délicate à manier, nous voyons apparaitre le problème principal lié à une méthode de directe de recherche de chaos : nous avons
des difficultés à trouver du chaos et à exploiter les résultats que nous avons.
Par la suite, nous verrons que nous avons développé une autre stratégie pour
trouver du chaos et qu’à chaque méthode correspond sa section adaptée. Cependant, en utilisant la section précédente, une démarche logique est de chercher à
briser la séparatrice permettant de passer des trajectoires elliptiques aux bananes.
Pour cela, nous décidons d’ajouter une perturbation magnétique non générique
modélisant les effets de ripple.
6.2 Perturbation du champ magnétique : effet ripple
6.2.1 Le ripple
Une idée simple nous permettant de visualiser du chaos dans les trajectoires de
particules est de briser un des invariants du mouvement. L’énergie étant un invariant propre à la dynamique d’une particule chargée dans un champ magnétique,
on s’intéresse à la constante due à l’invariance du problème par rotation autour
de l’axe ez . Pour cela, nous considérons désormais le nombre fini de bobines générant le champ magnétique toroïdal. La conséquence est une variation d’amplitude
périodique du champ magnétique que nous appelons « ripple »[56]. Typiquement,
la modulation d’amplitude du champ magnétique due à cet effet est de l’ordre
du pourcent, ce qui permet de considérer ce dernier comme une perturbation du
champ idéal. Il introduit donc une dépendance en ϕ du champ magnétique et du
potentiel vecteur.
Nous insistons sur le fait que la brisure de cet invariant revient à augmenter le
degré de l’espace des phases accessibles par la particule et favorise donc l’apparition
de chaos. Dans le but de ne pas compliquer l’étude outre-mesure, nous choisissons
de prendre en compte cet effet par l’ajout d’une perturbation spécifique et non
83
Chapitre 6 Intégrabilité des lignes de champ versus trajectoires chaotiques
générique au sein du potentiel vecteur :
!
A=
F (r)
(1 + δcos(kϕ))eϕ − log(ξ)ez + ∇Φ ,
ξ
(6.2.1)
où δ représente l’amplitude de la perturbation et k le nombre de bobines. L’appellation « non générique » provient du fait que le champ magnétique reste nul dans
la direction er . Dans le but de modéliser au plus près le champ magnétique d’un
tokamak réel, nous choisissons δ = 0.2, ce qui est une limite haute et k = 18, qui
correspond à la configuration magnétique de ITER.
Il est important de noter que cette perturbation préserve l’équation de MaxwellFlux ∇.B = 0.
6.2.2 Espace des phases mixte
Comme expliqué précédemment, notre idée est de rechercher du chaos autour de
la séparatrice délimitant les trajectoires elliptiques des trajectoires bananes. Il est
instructif de s’intéresser aux deux configurations magnétiques étudiées, à savoir un
champ magnétique idéal et un autre perturbé à l’aide du ripple. Dans cette partie,
nous nous concentrerons sur la trajectoire des particules α très énergétiques autour de 100keV .
Dans un premier temps, la fig 6.2.1 nous montre la projection de l’espace des
phases dans le plan (ξ, z) pour µ = µmax dans le cas sans perturbation. Sur cette
section, on peut voir les deux types de trajectoires - 3 elliptiques et 1 banane correspondant à 4 particules différentes - et approximer la position de la séparatrice.
Cependant, malgré nos tentatives, nous ne sommes pas parvenus à mettre en évidence un comportement chaotique des trajectoires des particules lancées avec des
conditions initiales proche de cette dernière. On ne peut cependant pas conclure
sur l’intégrabilité de l’ensemble de l’espace des phases. En effet, en raison des
défauts de notre section, il est difficile d’estimer avec précision la position de la
séparatrice. De plus, même en se plaçant proche de celle-ci dans le plan (ξ, z), il
nous reste plusieurs degré de liberté à fixer et cette recherche est fastidieuse.
Nous ajoutons désormais le ripple au champ magnétique idéal. La fig 6.2.2 nous
présente la trajectoire d’une et une seule particule dans le plan (ξ, z) pour µ =
µmax . La principale différence avec le cas précédent est le fait que la trajectoire
de la particule est maintenant capable de traverser la séparatrice et d’avoir un
comportement alternativement ellipsoïdal ou en banane. La particule a donc un
comportement chaotique aux alentours de la séparatrice. Cependant, il faut noter
que nous sommes dans un espace des phases mixte. En effet, si nous choisissons
des conditions initiales à basse énergie - par exemple 10keV - et suffisamment loin
de la séparatrice, les trajectoires elliptiques ne présentent aucun signe de chaos.
84
6.2 Perturbation du champ magnétique : effet ripple
Figure 6.2.1 – Coupe poloïdale de deux trajectoires de particules dans un champ
magnétique externe figé : Une passante - rouge - et une banane
-bleu
Figure 6.2.2 – Coupe poloïdale de deux trajectoires de particule dans un champ
magnétique externe figé : Une passante - rouge - et une banane
-bleu
85
Chapitre 6 Intégrabilité des lignes de champ versus trajectoires chaotiques
6.3 Intégrabilité des trajectoires versus intégrabilité
des lignes de champ
En ajoutant le ripple, nous avons donc mis en évidence du chaos dans les trajectoires des particules. Ce premier résultat ne correspond pas tout à fait à nos
objectifs. En effet, pour l’obtenir, nous avons dû briser un invariant du mouvement différent de l’invariant adiabatique en tenant compte de perturbations magnétiques. C’est pourquoi trouver du chaos dans ce cas n’a rien de surprenant. En
particulier, cette caractéristique chaotique des trajectoires des particules n’est pas
une conséquence de la brisure de l’invariance du moment magnétique et ne remet
donc pas en cause l’hypothèse hµ0 i = constante. En revanche, il est particulièrement intéressant de se pencher sur les modifications apportées aux lignes de champ
par l’ajout du ripple.
Notons d’abord que la notion d’intégrabilité des lignes de champ doit être perçue
comme l’advection d’un traceur passif dans un flot tridimensionnel, où le traceur
suit exactement les lignes du champ des vitesses. Dans le cas magnétique idéal,
à cause de l’invariance poloïdale, les lignes de champ s’enroulent sur une surface
torique et dessinent un cercle sur une section de Poincaré poloïdale du tokamak.
Les lignes du champ magnétique idéal sont donc intégrables [57, 58, 59, 60, 61, 62,
63, 64, 65, 66].
Lorsque l’on rajoute la perturbation, on s’attend à briser cette invariance et
autoriser les lignes de champ à évoluer dans un espace en 3 dimensions. C’est en cela
que la perturbation que nous avons choisi n’est pas générique. En réalité, le champ
magnétique n’a pas de composante sur er et les lignes de champ évoluent toujours
sur un tore. En revanche, afin de garder le flux de B constant, l’enroulement du
champ dépend de la variable ϕ et donc de la position considérée. On peut comparer
ce cas à celui d’un ressort dont les spires sont plus ou moins ressérrées. L’invariance
du problème par rotation est donc brisée mais les lignes de champ conservent leur
intégrabilité sous l’ajout de la perturbation.
Ainsi, le résultat remarquable que nous mettons ici en avant est le fait que
les particules chargées évoluant dans un champ magnétique peuvent avoir des
trajectoires chaotiques alors que les lignes de champs restent intégrables. Cette
constatation montre donc que la relation entre chaos de particule et chaos de ligne
de champ n’est pas évidente et que s’intéresser aux trajectoires des particules
n’est pas dénué de sens. Ce premier résultat établi, nous allons reprendre le cas du
champ magnétique idéal - sans ripple - et essayer de briser l’invariance du moment
adiabatique.
86
Chapitre 7
Effet de la géométrie toroïdale sur
les trajectoires de particules
Jusqu’à présent, nous avons perturbé le champ magnétique idéal présenté au
début de ce manuscrit pour obtenir du chaos dans les trajectoires de particules.
L’objectif de ce chapitre est de mettre en évidence ce chaos sans pour autant
ajouter de perturbation magnétique au système. Pour se faire, comme le montre
le théorème d’Arnold-Liouville, il nous faut travailler dans une zone de l’espace
des phases dans laquelle le moment magnétique ne peut pas être considéré comme
invariant du mouvement. Comme depuis le début de ce manuscrit, le principal problème réside dans la dimension élevée de l’espace des phases. En effet, la dimension
6 de ce dernier fait qu’il est difficile de l’explorer.
Après des recherches directes qui nous ont permis d’optimiser le code, d’avoir
de nombreux tests mais pas de résultats exploitables, nous avons choisi une autre
approche. Afin de trouver des zones chaotiques exploitables, nous allons commencer
par considérer un tokamak dont nous allons faire tendre le grand rayon vers l’infini.
Dans ce cas, la géométrie deviendra cylindrique et le calcul de la trajectoire d’une
particule sera possible analytiquement. En nous servant des résultats que nous
obtiendrons, nous reviendrons progressivement à un tokamak de type ITER en
mettant en évidence une des origines possible du chaos dans les trajectoires des
particules. Enfin, nous constaterons que l’invarica du moment magnétique peut
être briser en présence de trajectoires chaotiques.
7.1 Tore infini
Le point de départ de notre approche consiste à considérer que le grand rayon du
tore R tend vers l’infini alors que le petit rayon ra reste constant. Dans cette hypothèse, la géométrie torique n’est plus pertinente, le tokamak devient un cylindre. Le
87
Chapitre 7 Effet de la géométrie toroïdale sur les trajectoires de particules
vecteur eϕ devient alors un vecteur stationnaire et les coordonnées adimensionnées
(r, θ, ϕ) sont un système de coordonnées polaires. De plus, le terme ξ = R+rcos(θ)
tend vers R. Ainsi, le préfacteur R/ξ du champ magnétique idéal tend vers 1. Ces
considérations nous amène à un champ adimensionné en géométrie cylindrique de
la forme :
B = eϕ + f (r)eθ
Le calcul de la trajectoire d’une particule soumise à un tel champ est alors intégrable analytiquement. Notons que ce second cas d’intégrabilité nous a également
permis une autre vérification du code. En appliquant la seconde loi de Newton
à une particule de nombre de charge e et de nombre de masse m, on obtient les
équations différentielles :
r̈ − rθ̇2 =
e
m
rθ̈ + 2ṙθ̇
=
ϕ̈
=
rθ̇ − f (r)ϕ̇ ,
e
− ṙ ,
m
e
ṙf (r) .
m
(7.1.1)
(7.1.2)
(7.1.3)
Les projections sur eθ et eϕ fournissent respectivement :
r2 θ̇ +
e r2
= C1 ,
m2
et
e
ϕ̇ = F 2 (r) ,
m
´r
où C1 est une constante et F (r) = f (x)dx .
En reportant ces résultats dans l’équation de projection sur er et en multipliant
par ṙ avant intégration, on arrive à :
ṙ2
C2
e2 r2
e
+ 12 + 2 + F 2 (r) = Hef f ,
2
2r
m 8
m
Soit aussi en notant V0 =
C12
2r2
+
e2 r2
m2 8
:
e 2
F (r) .
m
On obtient ici aussi un hamiltonien effectif ne dépendant que de la seule variable
r nous assurant l’intégrabilité des trajectoires des différentes particules quelque soit
l’endroit de l’espace des phases que nous étudions dans la limite R infini. Dans la
suite, nous considèrerons des particules alpha, de sorte que le facteur e/m soit égal
Hef f = Ec + V0 (r) +
88
7.2 Choix de la fonction F
√
à 1/2 . De même, on choisira C1 = 10−5 . Contrairement au cas du tokamak sans
plasma, cet hamiltonien effectif dépend de la fonction F (r) directement reliée au
facteur de sécurité. La conséquence de cette remarque est la possibilité de créer une
séparatrice dans cet espace des phases en faisant un choix judicieux de la fonction
F (r). Ce choix est discuté dans la prochaine section.
7.2 Choix de la fonction F
L’objectif de cette approche est donc de créer une séparatrice dans l’espace des
phases du système à géométrie cylindrique et d’observer son évolution lorsque l’on
retourne à un tokamak réel. En terme de potentiel, cela revient à créer un maximum
2
local dans V (r) = V0 (r) + F 2(r) . La fonction V0 étant strictement convexe sur [0, 1],
le choix de F est capital pour assurer la création de ce maximum. Considérons
dans
√ un premier temps la fonction V0 (r) seule. Son minimum correspond à rmin =
2C1 ' 0.07. Le choix le plus simple pour assurer un maximum local est alors
de créer une fonction F ayant son maximum proche de cette valeur. Pour cela, on
choisit :
r2
F (r) = ar exp − 2
c
2
!
.
La dérivée de cette fonction correspond à :
2ar(c2 − r2 )
r2
f (r) =
exp
−
c2
c2
!
.
Le choix de c permet donc de choisir la valeur de r correspondant au maximum de
la fonction F alors que celui de a fixe son amplitude. On choisira c = 0.1 et a = 30.
Les courbes de V0 et de V sont représentées fig 7.2.1. On constate que l’ajout
de F permet bien de créer un maximum dans l’énergie potentielle du système
permettant d’obtenir une séparatrice dans l’espace des phases. Comme attendu, la
fig 7.2.2 montre des trajectoires de particules intégrables et, en noir, la séparatrice
correspondant au maximum local de l’énergie potentielle. Par analogie avec le
pendule, nous dirons que l’espace des phases est scindé en une zone « extérieure »
et deux yeux correspondant aux deux minima locaux du potentiel. Les particules
proches de la séparatrice ont une énergie située autour de E = 600keV . Ce sont
donc des particules très énergétiques.
Nous avons également utilisé ce système intégrable pour effectuer une seconde
vérification du bon fonctionnement de l’intégrateur symplectique. En effet, la présence d’une séparatrice permet de complexifier la structure de l’espace des phases
et de tester notre code dans des zones où peuvent apparaitre des problèmes. Cependant, le zoom effectué autour du point X ne montre aucune différence entre
89
Chapitre 7 Effet de la géométrie toroïdale sur les trajectoires de particules
Figure 7.2.1 – Courbe de V avec et sans la fonction F
Figure 7.2.2 – Espace des phases du système à géométrie cylindrique et vérification
du fonctionnement de l’intégrateur autour du point X en traçant la
trajectoire d’une particule ayant une énergie E = 600keV
90
7.3 Trajectoire de particule en géométrie torique
la trajectoire calculée exactement et celle tracée par l’intégrateur symplectique à
la précision des valeurs près -10−7 - sur 4.107 pas de temps. Cette constatation
nous permet de penser que l’intégrateur fonctionnera aux alentours des différentes
séparatrices que nous observerons.
Une remarque importante concernant cette étude repose sur l’observation du
facteur de sécurité q. En effet, pour créer un maximum dans la fonction F , nous
devons créer un 0 dans sa dérivée. Or, la seule façon d’annuler f est de rendre
le facteur de sécurité q infini. Présenté autrement, le facteur de sécurité est discontinu et non borné dans notre étude. Ce cas est donc à priori assez éloigné des
constatations expérimentales. Cependant, cela correspond simplement à l’annulation de Bθ et même à son changement de sens et préserve totalement ∇.B = 0.
Bien qu’assez éloigné des champs régnant dans un tokamak, il correspond donc
bien à un système physique.
Le principe de notre méthode est de conserver cette structure magnétique tout
en revenant à une géométrie torique.
7.3 Trajectoire de particule en géométrie torique
On revient donc désormais à une géométrie torique. Plutôt que de considérer
directement le cas d’un tokamak ayant R et ra du même ordre de grandeur, nous
allons diminuer R progressivement de façon à considérer que ce changement de géométrie correspond à une perturbation dont nous augmenterions progressivement
l’amplitude. Notre démarche cherche donc à mettre en avant l’effet de ce changement de géométrie sur l’intégrabilité des trajectoires de particules. En particulier,
nous nous concentrerons sur les trajectoires proche de la séparatrice.
7.3.1 Choix de la section de visualisation
Comme souvent, la première difficulté est le choix de la section de visualisation.
On souhaite d’abord garder une section correspondant à (r, ṙ) pour pouvoir la
comparer aux sections réalisées dans le cas cylindrique. Cependant, nous constaterons dans le prochain chapitre que le moment magnétique subit des variations très
importantes et non sinusoïdales. Ces variations rendent les sections de Poincaré à
µ = µmax ou µ = hµ0 i peu pertinentes et nous obligent à chercher d’autres options
de visualisations.
Dans le cas d’une géométrie cylindrique, le système est intégrable et l’hamiltonien effectif Hef f est une fonction de l’action seule Hef f (I). Le fait de revenir à une
géométrie torique peut alors être vu comme une perturbation du système initial
et l’action devient alors une fonction du temps I(t). En conséquence, Hef f aussi.
Les variations de cette fonction dans le cas où R n’est plus infini mais très grand
91
Chapitre 7 Effet de la géométrie toroïdale sur les trajectoires de particules
devant le petit rayon -R = 10000- sont faibles et quasi-sinusoïdales. Ce phénomène
est expliqué par le fait que dans le cas d’un R plus grand de plusieurs ordres de
grandeurs que le petit rayon, nous pouvons approximer une petite portion du tokamak par un cylindre et donc nous rapprocher de Hef f = constante sur un temps
court. Nous choisissons alors de réaliser les sections de Poincaré dans le plan (r, ṙ)
pour Hef f (t) = hHef f i. Nous ajoutons également la condition dHef f /dt > 0 pour
assurer de ne considérer qu’un seul point par pseudo-période. Nous insistons sur
2
le fait qu’au sein de Hef f , la grandeur C1 = r2 θ̇ + me r2 n’est plus une constante et
que l’on doit donc remplacer C1 par son expression.
7.3.2 Trajectoires chaotiques dans une géométrie torique
Commençons par visualiser une trajectoire d’une particule à proximité de la séparatrice dans le cas R = 10000. Cette géométrie correspond en ordre de grandeur
à un tokamak de la forme de l’accélérateur de particule du CERN. Nous sommes
donc encore loin d’un tokamak existant de type ITER. Pourtant, cette étape est
particulièrement intéressante car elle permet de faire le lien entre le cas R infini et
les machines réelles dans lesquelles R et ra sont du même ordre de grandeur. La partie gauche de la fig 7.3.1 montre la trajectoire d’une particule chargée dans le plan
(r, ṙ) pour Hef f (t) = hHef f i alors que la partie droite propose un zoom de celle-ci
autour du point X précédemment cité ainsi qu’une comparaison avec la trajectoire d’une particule, représentée en noir, ayant les même conditions initiales mais
dans le système à géométrie cylindrique. Cette trajectoire a été obtenue pour un
temps final de t = 6.104 et ses conditions initiales en coordonnées cartésiennes sont
x0 = q
R + 0.05, y0 = z0 = 0 et vy = −F (r(t = 0)), vz = −C1 /(x0 − R) − (x0 − R)/2,
vx = v 2 − vy2 − vz2 . Enfin, son énergie est E = 600keV . Nous remarquons d’abord
que la « forme générale » de la trajectoire de la particule est conservée. Cela parait cohérent avec le fait que localement, le tore de rayon R = 10000 peut être
assimilée à un cylindre. Cependant, si l’on s’intéresse au zoom autour du point X,
nous constatons que la précédente séparatrice est brisée et que la trajectoire de
la particule peut consécutivement se déplacer dans les deux yeux de l’espace des
phases ou au contraire, à l’extérieur. Ce comportement aléatoire traduit la cassure
de la précédente séparatrice et le caractère chaotique de la trajectoire.
Cependant, en raison de la faible épaisseur de la zone chaotique, nous devons vérifier que ce comportement visualisé sur cette section est bien du à un phénomène
chaotique. Nous verrons plus loin qu’une preuve supplémentaire est la non conservation du moment magnétique. Avant cela, la figure 7.3.2 présente les variations de
r au cours du temps. Nous remarquons alors un comportement singulier autour
de la valeur r0 = 0.1 correspondant à l’ancien point X délimitant les deux yeux
de l’espace des phases dans le cas R infini. En effet, il existe trois comportements
92
7.3 Trajectoire de particule en géométrie torique
Figure 7.3.1 – Trajectoire d’une particule chargée dans le plan (r, ṙ) pour
Hef f (t) = hHef f i dans le cas R = 10000 et zoom autour du point
X. Présence de chaos localisé autour de ce dernier.
0.25
0.2
r
0.15
0.1
0.05
0
0
10000
20000
30000
40000
50000
t
Figure 7.3.2 – Variation de r au cours du temps dans le cas R = 10000 et E =
600keV .
93
Chapitre 7 Effet de la géométrie toroïdale sur les trajectoires de particules
différents pour la même particule : partant de l’oeil de gauche, elle peut choisir
de rester dans celui-ci. La même chose peut arriver avec l’oeil de droite. Enfin,
elle peut choisir de passer de l’un à l’autre. Ce choix à priori aléatoire montre que
la zone chaotique visualisée précédemment n’est pas la conséquence d’une imprécision ou du rayon de Larmor de la particule, mais bien dû à un comportement
aléatoire de la particule autour du point X. La séparatrice est donc brisée.
Ainsi, dans le cas R = 10000, il existe une zone de l’espace des phases chaotique.
Bien que cette zone semble peu étendue, nous allons nous intéresser à son évolution
lorsque R diminue.
7.3.3 Evolution de l’espace des phases lorsque R diminue
Partant de cette constatation, nous continuons à diminuer R tout en effectuant
des simulations de trajectoires de particules ayant des conditions initiales comparables à celles étudiées précédemment. Nous commençons par étudier les cas
R = 1000 et R = 100. La fig 7.3.3 montre l’évolution de l’espace des phases
lorsque R décroit de R = 10000 à R = 100. Nous constatons la présence de 2
Figure 7.3.3 – Evolution de la zone chaotique dans la section (r, ṙ) pour Hef f (t) =
hHef f i pours des valeurs de R = 10000, 1000 et 100. La présence
d’une zone chaotique associée à des trajectoires intégrables montre
le caractère mixte de l’espace des phases.
types de trajectoires distinctes.
D’abord, loin de l’ancienne séparatrice, les trajectoires sont toujours intégrables
quelque soit la valeur de R considérée. Afin s’éloigner de la séparatrice, nous avons
94
7.3 Trajectoire de particule en géométrie torique
considéré les mêmes conditions initiales que précédemment mais une énergie de
E = 590keV , légèrement plus faible. Ces trajectoires assurent d’une part l’existence de zones intégrables dans l’espace des phases mais montrent également la
capacité de notre intégrateur symplectique, associée à la section de Poincaré que
nous avons choisi, à nous offrir des trajectoires intégrables fines et parfaitement
exploitables. Dans la seconde partie de l’espace des phases proche de la séparatrice,
cette figure montre également l’évolution de la zone chaotique en fonctions de la
valeur de R. Nous avons alors la confirmation qu’augmenter la taille de la perturbation en diminuant R conduit à un agrandissement de la zone chaotique. Cette
constatation fidèle à l’intuition, couplée au fait que les trajectoires intégrables sont
bien modélisées par des trajectoires fines, nous amène à penser que la présence de
cette zone chaotique n’est pas d’origine numérique mais représente bien une réalité
physique.
Suivant la même démarche, nous avons également réalisé fig 7.3.4 les mêmes
sections dans les cas R = 10 et R = 3. En première approche, nous constatons
Figure 7.3.4 – Evolution de la zone chaotique dans la section (r, ṙ) pour Hef f (t) =
hHef f i pours des valeurs de R = 100 à gauche et R = 10. La zone
chaotique est très étendue mais la présence de points isolés traduit
des problèmes liés à la section choisie.
que la zone chaotique s’est encore développée et que sa structure s’est complexifiée
en s’éloignant de la séparatrice. Cette constatation est importante lorsque l’on
note que R = 3 est la configuration prévue pour ITER. Cependant, cette section
présente de nombreux points isolés dans des zones de l’espace des phases étant
à priori intégrables. Ce phénomène traduisant un problème dans le choix de la
95
Chapitre 7 Effet de la géométrie toroïdale sur les trajectoires de particules
section de visualisation, nous montrons également les variations de la fonction
Hef f dans le cas R = 3 sur la fig 7.3.5. Cette dernière n’est absolument plus
Figure 7.3.5 – Variations de la fonction Hef f dans le cas R = 3
sinusoïdale. Si elle présente encore une quasi-périodicité, elle comporte en revanche
de nombreuses variations de fréquences supérieures entrainant la possibilité qu’au
sein d’une même période, les conditions Hef f = hHef f i et dHef f /dt > 0 soient
vérifiés pour plusieurs valeurs de t. Ainsi, la perturbation appliquée devient trop
importante pour que la section à action constante soit réellement pertinente. Cette
difficulté est représentative d’un problème de monodromie.
7.3.4 Conclusion sur la présence de chaos
Dans cette section, nous avons donc mis en évidence la présence de zones chaotiques dans l’espace des phases des particules, y compris dans le cas d’un champ
magnétique idéal. Cette constatation ajoutée à celles du chapitre précédent entraine une réelle différence entre le comportement des lignes de champ magnétique
et celui des trajectoires des particules chargés. En particulier, la dernière partie
de ce manuscrit portera sur le comportement des particules chargée en présence
d’une barrière de transport. Cependant, avant cela, la présence de chaos dans les
trajectoires de particules plongées dans un champ magnétique idéal atteste également de la variation du moment magnétique µ0 . Nous allons donc maintenant
nous pencher sur les variations de ce dernier.
96
7.4 Variations du moment magnétique dans les trajectoires chaotiques
7.4 Variations du moment magnétique dans les
trajectoires chaotiques
7.4.1 Variation du moment magnétique au sein d’une zone
chaotique de l’espace des phases
Jusqu’à présent, nous avons constaté des variations instantanées du moment
magnétique µ0 . Elles étaient quasi-sinusoïdales et de fréquence égale à la fréquence
cyclotronique. Cependant, nous avons également expliqué que celles-ci n’étaient
pas pertinentes et que la grandeur à considérer était plutôt la valeur moyenne du
moment magnétique sur une giration de Larmor, notée hµ0 i. Cette dernière est
souvent perçue comme le premier terme d’une série pouvant donner un invariant
exact noté µ et approché par une constante dans certains codes gyrocinétiques.
Cependant, dans ce système axisymétrique, la présence de deux autres constantes
du mouvement associées à la possibilité de chaos dans les trajectoires de particules
exclut l’existence d’une troisième constante du mouvement, reliée en particulier
au moment magnétique. Ce phénomène est déjà à l’origine de plusieurs études
[67, 68]. Pour vérifier cela, on mesure la variation de hµ0 i. Afin d’avoir une précision correcte sur la mesure de cette valeur moyennée, nous effectuons le calcul
sur une fenêtre temporelle de l’ordre de 100 fois la période de Larmor. Sur la
fig 7.4.1, nous comparons l’amplitude des variations de hµ0 i dans 3 cas différents.
A gauche, nous sommes dans l’hypothèse R = 10000. Les conditions initiales sont
Figure 7.4.1 – Variations de hµ0 i dans 3 cas de figures différents. A gauche : R =
10000 et trajectoire intégrable. Au centre : R = 10000 et trajectoire
chaotique. A droite : R = 3 et trajectoire chaotique
les mêmes que précédemment sauf pour l’énergie qui est de E = 450keV , ce qui
a pour effet de permettre à la particule d’avoir une trajectoire intégrable, loin de
97
Chapitre 7 Effet de la géométrie toroïdale sur les trajectoires de particules
la zone chaotique, à l’intérieur de l’oeil gauche de l’espace des phases. Dans ces
conditions, les variations ∆µ̄/µ̄ sont très faibles, en deçà de 0.1% et périodiques.
Au centre, le système correspond toujours à R = 10000 mais la particule test est
lancée avec une énergie E = 600keV . La trajectoire correspond à la figure 7.3.1,
est chaotique et les variations ∆µ̄/µ̄ sont de l’ordre de 20%. A droite, on a R = 3
et une énergie de 600keV. Les variations ∆µ̄/µ̄ culminent à 60% et sont totalement non prédictibles. Dans les deux derniers cas, nous constatons que l’hypothèse
hµ0 i = constante est une approximation très grossière. De plus, il est également
difficile d’imaginer une série convergente de premier terme hµ0 i correspondant à
une constante. Ces constatations semblent confirmer qu’il n’existe pas de troisième
constante du mouvement globale et que l’invariance de hµ0 i dépend de la zone de
l’espace des phases considérée. L’existence d’une constante reliée au moment magnétique peut cependant être localement vraie.
7.4.2 Spectre des variations de hµ0 i
Afin d’appuyer ces résultats, nous proposons également de se pencher sur le
spectre des variations de hµ0 i. La fig 7.4.2 propose une comparaison des spectres
de hµ0 i dans les 3 cas évoqués précédemment. Nous constatons une différence de
Figure 7.4.2 – Spectre de < µ0 > normalisé dans 3 cas de figures différents. A
gauche : R = 10000 et trajectoire intégrable. Au centre : R = 10000
et trajectoire chaotique. A droite : R = 3 et trajectoire chaotique
comportement très importante entre le spectre de hµ0 i d’une trajectoire intégrable
et celui d’une trajectoire chaotique. En effet, si le spectre de gauche correspondant
à R = 10000 et E = 450keV peut être qualifié de discret, les deux autres pris
pour E = 600keV et respectivement au centre R = 10000 et à droite R = 3 sont
continus. Cette différence est une caractérisation supplémentaire de la présence de
chaos dans les 2 derniers cas. Nous pouvons également constater un pic correspon-
98
7.4 Variations du moment magnétique dans les trajectoires chaotiques
dant à f /fc = 1. Autrement dit, la fréquence cyclotronique est présente dans les
3 cas et représente le fondamental dans le cas intégrable dans lequel on note la
présence d’autres fréquences correspondant à des harmoniques. Cependant, dans
les cas chaotiques, le paquet présent autour de la fréquence cyclotronique montre
un étalement de cette fréquence. Encore une fois, à la vue de ce résultat, il est
difficile de croire en l’existence d’une série permettant de créer un invariant exact
de premier terme hµ0 i.
7.4.3 Conclusion sur l’invariant adiabatique
Dans cette section, nous avons mis en évidence la possibilité de mettre en défaut
l’hypothèse hµ0 i = constante et avons trouvé des cas de variations importantes
-60% - et imprédictibles. Ainsi, l’approximation plus générale consistant à considérer hµ0 i comme une constante et toutes les trajectoires de particules comme
intégrables peut parfois amener à des approximations très importantes. De plus,
à la vue de ces résultats, nous pouvons séparer l’espace des phases mixte en deux
parties distinctes : une dans laquelle les trajectoires sont intégrables et l’équation
hµ0 i = constante vérifiée et une seconde qui propose des trajectoires chaotiques
et uniquement 2 invariants du mouvement. Dans cette seconde partie de l’espace
des phases, il est peu probable qu’il existe une troisième constante du mouvement
globale reliée au moment magnétique, y compris dans un système axisymétrique.
La réduction globale de l’espace des phases supposé globalement intégrable n’est
donc pas toujours représentative du système physique réel considéré. Dans la prochaine sous-section, nous proposons une piste d’étude pour nous affranchir de ce
problème.
7.4.4 Possibilité d’étude complémentaire
Nous développons ici une proposition pour de futures recherches que nous n’avons
pas eu le temps d’effectuer pendant cette thèse. Comme nous l’avons vu, nous
sommes en présence d’un espace des phases mixtes dans lequel l’hypothèse hµ0 i =
constante n’est pas toujours justifiée. Nous choisissons donc d’étudier une particule chargée se déplaçant dans un champ magnétique externe engendrant un espace
des phases mixte. Pour commencer, nous pourrions nous intéresser à un système
1D. Plutôt que de considérer hµ0 i comme un invariant du mouvement, nous proposons de revenir la fonction de distribution f (x, v) pour chercher une meilleure
approximation. Pour cela, nous choisissons d’écrire :
f (x, v) = χfint + (1 − χ)fch ,
où χ est une fonction respectant χ = 0 lorsque nous somme dans la zone chaotique
de l’espace des phases et χ = 1 dans la zone intégrable. Ainsi, nous aurons f = fint
99
Chapitre 7 Effet de la géométrie toroïdale sur les trajectoires de particules
dans la zone intégrable et f = fch dans la zone chaotique. L’approche hµ0 i =
constante étant justifiée dans la partie intégrable de l’espace des phases, nous
garderons l’approche gyrocinétique pour fint . En revanche, dans la zone chaotique,
une autre hypothèse doit être formulée. Nous pouvons par exemple considérer une
fonction de distribution fch uniforme en position et maxwellienne en vitesse. En
effet, le chaos engendrant souvent un système mélangeant, nous pouvons penser
que cette approche sera souvent justifiée.
Partant de cette hypothèse, nous écrivons à nouveau l’équation de Vlasov et
nous cherchons à la simplifier. Par exemple, une conséquence évidente du choix
de fch uniforme est le fait que dfch /dx = 0. A priori, le but de cette étude est
de trouver une fonction de distribution ressemblant à une équation de Vlasov, à
laquelle viendrait s’ajouter un terme pouvant s’assimiler à des collisions mais dont
l’explication physique serait la présence de chaos.
100
Chaos de particule : Application aux
barrières de transport internes - ITB
« Ce que je veux savoir avant
tout, ce n’est pas si vous avez
échoué, mais si vous avez su
accepter votre échec. »
(A.Lincoln)
.
Jusqu’ici, nous avons constaté des différences de comportements entre chaos de
ligne de champ et chaos de particule en montrant que l’intégrabilité des ligne
de champ magnétique n’engendrait pas toujours des trajectoires intégrables.
Dans le cas axisymétrique, cette constatation nous a amenés à penser que
le moment magnétique n’était pas conservé, résultat que nous avons montré
dans la dernière section. Ainsi, les configurations magnétiques présentant un
chaos de lignes de champ ou une topologie complexe sont particulièrement intéressantes. Dans cette démarche logique, nous avons alors choisi de coupler
nos résultats concernant ces différences de comportement avec cette fois-ci des
lignes de champ magnétiques chaotiques et de les mettre en application dans
le cas particulier de barrières de transport internes, notées ITB par la suite.
Ces barrières peuvent être expliquées par une approche purement magnétique.
Elles sont le résultat d’une configuration magnétique mixte particulière dans
laquelle des résonances peuvent créer dans l’espace des phases du champ magnétique des zones chaotiques mais aussi une zone intégrable permettant de
scinder la chambre de confinement en deux parties distinctes. Il a été constaté
expérimentalement [27, 69] que ce phénomène entrainait un meilleur confinement des particules au centre de la chambre. Cette intégrabilité serait la conséquence de la baisse de la turbulence dans cette région et donc d’une baisse de
la diffusivité radiale à un niveau néoclassique, proche de celle constatée dans
le cas de transport d’origine purement collisionnelle. La question est donc de
comprendre les conséquences d’une ITB sur les trajectoires des particules. En
particulier, une question encore ouverte est de savoir si toutes les particules ont
le même comportement face à ces dernières ou si différents paramètres comme
le rayon de Larmor, l’énergie, le pitch angle, etc. peuvent intervenir.
Ainsi, dans la première partie de cette partie, nous expliquerons le phénomène d’ITB magnétique. Nous verrons l’importance du q-profil dans ce phénomène et expliquerons également la construction d’un intégrateur symplectique
nous permettant de tracer les lignes de champ magnétiques en présence de perturbations extérieures. Nous exhiberons une section de Poincaré bien adaptée
à ce problème et donnerons différentes configurations magnétiques différentes.
Puis, dans un deuxième temps, nous effectuerons une étude similaire sur les
trajectoires des particules. Nous constaterons certaines ressemblances mais également une différence majeure.
103
Chapitre 8
Barrière de transport interne et
confinement amélioré
Nous avons vu dans la première partie de ce manuscrit que le transport radial
majoritairement responsable du déconfinement du plasma au sein de la chambre
du tokamak était du à un faible confinement énergétique résultant de microinstabilités magnétiques. Pourtant, c’est en 1982, au cours d’une expérience de
chauffage par bombardements de particules neutres, que Fritz Wagner mit par
hasard en évidence un mode particulier de confinement dans lequel le transport
radial semblait grandement diminué [70]. Il appela cela le H-mode pour « High
confinement mode » - en opposition avec le L-mode pour « low confinement »
jusque-là seule possibilité. Cependant, il fallut plusieurs années pour que la communauté scientifique accepte réellement cette découverte, notamment à cause de
la difficulté pour les physiciens de reproduire cette expérience [71]. Après plusieurs
réussites dans des expériences menées sur JET, JT-60 mais également le stellerator W7-AS en 1993, le mode-H fut reconnu et de nombreuses études surgirent.
Ce mode de confinement correspond à une chute brutale du profil de pression aux
bords de la chambre, assurant le confinement des particules au centre.
Plus de trente ans après, de nombreuses questions autour de l’apparition de
ce mode H ne sont toujours pas résolues. Cependant, des profils de pression admettant une chute brutale - pas uniquement au bord - ont été observé. Il semble
maintenant acquis que ce phénomène correspond à l’apparition d’une barrière de
transport interne permettant de réduire localement le transport radial des ions
et électrons à leurs valeurs néoclassiques [72, 73]. Ainsi, ces barrières permettent
d’augmenter le temps de confinement et donc potentiellement le rendement de production énergétique par fusion. Dans la première section de ce chapitre, nous allons
donc expliquer sommairement le principe d’une ITB et nous verrons l’importance
du q-profil dans l’apparition d’ITB, phénomène mis en évidence par exemple dans
105
Chapitre 8 Barrière de transport interne et confinement amélioré
[74] avec notamment la nécessité d’obtenir un facteur de sécurité de type « reversed shear ». Puis, nous justifierons la possibilité d’étudier les ITB uniquement
à travers une approche magnétique et nous expliciterons le choix effectué pour
modéliser ces ITB dans notre approche hamiltonienne.
Nous insistons sur le fait que les ITB ne sont pour nous qu’un support d’étude
pour mettre en application nos résultats sur la dynamique hamiltonienne et le
chaos dans les trajectoires de particules. Elles restent aujourd’hui un sujet d’étude
importants pour lesquelles de nombreuses questions restent en suspens, même si
la modélisation de ces barrières dans des modèles magnétiques est bien établie par
de nombreuses études [75, 76, 77, 78, 79]. Aussi, nous ne rentrerons pas particulièrement en détail sur la possibilité de générer des ITB en jouant sur les courants
circulant dans le plasma ou sur les nouvelles instabilités générées par celle-ci. Le
but de ce chapitre est simplement d’introduire le concept d’ITB et de poser l’approche magnétique choisie.
8.1 Principe d’une ITB
8.1.1 Caractérisation
La figure 8.1.1 montre une schématisation du profil de pression d’un plasma
dans la chambre de confinement du tokamak en fonction du rayon r normalisée.
Le profil de gauche correspondant au mode L est le profil standard d’une décharge
dans un tokamak. La pression est maximale au centre et son gradient régulier
jusqu’au bord de la chambre. Ce gradient entraine des microturbulences et l’énergie
confinée dans le plasma est relativement faible dans ce cas. Son transport est alors
dominé par la turbulence. Le profil central représente le mode H. La chute de
la pression au bord de la chambre de confinement, équivalente à une chute de la
diffusivité radiale dans cette zone, est parfois appelée barrière de transport externe.
Ce mode se caractérise par une augmentation - en valeur absolue - du gradient de
pression aux bords induisant une augmentation de la pression au centre et donc un
meilleur confinement énergétique. Enfin, le dernier profil est caractéristique d’une
ITB. Cette fois-ci, le gradient de pression est important dans une zone située à
l’intérieur du plasma et le confinement de l’énergie est à nouveau augmenté. Notons
également qu’il est possible de combiner ITB et mode H pour créer un mode dit
avancé qui présente cependant potentiellement des instabilités dues à l’interaction
entre les deux barrières.
Les ITB sont aujourd’hui des scénarios recherchés pour les futurs tokamaks tels
que ITER. Le raidissement du profil de pression et de la diffusivité radiale qui
leur sont associés peuvent être interprétés comme une décroissance locale de la
turbulence qui permet un accroissement du confinement énergétique. Ces profils
106
8.1 Principe d’une ITB
C:/Users/Cat/Desktop/pression_profil.jpg
Figure 8.1.1 – Profil de pression dans les 3 cas envisagés : mode L à gauche, mode
H au centre et ITB à droite. La partie foncée correspond à la chute
brutale de la pression dans les deux derniers cas.
sont également la conséquence directe d’une baisse du transport et de la diffusivité
radiale au sein de la chambre de confinement. Bien que l’apparition et le maintien
des ITB ne soient pas entièrement compris, certains travaux tendent à montrer
l’importance du q-profil dans l’apparition de ces barrières [58, 80].
8.1.2 Importance du q-profil
L’importance du cisaillement magnétique, c’est à dire de la forme du q-profil,
dans l’apparition d’ITB a été démontré dans plusieurs études [69, 74]. Elles ont
notamment montré que le facteur de sécurité pouvait être considéré comme le seul
paramètre de contrôle permettant d’obtenir des ITB. En particulier, la présence
de ces barrières a été rendue possible lorsque le q-profil n’était plus monotone
mais présentait un minimum. On parle alors de « reversed shear ». Dans cette
configuration, il semble que les surfaces admettant des valeurs rationnelles telle
que q = m/n puissent entrer en résonance avec une variété d’autres phénomènes
d’origines externes comme le ripple, ou internes comme les instabilités MHD et
seraient à l’origine des ITB. Notons que, si à-priori le nombre de mode est infini,
l’amplitude de ces derniers diminuent très rapidement lorsque m croît [81]. Ainsi,
en pratique, peu de modes ont une amplitude suffisamment grande devant d’autre
phénomènes - ripples, turbulences, etc. - pour être considérés.
Ces phénomènes d’origine magnétique nous poussent à effectuer une première
approche purement magnétique du problème dans laquelle nous négligeons les effets
107
Chapitre 8 Barrière de transport interne et confinement amélioré
du champ électrique et où la définition du champ magnétique donné dans le premier
chapitre de cette thèse s’applique, ainsi que toutes les hypothèses associées. Dans
ce dernier, nous expliquions également que le fait de ne pas définir la fonction f
directement reliée au q-profil était un choix nous permettant de garder un degré
de liberté sur le champ magnétique. Par la suite, nous utiliserons donc deux types
de q-profils distincts : un premier monotone q1 et un second parabolique q2 tels
que :
q1 =
q01 1 +
q2 = q02 1 +
λ22
r2
λ21
r−
√1
2
2 où q01 = 1, 23 représente la valeur du q-profil monotone pour r = 0 et λ1 = 0.57.
De même, λ2 = 3et q02 = 0.64 pour le q-profil reversed shear.
Ces deux q-profils sont tracés sur la figure 8.1.2. Ils admettent tous deux de
4
6
3.5
5
3
2.5
q2
q1
4
2
3
1.5
1
2
0.5
1
0
0.2
0.4
0.6
r
0.8
1
0
0
0.2
0.4
0.6
0.8
1
r
Figure 8.1.2 – choix du facteur de qualité monotone à gauche ou « reversed shear »
à droite
nombreuses surfaces rationnelles. Parmi celles-ci, nous pouvons citer les valeurs
5/2, 9/2, 11/6 ou encore 4/1 dans le cas d’un q-profil monotone et 3/4 et 2/3
dans celui d’un q-profil reversed shear. Ce sont ces modes que nous étudierons par
la suite. De plus, une remarque particulièrement importante est le fait que, du
à la non-injectivité de q2 , les équations q2 = m/n peuvent admettre 2 solutions.
C’est par exemple le cas des deux modes précédemment cités. Ainsi, en supposant
qu’un mode apparaisse pour une de ces valeurs, 2 surfaces magnétiques seront
alors concernées. Nous allons voir dans la prochaine section les conséquences de la
108
8.2 Modélisation magnétique des ITB dans un modèle hamiltonien
forme du facteur de sécurité sur la configuration magnétique du tokamak. Nous
mettrons alors en évidence la présence d’ITB dans certains cas.
8.2 Modélisation magnétique des ITB dans un
modèle hamiltonien
8.2.1 Géométrie et modélisation de la perturbation magnétique
Dans la suite de ce manuscrit, nous nous plaçons dans le cas limite d’une géométrie cylindrique, admettant une périodicité L = 2πR avec R = 5. Cette géométrie
nous permet de considérer les coordonnées cylindrique (r, θ, z) où nous avons simplement remplacée notre précédente notation ϕ par z afin d’insister sur le fait
que ez est un vecteur constant. Nous abordons notre modèle magnétique nous
permettant de réaliser des simulations numériques. Nous assimilons la présence
de potentielles résonances à une perturbation magnétique induisant un champ
magnétique de la forme B = B0 (r) + B1 (r, θ, z) où B0 est le champ définit en
géométrie cylindrique par B0 = B0 ez + B0 f (r)eθ et B1 la perturbation que nous
allons formaliser. Notons qu’une partie importante de ce formalisme provient de
[78].
Classiquement, la perturbation magnétique représentant l’apparition de modes
B1 = ∇ × Az (r, θ, z) est prise en compte dans le potentiel vecteur :
Az =
X
Am,n (r).cos(mθ − nz/R) .
m,n
Le terme Am,n (r) permet la création de modes autour de la surface résonante.
Cependant, nous souhaitons que cette perturbation admette ses maxima lorsque
nous sommes sur la surface q = m/n. Ainsi, le nombre de maxima de cette dernière
dépend de la forme du q-profil. Nous devons donc décomposer l’étude en deux cas
distincts.
8.2.1.1 Configuration magnétique dans le cas d’un q-profil monotone
Dans le cas d’un q-profil monotone, on a :
r
Am,n (r) = a(r)
r∗
m

r ∗ −r0
exp  √
2σ
!2
r − r0
− √
2σ
!2 
,
avec :
s
r∗ = λ
m
−1
nq
et
r0 = r ∗ −
mσ 2
r∗
109
Chapitre 8 Barrière de transport interne et confinement amélioré
où l’on prend σ = 0.05. Par construction, r = r∗ correspond à la surface vérifiant
q(r∗) = m/n, c’est à dire la surface résonante. r0 permet d’assurer que le maximum
de la perturbation est atteinte pour r = r∗, soit (dAm,n /dr)(r = r∗) = 0. La
fonction a(r) permet d’assurer la nullité de la perturbation pour r > 1, c’est-à-dire
en dehors de la chambre de confinement. Elle prend la forme :
r−1
1
a(r) =
1 − tanh
,
2
α
où nous choisissons α = 0.05. On retrouve alors une perturbation d’ordre , qui
devient lui-même notre paramètre de contrôle. Dans la suite, nous prendrons différentes valeurs de en respectant comme ordre de grandeur 10−4 < < 10−3 , qui
correspond à l’amplitude de δB/B constatée dans les tokamaks. Notons également
que m correspond au nombre d’ilots présents dans la section de Poincaré - voir la
section intégrabilité, chaos et ITB - alors que n décrit la façon dont on se déplace
de l’un à l’autre.
8.2.1.2 Configuration magnétique dans le cas d’un q-profil « reversed
shear »
Dans la configuration reversed shear, les choses sont plus complexes. En effet, il
faut tenir compte du fait qu’un mode peut maintenant correspondre à deux surfaces
magnétiques. Dans le cas simple où un mode ne correspond qu’à une seule surface
magnétique, le modèle précédent peut être appliqué. Supposons désormais qu’il y
ait deux surfaces correspondant au même mode, on a alors :
Am,n (r) = Amn,1 + Amn,2 .
Les Amn,i avec i = 1, 2 sont définis identiquement à Am,n dans le cas précédent.
Nous portons cependant une attention particulière au fait qu’un mode correspond
donc maintenant à deux valeurs ri ∗ et que la nouvelle fonction Am,n admet donc
désormais deux maxima locaux correspondant aux deux surfaces résonantes admettant q = m/n.
8.2.1.3 Intégration numérique
Un résultat classique est que les équations des lignes de champ magnétique
peuvent être exprimées à l’aide du formalisme hamiltonien [36]. Dû à l’équation de
Maxwell-flux, ∇.B = 0, les lignes de champ sont les trajectoires d’un hamiltonien.
Classiquement, dans les tokamaks, une dépendance en ϕ du champ magnétique
brisant l’axisymétrie est équivalente à une dépendance temporelle dans le système
hamiltonien. Autrement présenté, la coordonnée ϕ est assimilée au temps. Dans
notre cas, l’angle toroïdal est remplacé par z.
110
8.2 Modélisation magnétique des ITB dans un modèle hamiltonien
Pour expliquer cela, considérons les équations des lignes de champ paramétrisées
par λ → r(λ) définies par :
dr
= Br
dλ
r
dθ
= Bθ
dλ
dz
= Bz ,
dλ
soit aussi :
dr
1 ∂Az
=
dλ
r ∂θ
dθ
B0
1 ∂Az
=
−
dλ
Rq(r) r ∂r
dz
= B0 .
dλ
La dynamique suivant l’axe z est donc simple et permet d’écrire z = B0 λ définissant ainsi λ. De plus, une coordonnée radiale souvent préférée à r est ψ le flux
magnétique poloïdal dans le cas sans perturbation traversant le disque de rayon
r. Dans le cas d’une géométrie cylindrique, en coordonnées adimensionnées, on a
simplement :
r2
.
ψ(r) =
2R2
Définissons également H = H0 (ψ) + H1 (ψ, θ, z) avec :
ˆ
1
dψ
1
H0 =
et
H1 = −
Az .
R
q(ψ)
B0 R2
Les équations des lignes de champ peuvent alors se mettre sous la forme [82] :
dψ
∂H
=−
dz
∂θ
dθ
∂H
=
.
dz
∂ψ
On retrouve donc bien un formalisme hamiltonien dans lequel la coordonnée
temporelle est remplacée par z. Il est facile de constater qu’en l’absence de perturbation, le système est trivialement intégrable avec ∂H/∂θ = 0 et ψ une action.
Dans le cas d’un champ magnétique perturbé, le calcul des trajectoires des lignes
de champ revient donc à calculer la dynamique d’un système hamiltonien. Dans la
suite de ce chapitre, nous allons présenter différentes configurations magnétiques
correspondant au système cylindrique perturbé. En raison de l’analogie entre trajectoire de ligne de champ et dynamique hamiltonienne, nous allons utiliser un
intégrateur symplectique pour intégrer directement les équations du mouvement.
Ce code sera également basé sur une méthode de Gauss-Legendre d’ordre 6 mais
sera plus simple d’utilisation en raison de la dimension de l’espace des phases
abaissée ici à 3, les 3 coordonnées spatiales.
De plus, la géométrie de notre système est cylindrique et périodique. Ainsi, pour
étudier les lignes de champ magnétique, nous proposons une section de Poincaré
classique correspondant au plan (θ, ψ) auquel nous ajoutons la contrainte z ≡
111
Chapitre 8 Barrière de transport interne et confinement amélioré
0.[2πR]. Par analogie entre géométrie toroïdale et cylindrique, cette section revient
à considérer une coupe poloïdale du tokamak.
Afin de vérifier le fonctionnement de ce code, nous proposons en fig 8.2.1 la
section de Poincaré des lignes de champ dans le cas sans perturbation avec un
q-profil monotone. Nous voyons alors apparaitre l’invariance de ψ, confirmant le
0.4
0.35
ψ
0.3
0.25
0.2
0.15
0
1
2
3
4
5
6
θ
Figure 8.2.1 – Intégrabilité des lignes de champ magnétique dans le cas sans perturbation
résultat attendu. Le même résultat est constaté pour un q-profil en reversed shear.
Nous allons maintenant ajouter des modes issus de perturbation et nous intéresser aux conséquences sur les lignes de champ dans le cas d’un q-profil monotone
puis d’un q-profil en reversed shear.
8.2.2 Intégrabilité, chaos et ITB
8.2.2.1 q-profil monotone
Commençons par la création d’un mode. Nous considérons m = 5 et n = 2.
La fig 8.2.2 nous montre l’évolution de l’action ψ des particules en fonctions de
θ. Loin de la surface q = 5/2, peu de modifications sont apportées. ψ présente de
faibles variations sinusoïdales dont l’amplitude augmente lorsque l’on se rapproche
de cette surface. Proche de celle-ci, nous constatons l’apparition d’une séparatrice
et la présence de 5 ilots. Malgré cette modification, l’ensemble de l’espace des
phases est intégrable.
En revanche, le chaos apparait lorsque plusieurs modes entrent en résonnance.
La fig 8.2.3 nous présente la section de Poincaré du même système en présence de 4
112
8.2 Modélisation magnétique des ITB dans un modèle hamiltonien
Figure 8.2.2 – Intégrabilité des lignes de champ magnétique dans le cas d’un mode
unique et d’un q-profil monotone. m = 5 et n = 2
modes différents : 4/1, 5/2, 9/2 et 11/6. Nous constatons alors que les interactions
entre les modes entrainent progressivement un comportement stochastique des
lignes de champ dans l’ensemble de l’espace des phases. En effet, nous voyons
que les ilots d’intégrabilité présent dans le cas faiblement perturbé = 2, 0.10−4
disparaissent ou sont réduits lorsque = 6, 0.10−4 . Notons que les modes choisis
sont proches 2 à 2 géographiquement. 4/1 et 9/2 d’un côté et 11/6 et 5/2 de l’autre.
Ainsi, nous observons un phénomène tendant à montrer que le chaos apparait
d’abord pour des ψ faibles ou élevés en premier. Cependant, ce phénomène est
totalement artificiel et n’apparait qu’à cause du choix des modes considérés.
Un q-profil monotone amène donc à l’apparition de chaos proche des modes
résonants puis progressivement dans l’ensemble de l’espace des phases. Nous allons
maintenant constater qu’un système à q-profil reversed shear n’est pas régi par les
mêmes lois.
8.2.2.2 q-profil reversed shear
Dans le cas d’un q-profil en reversed shear, nous avons déjà évoqué que l’équation q(r) = m/n pouvait avoir deux solutions. Cette constatation entraine le fait
que l’apparition d’un tel mode entrainera forcément la modification de l’espace
des phases autour des deux surfaces correspondant à cette équation. Considérons
l’ajout du mode 2/3. Avec qmin = 0.64 comme explicité précédemment, sur la
fig 8.2.4 nous voyons l’apparition de deux surfaces présentant un mode. Ces deux
modes sont certes déphasés mais présentent chacun deux ilots montrant une ori-
113
Chapitre 8 Barrière de transport interne et confinement amélioré
Figure 8.2.3 – Apparition du chaos lorsque plusieurs modes entrent en résonance.
Les modes considérés sont 4/1, 5/2, 9/2 et 11/6. A gauche, =
2, 0.10−4 et à droite = 6, 0.10−4
Figure 8.2.4 – Conséquence du mode 2/3 dans le cas reversed shear. A gauche
q = 0.64. au centre q = 0.65. A droite q = 0.66. Aucune présence
de chaos mais changement de topologie des lignes de champ magnétique.
114
8.2 Modélisation magnétique des ITB dans un modèle hamiltonien
gine commune liée aux surfaces q = 2/3. Une remarque surprenante est l’absence
de chaos généré par cette situation. En effet, si dans le cas précédent, la présence de 2 modes entrainait une résonance et des comportements stochastiques,
l’espace des phases est maintenant parfaitement intégrable. Nous choisissons maintenant de rapprocher les deux surfaces en augmentant qmin = 0.65. Dans ce cas,
les deux surfaces sont proches et les deux séparatrices se percutent. Cependant,
encore une fois, ce phénomène n’entraine pas l’apparition de chaos. En considérant
qmin = 0.66, nous remarquons un changement total de topologie magnétique. nous
constatons en particulier la disparition de certains points X. A travers cette étude,
nous montrons que la collision des deux modes issus de la même équation q = 2/3
n’entraine pas l’apparition de chaos mais bien un changement de topologie des
lignes de champ. Nous allons maintenant voir qu’à contrario, la zone entourant
la condition q = qmin , est particulièrement robuste face aux phénomènes stochastiques.
Nous revenons à qmin = 0.64 et considérons désormais les modes 2/3 et 3/4. La
fig 8.2.5 présente l’apparition du chaos dans l’espace des phases du système dûe à la
résonance entre les deux modes. Nous remarquons cette fois-ci une zone autour de
q = qmin parfaitement intégrable. En considérant l’évolution de entre 2, 0.10−4 et
8, 0.10−4 , nous voyons que la zone intégrable diminue mais tend à résister au chaos.
Bien que cette robustesse admette des limites, son existence traduit une zone
intégrable dans l’espace des phases et donc une zone à priori « difficile » à franchir
pour les particules si l’on considère qu’en première approche, elles sont guidées
par les lignes du champs magnétique. Ce phénomène magnétique permet donc
d’approcher les barrières de transport interne ou ITB.
Dans le cadre de notre travail, nous avons réalisé cette étude pourtant déjà menée afin de nous placer du point de vue du champ magnétique et de comprendre le
phénomène magnétique de création d’ITB. Cependant, nous avons vu précédemment que dynamique de ligne de champ et dynamique de particule pouvaient être
deux choses totalement dissociées. Ainsi, le but du prochain chapitre est d’étudier la dynamique des particules dans un système physique perturbé en présence
d’ITB. Bien que l’étude soit toujours aujourd’hui en cours, nous allons analyser
les premiers résultats obtenus.
115
Chapitre 8 Barrière de transport interne et confinement amélioré
Figure 8.2.5 – Chaos généré par deux modes : 2/3 et 3/4 pour en haut à gauche
= 2.10−4 , à droite = 4.10−4 et en bas à gauche 6.10−4 et à droite
8.10−4 . Nous constatons une zone robuste autour de q = qmin
116
Chapitre 9
Caractéristiques de la trajectoire
d’une particule test en présence
d’une topologie magnétique mixte
Le chapitre précédent a permis d’établir les différentes configurations magnétiques dans lesquelles nous allons étudier les trajectoires de nos particules tests.
Nous avons notamment mis en évidence deux types de configurations totalement
différentes : d’un côté un q-profil monotone entrainant potentiellement un comportement chaotique unfiorme dans l’espace des phases des lignes de champ magnétique en présence de résonance. De l’autre, un q-profil en reversed shear entrainant
une zone de l’espace des phases extrêmement robuste, située proche de q = qmin .
Cependant, nous avons également mis en évidence lors des précédentes parties
de ce manuscrit la différence de comportement entre ligne de champ et particules.
C’est la raison pour laquelle ce chapitre cherche à établir ces différences dans le cas
particulier d’une géométrie cylindrique avec un champ magnétique perturbé par
l’apparition de modes. Lors de l’écriture de ces lignes, les recherches sont toujours
en cours et les résultats trouvés nécessitent une analyse physique détaillée. Nous
allons donc présenter nos résultats en gardant à l’esprit d’une part le faible recul
que nous avons dessus, et d’autres part la possibilité que d’autres phénomènes
physiques surgissent dans les semaines à venir. A ce propos, la dernière partie de
ce chapitre sera une discussion sur les travaux en cours et les persperctives de
cette étude. Concernant les résultats déjà obtenus, nous proposons une discussion
en deux temps avec une première partie concernant une configuration magnétique
à q-profil monotone puis une seconde à q-profil reversed shear.
Cependant, avant de considérer une quelconque perturbation, commençons par
étudier le cas d’un champ magnétique idéal. Nous considérons des particules chargés admettant comme conditions initiales v|| = v et donc v⊥ = 0. En l’absence
117
Chapitre 9 Caractéristiques de la trajectoire d’une particule test en présence
d’une topologie magnétique mixte
de perturbation, nous savons déjà que la trajectoire d’une particule est intégrable
et que hµi est une grandeur bien conservée. Ainsi, en lançant les particules avec
v⊥ = 0, nous assurons que µ(t = 0) = 0, et que, par conservation, la valeur de
hµi soit toujours très faible. Présenté différemment, nous assurons un très faible
rayon de Larmor. Nous sommes donc dans un cas particulier de trajectoire de
particule intégrable avec un très faible rayon de Larmor. La fig 9.0.1 présente tou-
Figure 9.0.1 – Conservation de ψ le long des trajectoires de particule en l’absence
de mode et à faible rayon de Larmor.
jours une section de Poincaré correspondant à une coupe (θ, ψ) pour z ≡ 0[2πR] :
les trajectoires des particules suivent les lignes de champ et ψ est une constante
du mouvement si l’on néglige le mouvement cyclotronique. Ce premier résultat est
tout à fait cohérent avec l’intuition et ne dépend pas de la forme du q-profil utilisé.
Cependant, nous insistons sur notre choix de prendre des particules à très faibles
rayon de Larmor. En effet, dans le cas d’importants mouvement cyclotronique,
cette section aurait été modifiée par l’épaississement des trajectoires rendant la
figure plus compliquée à exploiter, même si le phénomène physique reste simple.
Aussi, afin de mener une étude de la trajectoire des particules en présence de lignes
de champ chaotiques, du à ces problèmes de visualisation, nous considérerons toujours des particules admettant un rayon de Larmor faible. Nous reviendrons sur
ce choix dans la dernière section concernant le travail en cours et les perspectives
pour donner une possibilité de passer outre cette limite.
118
9.1 Résultats autour d’un q-profil monotone
9.1 Résultats autour d’un q-profil monotone
Nous considérons désormais spécifiquement le cas d’un q-profil monotone.
Nous ajoutons le mode 11/6 au système précédent en prenant = 2, 0.10−4 . Dans
ces conditions, les lignes de champ magnétiques restent totalement intégrables. La
Figure 9.1.1 – section de Poincaré (θ, ψ) pour z ≡ 0[2πR]. A gauche, les trajecoires
des particules dans l’ensemble de la chambre de confinement en
présence du mode 11/6. A droite un zoom autour de la séparatrice
créée
fig 9.1.1 présente la trajectoire de particules chargées avec m = 1,e = 1, un faible
rayon de Larmor et E = 10keV . Dans ces conditions, nous constatons une très
forte corrélation entre les lignes de champ magnétique et les trajectoires des particules. Loin de la surface magnétique q = 11/6, les trajectoires ne sont quasiment
pas affectées par la présence du mode. En revanche, des oscillations apparaissent
lorsque l’on s’en rapproche et nous retrouvons finalement 11 ilots attestant de la
valeur m = 11. En particulier, si nous lançons une particule proche d’un point X en bleu sur la figure de droite - nous n’avons jusqu’à présent pas réussi à mettre en
évidence une particule traversant la séparatrice. Ce phénomène est mis en évidence
par la trajectoire tracée en bleu s’approchant du point X et ayant une trajectoire
proche de la séparatrice, sans jamais la traverser. Ce résultat est cependant à
prendre avec prudence. En effet, comme évoqué dans les chapitres précédents, si
la séparatrice est fixée avec précision dans le cas de l’étude des lignes de champs
dans un espace à 3 dimensions, l’utilisation de particule chargée dans un espace
des phases à 6 dimensions compliquent le travail. Ainsi, il est possible que d’autres
119
Chapitre 9 Caractéristiques de la trajectoire d’une particule test en présence
d’une topologie magnétique mixte
simulations mettent en évidence une zone de l’espace des phases potentiellement
chaotique. Gardons cependant le résultat que le comportement des particules et
celui des lignes de champ sont globalement similaires dans ce cas.
Nous considérons maintenant les modes 4/1, 5/2, 9/2 et 11/6 avec la même
amplitude = 2, 0.10−4 . Suite à cette modification, les lignes de champs sont majoritairement chaotiques. La fig 9.1.2 montre alors les conséquences de cet apport
Figure 9.1.2 – A gauche, section de Poincaré (θ, ψ) pour z ≡ 0[2πR] en présence
de 4 modes résonants. A droite, l’évolution de θ au cours du temps
pour la particule tracée en bleu. Mise en évidence de phénomène de
collage.
sur les trajectoires de particules. La section de Poincaré considéré est maintenant
dominée par les phénomènes stochastiques malgré la présence de nombreux ilots
de stabilité. Ce résultat est tout à fait conforme à l’intuition puisque similaire à
celui trouvé pour les lignes de champ. Cependant, en nous intéressant à la partie
correspondante à ψ grands et en comparant ces résultats avec ceux trouvés pour
les lignes de champ, nous remarquons la disparition de certains ilots et de façon
générale, un phénomène stochastique qui semble occuper plus de place. Ce résultat est à tempérer par la possibilité qu’il ne soit qu’une conséquence visuelle d’un
rayon de Larmor non nul autour des modes résonants.
En nous concentrant maintenant sur la trajectoire de la particule tracée en bleu,
nous constatons sur la figure de gauche une zone de l’espace des phases qui tend
à « capturer » la particule et à la faire tourner autour d’ilots de stabilité. Ce
phénomène est confirmé par l’analyse de l’évolution temporelle de θ le long de sa
trajectoire. Sur la fig 9.1.3, nous constatons plusieurs périodes durant lesquelles θ
120
9.2 Résultat autour d’un q-profil en reversed shear
ne balaie plus l’ensemble [0, 2π] mais reste confiné autour de certaines valeurs. La
particule a donc tendance à rester confiner dans une zone précise de l’espace des
phases. C’est un phénomène de collage. En raison de la complexité de l’espace des
Figure 9.1.3 – Zoom autour d’un ilot collant mettant en évidence le phénomène de
collage
phases, la particule reste piégée à proximité de l’ilot pendant des temps pouvant
être longs.
Dans le cas d’un q-profil monotone, nous constatons que les différentes simulations menées jusqu’à présent, même si elles présentent des résultats intéressants,
ne permettent pas de mettre en lumière de façon sûre une véritable différence de
comportement entre ligne de champ et trajectoire de particule. Cette étude est
notamment limitée par l’impact du rayon de Larmor sur nos sections de visualisation.
9.2 Résultat autour d’un q-profil en reversed shear
Dans le cas d’un q-profil reversed shear, nous avons constaté une grande diversité dans les topologies magnétiques rencontrées. Nous allons considérer un champ
dans lequel qmin = 0.64 et deux modes résonants 2/3 et 3/4 avec = 1, 0.10−4 .
Nous utilisons l’énergie E des particules comme paramètre de contrôle. La fig 9.2.1
propose alors une comparaison des sections de Poincaré des particules admettant 3
niveaux d’énergies différentes : 10keV , 600keV et 1000keV . Les particules admettant E = 10keV sont représentatives de la majorité des porteurs de charge au sein
121
Chapitre 9 Caractéristiques de la trajectoire d’une particule test en présence
d’une topologie magnétique mixte
Figure 9.2.1 – Evolution de la topologie des trajectoires des particules dans un
champ magnétique en présence d’ITB. A gauche, E = 10keV . Au
centre E = 600keV . A droite, E = 1000keV .
du plasma de fusion. Nous constatons que la topologie des trajectoires présente
déjà un caractère stochastique important, plus développé que celui des lignes de
champ pour une même perturbation. Cette constatation nous a poussés à effectuer
la même simulation pour des particules très énergétique. Dans le cas E = 600keV ,
la topologie évolue. Les deux surfaces résonantes correspondantes au mode 2/3
sont maintenant très proches. Cette configuration rappelle celle observée pour les
lignes de champ lorsque qmin = 0.65. De même, pour E = 1000keV , l’évolution
continue. Certains points X sont détruits et on retrouve une topologie semblable
à celles des lignes de champ pour qmin = 0.66.
Nous constatons donc que lorsque nous augmentons l’énergie des particules,
tout se passe comme si nous changions les paramètres du champ magnétique. La
topologie des trajectoires changent de manières perceptibles laissant penser que ce
résultat ne peut pas être une simple conséquence d’un problème de visualisation
du au rayon de Larmor. Ce phénomène entraine plusieurs commentaires. D’abord,
nous devrons trouver une explication physique permettant d’expliquer ce résultat.
Ensuite, en fonction de leur énergie, les particules ne réagissent pas de la même
façon à la présence d’une ITB magnétique. En particulier, à haute énergie, la taille
de l’ITB a tendance à diminuer et tend à disparaitre. Ainsi, une question qui se
pose est de savoir si les ITB ne pourraient pas servir de « filtre » à particules
rapides, notamment si l’on s’intéresse aux particules α produites par les réactions
de fusion.
122
9.3 Travail en cours et perspective
9.3 Travail en cours et perspective
Nous avons déjà évoqué le fait que ce travail récent nécessite un approfondissement, notamment dans la compréhension physique des phénomènes observés en
présence d’ITB. Cependant, nous souhaitons ici revenir sur la limite de cette étude
due au rayon de Larmor. Ainsi, lorsque nous considérons des particules à fort rayon
de Larmor, la section devient rapidement inutilisable. Dans les parties précédentes,
nous avions résolu ce problème de visualisation en considérant uniquement 1 point
de la trajectoire d’une particule par giration cyclotronique en vérifiant différentes
relations autour du moment magnétique µ. Cependant, notre travail autour des
ITB imposent déjà une section et une condition portant sur z. Si nous imposions
en plus une condition portant sur µ, cela voudrait dire qu’il faudrait résoudre en
même temps deux conditions. Sachant que nous choisissons un 4t nous permettant
d’avoir environ 100 points par rayon de Larmor, cette double condition entrainerait
une augmentation du temps de simulation par 100 pour avoir le même nombre de
points. Sachant qu’une simulation portant sur la trajectoire de particules comme
celles présentées ci-dessus durent prennent plus d’une journée, multiplier le temps
par 100 n’est pas raisonnable. De même, cela voudrait dire également multiplier
par 100 le nombre d’itérations et donc potentiellement augmenter les erreurs.
Cependant, une solution pourrait être de coupler les deux codes numériques
permettant de calculer les lignes de champs magnétiques et la trajectoires des
particules. En effet, nous souhaitons supprimer la condition z ≡ 0[2πR] et la remplacer par ∂µ/∂t = 0 et ∂ 2 µ/∂t2 > 0 assurant de prendre un point par gyration
cyclotronique. Nous proposons alors dans un premier temps d’appliquer la condition permettant de trouver 1 point par gyration cyclotronique puis de considérer
la ligne de champ passant par ce point obtenu et de la prolonger jusqu’à ce que
z ≡ 0[2πR]. Le point ainsi obtenu correspondra donc à la fois à une condition
permettant de s’affranchir du rayon de Larmor et une autre assurant de garder la
même section que précédemment.
Enfin, une autre étude intéressante pourrait être de se placer à nouveau dans
une géométrie cylindrique de type tokamak et de voir l’évolution de l’ITB dans ce
changement de géométrie ainsi que celle des trajectoires de particules.
123
Conclusion globale et pistes d’études
Objectif et résultat
Dans l’introduction de cette thèse, nous avions mis en avant notre volonté de
comprendre la trajectoire exacte d’une particule se déplaçant dans un champ magnétique de type tokamak, avec comme objectif à long terme de relier cette étude
au transport radial entrainant la fin du confinement du plasma de fusion. Bien
que notre travail repose sur des hypothèses importantes comme l’absence de rétroaction ou de champ électrique, il s’axe sur une approche purement magnétique
entrainant de réelles questions.
Premièrement, grâce au développement d’un code symplectique permettant d’étudier la trajectoire d’une particule sur un temps long devant la période cyclotronique, nous avons observé des différences de comportement significatives entre
trajectoire de particule et ligne de champ magnétique. Grâce à l’ajout d’une perturbation de type ripple, nous avons démontré que l’apparition du chaos dans la
trajectoire d’une particule pouvait être observée y compris en présence de ligne de
champ exclusivement intégrable. Nous sommes donc désormais obligés de distinguer les deux dynamiques, même si l’étude en 3 dimensions des lignes de champ
magnétique est beaucoup plus simple que celle des trajectoires de particules en 6
dimensions.
Fort de ce premier résultat, nous avons cherché à mettre en évidence du chaos
de particule en présence d’un champ magnétique idéal axisymétrique. Cependant,
cette volonté s’est heurtée à la difficulté d’explorer un espace en 6 dimensions.
Ainsi, après de nombreuses tentatives infructueuses, nous avons décidé de mettre
en place une tactique différente. Nous avons considéré un système à géométrie
cylindrique et créé une séparatrice pour les trajectoires de particules en son sein.
Puis, nous avons reporté cette configuration magnétique dans une géométrie toroïdale afin de briser cette séparatrice et d’ouvrir la voie au chaos. Ce résultat nous
a également permis de remettre en cause une hypothèse très répandue supposant
que le moment magnétique le long d’une trajectoire de particule moyenné sur une
giration de Larmor est une constante. Nous avons exhibé des trajectoires pour
lesquelles les variations du moment magnétique était supérieure à 60%.
125
Conclusion globale et pistes d’études
Cette partie terminée, nous avons souhaité changer de configuration magnétique et étudier la trajectoire des particules en présence de barrières de transport internes. Nous avons ainsi créé un code permettant de calculer les lignes du
champ magnétique que nous avons comparées avec les trajectoires des particules.
Nous avons alors aperçu une différence de comportement notable, notamment en
présence de particules très énergétiques. Tout se passe alors comme si le champ
magnétique perçu par les particules était différent du champ magnétique existant.
Limites et perspectives
Tout au long de ce travail, notre principale difficulté a été la dimension élevée de
l’espace des phases d’une particule. En effet, à cause de celle-ci, il nous a d’abord
été difficile de trouver des zones de chaos. Puis, le principal problème rencontré
de façon récurrente pendant 3 ans a été lié à la problématique de la visualisation
des trajectoires. En particulier, les effets du rayon de Larmor non nul ont toujours
menacés nos approches. Dans ce sens, un point important a développé dans l’avenir
serait de réussir à trouver une section pertinente quelque soit la configuration
magnétique servant de cadre d’étude. Pour mener à bien ce travail, il sera sans
doute nécessaire de se baser sur les invariants du mouvement afin de trouver une
section de Poincaré optimale. En particulier, la section consistant à considérer
un point par giration cyclotronique puis à translater ce point le long de la ligne
de champ associée jusqu’à une coupe poloïdale du tokamak pourrait amener des
résultats intéressants rapidement.
D’autres suites à ce travail ont été aborder dans ce manuscrit. En premier lieu,
il est nécessaire de revoir la réduction globale de l’espace des phases effectuée en
considérant le moment magnétique comme constant. L’objectif de ce travail serait
alors de trouver un nouveau terme dans l’équation de Vlasov pouvant s’assimiler
à un terme de collision par exemple. De plus, les récents résultats autour des
trajectoires de particules en présence d’ITB ouvrent la voie à une importante étude
de limitation du transport radial et à la création d’un filtre à particule rapide.
126
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