Business School
W O R K I N G P A P E R S E R I E S
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Working Paper
2014-187
CEO compensation and top-
management incentives. Internal or
social problems ?
Frédéric TEULON
http://www.ipag.fr/fr/accueil/la-recherche/publications-WP.html
IPAG Business School
184, Boulevard Saint-Germain
75006 Paris
France
1
CEO compensation and top-management incentives.
Internal or social problems ?
september 2013
Frédéric TEULON
IPAG LAB, Ipag Business School, Paris
Abstract
This paper analyzes the income of french top managers taking as a sample firms that made the CAC 40 in 2009.
The pay gap between CEOs and unskilled workers have never been higher. In our view, explanations of this
trend are not solely related to economic causes (transformation of the labor market, failure of control systems…),
they also result from transformation of the ruling classes and from the modification of their place in the society
(loss of morality, inbreeding, collusion public/private). We must return to principles of common sense (an
incentive payment but not abusive) in a societal perspective. Different solutions are presented and discussed.
Keywords : Agency problem, CEO compensation, Corporate governance, Top-management incentives, Rent
seeking
INTRODUCTION
Il existe depuis trente ans une tendance mondiale à la hausse des très hauts revenus. Plus on
se rapproche des 10%, des 1%, des 0,1% les mieux payés, plus cette hausse a été forte
(Piketty & Saez, 2006 ; Atkinson & al., 2009 ; Cahuc & Challe, 2009). Ainsi les écarts de
rémunération entre les patrons des entreprises du CAC 40 et les salariés de la base n’ont
jamais été aussi élevés. Comment peut-on expliquer ou justifier le fait que le DG d’une
multinationale ait une rémunération 200 fois supérieure à celle d’un ouvrier non qualifié ?
Quelle est la légitimité d’une telle situation ?
2
La réponse à ces questions est complexe et ne peut se faire qu’en mobilisant plusieurs types
d’explications. Une partie de la réponse réside dans le fonctionnement du marché des
dirigeants et dans l’existence de rentes de situation. Il convient également de faire référence à
la séparation de la propriété par rapport aux fonctions de direction au sein des entreprises de
grande taille (« managériales »), à l’inefficacité des systèmes de contrôle ou au rôle effacé
des Comités de rémunération. Une comparaison entre la France et les Etats-Unis suggère
l’existence d’un modèle américain de rémunération des grands patrons qui s’est imposé
malgré l’existence de normes de rémunération propres à chaque pays.
Cet article étudie les rémunérations des grands patrons au cours d’une année donnée (en
2009, derniers chiffres disponibles au moment où cette étude a été menée). Néanmoins des
données diachroniques sont utilisées pour mieux comprendre les particularités de la situation
actuelle. L’étude porte sur les patrons des entreprises du CAC 40, choix qui présente
plusieurs avantages :
- celui de la nouveauté (paradoxalement, nous ne disposons pas d’études récentes en
sciences de gestion qui porte sur ce groupe de patrons pourtant fortement médiatisé) ;
- celui d’une certaine homogénéité (les entreprises du CAC 40 sont toutes d’origine
française, elles sont toutes des sociétés par action cotées et elles représentent les plus
fortes capitalisations boursières de la place de Paris).
L’objectif de cet article est d’analyser les rémunérations des DG (niveau, dispersion,
variabilité) et d’expliciter les causes de l’envolée de ces rémunérations. Plusieurs questions
sont mises en avant : Pourquoi ces rémunérations sont devenues aussi élevées ? Ces
rémunérations sont-elles compatibles avec l’intérêt des actionnaires ? Ces rémunérations sont-
elles acceptées par l’opinion publique ?
En conséquence, ce papier est organisé selon la logique qui suit. La section 1 présente la
politique de rémunération des entreprises du CAC 40. La section 2 s’intéresse aux
explications mises en avant dans la littérature. La section 3 insiste sur la pertinence d’une
approche sociale. La section 4 décrit les différentes pistes de réforme.
1. NIVEAU, STRUCTURE DE LA REMUNERATION DES GRANDS PATRONS
En France, à la fin des années 1970, le rapport moyen entre le salaire ouvrier et la
rémunération des dirigeants des grandes entreprises (hors stock-options et attributions
gratuites d’actions) était de l’ordre de 1 à 40. Ce même rapport est aujourd’hui de l’ordre de 1
à 150.
Tableau 1
Les inégalités de revenu, comparaison France/Etats-Unis
Les écarts entre les plus hautes
rémunérations et celles des
ouvriers non qualifiés en France
et aux Etats-Unis
Rapport interdécile (D9/D1)
1979
1979
2009
France
1/40
2,9
3,4
Etats-Unis
1/46
8,9
11,3
Sources : Census bureau, Observatoire des inégalités, magazine Fortune et Rapports d’activité.
Note : Pour les écarts, le calcul porte sur les DG français du CAC 40 et sur les 200 CEOs américains les mieux rémunérés. Il
n’intègre pas la perception des stock-options et les attributions gratuites d’actions.
Pour le cas américain, Bebchuk & Fried arrivait en 2004 à un rapport de 1/500 soit une estimation proche de celle qui est
présentée dans ce tableau.
3
Lecture : 1/149 signifie que la rémunération moyenne des DG du CAC 40 en 2009 (1,94 M d’) est 149 fois supérieure à la
valeur du SMIC (13 000 ).
Les données reconstituées à partir des Rapports d’activité (Tab. 2 et 3) nous permettent
d’établir les « faits stylisés » de la rémunération des grands patrons français :
- rémunération de base composée d’un salaire fixe et une partie variable qui peut
représenter jusqu’à 300% du fixe (cas de Maurice Levy à la tête de Publicis). En
moyenne cette rémunération a été de 1,94 M d’euros par an en 2009 ;
- rémunération dispersée : des écarts faibles de talent ou d’expérience professionnelle
entraînent au sein du « groupe des 40 » des différences de rémunération importantes.
En 2009, les patrons du CAC 40 ont perçu entre 0,7 M et 3,9 M d’euros /an ;
- les rémunérations des DG sont très différentes d’un pays à un autre. Aux Etats-Unis, la
rémunération (salaire + bonus) d’un CEO (chief executive officer) d’une
multinationale atteint couramment 400 fois celui de l’emplo de base. Entre 1979 et
2009, les rémunérations des deux cents CEO américains les mieux payés ont été
multipliés par 13 en dollars constants, alors que le salaire moyen américain augmentait
de près de 25%.
Tableau 2
Les rémunérations annuelles fixes et variables des patrons du CAC 40
(en 2009, millions d’euros)
(classement par ordre décroissant de rémunération des dirigeants)
Société
Rang
Nom du dirigeant
Fixe
Variable
Total
M d’
Stock-
options
2008
2009
LVMH
1
Bernard Arnault
1,68
2,2
3,88
X
-
Sanofi Aventis
2
Chris Viehbacher
1,2
2,4
3,6
X
X
Publicis
4
Maurice Levy
0,9
2,7
3,6
-
-
L’Oréal
5
Jean-Paul Agon
2,1
1,3
3,4
-
-
GDF Suez
6
Gérard Mestrallet
1,2
2
3,2
-
-
Axa
7
Henri de Castries
2,6
0,6
3,2
X
X
Danone
8
Franck Riboud
1
1,9
2,9
X
X
Carrefour
9
Lars Olofsson
1,35
1,35
2,7
X
X
Total
10
Christophe de Margerie
1,3
1,4
2,7
X
X
PPR
11
François-Henri Pinault
1
1,5
2, 5
X
-
Arcelor Mittal
12
Lakshmi Mittal
1
1,5
2,5
X
X
Air Liquide
13
Benoît Potier
1
1,5
2,5
X
X
Vivendi
14
Jean-Bernard Levy
0,9
1,6
2,5
X
X
BNP Paribas
15
Baudouin Prot
1
1,4
2,4
X
-
Bouygues
16
Martin Bouygues
0,9
1,4
2,3
X
X
Alsto
17
Patrick Kron
1
1,3
2,3
X
X
Veolia environ.
21
Henri Proglio
0,9
1,2
2,1
-
-
Pernod Ricard
24
Pierre Pringuet
1
1
2
X
-
Cap Gemini
25
Paul Hermelin
1,3
0,6
1,9
-
-
Lafarge
26
Bruno Lafont
0,9
1
1,9
X
-
Schneider Electric
27
Jean-Pascal Tricoire
0,7
1,1
1,8
X
X
Accor
28
Gilles Pélisson
1
0,7
1,7
X
X
Vinci
38
Xavier Huillard
0,7
0,9
1,6
-
-
Essilor
39
Xavier Fontanet
0,7
0,8
1,5
X
-
France Telecom
41
Didier Lombard
0,9
0,6
1,5
-
-
Suez environ.
42
Jean-Louis Chaussade
0,7
0,8
1,5
X
-
Technip
48
Thierry Pilenko
0,7
0,7
1,4
X
X
Alcatel-Lucent
54
Ben Verwaayen
1,2
-
1,2
X
X
Saint-Gobain
57
Pierre de Chalendar
0,8
0,4
1,2
X
X
Renault
61
Carlos Ghosn*
1,2
-
1,2
-
-
STMicroelectronics
62
Carlo Bozotti
0,7
0,4
1,1
X
X
Société générale
68
Frédéric Ouéda
0,85
0,2
1,05
X
-
Unibail
69
Guillaume Poitrinal
0,7
0,3
1
X
X
4
Natixis
73
Laurent Mignon
0,5
0,5
1
X
-
Crédit agricole
74
Georges Pauget
0,9
-
0,9
-
-
EADS
80
Louis Gallois
0,9
-
0,9
-
-
Peugeot
84
Philippe Varin
0,76
-
0,76
X
-
Michelin
85
Michel Rollier
-
0,75
0,75
-
-
EDF
89
Pierre Gadonneix
0,73
-
0,73
-
-
Vallourec
90
Jean-Pierre Michel
0,45
0,25
0,7
X
X
Source : Rapports des sociétés et des assemblées générales.
Lecture : « - » signifie absence de ce type de rémunération, « X » : oui
Note : Le “Rang” désigne la position du dirigeant en termes de rémunération dans l’ensemble de la hiérarchie des entreprises
françaises cotées en Bourse. Ainsi Henri Proglio qui dirigeait en 2009 Veolia avait la 18e rémunération des entreprises du
CAC 40, mais la 21e rémunération de l’ensemble des grandes entreprises cotées en Bourses (en 18e position on trouvait
Arnaud Lagardère du groupe Lagardère, en 19e Thierry Breton d’Atos, 20e Denis Kessler de la Scor, trois dirigeants
d’entreprises qui ne font pas partie du CAC 40).
* Carlos Ghosn a perçu 8,1 M d’euros de Nissan Motor, somme qui n’est pas mentionnée dans le Rapport de gestion du
groupe Renault dont les comptes sont pourtant consolidés avec Nissan. La prise en compte de cette munération le placerait
au rang n°1.
Les différences nationales de rémunération sont importantes (Tab. 1 et 4). Les
managers américains des grandes firmes multinationales gagnent deux à trois fois
plus que leurs homologues français ou britanniques (Conyon et Murphy, 2000). En
règle générale, ils ont un salaire qui est comparable, mais une rémunération variable
beaucoup plus importante ;
- la distribution de stock-options est devenue une pratique courante (elle s’effectue selon
les cas tous les ans ou tous les deux ans). Rares sont les entreprises qui n’y recourent
pas (France Telecom, EADS, EDF au total moins d’une dizaine de sociétés sur
quarante).
- rémunération asymétrique (rigidité à la baisse). Entre 2007 et 2009, la rémunération
des dirigeants du CAC 40 a globalement progressé (du fait d’une distribution plus
importante de stock-options qui a plus que compensée la baisse des bonus), alors que
dans le même temps les résultats nets des entreprises ont chuté de 40%. Ceci tendrait à
montrer qu’un dirigeant qui a eu de bons résultats dans le passé continue d’être
récompensé aujourd’hui, quelle que soit la situation de la firme. Face à de mauvais
résultats (chute de la part de marché, du cours de l’action ou des profits) le mode
d’ajustement se fait par le départ des DG peu performants (Jean-Marie Messier
Vivendi en 2002, Jean-José Duran Carrefour en 2008…) et non par une baisse
de leur rémunération globale ;
Tableau 3
Rémunération moyenne des DG en France (entreprises du CAC 40)
2003
2005
2007
2009
Salaire
962 000
18,5 %
981 000
21,2 %
985 000
21,1%
983 000
19,8%
Bonus
717 000
13,8 %
1 041 000
22,5 %
1 331 000
28,5%
957 000
19,3%
Stock-options
3 504 000
67,7%
2 606 000
56,3 %
2 344 000
50,3%
3 010 000
60,8%
Total
5 183 000
4 628 000
4 660 000
4 950 000
Source : Proxinvest et Rapports annuels.
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