Service d`urgences hospitalières : situations de tension et

Service d’urgences hospitali`eres : situations de tension
et r´esilience
Farid Kadri, Sondes Chaabane, Christian Tahon
To cite this version:
Farid Kadri, Sondes Chaabane, Christian Tahon. Service d’urgences hospitali`eres : situations
de tension et r´esilience. Journ´ees Doctorales et Journ´ees Nationales du GDR MACS (JD-JN-
MACS), Jul 2013, Strasbourg, France. pp.1-8, 2013. <hal-01009916>
HAL Id: hal-01009916
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Submitted on 18 Jun 2014
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Service d'urgences hospitalières : situations de
tension et résilience
Farid Kadri, Sondès Chaabane, Christian Tahon
Univ. Lille Nord de France, F-59000 Lille, France
UVHC, TEMPO lab.,"Production, Service, Information" Team, F-59313, Valenciennes, France
(farid.kadri, sondes.chaabane, christian.tahon)@univ-valenciennes
.fr
Résumé
La prise en charge des flux des patients, en particulier, les flux consécutifs à des crises sanitaires (situations
exceptionnelles) au niveau des services d'urgences est l'un des problèmes les plus importants à gérer par les directions
hospitalières. Pour gérer cet afflux de patients, les services d'urgences nécessitent des ressources humaines et matérielles
importantes, cependant, limitées. Dans ces conditions, le personnel médical se voit confronté très fréquemment à des
situations de tension. Pour faire face à ces situations, les services d'urgences (SU) n'ont pas d'autre choix que de
s'adapter. Dans cet article on cherche à définir, caractériser et modéliser la situation de tension dans les services
d'urgences hospitalières, proposer des actions et des stratégies d'évitement afin de limiter au mieux ces tensions.
Mots clés- Services d'urgences, Situations de tension, Résilience d'un SU, Modélisation, Projet HOST.
1. Introduction
Face à des événements et/ou des situations
exceptionnelles (catastrophes naturelles et les menaces
sanitaires liées à des épidémies, grippes, canicules,
vagues de froid, etc.), les établissements hospitaliers en
particulier les services d'urgences doivent être en mesure
de recevoir des flux parfois très importants de victimes
pour des traitements médicaux et chirurgicaux. Souvent,
les moyens sanitaires classiques et de routine se trouvent
dépassés et souvent inefficaces pour absorber un afflux
important de victimes en cas de situation de catastrophe.
Il est apparu indispensable de renforcer l'organisation
des systèmes hospitaliers pour qu'ils puissent gérer
l'ampleur de telles situations.
Les acteurs du secteur hospitalier doivent maîtriser
les problèmes liés aux flux des processus (patients,
informations, produits, équipements) et à la
restructuration qui se traduit en interne par la
mutualisation des ressources, notamment les plateaux
techniques. Or, les professionnels de santé ne sont ni
préparés ni formés pour résoudre de tels problèmes ; il
apparaît qu'ils sont munis en méthodologies et outils
d'aide à la décision et de pilotage adaptés pour anticiper
et gérer les situations de tension.
La première partie de cet article vise à définir et à
caractériser les situations de tension dans les services
d'urgences hospitalières. Dans la deuxième partie, nous
proposons le concept de résilience d'un service
d'urgences (SU) et les états possibles dans lesquels il
peut se retrouver.
2. Situations de tension dans les services
d'urgences hospitalières
2.1 Services d'urgences hospitalières :
problématiques
De nombreux travaux ont abordé des problématiques
liées à la modélisation, la planification, la simulation et
l'optimisation des flux de patients dans les services
hospitaliers [1]–[4]. D'autres études ont été menées pour
aider les managers des établissements hospitaliers pour
la prise de décisions et mieux gérer les activités
hospitalières [5]–[8].
Cependant, très peu de travaux ont été consacrés aux
situations de tension dans les services d'urgences
hospitalières. Notre travail de recherche porte
principalement sur :
La définition, la modélisation et la
caractérisation des situations de tension dans
les services d'urgences,
L'élaboration des stratégies d'évitement et de
gestion des tensions dans les urgences
hospitalières,
La définition et l'intégration de la notion de la
résilience dans l'évaluation des performances
d'un service d'urgences (SU), et
La prise en compte de la logistique
d'intervention, des facteurs humains et
organisationnels dans le contexte des situations
de tension.
2.2 Caractérisation de la situation de
tension d'un SU
On ne trouve pas dans la littérature de définition de la
situation de tension dans un service d'urgences (SU). En
s'inspirant du concept "d'hôpital en tension" et sur les
interviews menés auprès des professionnels de santé des
urgences hospitalières du CHRU de Lille, le passage
d'une situation normale à une situation de tension est
généré par une inadéquation entre la charge et la
capacité(la capacité de soins ne peut plus supporter le
flux de charge en soins). Nous définissons donc une
situation de tension dans un service d'urgences comme
étant une inadéquation ou un déséquilibre pendant une
certaine durée, entre [9], [10] :
Le flux de charge en soins : le nombre de
patients entrant, le nombre de patients sortant,
le nombre de fugues et le nombre de patients
abandonnant les urgences sans être traités, et
La capacité de soins (moyens humains et
matériels): le nombre de médecins,
d'infirmier(e)s, d'auxiliaires de soins, le nombre
de box, de lits et le matériel médical.
Les principaux facteurs identifiés qui peuvent influencer
cet équilibre sont :
Les facteurs qui influencent le nombre d'entrée
: i) épidémies saisonnières, ii) causes
cumulatives comme le vieillissement de la
population et iii) disponibilité des médecins en
amont et en aval (jours, nuit, journées fériés).
Les facteurs qui influencent la rapidité de prise
en charge et donc sur la capacité de traitement :
i) performance de guichet administratif, ii)
compétence du personnel soignant (capacité,
retour d'expériences, etc,.), et iii) les capacités
de transfert interne (brancardiers) et externe
(ambulances, SAMU).
En utilisant la méthode ou le diagramme cause-effet
[10] qui permet de représenter de manière synthétique
les différentes causes possibles d'un
phénomène/problème, nous avons identifié les
principales causes de tensions dans un service
d'urgences (figure 1).
Figure 1 : Causes principales d'une situation de tension
dans un service d'urgences hospitalières.
La situation de tension va apparaître selon différents
niveaux de gravité différents. Nous avons ainsi défini les
différents états d'un service d'urgences (SU).
2.3 Etats d'un service d'urgences (SU)
En s'appuyant sur la définition de la situation de
tension proposée précédemment, le fonctionnement d'un
service d'urgences (SU) peut être représenté selon deux
situations (normale et tension) et trois états (figure 2) :
Figure 2 : Les états d'un service d'urgences (SU).
1) Etat normal : la capacité de soins est supérieure
ou égale au flux de charge en soins (patients),
2) Etat dégradé : si la capacité de soins est
inferieure au flux de charge en soins, le service
d'urgences passe de l'état normal à l'état
dégradé (dégradation acceptable) qui se traduit
par le dépassement du seuil de tension,
3) Etat critique : en état dégradé, dans l'absence
d'actions de corrections ou si les actions
correctrices déployées ne sont pas efficaces
face à l'augmentation du flux de charge en
soins, le SU passe de l'état dégradé à l'état
critique (dégradation inacceptable) en
franchissant le seuil critique.
Après avoir présenté les principaux états, on définit
deux seuils qui déterminent les transitions entre les trois
états du SU :
Seuil de tension : il correspond à la frontière
entre l'état normal et l'état dégradé du SU.
Ce dernier est caractérisé par deux critères,
et
Seuil critique : il correspond à la frontière
entre l'état dégradé du SU (dégradation
acceptable) et l'état critique (dégradation
inacceptable).
L'identification des états d'un service d'urgences
hospitalières (SU) et la quantification des différents
seuils imposent de disposer d'indicateurs de tension.
2.4 Indicateur de tension (IT)
On peut caractériser l'indicateur de tension (IT) dans
une structure d'urgences par un triplet (IT = [O, V
E
,
V
A
]), destiné à en observer les évolutions d'une situation
à intervalles bien définis :
Objectif (O) : chaque indicateur de tension doit
avoir un objectif clairement défini pour
permettre l'appréciation d'un événement ou
d'une situation par le décideur.
Variables d'états (VE) : les variables d'état
doivent être mesurables et faciles à interpréter
pour pouvoir définir les différents états du
service d'urgences.
Variables d'actions (VA) : l'indicateur de
tension n'est utile que si un plan d'actions
(actions de corrections) est associé en cas de
d'un ou des seuils prédéfinis. La figure 3
représente un exemple d'indicateur de tension.
Le choix de la pertinence et la crédibilité de ces
indicateurs de tension est très important dans la
modélisation des états de tension et plus
particulièrement, le choix des seuils et des variables
d'actions (plan d'actions). Ce choix, se fait en se basant
Figure 3 : Exemple d'indicateur de tension : remplissage
d'une salle d'attente aux urgences hospitalières.
sur les avis des professionnels de santé (médecins
urgentistes, IDE, IAO, etc.) et sur le retour d'expérience
concernant les situations de tension déjà observées. La
figure 4 représente les principales variables d'actions sur
les quelles on peut agir dans le cas d'un service
d'urgences hospitalières.
Figure 4 : Les actions de correction possibles dans un
service d'urgences.
3. Résilience d'un service d'urgences
3.1 Le concept de la résilience
Avant de définir la silience d'un service d'urgence,
nous rappelons les différents concepts de la résilience.
La résilience est définie de différentes façons, selon le
champ de l'étude où elle est considérée.
La définition de la résilience des systèmes a été
introduite par Holling (1973), au cours de ces travaux
sur les systèmes écologiques. Il a défini la résilience
comme la capacité du système à créer de la prévoyance,
reconnaître, anticiper et se défendre contre les formes
changeantes des risques, avant que des conséquences
néfastes ne se produisent [11].
Le concept de la résilience organisationnelle existe
depuis les années 1990, mais ce n'est que depuis les
récentes catastrophes et accidents (attentat au gaz sarin,
Tokyo, Japon (1995), crise du verglas au Canada en
1998, attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis,
événement météorologique, comme la canicules 2003 en
Europe, ouragan Katrina en 2005 aux États-Unis,
l'accident de Fukushima du 11 Mars 2011 au Japon, etc,)
que celui-ci est fortement discuté par plusieurs
chercheurs dans plusieurs domaines. Les nombreux
concepts qui ressortent des définitions de silience
organisationnelle sont : la connaissance de
l'environnement, le niveau de préparation, l'anticipation
des perturbations, la capacité de déploiement des
ressources, le degré d'adaptation et la capacité de
rétablissement [12]–[15].
Au cours de ces travaux, dans le domaine de la santé
Mallak (1998), a introduit des facteurs visant à identifier
les dimensions des organisations résilientes et les
comportements des individus résiliant. Il définit la
résilience comme un comportement adaptatif positif et
rapide pour supporter un minimum de stress [16].
On trouve dans la littérature, plusieurs auteurs qui
cherchent à préciser ce qui relève ou non de la résilience.
Pour certains, la notion de résilience doit être restreinte à
la prise en charge des évènements majeurs, imprévus et
inhabituels, qui sortent du domaine prévu [17]–[19].
Pour d'autres auteurs, le concept de résilience est plus
vaste (gestion des événements prévus et imprévus), il
s'intéresse aux variations plus ou moins importantes du
domaine de performance du système. Ces auteurs
associent la résilience au fonctionnement du système
dans des conditions prévues et imprévues [20]–[22].
3.2 Résilience d'un service d'urgences
Notre définition de la résilience d'un service
d'urgences prend en compte les événements imprévus et
les événements prévus. Dans notre cas, les événements
prévus peuvent être définis comme générateurs des flux
récurrents, pouvant présenter des variations saisonnières
dont on connaît plus au moins les tendances moyennes à
court ou à moyen terme (mois ou année). Les
événements imprévus sont définis comme des
générateurs des flux exceptionnels : menaces ou crises
sanitaires (grippes, canicules, vagues de froid, etc.) non
prévisibles en volume et en nature. Le service
d'urgences doit posséder une capacité proactive pour
pouvoir s'adapter aux changements des conditions avant
l'occurrence des évènements.
En ce qui concerne les services d'urgences, il n'existe
aucune définition ni aucun modèle pour évaluer la
résilience d'urgences hospitalières. Nous finissons la
résilience d'un service d'urgences (SU) comme \emph{sa
capacité à assurer le meilleur soin aux patients et de
maintenir ses performances (durée et qualité des
soins,...) à un niveau acceptable face à des perturbations
et/ou situations prévues ou imprévues en s'adaptant
avant, pendant et après la perturbation}. Les trois axes
(concept) clés qui découlent de cette définition sont
(figure 5) :
Figure 5 : Exigence de la résilience d'un service
d'urgences (SU).
Anticiper les perturbations en les détectant le
plus tôt possible. Le SU doit i) surveiller
l'évolution et le fonctionnement du SU afin de
le maintenir à un niveau acceptable et ii)
prévoir des actions de correction afin d'anticiper
les perturbations qui pourraient survenir
permettant au SU d'avoir des délais suffisants
(marge de manœuvre) pour appliquer les
actions adaptées.
Adapter et réagir à des perturbations régulières
ou irrégulières, prévisibles ou imprévisibles. Le
SU doit avoir i) une capacité d'adaptation aux
variations, perturbations inhabituelles,
habituelles et/ou routinières et ii) une capacité
de planification des actions de correction face à
ces perturbations.
Comprendre et apprendre des perturbations du
passé (capacité d'apprentissage). En se basant
sur les perturbations déjà enregistrées, le SU
doit être capable de reproduire un
comportement face à une ou des perturbations
futures afin de proposer des actions
spécifiques, adaptées aux perturbations futures.
Pour qu'un service d'urgence soit résilient, il doit donc
pouvoir à la fois de surveiller l'évolution de la
procédure des soins, anticiper les perturbations en les
détectant le plus tôt possible, s'adapter aux
variations/perturbations habituelles et inhabituelles,
comprendre les perturbations du passé afin de proposer
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