Infection par le virus de l’hépatite C en hémodialyse N. Kamar1, J. Izopet 2 et L. Rostaing1 1 Service de néphrologie, dialyse et transplantation, CHU Toulouse-Rangueil, Toulouse ; 2 Service de virologie, CHU Toulouse-Purpan, Toulouse En France, la prévalence de l’infection chronique par le virus de l’hépatite C (VHC) chez les hémodialysés chroniques varie de 15 à 42%. Bien que l’incidence et la prévalence de l’infection chronique par le VHC diminuent, des infections de novo persistent. Ces infections sont transmises dans la quasi-totalité des cas par voie nosocomiale. Le strict respect des règles universelles d’hygiène et l’isolement des patients hémodialysés chroniques selon leur statut virologique permettraient de diminuer l’incidence de cette infection. Chez les patients hémodialysés chroniques, l’hépatite chronique C se caractérise par un taux de transaminases et une charge virale plus bas que ceux observés dans la population générale. L’évolution de la maladie hépatique semble également être plus modérée. En cas d’hépatite aiguë, et chez les patients candidats à une greffe rénale, un traitement par l’interféron-α s’impose du fait d’un taux réponse virologique élevé et soutenu. En cas de cirrhose ou de lésions hépatiques histologiques sévères, une transplantation combinée foie-rein doit être envisagée après traitement par de l’interféron-α. Chez les sujets noncandidats à une greffe rénale, le traitement par interféron-α se discute en fonction de l’âge et de l’état général du patient. In France, the prevalence of hepatitis C virus (HCV) infection in chronic hemodialysis patients is high, about 15 to 42%. Although the incidence and the prevalence of HCV infection decreased during the last decade, de novo cases of HCV infection still occur in hemodialysis units. To date the nosocomial transmission is the principal cause of contamination. The strict application of universal precautions and the separation of chronic hemodialysis patients according to their virological status may decrease the incidence of HCV infection in hemodialysis units. The transaminase level and HCV viremia are lower in chronic hemodialysis patients than that in the general population. Liver disease seems also to be less agressive. Chronic hemodialysis patients presenting acute hepatitis C infection and those waiting for renal transplantation have to be treated by interferon-α (IFN-α), since the virological response is elevated and sustained. In case of cirrhosis or severe liver disease, a combined liver-kidney transplantation can be proposed after IFN-α therapy. Finally, in chronic hemodialysis who are not candidate for renal transplantation IFN-α therapy can be discussed according the patients’ age and general health status. Mots-clés : Virus de l’hépatite C – Hémodialysés chroniques – Transmission nosocomiale – Hépatite aiguë C – Interféron-α. Key words: Hepatitis C virus – Chronic hemodialysis patients – Nosocomial transmission – Acute hepatitis C infection – Interferon-α. ■ Généralités de décès quel que soit le statut vis-à-vis du VHC.12 Espinosa et coll. ont rapporté que l’âge, la présence de diabète et la présence d’anticorps anti-VHC étaient associés à une mortalité accrue chez les patients hémodialysés chroniques.11 Par ailleurs, la survie des transplantés rénaux VHC (+) est supérieure à celle des patients hémodialysés chroniques VHC (+).12 De nombreux virus transmis par voie sanguine sont responsables d’infections chroniques chez les patients hémodialysés chroniques. Parmi ceux-ci, les virus des hépatites B et C (VHB et VHC) et le virus transmis par transfusion (TTV). Le VHC a été cloné et identifié en 1989.1,2 Il est le principal agent responsable des hépatites chroniques antérieurement étiquetées, non-A, non-B.3 Les insuffisants rénaux terminaux ont été infectés par le VHC soit par transfusion sanguine, soit par voie nosocomiale.4-8 Actuellement, l’infection par transfusion est exceptionnelle grâce à la détection des anticorps dirigés contre le VHC dans les produits dérivés du sang, et à l’utilisation de l’érythropoïétine recombinante humaine pour traiter l’anémie secondaire à l’insuffisance rénale. L’hépatite chronique C est la principale cause de maladie hépatique chez les patients traités par hémodialyse.7 La mortalité des patients hémodialysés chroniques VHC (+) est supérieure à celle des patients hémodialysés chroniques VHC (-).9-11 Cependant, la mortalité cardiovasculaire demeure la principale cause Néphrologie Vol. 24 n° 3 2003, pp. 133-141 ■ Facteurs de risque d’infection à VHC chez les hémodialysés chroniques Plusieurs facteurs de risques ont été identifiés, parmi lesquels, la durée 5-8,13-15 et le mode de dialyse. En effet, la prévalence de l’infection à VHC est significativement moins importante en dialyse péritonéale qu’en hémodialyse.15-17 Elle est également plus basse en hémodialyse à domicile qu’en centre.8,14,18 Les autres facteurs de risque sont le nombre de culots globulaires reçus,6,7,13-15 les antécédents de transplantation rénale,7,13-15 la présence d’une toxicomanie7,15 et la présence d’une infection par le VHB.8,13,14 133 articles originaux Résumé • Summary ■ Prévalence du VHC Dans la population générale, la prévalence de l’infection à VHC est de 1,5% en France19 et de 1 à 1,8% aux Etats-Unis.7,19,20 Chez les patients hémodialysés chroniques, la prévalence est plus élevée : plus de 20% en Europe du sud,8,21 15 à 42% en France,14,17,22-24 moins de 5% en Europe du nord8,25 et 10 à 50% aux Etats-Unis.6,7,10,13 Cette prévalence varie d’un pays à l’autre, et, à l’intérieur d’un pays, d’un centre à l’autre.15 Chez les patients hémodialysés chroniques, la prévalence de l’infection à VHC a diminué au cours de cette dernière décennie. Dans les pays collaborant au registre de l’ERA/EDTA, elle a baissé de 21% en 1992 à 17,7% en 1993. 15 Aux Etats-Unis, Natov et coll. ont retrouvé, en utilisant un test ELISA de 3e génération, une diminution de la prévalence du VHC chez les patients hémodialysés chroniques en attente de greffe rénale de 35% entre 1986 et 1987, à 13% entre 1987 et 1990.13 L’incidence du VHC a également diminué dans cette étude. Aux Etats-Unis, l’incidence des hépatites non-A non-B chez les patients hémodialysés chroniques a baissé également de 1,7% en 1982 à 0,5% en 1990, et 0,4% en 1994.13 Au Portugal, elle a baissé de 9,9% en 1991 à 5,7% en 1992, puis à 5,1% en 1993.26 La prévalence de l’infection à VHC est plus faible en dialyse péritonéale (0 à 20%) qu’en hémodialyse ( 7 à 50%) selon les séries.7,27 Chan et coll. ont trouvé des anticorps anti-VHC chez cinq patients sur 278 (1,8%) en dialyse péritonéale, contre 10 sur 61 (16%) en hémodialyse chronique (p < 0,001).16 Cette différence est probablement due au nombre moins important de culots globulaires transfusés, et au risque moindre de transmission nosocomiale.6 ■ Mise en évidence du VHC ● Tests virologiques sériques • La recherche d’anticorps anti-VHC dans le sérum se fait actuellement par des tests ELISA (enzyme-linked immunosorbent assay) de troisième génération. articles originaux • La détection de l’ARN du VHC dans le sérum se fait par une méthode standardisée de transcription inverse suivie d’une amplification par réaction en chaîne de l’ADN polymérase (RT-PCR). • La mesure de la concentration sérique de l’ARN du VHC se fait par une méthode standardisée de RT-PCR. • Le typage du VHC peut être réalisé par analyse génomique (typage génomique) ou par immuno-analyse (typage virologique). ● Détection du VHC dans le dialysat Certains auteurs ont rapporté une baisse de la concentration sérique de l’ARN du VHC au décours des séances d’hémodialyse,28,29 alors que d’autres auteurs n’ont pas trouvé de modification de la virémie au décours d’une séance d’hémodialyse.30 Toutefois, plusieurs hypothèses ont été évoquées pour expliquer cette baisse. Tout d’abord, l’effet inhibiteur exercé par l’héparine sur l’ADN polymérase utilisée lors de la RT-PCR.31 Cependant, Noiri et coll. ont rapporté une baisse de la virémie au décours de 134 séances d’hémodialyse sans utilisation d’héparine.29 Ensuite, la fixation du virus à la surface de la membrane de dialyse, suivie de sa destruction sous l’effet de la pression exercée sur le dialysat.28 Toutefois, Manzini et coll. n’ont pas détecté l’ARN du VHC à la surface des membranes de dialyse de patients hémodialysés chroniques VHC (+) / ARN (+).32 Enfin le passage du virus dans le dialysat et dans l’ultrafiltrat est controversé.29,32-37 Les particules virales du VHC mesurent entre 30 et 60 nm, ce qui est largement plus important que la taille des pores, rendant le passage du virus à travers le filtre invraisemblable. Toutefois, des microruptures du filtre sous l’effet d’une pression transmembranaire élevée, surtout avec des membranes à haute perméabilité, peuvent expliquer le passage de particules virales dans le dialysat. Noiri et coll. recommandent l’application d’une pression transmembranaire modérée chez les patients hémodialysés VHC (+).29 Enfin, le défaut de détection de particules virales dans le dialysat peut être due à la faible sensibilité de la technique utilisée. ■ Transmission du VHC par voie nosocomiale A partir de janvier 1994, une étude virologique prospective a été menée dans l’unité d’hémodialyse du CHU de Toulouse-Rangueil. Au début de l’étude, 26 des 70 patients (37,1%) hémodialysés chroniques étaient porteurs d’anticorps anti-VHC. L’ARN du VHC était détecté chez 22 d’entre eux (87,5%). En cours d’étude, onze cas d’infection de novo à VHC ont été mis en évidence. L’analyse du génotype et le séquençage direct de la région hypervariable-1 (HVR-1) du génome viral ont permis de confirmer dix cas de transmission nosocomiale. Le dernier patient a été probablement contaminé suite à l’utilisation de drogues par voie intra-veineuse.38 Les analyses épidémiologique et phylogénétique (du génotype ou des séquences nucléotidiques virales), ont permis la mise en évidence d’une transmission nosocomiale à l’intérieur de centres d’hémodialyse 4,5,39-45 ou de centres d’auto-dialyse.46 ● Les mécanismes possibles de transmission nosocomiale La principale cause de transmission nosocomiale du VHC est la présence de brèches dans l’application des règles universelles d’hygiène,15 notamment le partage du matériel médical (tensiomètre, lecteur de glycémie capillaire, flacon d’héparine multidose, etc.), une désinfection insuffisante des surfaces et des instruments ayant été infectés par des gouttelettes de sang, surtout en période d’excès de travail ou lors de la survenue d’une urgence,38 l’absence de changement de gants. L’ARN du VHC a été plus souvent mis en évidence sur les mains du personnel soignant s’occupant des patients hémodialysés chroniques VHC (+) que sur celles de ceux s’occupant de sujets hémodialysés chroniques VHC (-).47 L’organisation du centre d’hémodialyse joue également un rôle important. La proximité physique d’un malade infecté par le VHC constitue un facteur de risque important.4,44 En effet, le taux de séroconversion est moins important dans les centres où les patients sont séparés selon leur statut VHC.4,26,48 L’analyse molé- Néphrologie Vol. 24 n° 3 2003 ● Mesures de précautions pour éviter une transmission nosocomiale Il faut une application stricte des règles universelles d’hygiènes : le non-partage d’objets entre patients, le nettoyage rigoureux et la désinfection des machines, des instruments et des surfaces environnantes entre les séances, le lavage fréquent des mains, et l’utilisation systématique de gants 7,38. La conférence de consensus 2002 ne recommande pas la séparation des patients et des machines de dialyse selon le statut VHC. Toutefois Il faut considérer cette mesure, particulièrement dans les unités où la prévalence du VHC est élevée.8,38,53 Ceci permet de protéger les patients hémodialysés chroniques VHC (-) ; en revanche, le risque de surinfection des patients hémodialysés chroniques VHC (+) par un autre génotype augmente.7 Cependant, l’impact clinique d’une infection par plusieurs génotypes demeure inconnu. Enfin, le réservoir viral doit être réduit par traitement des patients hémodialysés chroniques par de l’interféron-α (IFN-α). Ceci sous-entend un dépistage rigoureux des infections à VHC dans les centres de dialyse. En plus de la recherche des anticorps anti-VHC lors de la mise en route d’un traitement par hémodialyse périodique, certains auteurs recommandent la recherche d’emblée de l’ARN du VHC par PCR.45 ■ L’hépatite aiguë C chez l’hémodialysé chronique Comme dans la population générale, l’infection aiguë à VHC est très souvent asymptomatique.54 Chez les patients hémodialy- Néphrologie Vol. 24 n° 3 2003 sés chroniques, l’ARN du VHC est détecté dans le sang une à trois semaines après l’exposition au virus. Puis survient une augmentation du taux d’alanine aminotransférases (ALAT). Les anticorps anti-VHC apparaissent généralement quatre à douze semaines plus tard. Ce délai peut être retardé jusqu’à un an.15,55 Les cas d’hépatites fulminantes n’existent pas. Récemment, Espinosa et coll. ont rapporté dix-neuf cas d’infection aiguë à VHC chez des patients hémodialysés chroniques.54 Cette infection était asymptomatique dans 68,4% des cas. La séroconversion a eu lieu chez douze patients (75%) à un mois, 15 (93%) à deux mois et seize (100%) à trois mois. Lors de l’infection aiguë, tous les patients étaient virémiques. Après une médiane de surveillance de trois ans, quatre patients (21%) ont présenté une clairance spontanée du VHC, alors que les quinze restants (79%) ont gardé une virémie positive. Parmi ceux-ci, onze (57,8%) ont présenté une maladie hépatique avec une élévation chronique des ALAT. Cinq ont bénéficié d’une ponction biopsie hépatique : quatre (21%) avaient des signes d’hépatite chronique active et un seul (5,2%) a évolué vers la cirrhose. Dans cette étude, l’infection aiguë à VHC n’était pas un facteur prédictif de mortalité chez les patients hémodialysés chroniques VHC (+). Le diagnostic d’une hépatite aiguë est généralement révélé par une augmentation des taux de transaminases. A l’entrée dans une unité d’hémodialyse, un dépistage systématique de l’infection virale C se fait par la recherche des anticorps anti-VHC par un test de troisième génération, avec ou sans recherche de l’ARN viral par PCR. Les patients VHC (-)/ARN (-) ou VHC (+)/ARN (-) doivent bénéficier d’une surveillance mensuelle des transaminases. Si le taux d’ALAT mensuel demeure normal, la recherche d’anticorps anti-VHC s’effectue tous les ans. En revanche, en cas d’élévation brutale des taux de transaminases, par rapport au taux de base du patient, même si les taux ne dépassent pas les valeurs normales, la recherche de l’ARN du VHC doit être effectuée surtout si aucun nouveau médicament n’a été administré.15,55 Cependant, Saab et coll. ont montré que le dépistage des infections à VHC par sérologie utilisant les tests de 3e génération était plus efficace et moins onéreux que le dépistage par dosage des ALAT ou par recherche de l’ARN viral par PCR.56 En cas de suspicion de transmission nosocomiale, le génotypage du VHC et le séquençage direct de HVR-1 permettent de confirmer le mode de transmission.38 ■ L’hépatite chronique C chez l’hémodialysé chronique Plus de 80% des hépatites C aiguës évoluent vers la chronicité.57 ● Caractéristiques des transaminases chez les patients hémodialysés chroniques VHC (+) Chez les patients hémodialysés chroniques le taux de transaminases est inférieur à celui de la population générale.58-60 Par conséquent, les enzymes hépatiques sont un mauvais marqueur de l’infection à VHC chez les patients hémodialysés chroniques.6,7,14,15,61 Pol et coll. ont rapporté une augmentation des transaminases chez seulement 31% des patients hémodialysés 135 articles originaux culaire a permis de trouver une homogénéité de variants chez des patients hémodialysés chroniques VHC (+) d’une même unité, comparés à l’hétérogénéité des variants de patients VHC (+) de la population générale.40 Le manque de personnels soignants associé à un nombre élevé de patients VHC (+) dans l’unité de dialyse constituent également un risque de transmission accrue.21 La transmission du VHC par des membres du personnel soignant infecté par le VHC a été rapportée.49,50 Enfin, d’autres causes ont été impliquées, notamment la contamination de la machine de dialyse,7,51 la réutilisation des membranes de dialyse, 7,52 la contamination du dialysat et de l’ultrafiltrat, la contamination des capteurs de pression ainsi que le type de membrane de dialyse.33,36,37 Il a été rapporté qu’en cas de reflux sanguin dans la tubulure joignant le capteur de pression veineuse au circuit extracorporel, le filtre de protection du capteur de pression pouvait être inondé voire rompu, entraînant une contamination microbienne du capteur veineux, voire du générateur d’hémodialyse. L’adjonction d’un deuxième filtre en série diminue la probabilité de contamination du capteur de pression. En cas d’inondation du dernier filtre avant le capteur, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (lettre-circulaire du 19 mars 1999) préconise de changer le filtre dès la constatation de l’incident et de terminer la séance d’hémodialyse avec un nouveau filtre de protection. Après la séance, l’intérieur du générateur doit être désinfecté et si nécessaire le circuit interne et les filtres de protection internes du capteur de pression doivent être changés. chroniques ayant une virémie VHC positive, et chez moins de 30% des patients hémodialysés chroniques ayant bénéficié d’une ponction biopsie hépatique montrant une hépatite chronique active.22 Plus récemment, Salama et coll. ont montré que 89% des patients hémodialysés chroniques VHC (+)/ARN (+) avaient un taux d’ALAT normal ou inférieur à la normale.14 Toutefois, le taux d’ALAT était significativement plus important chez les patients hémodialysés chroniques VHC (+)/ARN (+) que chez ceux VHC (+)/ARN (-).14,60 ● Caractéristiques de la charge virale chez les patients hémodialysés chroniques VHC (+) L’ARN viral est détecté chez 58 à 92% des patients hémodialysés chroniques porteurs d’anticorps anti-VHC.6,10,11,13,14,22,54,61 Toutefois la charge virale est plus faible chez les patients hémodialysés chroniques que chez des patients immunocompétents à la phase aiguë ou chronique de l’infection, et que chez des transplantés rénaux ou hépatiques.30,62 Ceci peut être dû à l’effet immunosuppresseur de l’urémie chronique, au passage du VHC dans le dialysat,33,36,37 ou à la destruction du virus lors du passage à travers la membrane de dialyse.28 La présence d’anticorps anti-VHC en l’absence de détection de l’ARN viral dans le sérum peut être due à la persistance des anticorps après clairance spontanée ou après traitement par IFN-α de l’ARN viral, à un taux d’ARN en dessous de la limite de détection,63 à la séquestration du virus dans d’autres sites que le sang,3,64,65 ou enfin à une virémie intermittente.60,66 articles originaux ● Caractéristiques de génotype du VHC chez les patients hémodialysés chroniques En France, dans la population générale, le génotype 1b est le plus fréquent (44%), puis on retrouve les génotypes 3 (22%), 1a (16%), 2 (11%) et le 4 (4%).67 Chez les patients hémodialysés chroniques, Pol et coll. ont rapporté une prédominance du génotype 1b dans les années 70, suivie dans les années 80 d’une diminution de ce génotype, associée à l’émergence du génotype 2a qui est devenu majoritaire.68 Aux Etats-Unis, Natov et coll. n’ont pas trouvé de modification de la répartition des génotypes à travers le temps. Le génotype prédominant était le génotype 1a (53%), suivi des génotypes 1b (23%), 2b (10%), 2a (8%), 3a (4%) et 4 (2%). La grande majorité des patients était infectée par un seul génotype (92%), contre 7% infectés par deux génotypes, et 1% infectés par trois génotypes différents. Il n’existait pas de différences démographiques, cliniques ou biologiques entre les patients infectés par un ou plusieurs génotypes hormis une albuminémie significativement plus basse chez les patients hémodialysés chroniques ayant une surinfection par plusieurs génotypes.13 Le taux d’albumine sérique était également significativement plus bas chez les patients hémodialysés chroniques VHC (+) comparés à ceux hémodialysés chroniques VHC (-). Cette baisse peut être attribuée à une diminution de synthèse d’albumine par le foie, ou peut également refléter une malnutrition secondaire à une durée d’hémodialyse significativement plus longue chez les patients hémodialysés chroniques VHC (+).13 136 ● Caractéristiques de l’histologie hépatique chez les patients hémodialysés chroniques VHC (+) L’évolution de la maladie hépatique induite par le VHC chez les patients hémodialysés chroniques semble être plus modérée que chez les sujets à fonction rénale normale.30 L’augmentation régulière et prolongée de production de facteur de croissance hépatocytaire (HGF, Hepatocyte Growth Factor) induite par les séances d’épuration extra-rénale, pourrait jouer un rôle protecteur sur la maladie hépatique causée par le VHC.30 Le HGF stimule la prolifération des hépatocytes, et par conséquent entraîne une accélération de leur réparation. Espinosa et coll. ont rapporté la survenue de cirrhose hépatique chez 17,5% des patients hémodialysés chroniques VHC (+) après dix ans de suivi.11 Il ne semble pas y avoir d’influence de la virémie30 ou du génotype du VHC61 sur l’évolution de la maladie hépatique chez les patients hémodialysés chroniques. Après transplantation rénale, l’évolution de l’histologie hépatique est controversée. Toutefois, Gicklich et coll. n’ont pas trouvé de différence significative concernant l’histologie hépatique entre des patients hémodialysés chroniques et des transplantés rénaux VHC (+).69 ● VHC et immunité Plusieurs auteurs ont rapporté une modification du profil cytokinique chez les patients hémodialysés chroniques, notamment une augmentation de la production d’interleukine (IL)-1, de tumor necrosis factor (TNF)-α et d’IL-6. Toutefois, il n’existait pas de variations cytokiniques en fonction du statut VHC.70-72 Nous avons démontré, par dosage des cytokines intra-cytoplasmiques en cytométrie de flux, des pourcentages similaires d’IL2,-4,-5,-6,-10, de TNF-α, et d’IFN-γ chez des patients hémodialysés chroniques VHC (+) et VHC (-). Le nombre total de lymphocytes, ainsi que le nombre de cellules exprimant à leur surfaces CD2, CD3, CD4, CD8, CD19, CD38, et le nombre de cellules NK, étaient similaires dans les deux groupes de patients. Cependant, le nombre total de lymphocytes et le nombre des lymphocytes exprimant à leur surfaces CD2, CD3, CD4, CD8 et CD19, étaient significativement plus bas que ceux d’un groupe contrôle composé de volontaires sains.70 ● Traitement de l’infection chronique C Chez les patients hémodialysés chroniques, le traitement de l’infection chronique à VHC recommandé par la conférence de consensus 2002 repose sur l’injection sous-cutanée de 3 millions d’unités d’IFN-α trois fois par semaine pendant six à douze mois. L’efficacité virologique de l’IFN-α varie entre 10 et 100% selon les séries en fonction de la dose et de la durée du traitement.73,74-84 Au moins six mois après la fin du traitement, une réponse virologique soutenue a été observée dans 20 à 92% des cas. Plusieurs auteurs ont rapporté des observations de transplantés rénaux VHC (+) ayant éradiqué l’ARN viral après un traitement par IFN-α en cours de dialyse, et n’ayant pas rechuté malgré la mise en route du traitement immunosuppresseur.73,80,81 La tolérance de l’IFN-α est moindre par rapport aux patients non dialysés avec 15 à 60% d’interruptions thérapeutiques. Les principaux effets secondaires observés sont : des symptômes géné- Néphrologie Vol. 24 n° 3 2003 L’utilisation de l’interféron pégylé est contre-indiquée chez les insuffisants rénaux chroniques et chez les hémodialysés chroniques. En effet, la pégylation de l’interféron diminue sa clairance rénale, augmente sa demi-vie et augmente sa concentration plasmatique. De ce fait, le risque d’effets indésirables est majeur dans les populations sus-citées. L’utilisation de la ribavirine est contre-indiquée chez les hémodialysés chroniques à cause du risque élevé d’anémie hémolytique. Certains auteurs ont utilisé l’association IFN-α-ribavirine.87,88 La réponse virologique obtenue était identique à celle de l’IFN-α seul, mais avec en plus une anémie majeure. A ce jour, il n’existe pas dans la littérature de données concernant l’utilisation de l’amantadine chez les patients hémodialysés chroniques VHC (+). ■ A qui faut-il proposer un traitement? ● Les patients hémodialysés chroniques présentant une hépatite aiguë En cas d’hépatite aiguë, un traitement par IFN-α s’impose puisqu’il engendre un taux important d’éradication virale. Entre 1994 et 1997, quatorze cas d’infections aiguës à VHC ont été diagnostiqués dans des centres d’hémodialyse de Midi-Pyrénées. Une clairance virale spontanée est survenue chez deux patients. Parmi les autres, sept ont bénéficié d’un traitement par IFN-α (3 MU x 3/semaine) pendant six à douze mois. Une éradication virale est survenue chez six patients parmi sept, cinq ayant un génotype 1 et un ayant un génotype 2. Au cours d’une étude prospective, Gürsoy et coll. ont comparé chez des patients hémodialysés chroniques ayant une infection aiguë à VHC, l’efficacité d’un traitement par IFN-α à dose habituelle (groupe I, seize patients, 3 MU x 3/semaine pendant trois mois) et à forte dose (groupe II, vingt patients, 6 à 10 MU x 3/semaine pendant trois mois).89 A la fin du traitement, la réponse virologique était significativement plus importante dans les groupes traités, comparés à un groupe contrôle (56,5% pour le groupe I vs 65,4% pour le groupe II vs 5,6% pour le groupe contrôle). Après dix-huit mois de suivi, une réponse virologique soutenue était également Néphrologie Vol. 24 n° 3 2003 significativement plus importante dans le groupe de patients traités (26,1% pour le groupe I vs 50% pour le groupe II vs 5,6% pour le groupe contrôle). La réponse virologique soutenue n’était pas statistiquement différente (p = 0,11) selon les doses d’IFN-α administrées. L’hétérogénéité des quasi-espèces était le seul facteur prédictif de réponse à l’IFN-α. Le traitement a été arrêté chez six patients (trois dans chaque groupe). Dans le groupe II, les doses d’IFN-α ont été diminuées de 10 à 6 MU par injection chez neuf patients sur vingt. Espinosa et coll. ont rapporté une éradication virale chez trois patients sur quatre ayant présenté une infection aiguë à VHC après un traitement par interféron-α.54 ● Les candidats à une greffe rénale Tous les patients hémodialysés chroniques VHC (+) inscrits sur liste d’attente de greffe rénale, doivent bénéficier d’un traitement par IFN-α indépendamment du score METAVIR. En effet, après transplantation, il existe une augmentation significative de la virémie du VHC, secondaire à la perte du contrôle immun sur le virus sous l’effet du traitement immunosuppresseur, et à l’établissement d’un nouvel équilibre entre la production de virions et leur clairance.7,90-92 La survie des patients transplantés rénaux VHC (+) est inférieure à celle des patients transplantés rénaux VHC (-).93-99 Cette surmortalité semble être due à la survenue de maladies hépatiques et de sepsis.95,96,99 La survie des greffons rénaux des patients transplantés rénaux VHC (+) est également inférieure à celle des patients transplantés rénaux VHC (-).95-97,99 Ceci est attribué à la survenue de glomérulopathies de novo imputables au VHC.100,101 Par ailleurs, le traitement des patients transplantés rénaux VHC (+) par IFN-α a été associé à un nombre élevé de rejets aigus.102-105 Le traitement des patients transplantés rénaux VHC (+) par ribavirine seule entraîne une diminution des transaminases,106,107 mais ne semble pas avoir d’effet bénéfique sur l’histologie hépatique.107 De plus, plusieurs auteurs ont rapporté des observations de transplantés rénaux VHC (+) ayant éradiqué l’ARN viral après traitement par IFN-α en cours de dialyse et n’ayant pas rechuté malgré la mise en route du traitement immunosuppresseur.73,80,81 Par conséquent, il semble indispensable de proposer un traitement anti-VHC à tous les patients hémodialysés chroniques en attente de greffe rénale. En France, la durée de traitement recommandée par la conférence de consensus de 2002 est de six à douze mois selon le génotype. Plusieurs auteurs ont proposé un traitement d’un an car la réponse virologique est plus élevée.8,73,84 Tous les patients hémodialysés chroniques VHC (+) inscrits sur liste d’attente de greffe rénale doivent également bénéficier d’une ponction biopsie hépatique par voie transjugulaire comme le suggère la conférence de consensus 2002.7,8,22,61,73 L’examen anatomo-pathologique hépatique permettra d’évaluer la sévérité de la maladie hépatique et déterminera la prise en charge ultérieure. En effet, la cirrhose hépatique contre-indique la transplantation rénale seule. Une transplantation combinée foierein doit être proposée aux patients ayant une atteinte hépatique sévère, non régressive malgré un traitement anti-viral, et à ceux étant au stade de la cirrhose (fig.1). 137 articles originaux raux (flu-like syndrome, asthénie, perte de poids, malaise, myalgies, etc.), des manifestations cardio-vasculaires, des troubles hématologiques (anémie, leucopénie, thrombopénie), des manifestations neurologiques (confusion, épilepsie, démence, troubles visuels, leucoencéphalopathies postérieures, etc.) et des manifestations digestives (anorexie, diarrhée).73,75-85 Les différences de pharmacocinétique de l’IFN-α chez l’hémodialysé chronique sont à l’origine de l’efficacité au moins égale, voire supérieure, chez les patients hémodialysés chroniques par rapport à la population générale, ainsi que de la diminution de la tolérance à ce traitement. Nous avons montré qu’après la première injection sous-cutanée de 3 millions d’unités d’IFN-α, la concentration maximale (Cmax), le temps nécessaire pour atteindre Cmax, l’aire sous la courbe de la concentration d’IFN-α (AUC) et la demi-vie de l’IFN-α, étaient significativement plus élevés chez dix patients hémodialysés chroniques VHC (+) comparés à dix autres patients VHC (+) mais ayant une fonction rénale normale.86 Adresse de correspondance : Sérologie VHC positive ARN viral négatif ARN viral positif Guérison Ponction biopsie hépatique Génotype Pr Lionel Rostaing Service de néphrologie, dialyse et transplantation CHU Rangueil 1, Avenue jean Poulhès F-31403 Toulouse Cedex 4 E-mail : [email protected] Références Cirrhose Interféron-α puis transplantation foie/rein Pas de cirrhose Interféron-α puis transplantation rénale Fig. 1: Conduite à tenir chez les hémodialysés chroniques infectés par le virus de l’hépatite C. ● Les patients non-candidats à une greffe rénale articles originaux Le traitement des patients non-candidats à une greffe rénale permet de diminuer la concentration sérique de l’ARN viral, diminuant par conséquent le risque de transmission nosocomiale. Toutefois, compte tenu des effets secondaires de l’IFN-α, l’âge et l’état général du patient doivent être pris en considération avant de proposer ce traitement. Dans cette population, la réalisation d’une ponction biopsie hépatique n’est pas indispensable parce que l’évolution de la maladie hépatique chez les hémodialysés chroniques VHC (+) ne semble pas être sévère et l’objectif principal du traitement est la diminution de la charge virale en vue de diminuer le risque de transmission nosocomiale. ■ Conclusion En conclusion, bien que la prévalence de l’infection chronique C diminue chez les patients hémodialysés chroniques, les infections de novo persistent. Dans la plupart des cas, il s’agit d’une transmission nosocomiale. L’isolement des patients hémodialysés chroniques VHC (+)/ARN (+) dans les unités d’hémodialyse permettrait de diminuer ce type de contamination. En cas d’hépatite aiguë, un traitement par IFN-α s’impose. Ce traitement est également indispensable chez les patients hémodialysés chroniques en attente de greffe rénale. Comme pour l’hépatite B, un vaccin permettrait de diminuer l’incidence de l’infection chronique C dans cette population à risque. 138 1. Choo QL, Kuo G, Weiner AJ, Overby LR, Bradley DW, Houghton M. Isolation of a cDNA clone derived from a blood-borne non-A, non-B viral hepatitis genome. Science 1989 ; 244 : 359-62. 2. Kuo G, Choo QL, Alter HJ, Gitnick GL, Redeker AG, Purcell RH, Miyamura T, Dienstag JL, Alter MJ, Stevens CE, et al. An assay for circulating antibodies to a major etiologic virus of human non-A, non-B hepatitis. Science 1989 ; 244 : 362-4. 3. Alter HJ, Purcell RH, Shih JW, Melpolder JC, Houghton M, Choo QL, Kuo G. Detection of antibody to hepatitis C virus in prospectively followed transfusion recipients with acute and chronic non-A, non-B hepatitis. N Engl J Med 1989 ; 321 : 1494-500. 4. Jadoul M, Cornu C, van Ypersele de Strihou C. 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