182 Ann Biol Clin, vol. 69, n◦2, mars-avril 2011
Article original
Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la
femme. Environ 40 000 nouveaux cas par an sont diagnos-
tiqués en France et c’est la première cause de décès par
cancer chez la femme entre 35 et 55 ans. Le dépistage et
le diagnostic reposent sur l’imagerie et l’examen anatomo-
pathologique et la stratégie thérapeutique sur un contrôle
locorégional ainsi que général de la maladie [1]. Pour le
choix des stratégiques thérapeutiques, il s’est révélé impor-
tant de définir des classes de pronostics différents afin de
mieux cibler les traitements tout en respectant le rapport
bénéfice/risque [2, 3]. Par ailleurs, même en tenant compte
des facteurs de pronostic les plus pertinents, un nombre non
négligeable de patientes vont rechuter, justifiant l’intérêt
d’élargir la liste des facteurs pronostiques et prédictifs déjà
identifiés.
L’évaluation de la cinétique cellulaire n’est pas standardi-
sée, mais l’étude de la prolifération cellulaire s’est révélée
utile dans les choix thérapeutiques. Elle est évaluée par le
pourcentage de cellules en phase S ou fraction de cellules en
phase S (FPS) pouvant être estimée par cytométrie en flux
(CMF) et par l’étude d’antigènes associés au cycle cellu-
laire (Ki67). L’ADN-ploïdie étudiée en CMF est un reflet
des instabilités chromosomiques ou génomiques des cel-
lules cancéreuses. Si la cellule ne possède plus le contrôle
signalant que la mitose est anormale, elle poursuit sa divi-
sion et produit des cellules aneuploïdes. Des études récentes
ont montré le rôle important de l’ADN-ploïdie et de la FPS
comme facteurs prédictifs de rechute dans les cancers du
sein [4-10].
Le centrosome (centre de la cellule) est le centre organi-
sateur des microtubules et se trouve près du noyau [11].
Il comprend deux centrioles organisés dans un matériel
péricentriolaire mal défini appelé matrice (␥-tubuline) et
le cycle du centrosome est distinct du cycle cellulaire. La
duplication du centrosome débute à la transition G1/S. Les
deux centrioles fils arrivent à maturité en taille et en struc-
ture à la fin de G2, parallèlement à la croissance de la matrice
péricentriolaire (MPC). À la mitose, les deux centrosomes
sont matures, ont acquis le maximum de MPC et peuvent
se séparer. Le cycle de division cellulaire dépend de l’aster
microtubulaire qui est organisé par le centrosome. Le cen-
trosome joue un rôle important dans le contrôle de la ploïdie
des cellules filles ; comme l’ADN, il est dupliqué une seule
fois par cycle cellulaire sous la dépendance du point de res-
triction G1/S [12]. Avant son entrée en mitose, la cellule
doit contenir deux lots identiques d’ADN et deux centro-
somes soit quatre centrioles. La présence d’anomalies du
centrosome provoquerait une aneuploïdie par défaut ou ano-
malie de formation du fuseau mitotique ou par défaut de
cytokinèse. Une aneuploïdie associée à un nombre anor-
mal de centrosomes est souvent observée dans les cellules
tumorales [13, 14]. Dans les cancers du pancréas et du
sein, des anomalies de taille, de forme ou de nombre du
centrosome sont fréquemment observées [15, 16]. Malgré
ces différentes études corrélant les anomalies centroso-
miques au processus tumoral, la relation cause à effet n’a
pas été encore clairement démontrée [17].
Ilyaunsiècle, Théodore Boveri avait prédit que la
moindre erreur au cours de la mitose pouvait aboutir à
une instabilité chromosomique à l’origine du cancer. Des
anomalies cellulaires comme l’augmentation du nombre
des centrosomes augmentent le risque de formation de
fuseaux multipolaires qui conduisent à l’aneuploïdie, insta-
bilité génétique la plus fréquemment observée dans de
nombreux cancers chez l’homme et d’autres mammi-
fères [18, 19]. Les cancers du sein et de la vessie ont
été les premiers pour lesquels les mesures de corrélation
entre l’aneuploïdie et la tumorigenèse ont été effectuées,
l’aneuploïdie étant associée à un mauvais pronostic dans
les carcinomes mammaires [20, 21]. Parmi les mécanismes
de contrôle de la mitose, nous venons de voir que le centro-
some joue un rôle important. Cependant, il n’a pas encore
été démontré de relation entre les anomalies du centrosome
et l’agressivité des tumeurs. Par ailleurs, l’ADN-ploïdie
est un bon reflet de l’instabilité génomique et a été
démontrée liée aux facteurs de pronostic dans les cancers
du sein.
L’objectif de notre étude est, d’une part, l’analyse des ano-
malies du centrosome dans le cancer du sein et, d’autre part,
la recherche d’une relation entre le nombre de centrosomes
et l’ADN-ploïdie et les signes de prolifération cellulaire
comme la FPS, dans le but de rajouter des outils applicables
aux empreintes cellulaires.
Matériel et méthodes
Lignées cellulaires de contrôle
Dans l’objectif d’avoir un contrôle de cellules épithéliales
normales, du liquide d’ascite non carcinomateux est uti-
lisé. Deux litres de liquide d’ascite sont répartis dans des
tubes de 50 mL et centrifugés. Les culots sont lavés plu-
sieurs fois dans du PBS 10 % SVF après lyse des hématies
et les cellules sont mises en suspension dans du PBS. La
culture des différentes cellules étudiées se fait dans une
étuve à CO25%à37
◦C dans un milieu comprenant du
RPMI 1640 (Gibco) ou du DMEM 1880 (Gibco) supplé-
menté avec 10 % de SVF (Gibco), de la L-glutamine 5 mM
(Sigma), de la pénicilline 50 U/mL (Sigma), de la strepto-
mycine 50 g/mL (Sigma) et de l’hepes 20 mM (Gibco).
Le milieu de culture est renouvelé deux à trois fois par
semaine. Une fois arrivées au degré de confluence désiré,
les cellules sont trypsinées à 37 ◦C pendant cinq à dix
minutes (trypsine-EDTA 1 X, Gibco) puis mises en sus-
pension dans un volume égal de milieu de culture. Les
suspensions cellulaires sont ensuite centrifugées à 1 000 g
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