Chapitre 22 – Galilée : Le messager des étoiles (3)

Et ta soeur, elle lance aussi des trucs sur la Lune ? par Pascal Reichler
Chapitre 22 Galilée : Le messager des étoiles (3)
Société Astronomique du Valais Romand
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Hauteur des montagnes lunaires
La mathématisation de l'Univers est un des grands
apports de l'œuvre galiléenne et la cause de son di-
vorce d'avec les " philosophes " habitués à raison-
ner en vérités émises par les illustres Anciens, en
tête desquels se trouvent naturellement Aristote et
son porte-parole Ptolémée. Ce dernier est l'auteur
de l'Almageste, bible de l'astronomie pré-
copernicienne. Il est donc tout naturel que le pre-
mier travail du savant italien soit de mesurer la
hauteur des montagnes lunaires, dès lors qu'il les a
observées pour la première fois avec sa lunette as-
tronomique. Il base son calcul sur le rapport entre
le diamètre intégral de la Lune et la distance qui sé-
pare le terminateur des quelques sommets éclairés
par le soleil dans la partie ténébreuse de la Lune.
Ces îlots de lumière sur fond de nuit profonde font
comme des étoiles s'accordant une pause à la ter-
rasse sélène (ha ! Paulo, que la montagne est
belle...) Pour simplifier sa démonstration, Galilée
l'effectue lors d'une phase de Demi-lune (Premier
ou Dernier Quartier), quand la ligne du termina-
teur se confond presqu'avec le grand cercle géomé-
trique de la sphère lunaire. Par une application sim-
ple du théorème de Pythagore, il aboutit à une es-
timation de hauteur de 4 milles italiens (environ
5900 mètres). Cela correspond assez bien aux som-
mets les plus élevés des Monts Caucase qu'il a pu
utiliser pour ses relevés. Son dessin suggère cepen-
dant qu'il a pêché sa cible sur l'autre hémisphère,
peut-être dans les Monts Apennins, auquel cas il en
aurait surestimé la hauteur de plus de mille mètres.
Pour Galilée, les sommets lunaires sont de toute fa-
çon bien plus élevés que ceux de notre planète.
A titre de rappel, on a mesuré vers le pôle sud un sommet à 8200
mètres et, qui semble être le point le plus élevé de la face visible
de notre satellite. Du côté de chez nous, l'Everest mesure 8848
mètres ,sans alpiniste dessus.
Lumière cendrée
Quittant le monde enchanté de ses propres découvertes au téles-
cope, Galilée s'attarde ensuite sur un phénomène connu sous le
nom de " lumière cendrée, cette image fantôme de la surface sé-
lène , remarquable les premiers jours de la lunaison lorsque le
croissant de Lune est très fin. L'astronome pisan commence par
un conseil d'observation, préconisant d'occulter les " cornes lu-
naires " par un obstacle sur le champ de vision afin que la lumière
cendrée soit encore plus perceptible. Les causes de ce phénomène
avaient été élucidées cent ans auparavant par Leonardo de Vinci
en personne. L'illustre génie, féru de peinture et d'astronomie, en-
tre autres, s'était consacré à l'étude de cette pâle lueur. Il avait
compris que, puisque la Terre et la Lune sont toutes deux éclai-
rées par le Soleil, selon la configuration de ce trio, la Lune pou-
vait recevoir et renvoyer le reflet de la lumière terrestre, ce d'au-
tant plus qu'à son avis, les mers lunaires qu'il supposait occuper
une grande part de la face visible, étaient propices à ce jeu de mi-
roirs. Da Vinci ne tira aucune conclusion quant à la place des pla-
nètes. La controverse entre géocentriques et héliocentriques ne
devait se déclencher qu'un quart de siècle après sa mort. Galilée
place lui résolument ce chapitre sous le signe de la nouvelle
science. Il réfute les explications anciennes :
Lumière propre à la Lune ou transmise par les étoiles (au
sens de l'époque, le mot étoile englobe tout les corps lestes,
constitués d'éther, matière distincte de celle de notre planète) :
comment se fait-il alors qu'on ne la voie pas lors des éclipses,
où elle devrait montrer pourtant toute son intensité ?
Le terminateur lunaire dans la région du cratère Platon. On distin-
gue nettement les ombres portées des reliefs . On voit aussi que
les sommets des montagnes émergent de la nuit avant les plai-
nes.
Un croissant, peu avant la Nouvelle Lune. La partie
non éclairée du globe sélène est visible grâce à la
lumière cendrée.
Et ta soeur, elle lance aussi des trucs sur la Lune ? Chapitre 22, page 2
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Eclairage de la Lune par Vénus : il est impossible
qu'entre la nouvelle Lune et le Premier Quartier Vénus se
trouve face à la Lune.
Eclairage par le Soleil dont les rayons traverseraient la
globe lunaire : cet éclairage devrait être constant et ne pas
disparaître dès le quatrième jour de la lunaison.
La conclusion logique est donc que cette lumière ne peut
provenir que de notre planète, qui dans un " échange
équitable et amical rend précisément à la Lune une illu-
mination égale à celle qu'elle roit elle-même de la
Lune. " Lorsque la Lune se trouve en conjonction, elle est
placée entre la Terre et le Soleil. Sa face cachée est éclai-
rée alors que la face visible est dans les ténèbres et
n'éclaire donc pas la surface de notre planète. A ce mo-
ment, l'hémisphère terrestre tourné vers la Lune est tota-
lement éclairé. La réflexion de cette lumière suffit à " al-
lumer " notre satellite.
A la fin de cette digression, Galilée place une banderille
contre le vison aristotélicienne d'une Terre différente de
nature des autres planètes, immobile au centre de l'Uni-
vers. Il annonce une étude plus approfondie du phéno-
mène qu'il développera dans un livre à paraître plus tard :
"Dialogue des grands systèmes ".
Cet ouvrage déclenchera le fameux pros inquisitorial
contre le savant. "La réflexion de la lumre solaire de-
puis la Terre sera très efficacement montrée, à l'inten-
tion de ceux qui prétendent exclure celle-ci du chœur
des Etoiles, principalement parce qu'elle serait dépour-
vue de mouvement et de lumre. Or, que la Terre soit
errante* et qu'elle surpasse la Lune en splendeur, loin
d'être la sentine des ordures et des souillures du monde,
nous le démontrerons et nous le confirmerons aussi par
d'innombrables raisons naturelles."
Les vols spatiaux ont abondamment illustré la nature de
cette lumière étrange et l'on se souvient tous des photos
de lever de Terre depuis la surface sélène. La science ac-
tuelle a quand même permis d'élucider une curiosité jus-
que inexpliquée. La lumière cendrée paraît plus in-
tense en avril et en mai. Les relevés météorologiques
globaux montrent que l'atmosphère terrestre est plus
nuageuse lors de ces deux mois de printemps et comme
les nuages reflètent la lumière de manière plus intense
que tout autre élément de la surface terrestre, l'albédo
(coefficient de réflexion) de notre planète s'élève.
* errante : c'est la signification même du mot planète.
La lumière cendrée de
la Lune
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Chapitre 22 – Galilée : Le messager des étoiles (3)

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