Phobie scolaire : «Pour l'enfant, le refus scolaire est la solution à d'autres problèmes». INTERVIEW de Éric Trappenier, psychologue et psychothérapeute familial. Par Pascale Senk, lefigaro.fr du 30/08/2010 INTERVIEW - Éric Trappenier, psychologue, psychothérapeute familial, est directeur de l'Institut d'études de la famille de Toulouse et auteur, entre autres, de «Cause toujours ! À quoi on obéit quand on désobéit» (Éditions du Seuil). LE FIGARO. - Vous affirmez qu'en cas de refus scolaire d'un enfant, c'est la famille tout entière qui doit être prise en charge. Éric TRAPPENIER. - Lorsqu'on envoie l'enfant seul chez un psychologue ou un pédopsychiatre, on ne fait que «psychologiser» son problème. Or, en tant que thérapeute familial, je sais que tout problème ou symptôme est un comportement adaptatif à un contexte. L'enfant qui ne veut pas aller à l'école le fait parce qu'il dispose là d'une solution à d'autres problèmes. Je me demande donc toujours quels sont les règles et les enjeux familiaux dissimulés derrière son trouble scolaire. Je suis comme Sherlock Holmes et j'ai besoin de tous les acteurs de la situation pour l'éclaircir. Quels enjeux peuvent se cacher derrière une phobie scolaire ? La question de l'autorité dans la famille, notamment. On est là dans une situation où l'enfant refuse d'obéir à des règles et ses parents eux-mêmes récusent ces règles en affirmant que l'école est infréquentable pour lui. Alors qui commande ? Il faut donc chercher à quelles loyautés invisibles se plie l'enfant en refusant l'école. Typiquement, on tombe souvent dans un modèle où mère et enfant sont pris dans un lien de grande proximité tandis que le père, très occupé par ailleurs, est dans une relation périphérique avec eux. Du coup, la mère cherche à ramener le père à la maison et le problème de l'enfant lui permet cela. Importante aussi, l'histoire personnelle de chaque parent. Un père qui a brillamment réussi dans les affaires sans aller à l'école aura du mal à inciter son fils à suivre les cours avec assiduité ; une mère qui a elle-même été une élève anxieuse comprendra facilement la phobie de son enfant… J'avance donc comme un plongeur masqué pour comprendre les motivations et respecter le rythme de chacun. Les parents doivent eux aussi se sentir reconnus et accueillis. Quelles autres raisons cachées cherchez-vous à mettre à jour ? Il y a parfois d'importants non-dits à deviner derrière l'attitude de l'enfant. Je me souviens d'une famille dans laquelle on ne parlait jamais de l'obésité du garçon. Or celui-ci ne voulait pas aller à l'école car il subissait les moqueries de ses camarades… Dans ce cas, c'est le degré de confiance avec ses parents qui posait question et était à considérer comme la véritable racine de l'échec scolaire de l'enfant. Combien de séances faut-il pour venir à bout d'une telle difficulté ? Ça dépend évidemment du stade du problème auquel la famille consulte. Quand on en est aux premiers signes, le thérapeute n'est alors qu'un agent de la circulation qui débloque les forces en place, et les comportements justes peuvent se remettre en action. Quand l'enfant a encore des moyennes de 8,5 ou 9/10, qu'il a encore envie de travailler et s'il n'a pas intégré les prophéties du style «tu es nul» qu'il entend prononcer par son entourage, la situation peut encore s'arranger vite. Mais parfois, le problème et les enjeux des parents sont comme cristallisés. L'enfant est déjà en quatrième ou en troisième, et l'on observe qu'il a comme «symptomatisé» par la phobie un problème relationnel caché dans le clan familial. Dans ces cas, la thérapie doit parfois s'étaler sur une ou deux années. La phobie scolaire se soigne. De plus en plus d'élèves souffriraient de «refus anxieux». Comment les thérapies peuvent-elles aider ? Par Pascale Senk, lefigaro.fr du 30/08/2010 De plus en plus d'élèves souffriraient de «refus anxieux». Comment les thérapies peuvent-elles aider ? Des parents déboussolés et culpabilisés, qui errent de cabinets de médecins en consultations de psychologues ; des enfants qui préparent bien leur cartable le soir mais se tordent de douleurs abdominales le matin après le petit déjeuner et ne peuvent aller en classe… Elle est bien loin, l'image d'Épinal de l'école buissonnière, aventureuse et presque joyeuse, quand on aborde les rives sombres des troubles anxieux entraînant le refus scolaire. Environ 4 ou 5 % des enfants scolarisés, tous âges confondus, en seraient victimes aujourd'hui. Pis, 1 % d'entre eux souffriraient d'une forme extrême de ce syndrome. On les dit alors victimes de «phobie scolaire». Angoisses de séparation Première difficulté : évaluer la nature du problème et poser un diagnostic. Gilles-Marie Valet, pédopsychiatre dans un CMPP de Malakoff et auteur de L'Âge de raison (Éditions Larousse), le constate régulièrement : «Les parents, après avoir vu quelques généralistes pour les nausées ou l'aggravation de l'asthme de leur enfant, et devant l'impossibilité d'expliquer ces maux physiques, pensent ensuite qu'il “fait semblant”. Une opinion souvent partagée par les profs, et qui amène beaucoup de confusion. Quant à nous, professionnels de la psyché, il nous faut distinguer le refus scolaire qui vient d'un trouble des apprentissages, l'absentéisme de convenance, d'un refus vraiment lié à trop d'anxiété. Dans ce dernier cas, l'enfant dit être désireux de suivre les cours, souvent même il est doué, mais il n'y arrive tout simplement pas.» Ce parcours plein d'embûches, Viviane Chelli, présidente de l'association Phobie scolaire qui informe et oriente les parents, ne pensait pas devoir l'emprunter. Enseignante dans le supérieur, née dans une famille où les «études étaient une évidence», elle avoue que le «ciel lui est tombé sur la tête quand [sa] fille, à partir de la classe de quatrième, a commencé à souffrir d'une sérieuse incapacité à se rendre à l'école». Avec le recul, elle constate qu'il y avait eu toutefois un élément déclencheur : «le décès de sa meilleure amie une année auparavant, suivi d'un déménagement et de l'arrivée dans un grand lycée parisien où la pression était très forte». Pour Viviane Chelli, aucun doute : «Le refus scolaire anxieux, même s'il repose sur un faisceau de causes différentes, a pour origine un traumatisme.» Ayant demandé à une centaine d'adhérents de son association de répondre à un questionnaire détaillé, elle a constaté que 80 % des enfants souffrant de phobie scolaire ont été victimes d'un harcèlement psychique ou d'une agression physique dans le cadre de l'école. Pour les experts, le refus scolaire est plutôt à envisager en rapport avec les angoisses de séparation nées dans la toute petite enfance et qui se réactivent à la faveur de la scolarisation. «Ni meilleurs ni moins bons» Comment éradiquer ces troubles somatopsychiques ? De rares services hospitaliers existent (dont un à l'hôpital Robert-Debré à Paris) pour les enfants les plus gravement atteints, qui ont besoin d'une scolarisation accompagnée à l'hôpital. Quant aux formes mineures, elles bénéficient particulièrement de deux formes de psychothérapie : la thérapie familiale et les TCC (thérapies cognitivo-comportementales). C'est qu'il y a urgence : à chaque crise, l'enfant déserte la classe et perd d'autant plus confiance qu'il a manqué de cours. «Les TCC lui donnent des outils pour affronter le quotidien», explique Gilles-Marie Valet. Responsabilisé par un véritable «contrat thérapeutique» avec son psy, réassuré progressivement grâce à des exercices à accomplir dans le cadre de l'école (aller parler à un élève qu'il ne connaît pas, poser une question en classe…), l'enfant lutte concrètement contre l'anxiété qui le clouait jusque-là. Mais Gilles-Marie Valet reconnaît que les périodes de retour de vacances restent des moments très sensibles : «À chaque longue coupure, l'enfant risque d'être repris par ses difficultés.» Aussi suggère-t-il aux parents de favoriser les loisirs d'apprentissage pendant les journées sans école : «Envoyer l'enfant chercher du pain pour lui apprendre à compter la monnaie, faire un herbier avec lui quand on part en week-end à la campagne sont autant de stratégies qui lui feront comprendre que les compétences, qui se traduisent toujours dans le concret, servent aussi à avoir une vie tranquille.» À notre époque où les troubles anxieux se nourrissent de l'angoisse de performance, ou «angoisse de résultat», il est vital de montrer aux enfants en difficulté qu'ils ne sont ni meilleurs ni moins bons que les autres, mais juste un peu plus stressés. Et que cela se soigne. Phobie scolaire : un trouble handicapant. Ce syndrome reconnu comme maladie toucherait 4 à 5% des élèves, dont 1% sous une forme extrême. La psychothérapie les aide à reprendre confiance. Par psychoenfants.fr le 14/09/2010 Au lendemain de la rentrée des classes, l’appréhension de rencontrer nouveaux copains et maîtresse est passée. Enfin, pour l’essentiel des élèves, car certains, touchés par la phobie scolaire, refusent de reprendre le chemin de l’école. Ce syndrome reconnu comme maladie toucherait 4 à 5% des élèves, dont 1% sous une forme extrême. La psychothérapie les aide à reprendre confiance. La phobie scolaire est un trouble anxieux entraînant le refus scolaire. Dans une société où les résultats et les performances priment, les psychologues accueillent dans leur cabinet de plus en plus d’enfants angoissés à l’idée d’aller à l’école. 4 à 5% des élèves, toutes classes confondues, souffriraient de cette maladie, mais surtout 1% d’entre eux seraient touché par une forme extrême. Cette phobie se manifeste par des maux physiques tels que des nausées, de violentes crises d’asthme ou de tétanie. À avoir trop crié au loup, les parents et professeurs n’y croient plus et confondent le cinéma des acteurs en herbe avec un réel refus scolaire ou des troubles anxieux. Ce n’est pas l’envie d’apprendre qui manque, mais la capacité à surmonter ses angoisses. À l’origine un traumatisme Il semblerait que cette phobie scolaire soit la conséquence d’un événement traumatisant. Viviane Chelli, présidente de l’association Phobie scolaire, constate que 80% des enfants atteints ont été victimes d’agressions physiques dans le cadre de l’école, élément déclencheur de cette anxiété. D’avis divergents, les experts proposent les angoisses de la séparation issue de la petite enfance. Le professeur Marcel Rufo, pédopsychiatre, constate que « cette pathologie se déclare souvent suite à un deuil survenu dans l’entourage de l’enfant. Celui-ci réagit alors comme s’il y avait une possibilité qu’en sortant de chez lui, ses parents et lui risquent de mourir. » * Recours à la psychothérapie Reconnue comme handicap, la phobie scolaire se soigne. Un service consacré aux cas extrêmes, entre autres à l’hôpital Robert Debré à Paris, propose une scolarisation à l’hôpital. La psychothérapie permet aux élèves atteints d’une forme légère de surmonter leurs angoisses. La thérapie familiale ou la TCC, thérapie cognitivocomportementale, aide ces enfants à reprendre confiance en eux. Un suivi permanent, y compris pendant les vacances, est nécessaire pour lutter contre ces troubles anxieux. L’école n’est pas le bagne. Ils ne sont pas plus mauvais seulement plus stressés que leurs camarades ! * La revue des Parents : la phobie scolaire, décembre 2002 Questions à Marie-France Le Heuzey, médecin spécialiste du service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital Robert Debré à Paris : 1. Comment expliquez vous ces troubles anxieux de refus scolaires ? Il existe autant d’explications que de cas particuliers. Le terme « phobie scolaire » est ambigu puisqu’il ne s’agit pas d’une peur de l’école à proprement parlé, mais de différents processus qui empêchent l’enfant de s’y rendre. Entre l’anxiété de la séparation avec les parents ou celle de la performance, entre l’agoraphobie ou la dépression, les raisons psychologiques sont multiples. Ce refus scolaire peut aussi s’expliquer par une agression physique, du racket à l’école ou sur le chemin. 2. Que peuvent faire les parents pour aider leurs enfants atteints de refus scolaires ? Puisque chaque cas est différent, chaque traitement sera également différent. Dès que les parents ont des doutes, ils doivent impérativement entamer le dialogue avec l’enfant mais aussi avec le corps enseignant. Pour toute angoisse psychologique comme la séparation ou la dépression, les thérapies comportementales avec l’aide d’un psychologue peuvent être organisées. Attention aux parents qui surprotègent leurs enfants et donnent une mauvaise image de l’école, mais également à ceux qui n’accordent que trop peu d’importance à ces appels à l’aide que sont les absences à répétition, les multiples mots d’absence ou les migraines et crises de tétanie. 3. Que peut faire l’école pour aider ces enfants ? L’école doit pouvoir aménager les horaires et l’accueil pour un meilleur suivi de l’enfant. Dans les cas les plus graves, pour une rescolarisation progressive, l’école est le partenaire prioritaire. À l’hôpital (Robert Debré à Paris), l’équipe enseignante interne au service prend en charge la transition et met en place un programme pour traiter ce refus scolaire. 4. Comment distinguer un réel refus scolaire d’un manque de motivation pour l’école ? La distinction est minime entre le refus et le manque de motivation. Faire l’école buissonnière une fois dans sa scolarité par provocation ou remise en cause de l’autorité n’est pas mentir ou faire grimper le thermomètre régulièrement pour fuir l’école. La fréquence prévient du danger de ce trouble anxieux. Avoir peur de l’école n’empêche pas d’avoir envie d’apprendre. Il y a vingt ans, les enfants anxieux regardaient la télévision pour s’occuper, aujourd’hui Internet est devenu un refuge où il n’est plus possible de s’ennuyer entre les réseaux sociaux et les jeux en ligne.