etude concernant les effets des aides d`etat sur la concurrence

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ROYAUME DU MAROC
LE PREMIER MINISTRE
LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE
ETUDE CONCERNANT LES EFFETS DES AIDES D’ETAT
SUR LA CONCURRENCE
Mohammed EL KHATTABI
Février 2012
1
Table des matières
INTRODUCTION .................................................................................................................................. 3
Partie I : Fondements et techniques d’évaluation................................................................................ 6
Chapitre I : Les fondements théoriques et les objectifs des aides d’Etat .......................................... 7
I. L’approche néoclassique orthodoxe : Les aides d’Etat comme instrument de correction des
défaillances du marché ............................................................................................................... 7
II.
Les aides d’Etat : un vecteur de la croissance économique................................................. 11
III.
Les aides d’Etat : un instrument de protection sociale et de préservation de
l’environnement et de la sécurité nationale .............................................................................. 15
IV.
Les risques de distorsion de la concurrence par les aides d’Etat et la nécessité de leur
contrôle .................................................................................................................................... 19
Chapitre II. L’encadrement juridique et institutionnel des aides d’Etat .......................................... 21
I.
Définitions ......................................................................................................................... 21
II.
Les différentes formes d’aides d’Etat : Typologie ............................................................... 23
III.
Les exceptions ............................................................................................................... 26
IV.
Difficultés de recensement ............................................................................................ 29
Chapitre III. Les outils techniques de contrôle des aides d’Etat ...................................................... 32
I.
Les aides déjà octroyées .................................................................................................... 32
II.
L’analyse économique ....................................................................................................... 37
III.
Principaux facteurs à risque sur la concurrence.............................................................. 37
Chapitre IV : Les aides d’Etat au Maroc et leur portée ................................................................... 44
I.
Le soubassement stratégique des aides d’Etat au Maroc ................................................... 45
II.
Les aides d’Etat octroyées dans le cadre budgétaire (2004 – 2006) .................................... 46
III.
Aides octroyées sous forme de dépenses fiscales........................................................... 48
IV.
Evaluation des risques de distorsion de la concurrence par secteur ............................... 49
Conclusions................................................................................................................................... 52
Recommandations ........................................................................................................................ 54
Annexe N° 1 : Quelques organismes chargés de l’octroi des aides d’Etat (extrait du rapport du
Ministère de l’Economie et des Finances)...................................................................................... 55
Annexe N° 2 .................................................................................................................................. 59
2
INTRODUCTION
Les aides d’Etat constituent un instrument d’intervention des gouvernements pour la
mise en œuvre des politiques publiques avec comme objectifs le soutien de l’effort
de croissance, la régulation des marchés en cas de défaillance ou le soutien aux
couches sociales défavorisées.
Le débat autour de la question des aides d’Etat se pose aujourd’hui avec une acuité
particulière compte tenu du contexte économique mondial marqué par une crise
profonde qui a affecté aussi bien les tissus productifs et les marchés que les
conditions sociales des populations. A cet égard, et en vue de faire face aux
retombées de la crise, des voix se sont manifestées pour défendre la nécessité du
recours aux aides d’Etat pour renouer avec la croissance économique et combler les
déficits sociaux engendrés par la crise. A l’opposé, d’autres voix mettent en garde
contre la tentation de recours à outrance aux aides d’Etat en mettant en exergue
leurs effets en termes de régression par rapport à la libéralisation des échanges, de
retour vers le protectionnisme et d’entrave au principe de libre concurrence au niveau
des marchés.
La place qu’occupent les autorités de la concurrence est centrale dans ce débat,
dans la mesure où elles sont généralement associées, de par le monde, à toute
décision d’attribution d’aides d’Etat à travers l’avis qu’elles sont amenées à émettre à
ce sujet. A cet égard, le rôle des autorités de la concurrence varie entre un pourvoir
consultatif, comme c’est le cas pour le Maroc, et un pouvoir d’approbation nécessaire
avant tout octroi de subventions ou d’aides d’Etat, comme c’est le cas du Royaume
Unis ou de la Commission Européenne.
Généralement, les autorités de la concurrence privilégient les principes de la
politique de la concurrence sur ceux de la politique industrielle, et sont réticentes à
toute intervention sur les mécanismes de fonctionnement concurrentiel des marchés,
sauf pour des cas bien précis justifiés par des raisons économiques ou sociales et à
3
condition que cette intervention soit limitée dans le temps, avec pour objectif le
rétablissement du libre jeu de la concurrence dans les marchés.
Naturellement, on ne peut interdire totalement aux gouvernements la possibilité de
recourir aux aides d’Etat qui peuvent se révéler parfois la solution la plus adéquate
pour faire face à des situations urgentes notamment en cas de crise économique
intense ou de tensions sociales nécessitant une intervention immédiate. Cependant,
le recours aux aides d’Etat doit se faire selon des critères qui encadrent leur
utilisation et empêchent l’utilisation systématique de cet instrument et sa
transformation en outil d’assistanat et de création de rentes.
Au Maroc, la question des aides d’Etat occupe une place centrale dans le débat
public, compte tenu des défis qui se posent pour le pays en termes de croissance
économique, de cohésion sociale et de compétitivité. Ces aides d’Etat prennent
différentes formes, notamment à travers la compensation de certains produits de
base, les politiques sectorielles et de mise à niveau du tissu productif et les aides
directes à certaines activités, d’où l’intérêt de dégager un outil d’évaluation de
l’impact de ces aides sur la concurrence.
En effet, les aides d’Etat au Maroc sont soumises à un contrôle à priori, prévu par
l’article 16 de la Loi 06-99 qui dispose que le Conseil de la Concurrence est
obligatoirement consulté par le Gouvernement sur tout projet de loi ou de texte
réglementaire instituant un régime nouveau ou modifiant un régime en vigueur ayant
pour effet (…) d'octroyer des aides de l'Etat.
La présente étude se propose de dégager les critères et méthodes d’évaluation des
effets concurrentiels et économiques des aides d’Etat au Maroc, tout en les
appliquant aux différents secteurs et activités bénéficiaires afin d’identifier les aides
qui présentent le plus de risque de distorsion de la concurrence.
4
Pour répondre à l’objectif qu’on s’est fixé, à travers cette étude, on présentera en un
premier lieu les fondements théoriques et les objectifs attendus à travers l’octroi des
aides d’Etat, ainsi que les risques de distorsion qu’elles peuvent apporter à la
concurrence. Un deuxième chapitre sera consacré aux outils d’évaluation et de
contrôle des aides d’Etat, et en dernier lieu on examinera la répartition des aides
d’Etat par secteur, au Maroc, en essayant d’identifier celles qui risquent de porter
atteinte à la concurrence et qui méritent de faire l’objet d’un examen approfondi.
5
Partie I : Fondements et techniques d’évaluation
6
Chapitre I : Les fondements théoriques et les objectifs des
aides d’Etat
Au niveau des fondements théoriques relatifs aux aides d’Etat on peut dégager deux
principaux courants dont la pensée s’inscrit dans le cadre de l’économie de marché.
Il s’agit, d’une part, de l’approche néoclassique orthodoxe qui ne tolère l’intervention
de l’Etat par le biais des aides publiques que dans une perspective de correction des
défaillances du marché, et d’autre part, des courants issus de rapprochement entre
la ligne de pensée keynésienne et néoclassique, et qui considèrent que l’Etat peut
agir sur les marchés au-delà des situations de défaillances pour l’atteinte d’objectifs
de croissance économique et d’amélioration de la compétitivité.
.
I.
Dans
L’approche néoclassique orthodoxe : Les aides d’Etat comme
instrument de correction des défaillances du marché
le
cadre
de
l’orthodoxie
néoclassique
les
marchés
s’autorégulent
spontanément, et par conséquent, l’intervention de l’Etat n’est concevable que dans
la mesure où elle a pour finalité de corriger certaines défaillances du marché en vue
de rétablir le libre fonctionnement du marché. Ces défaillances sont définies par les
défenseurs de la théorie orthodoxes néoclassiques, et concernent les cas de
rendements croissants, d’existence d’externalités, d’utilisation des biens publics,
d’asymétrie de l’information et la mobilité imparfaite des facteurs de production.
1. Les rendements croissants
Une production est dite à rendements croissants quand le coût moyen de production
diminue au fur et à mesure que la quantité produite augmente. Cette forme de
production qui peut résulter de l’existence d’économies d’échelle ou de coûts élevés
de R&D ainsi que de nécessité d’effort important pour la commercialisation pouvant
engendrer des situations de rentes naturelles ou technologiques.
Dans ce cas de figure, l’école néoclassique orthodoxe admet l’intervention de l’Etat
avec pour but d’éliminer la rente, en agissant soit dans le sens d’un prélèvement de
7
cette rente à travers la création d’un monopole d’Etat ou le recourt à des
concessions, ou bien en encourageant la concurrence en octroyant des aides aux
nouveaux entrants sur le marché.
Toutefois, le succès de telles stratégies repose sur l’information dont dispose l’Etat
qui lui permettrait de fixer des prix socialement optimaux 1, et de mettre en œuvre les
mécanismes nécessaires en vue de garantir la viabilité des nouveaux concurrents, à
long terme.
2. Les externalités
Les externalités correspondent, dans le cadre d’une relation non marchande, aux
effets indirects de l’activité d’un agent économique sur un autre. On parle
d’externalités positives, quand il s’agit d’effets indirects favorables à d’autres agents
économiques, sans que ceux-ci ne soient tenus d’y contribuer par un quelconque
paiement. De même, il existe des externalités dites négatives, lorsque des agents
économiques subissent des coûts additionnels engendrés indirectement, et sans
intention marchande, par l’activité d’un autre agent, sans qu’il ne soit possible de
prétendre à un dédommagement.
Il en découle, en l’absence de rémunération des eff ets indirects, que les biens à
externalités positives soient produits en quantité sous-optimale. En revanche, les
biens touchés par des externalités négatives sont produits en quantités excessives,
car leurs producteurs ne supportent pas une partie des coûts.
Dans ce cas, et en vue d’inciter les entreprises qui seraient découragées à engager
des investissements profitables à d’autres agents économiques, l’intervention de
l’Etat s’avère nécessaire, soit à travers la prise en charge des activités qui génèrent
des externalités positives ou en créant un marché relatif auxdites externalités 2. De
1
Théorème de Ramsay-Boiteux
Ce problème d’absence de valorisation des effets indirects peut être étendu aux cas de débordements
technologiques (spillovers) qui limitent l’appropriation des bénéfices liés à la détention d’un savoir. Dans le
régime de concurrence pure et parfaite, l’intérêt individuel des agents les conduit à harmoniser leurs activités
afin d’internaliser les externalités et d’éliminer la source d’inefficacité ou de non-rémunération 3. Ceci suppose
toutefois que l’information sur l’externalité soit disponible, qu’elle ne soit pas asymétrique et que tout agent
puisse potentiellement en être le bénéficiaire.
2
8
même, les pouvoirs publics ont la possibilité de réduire les externalités négatives, et
ce à travers une taxation des activités qui les génèrent.
3. Les biens publics
Un bien public est un bien ou un service qui est caractérisé par la non-exclusion et
par la non-rivalité, c'est-à-dire que l’usage de ce bien ne peut être limité à une
catégorie d’agents, et que sa consommation par un agent n’amoindrit pas celle dont
peuvent disposer les autres.
Les raisons avancées par le courant néoclassique orthodoxe pour justifier
l’intervention de l’Etat dans ce cas, se trouvent dans l’exigence d’assurer l’offre
nécessaire pour les utilisateurs ainsi que la garantie de prix accessibles pour les
différentes populations.
4. L’asymétrie d’information
La disponibilité de l’information est une condition fondamentale dans toute décision
stratégique d’un agent économique et constitue un élément favorisant la concurrence
dans les marchés, dans la mesure où elle pousse les agents économiques à
s’orienter vers la recherche d’avantages compétitifs s’appuyant sur l’innovation, la
créativité et la productivité plutôt que la détention d’information exclusive.
En effet, dans le cas de manque ou d’insuffisance de l’information, les conditions de
la concurrence sont biaisées et le risque de certains agents économiques non
détenteurs de l’information peut augmenter, ce qui est de nature à restreindre
l’activité dans certains marchés et conduire à un problème de rareté de certains
biens ou services, et par conséquent impacte le niveau des prix.
L’équilibre coopératif entre les agents résulte alors de la libre entrée dans l’activité (l’agent qui supporte
l’externalité peut prendre la place de celui qui la crée, renversant alors les positions respectives) ; à défaut, le
régulateur doit imposer, de façon coercitive, l’intégration ou la prise en compte des externalités.
9
Ces problèmes d’asymétrie d’information peuvent également entrainer une allocation
non optimale des ressources qui pourraient être orientées vers des activités moins
rentables et moins prometteuses en termes de croissance.
A cet égard, l’école néoclassique admet l’intervention de l’Etat en vue de préserver
les investisseurs et les épargnants contre les risques d’arnaques qui peuvent
provenir de certains dirigeants d’entreprises en donnant une fausse idée de la
situation de leurs entreprises. De même, et en vue d’éviter que certains marchés ne
soient contraints à n’offrir que les produits de basse qualité, les pouvoirs publics
peuvent mettre en place des systèmes de contrôle de qualité en vue de protéger les
droits des consommateurs et d’encourager les entreprises à devenir plus construire
leur compétitivité sur le progrès technique.
5. La mobilité imparfaite des facteurs de production
La mobilité imparfaite des facteurs de production découle généralement des rigidités
culturelles ou administratives ainsi que de certains phénomènes qui empêchent un
fonctionnement du libre jeu du marché tels que les conditions d’accès au marché 3 ou
les coûts et la disponibilité des facteurs de production. La mobilité imparfaite des
facteurs engendre l’absence ou le retard au niveau de l’ajustement des mécanismes
de fonctionnement du marché, ce qui occasionne des coûts économiques et sociaux
importants, notamment en termes de disparités entre régions.
Selon l’école néoclassique orthodoxe, le rôle des pouvoirs publics dans ce cas de
figure, est d’éliminer les différentes barrières d’accès au marché ainsi que la
préparation des conditions nécessaires à une mobilité parfaite des facteurs, tels que
la formation des ressources humaines nécessaires, la mise en place des
infrastructures, l’amélioration du climat des affaires et la facilitation de l’accès au
financement.
3
Il s’agit des barrières à l’entrée de quelque ordre que ce soit. Accès au financement, taille de l’investissement
nécessaire,
10
En conclusion, il convient de noter que l’école orthodoxe néoclassique limite
l’intervention de l’Etat, par le biais des aides publiques, aux situations nécessitant
l’encadrement du marché en vue de rétablir les mécanismes spontanés de son
fonctionnement. Toutefois, cette logique qui prône la primauté de la politique de la
concurrence porte le risque de transformer celle-ci en objectif au lieu d’un moyen, et
ce au détriment de la politique industrielle.
En effet, dans le cadre de l’orthodoxie néoclassique, la stratégie industrielle est
définie naturellement et implicitement par le libre jeu du marché. Toutefois, cette
approche suppose que le processus d’allocation concurrentiel est effectif à tous les
niveaux pour chaque marché ce qui est loin d’être le cas, notamment si on prend en
considération les stratégies suivies par chaque pays en matière de politique
industrielle et de politique de la concurrence.
II.
Les aides d’Etat : un vecteur de la croissance économique
Parallèlement à la théorie néoclassique orthodoxe, un autre courant 4, qui tout en
s’inscrivant dans le cadre de la logique de l’économie de marché, considère que
l’Etat peut agir sur les marchés, au-delà des situations de défaillances, pour l’atteinte
d’objectifs de croissance économique et d’amélioration de la compétitivité
internationale.
En effet, les principales théories qui s’inscrivent dans le cadre de ce courant, et qui
justifient le rôle des aides d’Etat dans le soutient de politiques économiques
volontaristes sont : la théorie de l’économie industrielle, les théories du commerce
international et la théorie de la croissance endogène.
4
Il s’agit principalement de théories qui s’inscrivent dans la même doctrine d’économie de marché, mais en
adoptant des hypothèses plus réalistes, telle que la concurrence imparfaite.
11
1. L’économie industrielle
Considérant que les conditions d’une concurrence pure et parfaite ne peuvent être
réalisée au niveau des marchés du fait de l’existence de disparités au niveau des
avantages compétitifs détenus par les agents économiques, les défenseurs de la
théorie de l’économie industrielle estiment que l’adoption de stratégies volontaristes
basées sur l’intervention de l’Etat s’avèrent nécessaires en vue de stimuler la
croissance et faire face aux comportements anticoncurrentiels 5 notamment les
ententes et les monopoles engendrant des prix élevés.
S’inspirant de la théorie néoclassique et le néokeynésianisme, la théorie de
l’économie industrielle considère que certaines activités, marquées des coûts fixes
très élevés, conduisent nécessairement à des situations monopolistiques et érigent
des barrières à l’entrées. Cette difficulté d’accès au marché s’exacerbe davantage
lorsque le monopoleur fixe ses prix à des niveaux suffisamment bas en vue de
dissuader les concurrents potentiels à faire leur entrée sur leur marché. Certes, selon
les tenants de la théorie de l’économie industrielle, admettent, que ce genre de
situation peut présenter des avantages pour l’utilisateur, en termes de coûts
d’acquisition des produits du monopoleur, cependant, ils considèrent que cette
situation reste tributaire du comportement du monopoleur qui peut adopter des
comportements purement opportunistes en termes de prix et de qualité des produits
et des services.
Pour remédier à ces dysfonctionnements, les tenants de la théorie de l’économie
industrielle préconisent la nécessité de l’intervention de l’Etat, notamment par le biais
d’aides publiques en vue de lever les barrières à l’entrée et rétablir la concurrenc e
avec comme objectif le renforcement de la compétitivité internationale du tissu
productif.
5
Les prémisses philosophiques de ces théories existaient déjà chez d’anciens auteurs tel que Thomas Hobbes
qui considère que l’état de nature est une sorte de guerre de tous contre tous et que l’Homme est un loup pour
l’Homme.
12
Parallèlement, les tenants de la théorie de l’économie industrielle fondent également
leur analyse sur le rôle de l’innovation dans la compétitivité des entreprises. C’est à
ce titre, que cette théorie prêche l’intervention de l’Etat entant qu’acteur dans
l’amélioration de la compétitivité des entreprises, en s’inspirant de l’expérience
japonaise où l’Etat a joué un rôle important, dans la coordination et le soutien des
industries choisies afin d’accroitre leur compétitivité,.
Cette intervention s’avère nécessaire, également, du fait de l’existence de certaines
caractéristiques au niveau des structures socioéconomiques entravant l’émergence
économique telles qu’une forte prépondérance des PME ou une capacité de
reconversion limitée du tissu productif vers des activités à forte valeur ajoutée.
Ainsi, les aides d’Etat dans le cadre de la théorie l’économie industrielle sont perçues
comme un outil destiné à favoriser les producteurs nationaux et orienté vers des
activités ou des projets considérés comme stratégiques, en termes de compétitivité
international.
2. La théorie du commerce international
En absence d’un régulateur de la concurrence au niveau international, les
économistes appartenant au courant de la théorie du commerce internationale
considèrent que les politiques économiques volontaristes menées par différents pays
dans le sens de l’amélioration de l’efficacité économique et du bien-être social,
soutenues par des aides d’Etat, deviennent des vecteurs de compétitivité. En outre,
ils considèrent que les engagements pris par les pays membres de l’OMC en matière
d’accès au marché international ont rendu difficile le recourt à l’augmentation des
droits de douanes en cas de distorsion de la concurrence. De ce fait, le recours aux
aides d’Etat devient dans plusieurs situations l’instrument fondamental de la politique
économique.
Par ailleurs, et pour favoriser l’entrée d’entreprises nationales sur le marché
international, les défenseur de la théorie du commerce international admettent
13
l’intervention des Etats notamment par le biais d’aides publiques pour encourager la
création de champions nationaux capables de s’arroger des parts de marché
importantes dans les secteurs stratégiques. A cette fin, ce courant encourage la
possibilité pour les Etats d’agir, par le biais des aides d’Etat, sur les aspects liés au
soutien de la
R&D, l’encouragement de l’intégration, la stimulation
des effets
d’apprentissage, et ce afin de permettre aux entreprises ciblées d’atteindre des
niveaux de taille et de compétitivité permettant de faire face à la concurrence
internationale.
De même, cette théorie qui est fondée sur le postulat de concurrence imparfaite,
considère que le climat des affaires et la structure de la demande jouent un rôle
important dans l’attraction des investissements directs étrangers. Ainsi, et faute de
pouvoir mener une politique de mise à niveau de l’économie, tout azimut, et sur
l’ensemble du territoire national, cette approche propose de constituer des pôles
industriels (zones industrielles, zones franches, etc) qui engendreraient, grâce aux
effets d’externalités et d’interactivité, des agglomérations plus attractives aux IDE.
Ces espaces géographiques gagneraient davantage par la spécialisation dans des
activités particulières, notamment celles caractérisées par des processus techniques
complexes.
3. La croissance endogène
La théorie de la croissance endogène considère que les entreprises et l’économie
peuvent s’inscrire dans une logique de rendements croissants dès lors que quatre
facteurs fondamentaux sont réunis. Il s’agit principalement des économies d’échelle,
de l’innovation (R&D), de la qualité des ressources humaines et l’intervention
judicieuse de l’Etat.
Cette théorie considère que si les avantages des économies d’échelle, de
l’innovation et de la connaissance ne sont plus à démontrer, la production de leurs
effets ne peut être toujours obtenue en s’appuyant uniquement sur la spontanéité du
libre jeu du marché. C’est pourquoi, cette théorie insiste sur l’intervention de l’Etat,
14
notamment à travers les aides à la R&D, la mise en place des infrastructures
nécessaires à la production et à la circulation des biens, des services, des personnes
et de l’information, ainsi que la formation des profils nécessaires pour atteindre une
productivité importante du capital humain.
Ainsi, à travers ces incitations, l’Etat peut créer les conditions d’une forte croissance
économique forte et durable, en instaurant un système basé sur l’innovation et la
créativité. De même, les systèmes d’aides d’Etat peuvent constituer un vecteur
d’encouragement de l’investissement et l’orientation des choix des investisseurs vers
des activités et des processus de production plus avantageux en termes de
rentabilité et de possibilités d’extension et de développement.
III.
Les aides d’Etat : un instrument de protection sociale et de
préservation de l’environnement et de la sécurité nationale
L’intervention des pouvoirs publics, par le biais d’aides d’Etat, ne repose pas
uniquement sur des arguments d’efficience économique et de compétitivité, elle peut
être justifiée par d’autres critères tels que le transfert de revenus à certains groupes
sociaux défavorisés ou par les obligations de service universel ou la protection de
l’environnement.
1. La redistribution des revenus
Les gouvernements sont souvent appelés à intervenir par l’intermédiaire des aides
d’Etat en vue de réaliser des objectifs d’équité dans des situations où des couches
sociales ne sont pas en mesure d’accéder à certains biens et services
fondamentaux.
L’intervention de l’Etat à ce niveau n’est pas uniquement fondée sur des raisons
d’ordre économique, mais également, et surtout sur des considérations sociales et
politiques. En effet, dans certains cas, le fonctionnement concurrentiel des marchés
engendre des niveaux de prix qui demeurent inaccessibles pour certaines couches
15
sociales à faible revenu et qui ne peuvent pas, par conséquent, avoir accès à des
biens et services fondamentaux, ce qui nécessite une intervention de l’Etat pour
procéder à une redistribution 6 des revenus en faveur de ces couches défavorisées 7.
De même, En vue d’éviter les tensions sociales ou éthniques qui seraient dues à une
mauvaise répartition des richesses selon les différentes régions du pays et une
concentration des activités économiques autour de certains pôles industrielles, les
pouvoirs publics interviennent pour réduire les disparités socioéconomiques entre les
différentes régions du pays et garantir une cohésion sociale. Ces disparités se
manifestent en termes de disponibilité des emplois, du niveau des salaires, des
infrastructures nécessaires et des opportunités d’affaires.
Le défi des pouvoirs publics consiste à aider les régions les plus défavorisées à
rattraper leur retard de développement en valorisant leur capital humain et leurs
richesses naturelles et en leur apportant l’appui nécessaire pour créer des activités
génératrices de fortes valeurs ajoutées, en vue de les aider à s’insérer activement
dans le marché intérieur, mais aussi de les accompagner dans une démarche qui
vise le marché international.
2. La protection de l’environnement et développement durable
Afin de protéger les différentes ressources naturelles contre toute dégradation
préjudiciable due à leur surexploitation, les pouvoir publics veillent à assurer un
développement durable en ayant recours à une série de mesures dont les aides
d’Etat, notamment dans le domaine de l’agriculture en vue de rationnaliser l’utilisation
de l’eau, de l’énergie ou des ressources halieutiques par exemple. Des aides d’Etat
sont également prévues pour encourager les biens qui sont produits dans des
conditions de respect de l’environnement tels que les produits biologiques.
6
Cette action peut avoir non seulement des retombées positives en matière de cohésion sociale, mais
également en terme économique du fait de la stimulation de la demande.
7
Les besoins les plus fondamentaux représentent habituellement une part non négligeable du budget des
ménages pauvres. Comme de nombreux pays considèrent que l’accès à ces services est un droit, les
gouvernements adoptent souvent des politiques qui fixent leurs prix à un niveau trop bas.
16
3. La sécurité nationale et gestion des crises
Les pouvoirs publics ont également pour mission de garantir la sécurité alimentaire
des citoyens, qui ne concerne pas uniquement l’approvisionnement nécessaire
correspondant au besoin de la population, mais prend également en considération le
risque de dépendance vis-à-vis des conditions de production et de commercialisation
des produits sur le marché international qui pourraient être affectées par des
catastrophes naturelles ou des considérations politiques 8.
Dans ce cas, les gouvernements interviennent pour maintenir un certain niveau de
production en dépit du gap de compétitivité par rapport au niveau international.
3.1 La sécurité énergétique
Etant donné que l’énergie constitue un élément fondamental dans la compétitivité de
l’économie et du fait de la rareté de cette ressources d’une part, et des perturbations
que connait sa production et sa commercialisation sur le marché international d’autre
part, les pouvoirs publics recourent aux subventions afin de mettre le pays à l’abri
d’une supposée crise énergétique en investissant dans le développement d’énergies
renouvelables qui demeurent encore plus couteuse que le pétrole.
Les pouvoir publics recourent également à la subvention de l’énergie en vue
d’assurer une compétitivité de leurs économies face à des pays qui en disposent
abondamment et qui la mettent à la disposition de leurs industries à de meilleurs prix.
3.2 Le caractère multifonctionnel de l’agriculture
L’appui à l’agriculture ne tient pas uniquement au fait qu’elle contribue à la sécurité
alimentaire, mais également pour d’autres considérations, notamment la préservation
d’une biodiversité, la gestion durable des ressources naturelles renouvelables et la
8
Ainsi la subvention de la production alimentaire est justifiée par le fait que le maintien des capacités de
production nationales permet de se prémunir contre les crises.
17
préservation de l’activité socioéconomique des zones rurales et des paysages 9
contre le fléau d’immigration par le maintien des emplois et des revenus dans ces
régions10.
3.3 La gestion des crises
Les gouvernements ont également pour mission d’intervenir dans les cas de crise ou
de catastrophes naturelles affectant une activité particulière afin de sauvegarder les
emplois, et en particulier les compétences nécessaires à la continuité du secteur
contre une migration vers d’autres industries, ce qui se traduirait naturellement par
une disparition de l’activité en question. Cette situation peut également conduire à
des tensions sociales si ledit secteur constitue un pilier de l’économie national.
4. La politique culturelle
Du fait que les activités culturelles ne sont pas toujours rentables, et étant donné le
souci de préserver le patrimoine culturel des différents peuples et leurs identités et
leurs valeurs sociales, les gouvernements recourent fréquemment à des instruments
d’appui au produits culturels, notamment par le biais des subventions.
A ce titre, plusieurs activités peuvent être subventionnées notamment les productions
cinématographiques, musicales, littéraires, etc.
9
« La complémentarité implique, par exemple, qu’un beau paysage est un sous‑produit de l’activité agricole et
n’existerait pas sans elle. La défaillance du marché peut être due au fait que le paysage est une sorte de bien
public, présentant les caractéristiques de non‑rivalité dans la consommation et de non‑exclusivité. La
défaillance du marché est due à ce que la personne qui cultive la terre ne peut pas s’approprier la totalité des
droits de propriété sur le paysage. Dans ces conditions, il peut être justifié que les pouvoirs publics
subventionnent l’activité agricole pour accroître la production de ce bien public ». OMC, rapport sur les
subventions, 2006.
10
les objectifs déclarés par les pouvoirs publics à ce titre sont le maintien des revenus agricoles et de l’emploi
dans les régions les plus défavorisées, la protection de l’environnement et la préservation du paysage rural, la
lutte contre l’érosion, le développement de l’agriculture extensive, l’aide aux zones écologiquement sensibles,
le soutien et la protection de l’agriculture biologique, la conservation des ressources génétiques, la sécurité
alimentaire, et la création de systèmes agroécologiques. OMC ; Comité de l’agriculture ; document n°
G/AG/N/EEC /30.
18
IV.
Les risques de distorsion de la concurrence par les aides
d’Etat et la nécessité de leur contrôle
Certes les aides d’Etat peuvent s’avérer nécessaires, dans certains cas, pour
l’atteinte d’objectifs liés à la compétitivité économique, à l’émergence industrielle ou à
la protection de certaines couches sociales défavorisées, il n’en demeure pas moins
qu’elles présentent un risque important de distorsion de la concurrence sur les
marchés concernés. Cette distorsion de la concurrence peut prendre différentes
formes. Il s’agit en particulier de :
–
l’amélioration artificielle de la position concurrentielle de certains agents
économiques, voire la survie artificielle de firmes dont la viabilité économique
n’est pas assurée.
–
Le détournement de l’aide par certains bénéficiaires qui peuvent effectuer en
interne un transfert de l’aide accordée au titre de certains régimes
dérogatoires
vers
d’autres
activités
concurrentielles
(mécanisme
de
subventions croisées);
–
la distorsion de l’allocation des ressources entre produits, qui peut conduire à
une surproduction et à une surconsommation des produits subventionnés par
rapport à l’équilibre concurrentiel;
–
la création de disparités entre espaces territoriaux, notamment dans le cas de
mise en place de pôle de croissance profitant à certaines régions au détriment
d’autres;
–
l’accentuation des déficits budgétaires et la génération de rentes et
renforcement de l’esprit d’assistanat ;
–
le renforcement des groupes de pression conduisant à la captation
d’organismes sensés les réguler, surtout dans le cas où le secteur est
monopolistique ce qui est susceptible de conduire à un gaspillage de
ressources;
–
l’exploitation par les décideurs publics des aides d’Etat à des fins politiques et
la relégation de l’intérêt au second plan
19
–
la difficulté de réalisation d’une efficience des aides publiques en raison de la
nécessité d’une une information micro-économique très fine sans laquelle
l’intervention du régulateur peut avoir des effets négatifs sur le bien-être
social;
–
en l’absence de mesures fixant des normes minimales de qualité, les
subventions récompensant de la même façon les entreprises réputées et les
entreprises peu scrupuleuses ne constituent pas une incitation efficace à
produire des produits de meilleure qualité.
Compte tenu de ce qui précède, et en raison des difficultés de mise en application
des aides d’Etat, les économies à tendance libérale privilégient le libre jeu du
marché, et insistent sur la mise en place de structures indépendantes chargées du
contrôle des aides d’Etat. Généralement, cette mission est confiée aux autorités de la
concurrence, qui veillent, en principe, sur la primauté de la politique de la
concurrence par rapport aux autres considérations de politique économique et ce, en
vue de retenir uniquement les aides d’Etat qui présentent les conditions d’efficacité et
d’efficience requises.
20
Chapitre II. L’encadrement juridique et institutionnel des
aides d’Etat
Le contrôle des aides d’Etat exige, que cette mission soit encadrée par un dispositif
législatif et réglementaire qui désigne, d’une part, les institutions chargées du
contrôle et, d’autre part, en précisant la notion des aides d’Etat et leur typologie afin
de fixer les conditions de recensement des aides par les instances qui auraient été
désignées d’accomplir cette mission et ce, afin de permettre au Conseil de la
Concurrence de disposer de l’information pertinente nécessaire à l’analyse des aides
d’Etat.
I.
Définitions
La difficulté de cerner une définition de l’aide aux entreprises résulte soit d’une quasiabsence de définition comme aux États-Unis d’Amérique soit de l’existence de
plusieurs définitions comme pour le cas de l’Allemagne. Ces différences d’approche
découlent des objectifs de chaque pays et de chaque institution, de la perception du
rôle et de l’utilité des aides d’Etat dans le développement économique et social, ainsi
que des problèmes de recensement des aides.
Concernant le cas du Maroc, il est important de signaler qu’il n’existe pas de
définition des aides d’Etat dans le droit marocain. Toutefois, du fait que les
dispositions des accords bilatéraux et multilatéraux que notre pays a signé avec ses
partenaires commerciaux s’imposent en droit marocain, il serait important de les
présenter.
A ce titre, les principales définitions qui seraient intéressantes à examiner seraient
celles établies par l’OMC et l’Union Européenne. Tout d’abord, en raison de leur
caractère normatif 11 qui oblige le Maroc à notifier les aides publiques destinées aux
11
Une définition sans caractère normatif de l’OCDE : Pour l’OCDE, les aides publiques à l’industrie sont
définies comme suit : « mesures spécifiques de soutien financier direct et indirect appliquées par une
administration centrale ou infra-nationale en faveur de l’industrie manufacturière et se traduisant par un coût
net pour l’État».
Les aides publiques à la R & D et à l’innovation industrielle (ou technologique) couvrent deux types d’aides :
21
entreprises à ces deux instances, mais également du fait que les accords signés
avec les autres partenaires font référence à ses définitions.
Par ailleurs, l’accord de libre échange signé avec les Etats-Unis d’Amérique renvoi
aux règles de l’OMC concernant les subventions tandis que l’Accord avec la Turquie,
par exemple, s’appui sur l’approche de l’Union Européenne, étant donné que le
Maroc et la Turquie appartiennent tous les deux à l’espace euro-méditerranéen et
sont animés par un souci et une volonté de rapprochement des législations.
1. Définition de l’OMC
Dans le cadre de l’accord sur les subventions et les mesures compensatoires, la
définition de la subvention comporte trois caractéristiques :
–
c’est une contribution financière ;
–
elle est allouée par les pouvoirs publics ou par tout organisme public du
ressort territorial d’un État membre ;
–
elle confère un avantage.
Une subvention ne sera visée par l’accord SMC que si elle est spécifiquement
accordée à une entreprise, à une branche de production ou encore à un groupe
d’entreprises ou de branches.
En outre, sont prohibées les subventions ciblées en faveur de produits d’exportation
ou de produits utilisant des intrants d’origine nationale.
–
–
directes : elles sont mesurables car elles assurent un transfert financier d’un budget public à une
entreprise, sans aucune forme d’équivalence. Elles concernent les mesures de financement direct en
faveur des activités de R & D industrielle ;
indirectes : elles représentent une dépense publique qui dégage un service ou un bien équivalent.
22
2. Définition de l’Union européenne
« Une aide d’État est une forme d’intervention étatique utilisée pour promouvoir une
activité économique déterminée (…). Les différents éléments qui réglementent une
aide :
« Sauf dérogations …., sont incompatibles avec le Marché commun, dans la mesure
où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les
États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit, qui
faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines
entreprises ou certaines productions ».
En somme, une aide d’État est une forme d’intervention étatique utilisée pour
promouvoir une activité économique déterminée. L’octroi d’une aide d’État a pour
conséquence que certains secteurs ou activités économiques bénéficient d’un
traitement plus favorable que d’autres et fausse donc le jeu de la concurrence en
opérant une discrimination entre les entreprises qui bénéficient d’une aide et celles
qui n’en bénéficient pas.
Toutefois, dans la pratique, ces différentes définitions ont donné lieu à de
nombreuses interprétations qui constituent une jurisprudence en matière des aides
d’Etat, en particulier en ce qui concerne l’identification des actions qui ne font pas
partie des aides d’Etat et qui constituent des exceptions.
II.
Les différentes formes d’aides d’Etat : Typologie
L’avantage que l’État offre à l’entreprise peut prendre n’importe quelle forme
affectant la rentabilité de l’entreprise, comme une réduction du coût des intrants, une
diminution du coût de production, une amélioration de la qualité, un relèvement du
prix ou une augmentation de la demande. Ci-après, quelques formes que peut
prendre l’aide d’Etat :

Paiements de transferts directs à des firmes et paiements à des firmes
subordonnés à l’augmentation ou à la réduction de certains extrants ou
23
intrants, tels que les paiements subordonnés à l’augmentation de la
production, à l’accroissement de l’emploi ou à la réduction de la pollution ;

Prêts garantis par l’État ou prêts consentis par l’État à des taux d’intérêt
inférieurs aux taux du marché, ou prêts consentis par l’État sous réserve qu’en
cas de défaut de remboursement l’État n’exercerait pas (ou ne pourrait pas
exercer) ses droits à faire déclarer l’insolvabilité du débiteur ;

Injections de capitaux dans des firmes à des conditions que n’accepterait pas
un investisseur privé ;

Prêts consentis par des banques privées qui sont tenues par l’État d’accorder
certains types de prêts, que ces banques bénéficient ou non du soutien de
l’État en cas de défaillance ;

Achat par le gouvernement de biens et services à des prix supérieurs à ceux
du marché, ou obligation pour d’autres firmes ou personnes d’acheter des
biens et services à des prix supérieurs à ceux du marché ;

Fourniture par le gouvernement de biens et services à des prix inférieurs à
ceux du marché (y compris la vente d’actifs ou d’entreprises à des prix
inférieurs à leur valeur marchande et toutes les formes d’aides non
financières), ou obligation pour d’autres firmes ou personnes de fournir des
biens et services à des prix inférieurs à ceux du marché ;

Dans le cas des entreprises publiques, non-obligation d’obtenir des résultats
financiers correspondant au montant des capitaux investis ;

Traitement fiscal spécial ou préférentiel (y compris l’octroi d’exonérations
fiscales, de crédits d’impôt, de déductions fiscales, de réductions spéciales
des taux d’imposition, de différés d’impôt, d’exonérations temporaires ou
d’accumulation d’impôts impayés).
24
Le tableau ci-dessous retrace la nomenclature de l’Union Européenne relative aux
aides d’Etat :
Catégories
Aide budgétaire
Allégement fiscal
A - Aide intégralement
A1 - Subventions, bonifications
Crédits d’impôt,
transférée au bénéficiaire
d’intérêts obtenus directement
abattements
par le bénéficiaire
fiscaux, réduction des
cotisations sociales,
mesures équivalentes
à des subventions, etc.
B - Prise de participation
B1 - Prise de participation sous toutes ses
formes (y compris conversion de dette)
C - Intérêt économisé par
C1 - Prêt à taux réduit, prêts
le bénéficiaire pendant la
participatifs, avances
mise à disposition du
remboursables
C2 - Report d’impôt
capital transféré
D - Garanties
D1 - Garanties : montant couvert par des
régimes de garanties ;
pertes en découlant, déduction
faite des primes versées
25
III.
Les exceptions
La notion d’aide d’État ne peut être appliquée à toutes les mesures publiques de
soutien qui créent une différence entre les entreprises, du fait que certaines
conditions peuvent être justifiées par des différences objectives. On présentera ciaprès quelques situations posant un problème de qualification d’aide d’Etat.
1. Aides d’Etat ou mesure publique de soutien
Pour déterminer si une mesure constitue une aide d’État, il convient de distinguer la
situation dans laquelle le soutien est destiné à certaines entreprises ou certaines
productions, et celle où les mesures en question sont destinées à favoriser
l’économie dans son ensemble. Dans le second cas, il n’y a pas aide d’État.
Il y a donc lieu de distinguer entre les mesures d’aide d’État des mesures de soutien
économique générales. La plupart des mesures fiscales de portée nationale sont
considérées comme des mesures générales car elles sont généralement applicables
à toutes les entreprises de tous les secteurs d’activité.
La distinction n’est cependant pas toujours très nette. Par exemple, le fait que
certaines entreprises puissent bénéficier plus que d’autres d’une mesure ne signifie
pas nécessairement que la mesure est sélective 12.
D’autre part, la mesure est considérée comme sélective si elle n’est applicable qu’à
un ou certains secteurs d’activité, indépendamment du fait qu’elle couvre un grand
nombre d’entreprises ou que les secteurs concernés soient particulièrement divers.
De même, une mesure réservée à certaines entreprises est considérée comme
sélective même si le nombre de sociétés bénéficiant de l’aide est limité sur la base
12
La Commission européenne a décidé qu’une mesure fiscale néerlandaise mise en ouvre
sous forme d’amortissement partiellement accéléré en faveur des laboratoires de R&D ne
constituait pas une aide d’État.
26
de critères sélectifs. Un régime peut également être sélectif si les autorités qui
l’administrent jouissent d’un certain pouvoir discrétionnaire.
A partir de ce qui précède, il convient d’avoir à l’esprit la distinction entre les mesures
d’aide d’État et les mesures de soutien économique générales pour interpréter
certaines des données et de se référer à la jurisprudence internationale en la
matière.
2. Services d’intérêt général
La difficulté de qualification d’une mesure étatique comme étant une aide d’Etat
survient dans les cas des services d’intérêt général. Dans ce cas, il est légitime que
les entreprises en charge de tels missions doivent pouvoir disposer des ressources
nécessaires à leur bon fonctionnement, et que dans un certain nombre de cas, des
soutiens financiers publics peuvent s’avérer nécessaires.
Toutefois, l’autorité de la concurrence devrait veiller à ce que le montant de ces
soutiens financiers n’excède pas ce qui est nécessaire à l’accomplissement de la
mission de service public, et que les ressources mises à disposition ne soient pas en
fait indûment utilisées pour financer des activités sur d’autres marchés ouverts à la
concurrence.
L’exemple le plus reprit dans les analyses de ce type d’intervention étatique est le
cas Altmark qui consiste en quatre conditions qui doivent être réunies pour que ce
type d’action puisse échapper à la qualification d’aide d’Etat, il s’agit de :

L’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution
d’obligations de service public, et ces obligations doivent être clairement
définies ;

Les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent
être préalablement établis, de façon objective et transparente, afin d’éviter
qu’elle comporte un avantage économique susceptible de favoriser l’entreprise
bénéficiaire par rapport à des entreprises concurrentes ;
27

La compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout
ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service
public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice
raisonnable ;

Lorsque le choix de l’entreprise chargée de l’exécution d’obligations de service
public, dans un cas concret, n’est pas effectué dans le cadre d’une procédure
de marché public permettant de sélectionner le candidat capable de fournir
ces services au moindre coût pour la collectivité, le niveau de la compensation
nécessaire doit être déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une
entreprise moyenne bien gérée et adéquatement équipée aurait encourus
pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi
que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations.
Ceci dit, on comprend qu’il s’agit d’établir un arbitrage entre d’une part, la nécessité
d’assurer le financement des services d’intérêt général, et d’autre part la nécessité
d’éviter des distorsions de concurrence non justifiées.
3. Principe de l’investisseur en économie de marché
En vue d’opérer une distinction entre les transferts financiers versés par les pouvoirs
publics à une firme qui faussent la concurrence de ceux qui ne la faussent pas, il est
considéré qu’un transfert financier versé à une entreprise affecte la concurrence
lorsque le coût assumé par l’entreprise n’est pas immédiatement et directement
proportionné au bénéfice que cette entreprise en retire en échange.
Dans le cas portant sur des transactions concernant des biens marchands il est
relativement facile d’examiner l’existence d’une entrave à la concurrence en
analysant les niveaux des prix par lesquels les pouvoir publics s’approvisionnent ou
achètent les marchandises par rapport aux prix du marché. Cependant, quand il
s’agit de placements financiers, l’analyse doit prendre en considération le principe de
l’investisseur en économie de marché selon lequel un placement financier effectué
par le gouvernement est subventionné dans le cas où un investisseur privé
hypothétique n’aurait pas investi aux mêmes conditions.
28
Ce principe peut également être appliqué à toute transaction. En effet, une
transaction donne lieu à une subvention si un investisseur privé n’aurait pas réalisé
la transaction dans les mêmes circonstances.
IV.
Difficultés de recensement
L’ambiguïté au niveau de la qualification d’une mesure entant qu’aide d’Etat, la
multiplicité des intervenants et des formes d’aides d’Etat, a rendu difficile
l’établissement d’une méthodologie pour le recensement et l’évaluation des
différentes mesures étatiques d’appui à l’entreprise.
Aussi, et à défaut d’une définition rigoureuse, les aides d’Etat ne peuvent être
appréciées qu’au cas par cas en vue d’examiner l’existence d’une défaillance de
marché qui justifie l’octroi de l’aide et les éventuels facteurs qui l’empêcherait
d’atteindre l’objectif tracé par les pouvoirs publics.
Il ya lieu de signaler, qu’en vue de disposer d’une meilleure connaissance des aides
d’Etat et l’évaluation des éventuelles distorsions qu’elles peuvent avoir sur la
concurrence, il est tout d’abord nécessaire de mettre en place un dispositif de
recensement. La réalisation de cette action devrait commencer par l’amélioration de
la coordination entre les différents intervenants.
Par ailleurs, et à la lumière des expériences des autres pays qui constituent les
meilleures pratiques en la matière, il est nécessaire de mettre en place une base de
données qui renseignent sur les indicateurs nécessaires à l’examen des aides. A ce
titre, l’expérience des Pays-Bas se présente comme la plus adéquate à l’analyse
concurrentielle tandis que d’autres expériences comme celles de l’Allemagne ou de
l’Italie sont plutôt adressées à l’intention des demandeurs de subventions. Elles
renseignent sur les types de projets aidés, les modalités d’aide, les entreprises
éligibles, les organismes auxquels il convient de s’adresser. Cependant, il n’y a pas
d’information sur les dotations en crédits des programmes.
29
En tout état de cause, l’analyse des aides d’Etat requiert la mise au point d’outils
statistiques visant à améliorer la transparence, et des dispositions prévoyant la
présentation de rapports et de statistiques, notamment par des procédures de
contrôle et de suivi.
V.
Institutions chargées du contrôle
Le souci de contrôle des aides d’Etat varie d’un pays à l’autre. Si des pays comme le
Danemark, la Pologne ou la Grande Bretagne accordent une attention particulière au
contrôle des aides d’Etat, on trouve d’un autre côté des pays comme des Etats-Unis
ou le droit de la concurrence ne dit rien à propos des aides publiques distribuées par
les différents niveaux de la décision publique, ni de son éventuel contrôle. Dans ce
cas de figure, les pouvoirs publics disposent d’une grande liberté pour encourager
l’économie et apporter des aides aux projets les plus variés.
Dans les cas où le pays désigne l’autorité chargée de suivre et de contrôler les aides
d'Etat, l'objectif est de faire en sorte que l'autorité chargée du contrôle des aides
d'Etat exerce sa
mission de manière indépendante. Généralement, c’est les
autorités de la concurrence qui jouissent de l’indépendance et qui sont chargées du
contrôle des aides d’Etat, étant donné, également, que l’aspect concurrentiel est le
principal objet examiné lors du contrôle. Quant à la collecte de l’information et
l’évaluation de l’atteinte des objectifs fixés à travers les aides d’Etat ces missions
demeurent celles des pouvoir législatif et exécutif (à travers les ministères de
finances)
Au Maroc, les aides d’Etat sont soumis à un contrôle, à priori, prévu par l’article 16
de la Loi 06-99 qui dispose que le Conseil de la concurrence est obligatoirement
consulté par le Gouvernement sur tout projet de loi ou de texte réglementaire
instituant un régime nouveau ou modifiant un régime en vigueur ayant pour effet (…)
d'octroyer des aides de l'Etat ou des collectivités locales. Toutefois, à part une
demande d’avis provenant du Premier Ministre concernant les produits dont les prix
30
sont réglementés, le Conseil de la Concurrence n’a reçu à ce jour aucune demande
d’avis sur les aides octroyées par les pouvoir publics.
31
Chapitre III. Les outils techniques de contrôle des aides d’Etat
Le rôle que devrait jouer une autorité de la concurrence consiste à identifier l’objectif
de l’aide d’Etat afin d’examiner son incidence sur la concurrence et sur l’économie en
général, et de faire des arbitrages compte tenu de l’intérêt collectif, des performances
économiques qui en résultent et des distorsions de la concurrence qu’elles créent.
L’autorité de la concurrence doit également examiner s’il n’existent pas d’autres
moyens et instruments plus efficaces pour atteindre les objectifs des politiques
publiques établies, qui présenteraient moins de risque d’affecter la concurrence.
La réalisation de ces objectifs requiert la mise en place d’un cadre juridique fixant les
conditions (recensement, bases de données), les objectifs et les instances chargées
du contrôle, ainsi que l’élaboration d’un outil permettant l’évaluation des aides d’Etat.
L’objet de ce chapitre est de présenter les instruments, les critères et la
méthodologie à suivre à l’occasion de l’examen d’une aide d’Etat. Une distinction est
opérée entre l’analyse relative aux aides d’Etat déjà octroyées et celles qui
constituent encore un projet.
I.
Les aides déjà octroyées
L’objectif de cette section est de présenter les outils qui peuvent être utilisés par une
autorité de la concurrence en vue d’examiner les décisions ayant pour objet l’octroi
d’aides d’Etat. Cet examen, tend généralement à évaluer l’impact de ces aides sur la
concurrence dans les marchés concernés, tout en établissant une analyse
économique destinée à vérifier si les effets économique engendrés par ces aides
sont suffisamment important pour justifier les distorsions à la concurrence
engendrées.
L’analyse doit également permettre de vérifier s’il n’existe pas d’autres alternatives
équivalentes aux mécanismes d’aides d’Etat, et si ces aides contribuent réellement à
l’amélioration de la compétitivité des entreprises et au bien-être du consommateur.
32
Ainsi, il ne faut pas permettre que des mesures étatiques créent ou renforcent un
pouvoir de marché ou facilitent son exercice. Le pouvoir de marché d’une entreprise
est sa capacité à maintenir de manière profitable des prix au dessus des niveaux
concurrentiels pendant une période de temps significative.
En vue de mener une analyse concurrentielle, il est nécessaire de définir le marché
et d’estimer l’évolution du niveau de concentration d’un secteur donné. Pour ce faire,
les autorités de la concurrence utilisent des indices permettant de mesurer les
changements survenus au niveau de la structure du marché et du pouvoir des
entreprises.
L’examen de la structure du marché consiste en générale en l’identification du
nombre
d’entreprises,
de
la
concentration
de
l’industrie,
des
conditions
technologiques et de la structure des coûts, des conditions de la demande et du
niveau des barrières à l’entrée et à la sortie.
1. Le marché pertinent
Le marché pertinent est le lieu sur lequel se rencontrent l'offre et la demande pour
des produits ou services similaires ou substituables en raison des caractéristiques
des produits, de leurs prix et de leur usage habituel.la substituabilité s’apprécie
également par la zone géographique de disponibilité du produit.
Le marché pertinent géographique comprend les zones dans lesquelles les
conditions de concurrence entre les entreprises sont suffisamment homogènes et qui
peuvent être distinguées des zones voisines par des différences sensibles des
conditions de concurrence.
L’analyse du marché pertinent peut également prendre en compte la substitution
d’offre qui est la décision d'une entreprise fabriquant des produits voisins mais non
substituables de modifier, sans coût important, sa production pour se mettre à
fabriquer des produits substituts.
33
La délimitation du marché pertinent est l'une des étapes principales des procédures
de concurrence. Elle consiste à identifier les entreprises qui se concurrencent sur le
marché et à déterminer les parts de marché de chacune d’elle. Les données sur les
parts de marché et la concentration du marché fournissent le point de départ de
l’analyse de l’impact concurrentiel des aides d’Etat.
2. Les indices de structure et de performance
En vue d’analyser la structure du marché et son évolution ainsi que le risque de
distorsion de la concurrence que pourrait engendrer une mesure étatique d’aide, on
recourt généralement à certains indices qui permettent de mesurer le degré de
concentration sur un marché et d’évaluer le pouvoir de marché des entreprises et
l’éventualité de leur accentuation suite à l’octroi d’une aide.
2.1.
Ratio de concentration à 4 entreprises (CR4) : CR4 = w1 + w2 + w3+ w4
Cet indice consiste en la somme des parts des quatre plus grandes entreprises dans
le chiffre d’affaire total réalisé par une industrie. Certaines autorités de la
concurrence, comme la Federal Trade Commission (FTC), ne se limitent pas aux
quatre plus grandes entreprises en prenant en considération les six ou huit
entreprises.
2.2.
2.2 Indice de Herfindahl-Hirschman : IHH =
n
2
i=1(Pi )
Cet indice détermine le niveau de concentration sur un marché. En principe, quand
cet indice est inférieur à 1000, ce qui est équivalent à une structure du marché
caractérisée par l’existence de 10 entreprises de même taille, il est improbable
qu’une aide publique produise des effets concurrentiels défavorables.
Quand cet indice est compris entre 1000 et 1800 le marché est considéré comme
modérément concentré. Dans ce cas si la mesure entraine une augmentation
34
supplémentaire de plus de 100 points elle peut engendrer des effets négatifs sur la
concurrence.
Si l’indice et supérieur à 1800, les mesures qui entrainent un accroissement du
niveau de la concentration de plus de 50 points sont jugées susceptibles de renforcer
le pouvoir de marché.
Généralement, les autorités de la concurrence estiment le danger de l’évolution dans
la structure du marché conformément à la représentation ci-dessous :
IHH
10000
OK
Danger
Danger
OK
Danger
Danger
1800
OK
OK
Danger
1000
OK
OK
OK
50
100
ΔIHH
2.3.
Indice de Lerner L = (P - Cm) / P
Cet indice mesure la différence entre prix et coût marginal. L’indice varie entre 0 et 1.
Quand P = Cm, l’indice Lerner est égal à zéro, ce qui signifie que l’entreprise ne
dispose pas d’un pouvoir de marché important. En revanche, lorsque l’indice Lerner
est proche de 1, ceci signifie que la concurrence au niveau du prix est faible et que
l’entreprise étudiée dispose d’un pouvoir de marché important.
L’indice de Lerner est également perçu comme une mesure indirecte de l’élasticité
prix de la demande à laquelle les entreprises font face, étant donné que
(p-Cm)/p = - 1/ où : représente l'élasticité prix de la demande.
Quand l’entreprise se trouve dans un environnement concurrentiel, elle fixe le prix à
hauteur de son coût marginal. L’indice de Lerner dans ce cas est égal à 0. Par
ailleurs, quand la demande n’est pas élastique au prix le pouvoir de marché de
35
l’entreprise se renforce ce qui lui permet de fixer des prix plus élevés par rapport au
coût marginal.
En pratique, sachant bien que les données relatives au coût marginal de production
sont rarement disponibles, on utilise les informations relatives au coût variable
moyen de production.
2.4.
L’indice de mark-up : 1 / 1 - L
L’indice de mark-up est un indicateur du pouvoir de marché qui renseigne sur le taux
de majoration du prix par rapport au coût marginal de production. Plus la valeur de
l’indice markup est élevé plus le pouvoir de marché de l’entreprises concernée est
important.
Quand l’’indice Lerner est égal à zero (L = 0), le facteur de markup = 1 et P = Cm.
quand l’indice de Lerner est par exemple à 0.20 (L = 0.20) le facteur de markup est
égal à 1,25 ce qui signifie que la firme peut établir un prix qui est de 1,25 fois le coût
marginal.
2.5.
L’indice Rothschild : R = ET / EF .
Cet indice permet d’évaluer les conditions de la demande sur le marché à travers la
mesure de l’élasticité de la demande de l’industrie par rapport à c elle d’une
entreprise. L’indice Rothschild varie entre 0 dans le cas d’une industrie à plusieurs
entreprises, à produits peu différenciés et 1 dans le cas d’un monopole.
ET = élasticité de la demande pour le marché.
EF = élasticité de la demande pour une entreprise particulière.
36
II.
L’analyse économique
L’analyse économique consiste à mettre en exergue les avantages économiques et
sociaux de la mesure d’aide prise par l’Etat. Il s’agit en effet, de procéder à une
présentation les résultats positifs en termes d’emploi, de compétitivité de l’industrie,
de création de champions nationaux, de participation dans le rétablissement des
équilibres macroéconomiques, ou de résultats positifs au niveau social tels que la
diminution de la pauvreté ou l’accès aux services fondamentaux.
En général, quand les résultats économiques sont suffisamment positifs que ce soit
en termes de bien-être du consommateur ou de compétitivité des entreprises, les
atteintes à la concurrence peuvent être tolérées.
III.
Principaux facteurs à risque sur la concurrence
Ce chapitre comprend les facteurs qui présentent des risques sérieux de distorsion
de la concurrence. Ces facteurs peuvent être inhérents d’une part à la conception de
l’aide d’Etat et, d’autre part, aux caractéristiques du marché.
En effet, la conception de l’aide d’Etat et le fonctionnement du marché peuvent
donner une indication sur l’ampleur du risque qu’elle présente par rapport au bon
fonctionnement de la concurrence sur un marché.
Ainsi, le montant de l’aide, les modalités de son paiement, ou la concentration d’un
marché peuvent être très déterminants dans l’intensité de l’effet de l’aide d’Etat sur la
concurrence.
En vue de prévenir le risque d’une aide d’Etat sur la concurrence, il existe un certain
nombre de facteurs à examiner lors de sa conception.
Bien évidemment, ces
facteurs ne constituent pas un recensement exhaustif de tous les critères qui
constituent un risque de distorsion de la concurrence. Il s’agit en effet, des facteurs
37
qui peuvent avoir un effet négatif important sur la concurrence, et qui sont les plus
faciles à identifier et à analyser 13.
1. Montant de l’aide d’Etat
Le niveau du montant de l’aide en termes absolu ou relatif, par rapport au coût de
l’activité subventionnée est un facteur important pour la prévision de l’effet sur la
concurrence. En effet, l’importance d’une subvention se mesure par référence aux
coûts de l’activité subventionnée 14.
Aussi, Il est évident qu’une aide d’Etat qui ne constitue qu’une part dérisoire dans les
coûts d’une entreprise n’aura pas les mêmes effets qu’une subvention qui
représenterait une somme considérable par rapport aux coûts de ladite l’entreprise,
car, il se répercutera sans doute sur son comportement :

En augmentant ses marges ou,

En baissant ses prix.
A ce titre, il est à préciser qu’une aide d’Etat qui aurait pour effet l’affectation du coût
marginal de l’entreprise bénéficiaire aura très probablement une incidence sur la
stratégie des prix 15.
Ainsi, l’examen des effets d’une aide sur la concurrence soit prendre en
considération le coût marginal de l’entreprise bénéficiaire puisqu’il il est fort probable
que l’entreprise répercute l’aide sur sa stratégie de production et sa politique des
prix, et par conséquent, les entreprises concurrentes seraient affectées.
13
Le choix des facteurs est limité à ceux qui ont une incidence sur les prix et la rentabilité.
COMMISSION EUROPÉENNE, Direction Générale de la politique régionale, « Guide du financement sur
capitaux à risque dans la politique régionale », Octobre 2002.
14
15
Journal officiel, Commission européenne, document n° 2004R0794— FR —14.04.2008— 003.001— 21,
« Régles Horizontales ».
38
Ainsi, en fixant un prix inférieur et en augmentant la production, l’entreprise
subventionnée pourrait augmenter ses parts de marché au détriment des entreprises
non subventionnées.
La prise en considération du coût marginal est intéressante dans la mesure où il
donne une indication sur la capacité d’une entreprise à répercuter l’aide reçue sur le
niveau de production et sur les prix. Par exemple, si une entreprise qui utilise toute
sa capacité de production décide de produire des unités supplémentaires, le coût
marginal de ces unités serait, sans doute, important car elle doit investir dans de
nouvelles installations et matériel de production. La situation est différente pour une
entreprise qui n’utilise qu’une partie de sa capacité de production, car la décision
d’accroitre la production dans ce cas ne nécessite pas autant d’effort que dans la
première situation. Bien entendu, l’effet sur le niveau de la production et les prix n’est
pas le même selon la situation de l’entreprise16.
Toutefois, dans la pratique, il peut s’avérer que les coûts marginaux soient difficiles à
mesurer. De ce fait, Il est recommandé, afin d’évaluer le risque, de recourir aux coûts
variables 17, et de déterminer si les coûts variables sont affectées à la baisse en
fonction d’une décision d’augmentation de la production.
Par ailleurs, l’importance du montant de l’aide peut également avoir un effet sur la
décision d’entrée ou de sortie du marché. En effet, si l’aide est conçue de telle sorte
qu’elle évite à l’entreprise des coûts à l’occasion de son entrée sur le marché, sa
décision de débuter l’activité sera jugée comme étant rentable. Toutefois, le degré de
l’effet qu’aurait l’aide sur la concurrence sera différente, selon que les coûts affectés
soit fixes ou variables.
Si l’aide affecte les coûts fixes, son impact n’est pas nécessairement négatif du fait
que les coûts fixes n’ont relativement pas une grande influence sur les prix
16
Office of Fair Trading « Public subsidies », November 2004
17
Le critère souvent utilisé est le coût variable moyen (CVM) qui est équivalant au coût variable divisé par la
quantité produite. Toutefois, le CVM n’est égal au coût marginal que quand ce dernier est constant à tous les
niveaux de la production.
39
comparativement aux coûts variables. Et de ce fait, l’aide aura plus tendance à
augmenter l’opportunité de la décision d'entrée sur le marché et encourager la
concurrence. Cependant, une fois que l’entreprise s’installe dans un marché, le fait
de continuer à la subventionner pourrait porter atteinte à la concurrence.
Toutefois, quand il s’agit pour l’Etat d’apporter un appui à l’entreprise au niveau des
coûts variables, cette mesure peut avoir des effets tant au niveau de la stratégie des
prix que sur les décisions d’entrée et de sortie du marché. En effet, si l’aide au
niveau des coûts variables est fixée au-delà des niveaux nécessaires pour provoquer
l'entrée, elle peut avoir des effets négatifs sur la concurrence de telle sorte que :

Les entreprises bénéficiaires pourraient, après avoir récupéré une partie des
coûts grâce à l’aide d’Etat, choisir de quitter le marché si elles jugent que
l’activité n’est pas assez rentable. L’aide doit donc être conçue de façon à
amener l’entreprise bénéficiaire à rester sur le marché ;

L’aide peut encourager les entreprises déficientes à rester sur le marché, et
de ce fait décourager les entreprises performantes à fournir davantage d’effort
pour accroitre leur compétitivité ;

Enfin, une aide d’un montant important visant les coûts variables peut
encourager un afflux plus que nécessaire à un marché particulier, et
décourager les investissements dans d’autres secteurs.
2. R & D et qualité des produits
En rendant un investissement en R & D rentable, une subvention destinée à la R & D
peut fausser la concurrence. En effet, une aide qui serait plus importante que le
montant nécessaire pour inciter l’entreprise à entreprendre des investissements en R
& D peut tout simplement entrainer une augmentation de la rentabilité de l’entreprise.
40
Il est également à signaler, que l’ampleur de l’effet d’une aide destinée à encour ager
la R & D dépend du fait que la R & D constitue l’activité principale de l’entreprise ou
si ce n’est qu’un outil pour améliorer son activité.
3. Effet de la taille de l’entreprise
L’effet sur la concurrence peut être important dans le cas des aides destinées aux
grandes entreprises. En effet, l’appui apporté aux grandes entreprises peut renforcer
davantage leur position sur le marché ou leur pouvoir de marché, et par conséquent
augmente le risque d’évincement des petites entreprises concurrentes. Ce risque
potentiel peut être accentué davantage si la subvention prend en charge une partie
des coûts variables d’une grande entreprise.
Dans ce cas, on peut même assister à la sortie des petites entreprises déjà en
activité sur le marché. Toutefois, cette analyse doit être atténuée par la prise en
compte, lors de l’examen de l’aide, du degré de concentration du marché et surtout
du degré de diversification.
4. Modalité d’octroi de l’aide
Les modalités d’octroi de l’aide peuvent jouer un rôle important dans le degré de
distorsion de la concurrence. Ainsi, l’effet d’une aide qui serait octroyée
intégralement est très probablement plus important qu’une aide répartie en plusieurs
tranches.
En effet, une aide importante qui est versée d’un seul coup peut créer un choc sur le
marché, car elle peut avoir un effet immédiat si elle a pour conséquence une baisse
des prix à des niveaux insupportables par les concurrents. Par contre, si les aides
sont réparties en plusieurs tranches, les entreprises concurrentes ont une chance
pour opérer des ajustements en réaction à des chocs de moindre ampleur.
Par ailleurs, s’il existe des contraintes de capacités et que, par conséquent, les
bénéficiaires ne peuvent pas facilement accroitre leur production au-delà de
41
certaines limites, malgré l’aide octroyée, les subventions versées auront des effets
négatifs, notamment sur les niveaux de prix, constituant ainsi des barrières à l’entrée
de nouvelles entreprises ou sera tout simplement transformée en rente indue pour
les bénéficiaires 18.
18
A cet égard il est nécessaire de prendre en considération le fonctionnement des marchés de
capitaux. Dans le cas où ceux-ci fonctionnent parfaitement, les entreprises concurrentes peuvent
recourir à un financement de leur activité en vue de répondre aux chocs intervenus suite à la
subvention en particulier si les baisses sont de petites magnitudes.
Toutefois, quand les marchés de capitaux ne fonctionnent pas parfaitement, les entreprises qui se
situeraient en difficulté en raison de l’aide versée à leurs concurrentes subiront des contraintes de
crédit. Ainsi, elles pourraient être forcées de quitter le marché du fait qu’elles n’arriveraient pas à
couvrir leurs pertes.
42
En définitive, et en vue de récapituler les différents critères utilisés par les autorités
de la concurrence pour identifier l’existence d’un risque de distorsion de la
concurrence, résultant d’aides d’Etat, le tableau ci-après, retrace synthétiquement
l’essentiel de ces critères, ainsi que leurs effets sur la concurrence :
Principaux
Effet sur la concurrence
critères
d’évaluation
Sélectivité
Une aide octroyée uniquement à un petit nombre d’entreprises sur le marché
augmente le risque de distorsion.
Taille de
Sur un marché où les tailles des entreprises sont asymétriques et les produits
l’entreprise
homogènes
la subvention des
petites
entreprises
peut renforcer la
concurrence sur le marché alors que la subvention des grandes entreprises
peut entrainer la sortie des petites entreprises du marché.
Une aide octroyée à une grande entreprise risque de renforcer davantage sa
position sur le marché et réduire la concurrence.
concentration et
Les effets sur la concurrence sont susceptibles d'être plus importants sur un
différenciation
marché caractérisé par une forte concentration et des produits similaires.
du produit
Montant de l’aide
Des aides réduisant de manière significative les coûts de l’entreprise peuvent
entrainer une baisse anormale des prix.
Modalités de
Les effets sur la concurrence sont accentuées quand les transferts se font
paiement
d’un seul coup. Les chocs peuvent être mieux absorbés lorsque les transferts
se font sur plusieurs étapes.
Durée
Les aides qui ne sont pas limitées dans le temps présentent de grands risques
de se transformer en rentes.
Maintien d’un
Si les aides d’Etat ayant pour objet d’encourager l’entrée des entreprises sur
nombre
un marché peuvent renforcer la concurrence, le souci d’empêcher les
important
entreprises de quitter le marché
d’entreprises sur
pourrait décourager les entreprises
efficientes à investir en maintenant les entreprises inefficientes par les aides
le marché
d’Etat.
Barrières à
L’octroi d’aides à des entreprises opérant sur un marché caractérisé par de
l’entrée
fortes barrières à l'entrée rend l’accès à ce marché plus difficile après la
subvention.
43
Chapitre IV : Les aides d’Etat au Maroc et leur portée
L’objet de cette partie est de retracer la situation des aides d’Etat au Maroc. Il s’agit,
de ventiler les aides d’Etat octroyées par objectif et par secteur en vue d’identifier les
secteurs qui ont bénéficié le plus de cet instrument ainsi que les éléments qui
pourraient constituer des distorsions à la concurrence et qui mériteraient une analyse
plus approfondie.
L’analyse portera en premier lieu sur le soubassement stratégique de cet instrument
dans la politique des pouvoirs publics au Maroc. Un second point est consacré à la
présentation des principaux objectifs déclarés par le Gouvernement en matière
d’octroi des aides d’Etat par secteur d’activité. En troisième lieu, en présentera les
aides budgétaires ventilés par secteur d’activité. Le quatrième point concerne les
dépenses fiscales par secteur et enfin on examinera dans en dernier lieu les secteurs
qui méritent une analyse approfondie à la lumière des instruments d’analyse des
aides d’Etat susmentionnés.
Il est à souligner que les chiffres disponibles en matière d’aides d’Etat, qui ont été
mis à la disposition du Conseil de la Concurrence par le Ministère de l’Economie et
des Finances ne portent que sur la période 2002 à 2006.
44
I.
Le soubassement stratégique des aides d’Etat au Maroc
Les objectifs déclarés par le Gouvernement en matière d’utilisation des aides d’Etat
comme instrument de sa politique peuvent être synthétisé comme suit :
1. Considérations économiques
 Réduire le coût des Facteurs
 Mobiliser l'Epargne
 Réduire le coût du Financement
 Encourager les Exportations
 Développer le secteur Agricole
 Développer le secteur Minier
2. Considérations sociales
 Faciliter l'accès au logement
 Soutenir le Pouvoir d'Achat
 Promouvoir la Santé
 Développer les Zones Défavorisées
 Encourager l'Enseignement
 Promouvoir la Culture et les Loisirs
Ainsi, la politique du Gouvernement à travers les aides d’Etat vise à atteindre des
objectifs de croissance économique à travers la stimulation de l’investissement et
l’amélioration de la compétitivité ainsi que l’amélioration de l’accès des couches les
plus défavorisés aux produits et services de base en vue d’améliorer leur bien être.
45
A ce stade d’analyse, il est difficile de juger des éventuels risques de ces aides en
matière de distorsion de la concurrence, puisqu’il n’existe pas d’indications
concernant la manière dont bénéficient les entreprises ainsi que les individus
appartenant aux couches défavorisés de ces aides.
II.
Les aides d’Etat octroyées dans le cadre budgétaire
(2004 – 2006)
Aides budgétaires par secteur
(Chiffres en milliards de DH)
Parts
Déblocages
Secteurs
Année 2004
Année 2005
Année 2006
Total des déblocages
Tourisme
488,80
547,31
557,60
1 593,71
4%
Agriculture
558,50
659,10
801,00
2 018,60
5%
4 132,52
1 997,70
2 231,60
Industrie
512,05
21,35
0,00
533,40
1%
Artisanat
0,00
0,00
0,00
0,00
0%
Nouvelles
technologies de
l'information et de la
communication
0,00
0,00
0,00
0,00
0%
Enseignement privé
0,00
0,00
0,00
0,00
0%
Promotion de
l'emploi
0,00
0,00
95,00
95,00
0%
7 610,00
11 708,00
12 086,00
31 404,00 71%
13 301,87
14 933,46
15 771,20
44 006,53 100%
Habitat
Compensation
TOTAL GENERAL
8 361,82 19%
Source : Ministère de l’Economie et des Finances, Direction du Budget
46
A partir du tableau ci-dessus, on constate que les aides d’Etat sont caractérisées par
une forte concentration. Ainsi, les aides destinées à la compensation constituent
71% des aides budgétaires globales octroyées entre 2004 et 2006. Le secteur de
l’habitat a accaparé 19% du montant global des aides budgétaires suivi des secteurs
de l’agriculture et du tourisme.
A première vue, on pourraient considérer que les aides concernant la compensation
ne pose pas de problèmes en termes de concurrence puisqu’il s’agit d’un objectif
social, toutefois, du fait que ces aides ne sont pas octroyées directement au
consommateur ces aides méritent un examen approfondi par le Conseil de la
Concurrence, d’abord en raison du volume important qu’il constitue dans les aides
budgétaires globales, et du fait, également, que ces aides transitent par des
entreprises avant que le consommateur final n’en puisse bénéficier.
Par ailleurs, le secteur qui mériterait une attention particulière en termes d’analyse
concurrentielle, à ce niveau, est le secteur de l’habitat 19 qui accapare 19% des aides
budgétaires totales. Ci-après, un graphique retraçant les principaux secteurs
bénéficiaires des aides d’Etat en termes de parts dans le volume global des aides.
Industrie
1%
Tourisme
4%
Agriculture
5%
Habitat
19%
(66% HC)
Compensatio
n
71%
Source : Ministère de l’Economie et des Finances, Direction du budget
19
Il est à signaler que les aides octroyées à ce secteur ont soulevé des débats important au niveau de la
chambre des représentant ainsi que dans les médias et ce, notamment quant à leurs effets sur la concurrence
dans le secteur.
47
III.
Aides octroyées sous forme de dépenses fiscales
Principales dépenses fiscales par secteur
(2005 - 2010)
30 000
25 000
20 000
15 000
10 000
5 000
0
Source : Rapports sur les dépenses fiscales, Ministère de l’Economie et des Finances
Le graphique, ci-dessus, et le tableau joint en annexe 2, montrent que les cinq
premiers secteurs accaparent plus de 50% des dépenses fiscales totales sur la
période 2005 à 2010. Il s’agit de, l’activité immobilière (16,3%),
l’agriculture et
pêche (12,3%), les industries alimentaires (8,7%), la prévoyance sociale (8,3%) et
les services publics (7,7%).
De ce fait, on constate, une fois de plus, que les activités immobilières bénéficient de
la plus grande part des aides d’Etat sous formes de dépenses fiscales. A cet ef fet, et
compte tenu du fait que des exonérations fiscales, concernant ce secteur, visent
particulièrement les grandes entreprises immobilières qui réalisent un effectif de
48
logements supérieur à 500 unités, ce secteur devrait constituer une priorité en
matière d’analyse des effets des aides d’Etat sur la concurrence.
IV.
Evaluation des risques de distorsion de la concurrence par
secteur
1. Les principaux objectifs des aides d’Etat par secteur bénéficiaire
Secteur du Tourisme :





Promotion de l’investissement
Rénovation des unités hôtelières
La promotion de la destination Maroc
Formation professionnelle
Mobilisation du foncier
Secteur de l’agriculture :






Contribution à l’achat d’équipements agricoles
Financement des actions de valorisation de la production agricole
La promotion de l'exportation des produits agricoles
Le programme de soutien au financement du secteur agricole
Le programme d’assurance contre les effets de la sécheresse
Le partenariat Public-Privé dans le secteur de l'irrigation
Secteur de l’habitat :




Développement de l’Habitat social
L’appui des ménages pour l’accès à la propriété (Ristourne
d’intérêt ; les Fonds de garantie FOGARIM & FOGALOGEPUBLIC ; les mesures de soutien de la Fondation Mohamed VI de
Promotion des œuvres sociales de l’Education-Formation)
Restructuration des Organismes Publics de l’Habitat (OPH)
Mobilisation du foncier
Secteur de l'industrie:



Promotion des exportations
Promotion de l’Investissement
Appui à la restructuration des entreprises en difficultés
49
Formation
infrastructures
Agriculture
√
Tourisme
√
√
√
√
Industrie
√
√
√
√
Habitat
√
Artisanat
√
Nouvelles
technologies
de
l’information
√
Enseignement
privé
√
√
√
√
√
√
√
√
√
√
√
√
√
Compensation
50
Considérations sociales
conseil participations aux salons et foires
√
développement de certaines régions
capital risque
recherche et développement
protection de l’environnement
Emploi et & performances économiques
lorsqu’elles sont accompagnées d’un plan de
restructuration
petites et moyennes entreprises sur une
période limitée dans le temps
calamités naturelles ou autres événements
extraordinaires




octroyées aux consommateurs
assurer un service public
accordées à toutes les entreprises
secteurs

Réduction du Coût des facteurs (baisse du prix de l’énergie
électrique et la prise en charge d’une partie des charges sociales)
Artisanat
Promotion
Etudes et appui
Formation
Infrastructures
2. Evaluation des risques de distorsion de la concurrence par secteur
√
√
√
Compte tenu des dispositions des conventions relatives à l’octroi des aides d’Etat
pour certaines activités, et à la lumière de la jurisprudence internationale, notamment
européenne, en matière des facteurs qui présentent le moins de risque de distorsion
de la concurrence, le tableau ci-dessus, donne une indication préliminaire sur le
niveau de risque de distorsion de la concurrence des aides octroyées.
Les activités présentant le plus de risque (le moins de critères pouvant faire
l’objet
d’exemptions)
sont
la
compensation,
le
secteur
de
l’habitat
et
l’enseignement privé.
A partir de ce qui précède, il est à souligner, tout d’abord, que compte tenu de la
multiplicité des intervenants 20 et de l’absence d’un pouvoir d’enquête du Conseil de
la Concurrence, le Ministère de l’Economie et des Finances reste la principale source
d’information en matière des aides d’Etat. Cependant, le Ministère de l’Economie et
des Finances n’a pas effectué de recensement des aides d’Etat depuis son dernier
rapport datant de l’année 2006.
De même, Il est à signaler, que le Ministère de l’Economie et des Finances est
l’institution la plus à même d’effectuer le recensement des aides d’Etat, compte tenu
à la fois de sa mission de pourvoyeur de fonds et de ses attributions en matière
d’audit des dépenses publiques.
A ce titre, il serait judicieux de mettre en place un cadre juridique rendant obligatoire
la production d’un rapport annuel sur les aides d’Etat, ainsi qu’un cadre
réglementaire fixant la nature des informations pertinentes nécessaires à une
analyse concurrentielle, qui devraient être collectées et mise à la disposition du
Conseil de la Concurrence.
Par ailleurs, l’analyse effectuée au niveau de ce chapitre donne une première
indication sur les risques probables de distorsion de la concurrence qui seraient
induits par les aides d’Etat octroyées à la compensation et au secteur de l’habitat.
Ces deux activités devraient constituer des priorités en matière d’examen des aides
d’Etat par le Conseil de la Concurrence.
20
Voir un extrait du rapport des Ministère de l’Economie et des Finances (qui n’a pas été rendu public), qui
retrace les différents intervenants en matière d’aides d’Etat et par la même occasion les objectifs de chaque
intervenant en matière d’octroi des aides d’Etat.
51
Conclusions
D’une manière générale, est considérée comme une aide d’Etat tout transfert
de l’Etat ou tout autre organisme public, à des entreprises, sous quelque forme
que ce soit.
Les aides d’Etat peuvent s’avérer comme un instrument efficace à plusieurs égards,
notamment pour :

Pallier à certaines imperfections de marché ;

Mettre en place des activités productives qui n’arrivent pas à se développer
automatiquement ;

Améliorer les conditions sociales des couches défavorisées ;

Accroitre la compétitivité des entreprises.
Toutefois, et compte tenu de leurs effets sur la concurrence et du risque de leur
transformation en rentes indues, il s’avère nécessaire de les soumettre à un contrôle
destiné à examiner leur impact économique et concurrentiel. Cette mission, incombe
aux autorités de la concurrence qui veillent au respect des règles de la concurrence
dans les marchés et n’admettent des distorsions à cet égard que dans des cas
justifiés par des raisons économiques ou sociales ou des considérations liées à des
situations d’urgence où la seule alternative qui s’offre consiste en l’intervention par le
biais des aides d’Etat.
A cette fin, les autorités de la concurrence utilisent des outils d’évaluation des risques
de distorsion de la concurrence qui peuvent être entrainés par les aides d’Etat. Cette
étude présente les critères d’évaluation à prendre en considération pour l’évaluation
des aides d’Etat aussi bien par les pouvoirs publics à l’occasion de la conception de
projet d’aide d’Etat ou par le Conseil de la Concurrence lorsqu’il est consulté à ce
sujet.
Par ailleurs, concernant le Maroc, il a été constaté à travers cette étude, l’inexistence
d’un cadre juridique propre aux aides d’Etat définissant les différentes catégories
d’aides publiques, ainsi que les modalités de leur attribution et de leur contrôle. De
52
même, la législation marocaine ne fournit aucune indication sur les aspects pouvant
qualifier certains types aides d’exemptions, au regard de leurs effets sur la
concurrence telles que les aides octroyées à toutes les entreprises ou celles qui sont
octroyées directement aux consommateurs.
A cet égard, il convient de relever que la seule disposition législative traitant de la
question des aides d’Etat est celle contenue au niveau de l’article 16 de la Loi 06-99
qui prévoit que le Conseil de la concurrence est obligatoirement consulté par le
Gouvernement sur tout projet de loi ou de texte réglementaire instituant un régime
nouveau ou modifiant un régime en vigueur ayant pour effet (…) d'octroyer des aides
de l'Etat ou des collectivités locales. Toutefois, à part une demande d’avis provenant
du Premier Ministre concernant les produits dont les prix sont réglementés, le
Conseil de la Concurrence n’a reçu, à ce jour, aucune demande d’avis sur les aides
octroyées par les pouvoirs publics.
Dans le même sens, il convient de préciser qu’il n’existe pas de dispositif législatif et
réglementaire précisant les modalités de recensement des aides publiques ni
d’obligation de présentation d’un bilan annuel de ces aides fournissant l’information
nécessaire à une analyse concurrentielle et économique. Ce besoin de données sur
les aides d’Etat s’est ressenti fortement lors de la préparation de cette étude, étant
donné que le dernier rapport établi, à cet égard, par le Ministère de l’Economie et
des Finances, remonte à l’année 2006 et n’a pas été de surcroit rendu public.
Par ailleurs, cette étude nous a permit, grâce aux outils d’évaluation susmentionnés,
d’identifier, les aides sectorielles présentant le plus de risque de distorsion de la
concurrence, et jouissant de la plus grande part de subventions attribuées. Il s’agit,
en premier lieu, des aides à la compensation, et en deuxième lieu, des aides
attribuées au secteur de l’habitat.
53
Recommandations
Au vu des conclusions susmentionnées, il est recommandé de :
1. Diffuser l’outil d’analyse des aides d’Etat auprès des décideurs
publics, intervenant dans le processus d’octroi des aides, afin de
prendre en considération les critères qui constituent un risque de
distorsion de la concurrence lors de la confection de ces aides ;
2. Mettre en place un cadre juridique propre aux aides d’Etat,
définissant les différentes catégories d’aides publiques, les
modalités de leur attribution et de leur contrôle ainsi que les
aspects
permettant
de
qualifier
certains
types
d’aides
d’exemptions ;
3. Mettre en place un cadre réglementaire relatif à la publication
annuelle des aides octroyées par les pouvoirs publics, en
spécifiant la nature des informations qui doivent être collectées lors
du recensement des aides afin de constituer des bases de
données contenant les informations nécessaires à l’établissement
d’une analyse économique et concurrentielle ;
4. Instituer l’obligation de consultation du Conseil de la Concurrence
concernant tout projet d’octroi d’aides d’Etat ;
5. Analyser en profondeur la situation concurrentielle dans les
secteurs concernés par les aides allouées à la compensation et
celle su secteur de l’habitat.
54
Annexe N° 1 : Quelques organismes chargés de l’octroi des aides
d’Etat (extrait du rapport du Ministère de l’Economie et des Finances)
Fonds Hassan II pour le développement économique et social:
L’objectif visé par la mise en place de cette institution est d’insuffler un surcroît
de dynamisme aux investissements publics et privés. La relance de l’investissement
dans les secteurs porteurs.
Les critères retenus pour l’éligibilité des programmes et projets aux
financements du Fonds Hassan II se résument comme suit :
-
exercer un effet de levier important de l’investissement dans des secteurs
stratégiques ;
favoriser la création et la préservation de l’emploi ;
promouvoir le partenariat entre les secteurs public et privé ;
générer des ressources propres à même d’assurer la pérennité du Fonds ;
contribuer au développement économique et social du pays.
Les principaux programmes éligibles au financement du Fonds Hassan II
sont:
- l’habitat social ;
- les
d’irrigation ;
infrastructures
autoroutière,
routière,
portuaire,
ferroviaire
et
- la promotion sociale, culturelle et sportive ;
- les structures d’accueil industriel et touristique ;
- la promotion de l’emploi.
Fonds de Promotion des Investissements:
Ce compte d’affectation spéciale a été créé en 1999 en application de la
charte d’investissement. Il vise à contribuer à la promotion des activités économiques
et la création de l’emploi à travers la prise en charge :
o des dépenses relatives à l’acquisition du terrain nécessaire à la réalisation du
programme d’investissement concerné dans la limite de 20% du coût dudit terrain ;
o des dépenses relatives à la réalisation des infrastructures externes à hauteur
de 5% du montant global du programme d’investissement ;
o des frais de la formation professionnelle prévue par le programme
d’investissement dans la limite de 20% du coût de cette formation.
55
Les contributions dudit fonds peuvent être accordées dans la limite de 5% du
coût global du programme concerné. Dans le cas où le programme est prévu dans
une zone suburbaine ou rurale ou concerne l’amont du textile ledit taux peut
atteindre 10%.
Pour bénéficier des contributions dudit fond, le programme concerné doit
répondre à l'un des critères d’éligibilité suivants :
o Investir un montant égal ou supérieur à 200 MDH;
o Créer un nombre d’emplois stables égal ou supérieur à 200 ;
o Assurer un transfert technologique ;
o Etre réalisé dans l’une des provinces ou préfectures mentionnées dans le
décret n° 2-98-520 du 30 juin 1998 pris en application de l’article 4 de la loi n° 24-86
instituant l’impôt sur les sociétés et de l’article 11bis de la loi 17-89 relative à l’impôt
général sur le revenu.
Fonds de Développement Agricole:
Le Fonds de Développement Agricole (FDA), créé en 1986, constitue le
support comptable des différentes aides budgétaires accordées par l’Etat en
application des dispositions du Code des Investissements Agricoles promulgué en
1969. Il a pour objet de :
-soutenir le développement du secteur agricole dans un contexte
d’ouverture et de libéralisation des échanges ;
-contribuer à l’amélioration du financement des investissements
agricoles par le couplage desdites aides avec le crédit agricole ;
-adapter les encouragements financiers de l’Etat aux options retenues
pour le développement du secteur agricole ; et
-simplifier les procédures d’octroi des aides en question.
Dans ce cadre, ledit fonds dont les ressources sont constituées de subventions
budgétaires, de prélèvement à l’importation de certains produits alimentaires et de
prélèvement sur la taxe intérieure de consommation applicable aux produits
pétroliers accorde:
-
des aides aux agriculteurs sous forme de subventions et de primes
allouées pour le compte de l’Etat par le CAM sur la base de dossiers
présentés par les agriculteurs concernés. Ces aides sont, soit, accordées
après la réalisation des investissements, soit versées aux fournisseurs
notamment pour l’achat de tracteurs et de plants fruitiers qui les
déduisent du prix de vente ;
56
-
des contributions pour le financement des programmes de
développement et de réhabilitation des périmètres irrigués, de réparation
des dégâts des crues et de lutte antiacridienne ;
des contributions au système de garantie de la production céréalière
contre la sécheresse.
-
Les bénéficiaires de l’aide financière de l’Etat dans le cadre du fonds précité
sont les exploitants agricoles propriétaires de leur terrain ou locataires des
exploitations agricoles ainsi que les coopératives et les groupements agricoles dotés
de la personnalité morale.
2-4. Les Fonds de Mise à Niveau et de Garantie:

Produits destinés aux entreprises
o Création
 Damane Créa
 Fonds d'appui à l'Auto-Emploi "MOUKAWALATI"
 Fonds de promotion de l'enseignement privé "FOPEP"
o Développement
 Damane Dév
 Fonds de promotion de l'enseignement privé "FOPEP
(extensions)"
 Fonds national de mise à niveau "FOMAN"
 Fonds de Soutien à l'Innovation dans le Secteur des
Technologies l'Information et la Communication "INNOVATION
TIC"
 Fonds de dépollution industrielle "FODEP"
 Fonds de garantie des industries culturelles "FGIC"
 Fonds de Garantie de la Mise à Niveau (FOGAM)
 Fonds de garantie de la jeune entreprise (FGJE)
 Fonds de mise à niveau du secteur textile (FORTEX)
 Fonds de Garantie de la Mise à Niveau (RENOVOTEL)
o
o

Restructuration financière
 Damane Istimrar
Capital risque
 Damane capital risque
Produits destinés aux particuliers
o Habitat social
 Damane Assakane
 Fonds de garantie des prêts au logement en faveur des
populations à revenus modestes ou non réguliers
"FOGARIM"
57


Fonds de garantie des prêts destinés à financer
l'accession à la propriété des adhérents de la Fondation
Mohammed VI de Promotion des oeuvres Sociales de
l'Education-Formation "FOGALEF"
 Fonds de garantie des prêts au logement en faveur du
personnel du secteur public et privé, des professions
libérales et des MRE "FOGALOGE"
Enseignement privé
 Fonds de Garantie des Prêts - Etudiants
"ENSEIGNEMENT PLUS"
58
Annexe N° 2
Dépenses fiscales par secteur d’activité
secteurs
(Chiffres en millions de DH)
Volume 2005_2010
parts
2010
activités immobilières
4438
23850
16,3%
agriculture, pêche
4035
17950
12,3%
industries alimentaires
2312
12665
8,7%
prévoyance sociale
3564
12049
8,3%
services publics
2045
11203
7,7%
électricité, pétrole et gaz
1097
10867
7,4%
secteur d'exportation
2421
8868
6,1%
secteur du transport
1212
7057
4,8%
santé et action sociale
1253
5331
3,7%
autres secteurs
1033
4739
3,2%
régions
1091
4573
3,1%
intermédiation financière
1322
4532
3,1%
industrie automobile et
industrie chimie et parachimie
734
2971
2,0%
édition, imprimerie
357
2049
1,4%
tourisme
423
1820
1,2%
activités minières
-
168
0,1%
artisanat
-
108
0,1%
éducation
-
68
0,0%
2464
15425
10,6%
29801
146004
100%
mesures communes à tous les
secteurs
Total
Source : Rapports sur les dépenses fiscales, Ministère de l’Economie et des Finances
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