Chapitre III : Le cadre scientifique 76 Cadre théorique et méthodologie
Nacuzon SALL
Il était généralement admis que l’école participe à la reproduction des couches dirigeantes par elles-
mêmes. Ce serait, en effet, «dans la famille que l’échec se prépare par les habitudes contractées de
‘codes sociaux’ handicapants par rapport aux exigences de l’école» (6). Louis LEGRAND (in préface de
DURU-BELLAT et MINGAT 1993) rappelle que certains auteurs «moins nombreux ont été attentifs au
fait que ces déterminismes sociaux ne jouaient qu’à grande échelle et que de nombreux individus
semblaient y échapper» (p. vii).
Dans les années ‘70, les conclusions de recherches menées dans les pays industrialisés semblent
concorder lorsqu’elles montrent que «les facteurs familiaux et socio-économiques sont des déterminants de
réussite scolaire plus importants que les variables scolaires telles le niveau de qualification des enseignants
ou les dépenses de manuels» (7). Pour cette période, les conclusions du Rapport de Coleman et des travaux
de l’IEA cités par HEYNEMAN (8) vont dans le même sens.
Toutefois, la théorie de l’héritage culturel et la thèse des handicaps socio-culturels devraient être
nuancées (9). Car, «les enfants des classes populaires, insensibles globalement aux enjeux dominants du
champ, mais profondément attentifs à ceux qu’ils constituent comme tels dans leur espace de jeu, (sont
réellement très) habiles lorsque le besoin s’en fait sentir à utiliser à leur avantage les failles d’un système
toujours contradictoire» (10).
1.2- Après 1980.
Aujourd’hui, même pour les Sciences de l’Education, le poids de l’origine socio-culturelle et
familiale sur la réussite scolaire est perçu avec plus de nuance. Ainsi, selon Jean-Michel BERTHELOT
(1983), «l’école trie sans trier, sélectionne sans sélectionner, trompe sans tromper. (...) La classe dirigeante
se perpétue par l’école parce qu’elle use, sciemment, de l’école pour se perpétuer et qu’elle se donne, à
tous les niveaux de son intervention comme acteur social, les moyens d’y parvenir» (11). Mais toutes les
couches sociales ne sont pas totalement dupes du jeu social et scolaire. L’école, qui, peut-être aliène, fait
aussi prendre conscience (12).
6- Louis LEGRAND in préface à DURU-BELLAT et MINGAT (1993). Pour une approche analytique du fonctionnement du
système éducatif. Paris : P.U.F. Voir préface, page vii.
7- George PSACHAROPOULOS et Maureen WOODHALL (1988), in L'éducation pour le développement. Une analyse des
choix d'investissements. Publié pour la Banque Mondiale à Paris par Economica, voir p. 229.
8- S. HEYNEMAN (1986), in Les facteurs de la réussite dans les pays en développement. In CRAHAY, Marcel et
LAFONTAINE, Dominique (1986), L'art et la science de l'enseignement (pp 303-339). Bruxelles : Editions Labor. Selon cet
auteur, "il ressort de ces travaux (Rapport Coleman) que la partie de la variance de rendement scolaire expliquée par
l'expérience de vie préalable à l'entrée à l'école (variables "non scolaires") dépasse largement la partie de variance expliquée
par l'ensemble des variables scolaires" (p 307). Selon cette même source, les conclusions de l'Association internationale pour
l'évaluation (IEA) montrent que «en général, les enfants de milieux économiquement favorisés réussissent mieux à l'école
(Thorndike) et la partie totale de la variance de rendement scolaire expliquée par les facteurs familiaux (éducation des
parents, prestige professionnel, et autres caractéristiques familiales) est un peu plus importante que la partie de variance
expliquée par les caractéristiques de l'école et la qualité des maîtres" (p 308).
9- Voir Jean-Michel BERTHELOT (1983). Le piège scolaire. Paris : PUF 1983. Voir Chapitre VIII : La réussite scolaire et le
piège, pp. 223-264.
10- Jean-Michel BERTHELOT (1983). Le piège scolaire. Voir page 291.
11- Jean-Michel BERTHELOT (1983). Le piège scolaire. Voir page 293.
12- Voir Georges SNYDERS (1982). Ecole, classe et lutte des classes. Une relecture critique de Baudelot, Establet,
BOURDIEU-PASSERON et Illich. Paris : PUF 1982. Voir aussi LE THANH KHOI (1976). Jeunesse exploitée, jeunesse
perdue. Paris : PUF 1976.