CONGRÈS RÉUNION La polyarthrite rhumatoïde : aspects cutanés et prise en charge Congrès-Réunion Les manifestations cutanées des traitements de la polyarthrite rhumatoïde Cutaneous manifestations of rheumatoid arthritis therapies V. Goëb*, d’après une communication de O. Chosidow** (* Service de rhumatologie, CHU de Rouen ; ** Service de dermatologie, hôpital Henri-Mondor, Créteil) L es anti-TNF sont associés à trois types de manifestations cutanées d’intensité et de gravité variables : les cancers cutanés non mélanomes, les infections cutanées (zona) et les éruptions paradoxales psoriasiformes. Risque de cancer sous anti-TNF Une méta­analyse remarquable, menée en 2006 par T. Bongartz et al., a évalué le risque de survenue de tumeurs solides sous anti­TNF chez des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR) [1]. Le risque de survenue de cancer cutané était significa­ tivement plus élevé (de l’ordre de trois fois plus) sous anti­TNF, avec une relation dose/effet certaine. Une large étude obser­ vationnelle menée aux États­Unis par F. Wolfe et al. a montré qu’il existait un surrisque de cancer cutané non mélanome sous anti­TNF (odds­ratio [OR] : 1,5 ; IC95 : 1,2­1,8), mais les résultats n’étaient pas significatifs concernant le risque d’induction de mélanome malin (OR : 2,3, mais IC95 compris entre 0,9 et 5,4) [2]. De plus, l’étude du risque de cancer cutané chez les patients atteints de PR par rapport à ceux atteints d’arthrose a montré un risque accru de cancer cutané non mélanome associé à la PR elle­même. Il a même été observé que la prednisone en était un facteur de risque de développement, mais non pas le méthotrexate (MTX). L’étude des cancers cutanés sous anti­TNF a montré un surrisque significatif chez les anciens combattants américains, mais ces résultats n’ont pas été retrouvés dans une étude similaire britannique. Enfin, le surrisque de cancer cutané non mélanome sous anti­TNF a été récemment évalué : il serait deux fois plus important, selon une méta­analyse récente commandée par l’Agence européenne du médica­ ment portant sur 74 essais contrôlés randomisés d’anti­TNF et décrite par J. Askling et al. (3). Infections cutanées sous anti-TNF La méta­analyse de T. Bongartz et al. (1) observait un risque d’infection doublé chez les patients sous anti­TNF. L’Obser­ vatoire français de recherche sur les anti­TNF et les infec­ tions opportunistes (RATIO) a relevé l’incidence des cas de zona des patients sous anti­TNF. Les cas étaient notés sur un registre national puis validés par un comité d’experts. Une étude cas­témoins était réalisée en parallèle afin d’authentifier d’éventuels facteurs de risque. Ainsi, quatre témoins traités par anti­TNF, mais non atteints de zona, ont pu être appa­ riés selon la maladie de fond pour chaque cas de zona validé. Vingt­sept cas d’infection à virus varicelle­zona (VZV) ont été observés, dont 19 concernaient des patients atteints de PR (79 %), 1 patient souffrant de spondylarthrite et 4 des patients ayant une maladie inflammatoire chronique intestinale (16 %). Dans 38 % des cas, le dernier anti­TNF reçu était l’infliximab (42 % pour l’adalimumab et seulement 21 % pour l’étanercept, alors que la molécule anti­TNF était la plus prescrite). Le délai médian de survenue d’un zona était de 11 mois et demi après l’instauration de l’anti­TNF. Il a été mis en évidence qu’une corticothérapie générale éventuellement associée au traite­ ment représentait un facteur de risque de survenue de zona. Par rapport au récepteur soluble, l’utilisation d’un anticorps monoclonal anti­TNF était associée à un surrisque d’apparition de zona de plus de 3 fois (OR : 3,49 ; p = 0,03). Ce surrisque, lié aux anticorps monoclonaux, a été retrouvé dans la cohorte allemande Rabbit (4), mais là encore, il était à pondérer du fait que, dans la PR, d’une part, le risque de zona est plus élevé que dans la population générale, et d’autre part, ce risque est également plus élevé en cas de prise concomitante de corticoïdes. Enfin, dans la littérature, il est décrit des durées d’hospitalisation pour zona plus longues en cas de traitement préalable par anti­TNF. Manifestations cutanées psoriasiformes “paradoxales” des anti-TNF Loin d’être rares, celles­ci ont été observées par près de 63 % des rhumatologues. Elles seraient plus fréquentes chez les femmes (deux tiers des cas). Dans le registre britannique de la British Society for Rheumatology (BSR), leur incidence était estimée à 1 cas pour 1 000 patients­années. Leur risque de survenue était significativement plus élevé sous adalimumab que sous étanercept (× 4) ainsi que sous infliximab (× 3). Le psoriasis était le plus souvent observé sous une forme pustu­ leuse (52 % des cas), notamment palmo­plantaire, avec parfois un aspect lichénoïde inattendu. La poursuite du traitement a été possible dans la majorité des cas, avec le maintien de la molécule initiale ou la rotation avec un autre anti­TNF. En cas Images en Dermatologie • Vol. IV • n° 3 • mai-juin 2011 18 | La Lettre du Rhumatologue • No 373 - juin 2011 87 CONGRÈS RÉUNION Congrès-Réunion de mauvais contrôle, l’arrêt de l’anti­TNF a permis à chaque fois de guérir la pathologie cutanée. Le mécanisme de ces manifestations paradoxales est mal connu, mais il pourrait être la conséquence d’un déséquilibre cytokinique engendré par la répression du TNF qui exacerberait par rebond d’autres voies pro­inflammatoires auparavant secondaires (5). Conclusion Il existe des complications cutanées des traitements de la PR, et particulièrement un surrisque réel de développement d’un cancer cutané non mélanome sous anti­TNF. Ce surrisque est actuellement discuté en ce qui concerne les mélanomes. Un examen dermatologique complet annuel est recommandé en l’état actuel des connaissances pour les patients traités par anti­TNF, particulièrement pour certains sous­groupes de patients à risque (peau claire, etc.). II Références bibliographiques 1. Bongartz T, Sutton AJ, Sweeting MJ, Buchan I, Matteson EL, Montori V. Anti­TNF antibody therapy in rheumatoid arthritis and the risk of serious infections and malignancies: systematic review and meta­analysis of rare harmful effects in randomized controlled trials. JAMA 2006;295:2275­85. 2. Wolfe F, Michaud K. Biologic treatment of rheumatoid arthritis and the risk of malignancy: analyses from a large US observational study. Arthritis Rheum 2007;56:2886­95. 3. Askling J, Fahrbach K, Nordstrom B, Ross S, Schmid CH, Symmons D. Cancer risk with tumor necrosis factor alpha (TNF) inhibitors: meta­analysis of randomized controlled trials of adalimumab, etanercept, and infliximab using patient level data. Pharmacoepidemiol Drug Saf 2011;20:119­30. 4. Strangfeld A, Listing J, Herzer P et al. Risk of herpes zoster in patients with rheumatoid arthritis treated with anti­TNF­alpha agents. JAMA 2009; 301:737­44. 5. Viguier M, Richette P, Bachelez H, Wendling D, Aubin F. Paradoxical cuta­ neous manifestations during anti­TNF­alpha therapy. Ann Dermatol Venereol 2010;137:64­71. Arthrite juvénile idiopathique : de l’influence des traitements L’avenir est très certainement un traitement par les biothérapies à la carte (pour les formes qui le nécessitent), fonction des cytokines majoritairement impliquées. “Un enfant sur 1 000 (de moins de 16 ans) est susceptible de développer une arthrite juvénile idiopathique (AJI), le rhumatisme inflammatoire tionnée par l’éventualité d’une uvéite associée (30 % des cas), ce qui oblige à un dépistage ophtalmologique trimestriel. Sur le plan clinique, on observe des douleurs ou, de façon plus évidente, une boiterie et un œdème, tableau qui ne peut être confondu avec celui des douleurs de croissance (souvent bilatérales et symétriques, sans raideur ni gonflement). La moitié des formes oligoarticulaires de l’AJI le restera, tandis que l’autre moitié évoluera en l’enfant, observe-t-elle, de bonnes opportunités de commencer une biothérapie (médicament ciblant une cytokine, le TNF et, plus récemment, d’autres biothérapies dirigées contre l’IL-1 et l’IL-6) et d’envisager une rémission prolongée”. L’avenir permettra de déterminer chez un individu donné, grâce à des tests rapides, la ou les cytokines majoritairement impliquées, gage d’une efficacité meilleure et plus rapide. Pour les formes oligoarticulaires étendues et Agenda de l’enfant le plus fréquent, ce qui le place une forme polyarticulaire. Après un traitement polyarticulaires, il semble que bloquer le TNF d’ailleurs à la limite de la maladie rare…”, initial des atteintes par AINS ­et/­ou infiltrations (2 anti-TNF aujourd’hui ont une autorisation constate le Pr I. Koné-Paut, chef du service de de corticoïdes, et en cas de récidive précoce, de mise sur le marché [AMM] pédiatrique) soit pédiatrie générale et de rhumatologie pédiaun traitement de fond devra être envisagé pour une bonne option mais que, pour les formes trique au CHU de Bicêtre, coordonnatrice du ne pas compromettre le pronostic articulaire. systémiques, l’IL-1 ou l’IL-6 soient de meilCentre de référence e des maladies auto-inflamLa forme polyarticulaire d’emblée touche leures cibles thérapeutiques. Avant de recematoires. Un enfant sur 2 porteur d’une AJI davantage les filles, vers 8-10 ans. voir une biothérapie, l’enfant doit être vacciné Paris, le avec 16 septembre entrera dans l’âge adulte sa maladie, 2011 Pour toutes ces formes d’AJI, “il n’existe pas contre le pneumocoque et avoir bénéficié, en Organisés’ilpar Société des sciences humaines sur la peau (SFSHP) d’­autant plus fréquemment estla atteint d’unefrançaise de traitement curatif, mais les biomédicaments raison du risque accru de tuberculose, d’un forme systémique (fièvre, éruption cutanée et ont radicalement transformé leur pronostic. Il Tubertest®, assorti, s’il le faut, d’une radioHôpital Georges-Pompidou (salle bleue) atteintes des séreuses au premier plan, devant n’est pas envisageable d’attendre une rémisgraphie des poumons. Contact et inscriptions : Pr Laurent Misery (laurent.misery@chu­brest.fr) l’atteinte articulaire, qui apparaît secondairesion spontanée et il faut donc traiter le plus Les anti-TNF sont efficaces rapidement dans e ment) ou d’une forme polyarticulaire. Difficile à Jean tôt possible avec médicaments apportant plusdu de18 75 % Programme : hommage Thivolet (A.lesClaudy), Images du psoriasis audes 21eformes siècle polyarticulaires. (B. Cribier), Les à traiter, cette dernière (la maladie Still) est plastique le meilleur rapport b ­ énéfice/­ Histoire de la de chirurgie (J. Glicenstein), etc.risque”, indique anti-IL-1 sont en cours d’investi­gation pour aussi la plus destructrice. Participation : 50 euros le Pr I. Koné-Paut. Le méthotrexate (MTX) les formes systémiques. Enfin, précise-t-elle, La forme oligoarticulaire (1 à 3 articulations est le premier traitement de fond utilisé pour “les anti-IL-6 sont en cours d’AMM pour le atteintes, les genoux et les chevilles surtout) les formes d’évolution polyarticulaire (hors traitement des formes systémiques et en cours – qui représente le groupe le plus important formes systémiques) puis sont employées les d’investigation pour le traitement des formes (la moitié des AJI) – touche plus volontiers des biothérapies, en deuxième ligne, en cas d’échec polyarticulaires”. 88 fillettes (vers 4 ans). Son évolution est condiou d’intolérance au MTX. “Nous avons chez Dr B. Blond 19 forum “Peau humaine et société” >> Images en Dermatologie • Vol. IV • n° 3 • mai-juin 2011 La Lettre du Rhumatologue • No 373 - juin 2011 | 19 Nouvelles de l’industrie pharmaceutique Communiqués des conférences de presse, symposiums, manifestations organisés par l’industrie pharmaceutique