Images en Dermatologie Vol. IV 3 mai-juin 2011
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Congrès-Réunion
Les manifestations cutanées des traitements
de la polyarthrite rhumatoïde
Cutaneous manifestations of rheumatoid arthritis therapies
V. Goëb*, d’après une communication de O. Chosidow**
(* Service de rhumatologie, CHU de Rouen ; ** Service de dermatologie, hôpital Henri-Mondor, Créteil)
Les anti-TNF sont associés à trois types
de manifestations cutanées d’intensité
et de gravité variables : les cancers cutanés
non mélanomes, les infections cutanées (zona)
et les éruptions paradoxales psoriasiformes.
Risque de cancer sous anti-TNF
Une méta-analyse remarquable, menée en2006 par T.Bongartz
etal., a évalué le risque de survenue de tumeurs solides sous
anti-TNF chez des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde
(PR)
[1]
. Le risque de survenue de cancer cutané était significa-
tivement plus éle(de l’ordre de trois fois plus) sous anti-TNF,
avec une relation dose/effet certaine. Une large étude obser-
vationnelle menée aux États-Unis par F.Wolfe et al. a montré
qu’il existait un surrisque de cancer cutané non mélanome sous
anti-TNF (odds-ratio [OR] : 1,5 ; IC
95
: 1,2-1,8), mais les résultats
n’étaient pas significatifs concernant le risque d’induction de
mélanome malin (OR : 2,3, mais IC
95
compris entre0,9 et5,4)
[2]
.
De plus, l’étude du risque de cancer cutané chez les patients
atteints de PR par rapport à ceux atteints d’arthrose a montré
un risque accru de cancer cutané non mélanome associé à la
PR elle-même. Il a même été observé que la prednisone en
était un facteur de risque de développement, mais non pas le
méthotrexate (MTX). L’étude des cancers cutanés sous anti-TNF
a montré un surrisque significatif chez les anciens combattants
américains, mais ces résultats n’ont pas été retrouvés dans
une étude similaire britannique. Enfin, le surrisque de cancer
cutané non mélanome sous anti-TNF a été récemment évalué :
il serait deux fois plus important, selon une méta-analyse
récente commandée par lAgence européenne du médica-
ment portant sur 74essais contrôlés randomisés d’anti-TNF
et décrite par J.Askling etal.
(3)
.
Infections cutanées sous anti-TNF
La méta-analyse de T.Bongartz etal.
(1)
observait un risque
d’infection doublé chez les patients sous anti-TNF. L’Obser-
vatoire français de recherche sur les anti-TNF et les infec-
tions opportunistes (RATIO) a relevé l’incidence des cas de
zona des patients sous anti-TNF. Les cas étaient notés sur
un registre national puis validés par un comité d’experts. Une
étude cas-témoins était réalisée en parallèle afin d’authentifier
d’éventuels facteurs de risque. Ainsi, quatre témoins traités
par anti-TNF, mais non atteints de zona, ont pu être appa-
riés selon la maladie de fond pour chaque cas de zona validé.
Vingt-sept cas d’infection à virus varicelle-zona (VZV) ont été
observés, dont19 concernaient des patients atteints de PR
(79 %), 1patient souffrant de spondylarthrite et 4 des patients
ayant une maladie inflammatoire chronique intestinale (16 %).
Dans 38 % des cas, le dernier anti-TNF reçu était l’infliximab
(42 % pour l’adalimumab et seulement 21 % pour l’étanercept,
alors que la molécule anti-TNF était la plus prescrite). Le délai
médian de survenue d’un zona était de 11mois etdemi après
l’instauration de l’anti-TNF. Il a été mis en évidence qu’une
corticothérapie générale éventuellement associée au traite-
ment représentait un facteur de risque de survenue de zona.
Par rapport au récepteur soluble, l’utilisation d’un anticorps
monoclonal anti-TNF était associée à un surrisque d’apparition
de zona de plus de 3fois (OR : 3,49 ; p=0,03). Ce surrisque,
lié aux anticorps monoclonaux, a été retrouvé dans la cohorte
allemande Rabbit
(4)
, mais encore, il était à pondérer du
fait que, dans la PR, d’une part, le risque de zona est plus
éleque dans la population générale, et d’autre part, ce
risque est également plus élevé en cas de prise concomitante
de corticoïdes. Enfin, dans la littérature, il est décrit des durées
d’hospitalisation pour zona plus longues en cas de traitement
préalable par anti-TNF.
Manifestations cutanées psoriasiformes
“paradoxales” des anti-TNF
Loin d’être rares, celles-ci ont été observées par près de 63 %
des rhumatologues. Elles seraient plus fréquentes chez les
femmes (deux tiers des cas). Dans le registre britannique de
la British Society for Rheumatology (BSR), leur incidence était
estimée à 1cas pour 1 000patients-années. Leur risque de
survenue était significativement plus élevé sous adalimumab
que sous étanercept (×4) ainsi que sous infliximab (×3). Le
psoriasis était le plus souvent observé sous une forme pustu-
leuse (52 % des cas), notamment palmo-plantaire, avec parfois
un aspect lichénoïde inattendu. La poursuite du traitement a
été possible dans la majorité des cas, avec le maintien de la
molécule initiale ou la rotation avec un autre anti-TNF. En cas
18 | La Lettre du Rhumatologue No 373 - juin 2011
CONGRÈS
RÉUNION La polyarthrite rhumatoïde : aspects cutanés et prise en charge
Images en Dermatologie Vol. IV 3 mai-juin 2011
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Congrès-Réunion
de mauvais contrôle, l’arrêt de l’anti-TNF a permis à chaque
fois de guérir la pathologie cutanée. Le mécanisme de ces
manifestations paradoxales est mal connu, mais il pourrait être
la conséquence d’un déséquilibre cytokinique engendré par la
répression du TNF qui exacerberait par rebond d’autres voies
pro-inflammatoires auparavant secondaires
(5)
.
Conclusion
Il existe des complications cutanées des traitements de la PR,
et particulièrement un surrisque réel de développement d’un
cancer cutané non mélanome sous anti-TNF. Ce surrisque
est actuellement discuté en ce qui concerne les mélanomes.
Un examen dermatologique complet annuel est recommandé
en l’état actuel des connaissances pour les patients traités
par anti-TNF, particulièrement pour certains sous-groupes
de patients à risque (peau claire, etc.).
II
Références bibliographiques
1.
Bongartz T, Sutton AJ, Sweeting MJ, Buchan I, Matteson EL, Montori V.
Anti-TNF antibody therapy in rheumatoid arthritis and the risk of serious
infections and malignancies: systematic review and meta-analysis of rare
harmful effects in randomized controlled trials. JAMA 2006;295:2275-85.
2.
Wolfe F, Michaud K. Biologic treatment of rheumatoid arthritis and the risk
of malignancy: analyses from a large US observational study. Arthritis Rheum
2007;56:2886-95.
3.
Askling J, Fahrbach K, Nordstrom B, Ross S, Schmid CH, Symmons D.
Cancer risk with tumor necrosis factor alpha (TNF) inhibitors: meta-analysis
of randomized controlled trials of adalimumab, etanercept, and infliximab
using patient level data. Pharmacoepidemiol Drug Saf 2011;20:119-30.
4.
Strangfeld A, Listing J, Herzer P et al. Risk of herpes zoster in patients
with rheumatoid arthritis treated with anti-TNF-alpha agents. JAMA 2009;
301:737-44.
5.
Viguier M, Richette P, Bachelez H, Wendling D, Aubin F. Paradoxical cuta-
neous manifestations during anti-TNF-alpha therapy. Ann Dermatol Venereol
2010;137:64-71.
Agenda
>>
19e forum “Peau humaine et société”
Paris, le 16 septembre 2011
Organisé par la Société française des sciences humaines sur la peau (SFSHP)
Hôpital Georges-Pompidou (salle bleue)
Contact et inscriptions : Pr Laurent Misery (laurent.misery@chu-brest.fr)
Programme : hommage à Jean Thivolet (A. Claudy), Images du psoriasis du 18e au 21e siècle (B. Cribier),
Histoirede la chirurgie plastique (J. Glicenstein), etc.
Participation : 50 euros
La Lettre du Rhumatologue No 373 - juin 2011 | 19
CONGRÈS
RÉUNION
Arthrite juvénile idiopathique :
de l’influence des traitements
L’avenir est très certainement un traitement
par les biothérapies à la carte (pour les formes
qui le nécessitent), fonction des cytokines
majoritairement impliquées.
“Un enfant sur 1 000 (de moins de 16ans) est
susceptible de développer une arthrite juvénile
idiopathique (AJI), le rhumatisme inflammatoire
de l’enfant le plus fréquent, ce qui le place
d’ailleurs à la limite de la maladie rare…”,
constate le PrI.Koné-Paut, chef du service de
pédiatrie générale et de rhumatologie pédia-
trique au CHU de Bicêtre, coordonnatrice du
Centre de référence des maladies auto-inflam-
matoires. Un enfant sur2 porteur d’une AJI
entrera dans l’âge adulte avec sa maladie,
d’ autant plus fréquemment s’il est atteint d’une
forme systémique (fièvre, éruption cutanée et
atteintes des séreuses au premier plan, devant
l’atteinte articulaire, qui apparaît secondaire-
ment) ou d’une forme polyarticulaire. Difficile
à traiter, cette dernière (la maladie de Still) est
aussi la plus destructrice.
La forme oligoarticulaire (1 à 3articulations
atteintes, les genoux et les chevilles surtout)
–qui représente le groupe le plus important
(la moitié des AJI)– touche plus volontiers des
fillettes (vers 4ans). Son évolution est condi-
tionnée par l’éventualité d’une uvéite associée
(30 % des cas), ce qui oblige à un dépistage
ophtalmologique trimestriel. Sur le plan clinique,
on observe des douleurs ou, de façon plus évi-
dente, une boiterie et un œdème, tableau qui
ne peut être confondu avec celui des douleurs
de croissance (souvent bilatérales et symé-
triques, sans raideur ni gonflement).
La moitié des formes oligoarticulaires de l’AJI
le restera, tandis que l’autre moitié évoluera en
une forme polyarticulaire. Après un traitement
initial des atteintes par AINS et/ ou infiltrations
de corticoïdes, et en cas de récidive précoce,
un traitement de fond devra être envisagé pour
ne pas compromettre le pronostic articulaire.
La forme polyarticulaire d’emblée touche
davantage les filles, vers 8-10ans.
Pour toutes ces formes d’AJI, “il n’existe pas
de traitement curatif, mais les biomédicaments
ont radicalement transformé leur pronostic. Il
n’est pas envisageable d’attendre une rémis-
sion spontanée et il faut donc traiter le plus
tôt possible avec les médicaments apportant
le meilleur rapport bénéfice/ risque”, indique
le PrI.Koné-Paut. Le méthotrexate (MTX)
est le premier traitement de fond utilisé pour
les formes d’évolution polyarticulaire (hors
formes systémiques) puis sont employées les
biothérapies, en deuxième ligne, en cas d’échec
ou d’intolérance au MTX. “Nous avons chez
l’enfant, observe-t-elle, de bonnes opportunités
de commencer une biothérapie (médicament
ciblant une cytokine, le TNF et, plus récemment,
d’autres biothérapies dirigées contre l’IL-1 et
l’IL-6) et d’envisager une rémission prolongée”.
L’avenir permettra de déterminer chez un indi-
vidu donné, grâce à des tests rapides, la ou les
cytokines majoritairement impliquées, gage
d’une efficacité meilleure et plus rapide.
Pour les formes oligoarticulaires étendues et
polyarticulaires, il semble que bloquer le TNF
(2anti-TNF aujourd’hui ont une autorisation
de mise sur le marché [AMM] pédiatrique) soit
une bonne option mais que, pour les formes
systémiques, l’IL-1 ou l’IL-6 soient de meil-
leures cibles thérapeutiques. Avant de rece-
voir une biothérapie, l’enfant doit être vacciné
contre le pneumocoque et avoir bénéficié, en
raison du risque accru de tuberculose, d’un
Tubertest®, assorti, s’il le faut, d’une radio-
graphie des poumons.
Les anti-TNF sont efficaces rapidement dans
plus de 75 % des formes polyarticulaires. Les
anti-IL-1 sont en cours d’investi gation pour
les formes systémiques. Enfin, précise-t-elle,
“les anti-IL-6 sont en cours d’AMM pour le
traitement des formes systémiques et en cours
d’investigation pour le traitement des formes
polyarticulaires”.
Dr B. Blond
Communiqués des conférences de presse, symposiums,
manifestations organisés par l’industrie pharmaceutique
Nouvelles de l’industrie pharmaceutique
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