14 NOV.2016
Théâtre: la résistible ascension du populisme de
Brecht à Sceaux
Le metteur en scène Dominique Pitoiset, le 11 octobre 2006 au Théâtre national de Bordeaux (AFP/PIERRE ANDRIEU)
Dominique Pitoiset et Philippe Torreton, complices d'un "Cyrano de Bergerac" triomphal depuis 2013,
se retrouvent pour une pièce virulente contre la montée du populisme, "La résistible ascension d'Arturo
Ui" de Bertold Brecht.
La pièce glaçante de Brecht, créée en 1941 dans une allusion transparente au nazisme et à Hitler,
montre comment une clique mafieuse (Arturo Ui et ses seconds "Rom", "Goebbel" et "Göri") s'empare
d'un pouvoir affaibli et miné par la corruption.
Le metteur en scène Dominique Pitoiset a campé sa pièce dans un décor sinistre, entre morgue et
conseil d'administration d'une grande entreprise. Autour de l'immense table, les hommes en costume-
cravate du "Cartel" cèdent au chantage de Ui: s'ils ne consentent pas à ses demandes, il sèmera le
chaos dans le commerce.
Chaque meurtre se traduit par l'apparition d'un corps dans un des casiers de la morgue, un rituel qui
n'est pas sans rappeler celui des "Damnés" mis en scène par Ivo van Hove avec la Comédie-Française.
La pièce de Brecht, tout comme "Les Damnés" de Visconti, colle étroitement à l'actualité de son
époque, de la nuit de Cristal à l'incendie du Reichstag en passant par l'Anschluss. Mais comme Ivo van
Hove, Dominique Pitoiset entend nous parler d'aujourd'hui.
Il actualise ainsi la pièce, en projetant par exemple des images des manifestations contre la loi travail
avec ses affrontements entre policiers et manifestants du Black Bloc.
Tant le décor impressionnant que le jeu des dix comédiens, dont un Torreton parfait en dictateur aussi
cynique que rusé, donnent une grande efficacité à la pièce de Brecht. Mais le décalage entre le texte,
clairement daté historiquement, et le propos très engagé du metteur en scène finit par gêner.
Le message est extrêmement démonstratif, jusqu'à une scène finale où le dictateur s'avance à la tribune
sous un immense drapeau bleu-blanc-rouge, où la devise républicaine fait place à "Autorité, inégalité,
identité".
"La résistible ascension d'Arturo Ui", jusqu'au 27 novembre au Théâtre des Gémeaux à Sceaux (Hauts-
de-Seine), puis en tournée
AFP