Repérer un risque de maladie respiratoire Bovins

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Bovins
Repérer un risque de maladie respiratoire
SYNTHÈSE
Intérêt de la formule sanguine
Dans les ateliers d’engraissement, les maladies respiratoires des bovins, aussi appelées bronchopneumonies infectieuses
enzootiques (BPIE), sont responsables d’une réduction du GMQ et d’un allongement de la période d’engraissement.
Les lésions peuvent aussi déprécier les carcasses. Une meilleure détection des animaux à risque lors de leur arrivée
pourrait permettre d’améliorer la prévention.
Une étude présentée par le Pr Assié au Forum Européen
de Buiatrie en 2009* montrait que la majorité des cas de
BPIE étaient enregistrés dans la première semaine d’allotement. À ce sujet, l’article publié récemment par Richeson
et al. dans le JAVMA** est intéressant. Il montre une corrélation entre le risque de BPIE et les résultats de la numérotation-formule sanguine des animaux lors de leur arrivée :
la probabilité d’apparition de BPIE serait plus élevée
lorsque le taux d’éosinophiles est bas et le nombre de globules rouges élevé. Ces paramètres pourraient donc être
considérés comme des biomarqueurs du risque de BPIE.
Une étude sur 1179 bovins sevrés
de moins d’un an
Les veaux avaient entre 200 et 365 jours lors de leur arrivée au site d’allotement, en provenance d’élevages différents. Leur poids moyen était de 197 ± 2,4 kg et la moitié
des bovins étaient castrés (n =591). Un prélèvement sanguin fut réalisé à T0 afin de mesurer les paramètres suivants : hématocrite, VGM, CCMH, TCMH, globules
rouges, globules blancs, lymphocytes, monocytes, éosinophiles, basophiles, thrombocytes. Le ratio neutrophiles/lymphocytes fut également calculé.
Les jeunes bovins furent examinés quotidiennement pendant 42 jours pour repérer d’éventuels signes de BPIE : abattement, jetage nasal ou oculaire, toux, perte d’appétit et/ou
d’état. Pour les veaux présentant au moins deux signes
cliniques la température rectale était mesurée ; lorsqu’elle
était supérieure à 40 °C, la BPIE était confirmée.
Deux méthodes statistiques furent utilisées pour apprécier
la valeur prédictive de chaque variable et déterminer son
degré de sensibilité : l’AUC (Area Under the Curve) et
la ROC (Receiver Operating Characteristic).
• L’AUC exprime la probabilité que la valeur du test soit
plus élevée chez un individu positif pris au hasard que chez
un animal négatif pris au hasard.
• La courbe ROC représente graphiquement la sensibilité
du test par rapport au taux de faux positifs (1 - spécificité).
Le test χ 2 et un modèle de régression logistique multivariée furent aussi appliqués sur chacun des paramètres
analysés, afin de définir 3 niveaux de fiabilité de l’indicateur : basse (valeur < 25e centile), moyenne (valeur comprise dans l’intervalle interquartile) ou élevée (valeur > 75e
centile). Le degré de signification fut fixé à p ≤ 0,05.
Pour éviter de biaiser les résultats en incluant des animaux
déjà malades au moment du prélèvement, les données
issues d’animaux dont la formule leucocytaire se situait
en dehors de la fourchette normale furent éliminées. Les
conclusions furent établies sur la base de 943 veaux, soit
80 % de l’effectif initial.
Hématocrite élevé
+ taux d’éosinophiles bas = danger ?
Dans cette étude, un taux de globules rouges élevé
(> 10,0 x 106 cellules/ µl ; p < 0,001) apparaît comme un
facteur de risque de BPIE, sachant que ce paramètre est
généralement relié à un état de déshydratation chez l’animal, par exemple à cause d’un déficit d’abreuvement pendant le transport.
Une association significative a aussi été mise en évidence
entre un taux d’éosinophiles bas (< 0,05 x 103 cellules/µl ;
p < 0,001) et un risque d’apparition ultérieure de BPIE.
En l’absence d’explication biologique, les auteurs supposent que ce résultat serait la conséquence d’une migration
des cellules éosinophiles de la circulation générale vers
des sites d’inflammation locale. Une redistribution de ces
cellules vers les organes du système immunitaire lorsque
l’organisme subit un stress serait également envisageable.
Bien que les résultats doivent encore être confirmés, cette
étude montre l’intérêt potentiel de la mesure du nombre
de globule rouges et du taux d’éosinophiles pour mieux
évaluer le risque de BPIE chez les jeunes bovins. n
Pascale Pibot
Docteur vétérinaire
*L’Essentiel n°161, 21 janvier 2010
**Richeson JT, Pinedo PJ, Kegley EB, et al. Association of hematologic variables
and castration status at the time of arrival at a research facility with the risk of bovine
respiratory disease in beef calves. J Am Vet Med Assoc 2013; 243: 1035–1041.
Les agents pathogènes responsables des BPIE sont très variés. Il s’agit aussi bien de bactéries (Mannheimia haemolytica, Pasteurella multocida,
Histophilus somni…), que de virus (virus respiratoire syncitial, virus parainfluenza 3, virus de la rhinotrachéite infectieuse, coronavirus respiratoire,
virus de la maladie des muqueuses…) ou de mycoplasmes. L’apparition des signes de BPIE dépend cependant beaucoup des facteurs de stress
et d’environnement : lieu d’origine des animaux, conditions de sevrage, de transport, de logement, d’alimentation, d’allotement, etc.
N°328 du 17 au 23 avril 2014
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