BSI Economics
1
bsi-economics.org
Le point sur la situation économique des Philippines (Note)
Résumé :
Les Philippines reposent sur une croissance économique robuste et des fondamentaux
macroéconomiques solides ;
L’élection du Président Duterte a augmenté le risque politique dans la région inquiétant les
marchés financiers ;
Un rééquilibrage du pivot d’Asie vers la Chine depuis l’élection présidentielle qui pourrait
être renforcé sous la présidence de Donald Trump aux Etats-Unis.
Mots clés : Philippines, Duterte, USA, Chine, Risque Politique, Asie du Sud-Est, inflation,
investissement, recettes fiscales, climat des affaires, partenariat public-privé, IDE, consommation,
transferts de fonds, travailleurs émigrés
BSI Economics
2
bsi-economics.org
Les Philippines est l’un des pays le plus dynamique d’Asie du Sud-Est avec une croissance du PIB réel
qui s’élevait à 5,9 % en 2015 malgré le contexte du ralentissement de la croissance mondiale.
Cependant, la fortement augmentation du risque politique dans la région depuis l’élection du
Président Duterte en mai dernier pourrait avoir des conséquences économiques et financières
défavorables.
1. Panorama des principaux indicateurs macroéconomiques des
Philippines
Une croissance économique solide soutenue par la demande intérieure. La croissance économique
des Philippines est robuste, une des plus élevée des pays de l’ASEAN, atteignant en moyenne 6,2 %
du PIB réel par an depuis 2010 (5 % en moyenne pour les pays de l'ASEAN) et attendue à 6,4 % en
2016 (projection du FMI). La croissance économique des Philippines repose sur une forte demande
interne (consommation des ménages représente 70 % du PIB) soutenue par les importants transferts
de fonds des travailleurs émigrés (9 % du PIB en 2015).
Une inflation maîtrisée. La politique monétaire de ciblage d’inflation menée depuis 2002 par la
Banque Centrale des Philippines a été efficace car l’inflation a fortement diminué durant cette
dernière décennie. Le taux d’inflation à 2 % au T3-2016 se situe dans la limite inférieure de la cible
d’inflation fixée à 3 %+/ -1 % pour la période 2016-2018.
Consolidation des finances publiques depuis 2010. Les finances publiques sont sources de
vulnérabilités aux Philippines malgré un déficit public inférieur à 3 % du PIB depuis 2011 et une dette
publique en dessous de 40 % du PIB. Les revenus du gouvernement (16 % du PIB en 2015) sont
relativement faibles par comparaison internationales. En effet, les recettes fiscales
1
sont faibles
inférieur à 14 % du PIB - à cause d’une assiette fiscale limitée et d’un faible recouvrement de l’impôt
en raison d’une administration fiscale inefficace et d’un secteur informel important. Les finances
publiques souffrent également d’une mauvaise exécution du budget alors que le pays connaît
1
Les revenus du gouvernement sont composés des recettes fiscales et non fiscales.
Les recettes fiscales désignent les recettes provenant des impôts ou taxes (impôts sur le revenu et les bénéfices,
cotisations sur la sécurité sociale, les taxes sur les biens et services, prélèvement sur les salaires etc.) (OCDE).
Les recettes non fiscales désignent les recettes qui ne sont pas liées aux impôts ou taxes, tel que les dividendes
versées par les entreprises à l’Etat (Comptes Publics).
BSI Economics
3
bsi-economics.org
d’important besoins en infrastructures et en dépenses sociales. Ainsi, la consolidation des finances
publiques entreprise depuis 2010 au travers notamment d’une réforme fiscale, a permis d’améliorer
la collecte de l’impôt ainsi que l’allocation budgétaire permettant une diminution du déficit public à
moins de 1 % du PIB en 2015 (contre -3,5 % du PIB en 2010).
Accélération des investissements. La diminution du déficit public a permis d’accroître les dépenses
d’infrastructures après des années de sous-investissements contraignant le développement
économique du pays. En effet, les Philippines est l’un des pire pays d’Asie en termes de climat des
affaires (classé 99 sur 190 pays - Doing Business 2017 World Bank) à cause du manque
d’infrastructures (transport, électricité) et de mesures protectionnistes contraignant les
investissements directs étrangers (IDE). Les dépenses en capital devrait s’accélérer grâce à une
meilleure exécution du budget et la mise en œuvre du programme de partenariat public-privé (PPP)
soutenant les projets d’infrastructures de long-terme (construction de routes, aéroports…) et
améliorant le climat des affaires.
Une relative faible vulnérabilité externe. L’économie des Philippines est relativement peu affectée
par le ralentissement du commerce mondial car ses exportations sont tournées vers les services, en
particulier le secteur d’externalisation des services d’entreprise (BPO), plutôt que les biens
manufacturés et sont moins intégrées aux chaines de valeurs mondiales. Par ailleurs, plusieurs
études ont montré que les Philippines seraient significativement moins impactées économiquement
par le changement du modèle de croissance de la Chine que les autres pays de l’ASEAN
2
.
Le bilan économique de la période 2010-2015 a été positif avec une nette amélioration des
fondamentaux macroéconomiques grâce aux réformes économiques menées. Néanmoins, la
persistance des problèmes socio-économiques tels que la pauvreté (13 % de la population vit sous le
seuil de pauvreté global
3
), un chômage et sous-emploi structurellement élevé, une corruption
généralisée, le fléau de la drogue et la violence ont convaincu les philippins d’élire Mr Duterte aux
dernières élections présidentielles.
2
Voir à cette effet les références suivantes : IMF Working Paper, BNP Paribas Economic Research.
3
Seuil de pauvreté global à 1,90 USD /jour 2011 PPA, Source : Banque Mondiale
BSI Economics
4
bsi-economics.org
2. Une nouvelle donne depuis juin 2016
Elections de juin 2016 : un tournant avec de multiples conséquences. Malgré de fondamentaux
économiques robustes, le fort niveau de pauvreté, de corruption et d’insécurité (notamment lié au
trafic de drogue) a poussé la population à élire Mr Duterte - surnommé le « Trump d’Asie » - comme
nouveau Président des Philippines en juin 2016. Depuis son élection, le gouvernement s’est alors
engagé dans une guerre ouverte contre le milieu de la drogue à l’échelle nationale, provoquant ainsi
une explosion de la violence au sein du pays (plus de 4 000 morts chez les dealers et
consommateurs).
Conséquences sur le plan économique. La croissance économique s’est accélérée depuis l’élection
de Duterte (7,1 % en GA au T3 2016 contre 6,2 % au T3 2015). En effet, le programme économique
du Président Duterte s’inscrit dans la continuité des réformes initiées par son prédécesseur. Le
programme socioéconomique en 10 points prévoit notamment d’accélérer les investissements en
infrastructure via les partenariats publics privés (PPPs) et daméliorer la compétitivité et le climat des
affaires aux Philippines en assouplissant les règles relatives à la proprié étrangère afin d’attirer
davantage les investissements directs étrangers (IDE). Une réforme fiscale est également au
programme afin d’augmenter l’assiette fiscale et daméliorer la collecte de l’impôt. Cette réforme
progressive de l’impôt va dans le sens des recommandations faites par le FMI avec une augmentation
des taxes indirectes (essence, sucre, produits de luxe), la suppression de l’exonération de la taxe sur
la valeur ajoutée ainsi qu’une réduction du taux d’imposition des sociétés et des revenus.
Ainsi, les agences de notation Moody’s et Standards and Poor’s ont laissé inchangée leur note,
respectivement Baa2 et BBB équivalent à la catégorie « investissement », tout en soulignant une
incertitude politique croissante dans le pays. La balance des paiements devrait continuer à
enregistrer un excédent courant grâce aux importants transferts de fonds des émigrés malgré une
détérioration de la balance commerciale. Tandis que la dette publique, relativement modérée
(inférieure à 40 % du PIB en 2015), devrait augmenter avec la hausse du déficit public prévue afin de
financer les investissements en infrastructures et les dépenses sociales et militaires. Enfin, la position
extérieure des Philippines est relativement solide (réserves de change à un niveau confortable à plus
de 10 mois d’importations en 2016
4
). Mais les réformes actuelles, afin d’attirer les flux de capitaux,
pourraient être contrebalancées par l’imprévisibilité politique favorisant la volatilité des capitaux.
Risque politique accru. Depuis l’élection de Mr Duterte l’instabilité politique a augmenté.
L’explosion de la violence et l’incertitude politique liée au comportement imprévisible du Président
inquiète les investisseurs. La montée du risque politique aux Philippines a notamment contribué à
une dépréciation du Peso Philippin (PSP) contre l’USD qui a atteint son plus bas niveau depuis
novembre 2008 à 49,6PHP pour 1 USD ce qui augmente le risque de fuite des capitaux. Par ailleurs,
les investisseurs internationaux pourraient de plus en plus adopter une position attentiste vis-à-vis
des Philippines. Il semble que les Etats Unis, une des principales sources d’investissements étrangers
(IDE) pour les Philippines, aient déjà significativement diminué leurs investissements dans le pays
depuis l’élection de Duterte
5
.
4
Seuil limite du FMI fixé à 3 mois d’importations de biens et services
5
Financial Times, 22 Novembre 2016
BSI Economics
5
bsi-economics.org
Un « rééquilibrage » du pivot d’Asie vers la Chine. En octobre dernier le Président Duterte a
annoncé la « séparation » économique et militaire des Philippines de son allié historique les Etats-
Unis pour nouer une alliance avec la Chine
6
. Puis le Président a clarifié sa déclaration en expliquant
ne pas souhaiter rompre les liens commerciaux avec la puissance américaine mais vouloir poursuivre
une politique étrangère indépendante
7
. En effet, l’ancienne colonie américaine est dépendante
économiquement des Etats-Unis, l’une de ses principales sources d’investissements (quatrième
investisseur aux Philippines en 2015), et second partenaire commercial (15 % des exportations et 11
% des importations en 2015).
Le rapprochement diplomatique avec la Chine a également un intérêt économique pour les
Philippines à la recherche de nouvelles sources de financement pour financer son programme
économique. Ainsi, lors de sa dernière visite en Chine en octobre, Mr Duterte a obtenu le
financement et une promesse d’investissements à hauteur de 24 Mds USD de la Chine ainsi que
l’octroi de prêts à taux réduits pour le financement de projets d’infrastructures (construction de
chemin de fer, ports)
8
.
Par ailleurs, l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis pourrait contribuer au rapprochement de la
Chine et des Philippines. En effet, le Président élu a promis de sortir les Etats-Unis du Partenariat
Trans-Pacifique (TPP), un accord de libre-échange signé 4 février 2016 par 12 pays d’Asie-Pacifique et
d’Amérique
9
excluant la Chine. Cet accord de libre-échange regroupant près de 800 millions de
personnes et 40 % du PIB mondial a pour objectif de libéraliser le commerce et les investissements
entre les Etats signataires. Ce traité prévoyait notamment de supprimer les droits de douane et
d’harmoniser les réglementations commerciales ainsi que les questions relatives à la propriété
intellectuelle. Néanmoins, le probable abandon de cet accord commercial a relancé l’initiative promu
par la Chine d’un Partenariat économique intégral régional (RCEP) avec notamment l’Inde, l’Australie
et les pays membre de l’ASEAN dont les Philippines.
6
Washington Post, Octobre 2016
7
Reuters, Octobre 2016
8
Bloomberg, Octobre 2016
9
Les 12 pays signataires du Partenariat Trans-Pacifique (TPP) sont : Les Etats-Unis, le Japon, le Pérou, le Chili,
le Canada, le Mexique, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Brunei, Singapour, la Malaisie, le Vietnam
1 / 7 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !