MORGAZ : Tu as raison, petit. La fille s’appelait Sarah. C’était une catin de la rue. Ton oncle devait en faire une
femme du monde. Je comptais lui faire épouser mon frère le roi et profiter du scandale pour prendre sa place sur le
trône !
LORENZO (admiratif) : C’était bien combiné ! Et ça n’a pas marché ?
MORGAZ : Non. Mon conseiller, Gilles, était un traitre à la solde de mon frère. Quand nous sommes arrivés à
Schlossburg, mon frère le roi m’a fait jeter en prison.
LORENZO : Non !? MORGAZ : Si !
LORENZO : Et les autres ?
MORGAZ : Gilles est mort. Je l’ai empoisonné. J’ai innocenté ton oncle et la fille d’un complot qu’ils ignoraient.
Question d’honneur. Ton oncle est devenu Recteur de la Faculté. Il servira mes desseins. La fille, Sarah, a disparu. Je
ne sais pas ce qu’elle est devenue.
LORENZO (béat d’admiration) : Et vous vous êtes évadé !
MORGAZ : Oui. Et j’ai fait croire à ma mort.
LORENZO : Et maintenant, monseigneur, vous reparaissez pour revendiquer le trône qu’un certain Combraille
guignerait ! MORGAZ (à Vicenne) : Il a tout compris. Et vous voulez faire un cureton de ce jeune prodige !
VICENNE : C’est la volonté du Seigneur ! MORGAZ : Laissez donc le Seigneur en dehors de
vos cuisines, Maitre Vicenne. Je m’occuperai de l’avenir de ce garçon quand j’aurai conquis le trône.
LORENZO : C’est que, monseigneur… MORGAZ : Quoi ?
LORENZO : Nous préparions notre fuite vers Venise, Monseigneur. Maitre Vicenne dit que ce Combrailles le ferait
pendre.
MORGAZ : Votre fuite ! Quand !? LORENZO : Cette nuit même, Monseigneur. Les
bagages sont prêts. Une quatre chevaux vient nous quérir sous peu.
MORGAZ : Vous partiez !
VICENNE : La prudence, Monseigneur… LORENZO : Ce Combraille fait peur à tout le monde,
Monseigneur. La maitresse du défunt roi, madame Von Chalk part avec nous pour mettre son fils à l’abri…
VICENNE (mécontent) : Va t’habiller au lieu de dire des sottises… (Comme Lorenzo hésite) Tout de suite ! (Lorenzo
sort en courant)
Scène 4
MORGAZ (menaçant, à Vicenne) : Ainsi donc, vous partiriez quand j’ai besoin de vous !
VICENNE : Monseigneur, j’ignorais… MORGAZ : Mais vous savez, maintenant. Alors il
n’est plus question que vous m’abandonniez.
VICENNE : Nous attendons une voiture.
MORGAZ : Vous la renverrez. VICENNE : Nos bagages sont prêts…
MORGAZ : Vous les déferez. VICENNE : J’ai pris mes dispositions…
MORGAZ : Vous les annulerez. VICENNE : J’ai laissé des consignes…
MORGAZ : Vous les brûlerez. VICENNE : Je refuse d’être entrainé dans une
querelle de clochers, Monseigneur. Ma vie est trop précieuse. Le royaume de France m’offre une situation éminente !
MORGAZ : Je vous ferai recteur de l’Académie.
VICENNE : Je le suis déjà. MORGAZ : Conseiller du trône.
VICENNE : Vous n’y êtes point encore installé. MORGAZ : Ministre des Affaires étrangères.
VICENNE : Ah ! MORGAZ : C’est d’accord ?
VICENNE : Vous êtes le diable, Monseigneur. Vous me tentez ! MORGAZ (insistant) : C’est d’accord ?
VICENNE : Qui ne rêverait de…
MORGAZ (plus fort) : C’est d’accord ?
VICENNE : Manipuler les princes de ce monde… Et puis…
MORGAZ (hurlant) : C’est d’accord ?
VICENNE (sursautant) : Eh bien, mon Dieu, oui.