Renforcer la résilience des ménages ruraux pauvres

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NOTE D’OR IENTATION 4 DU F IDA P OUR L’AP RÈS-2015
Renforcer la résilience des
ménages ruraux pauvres
©FIDA/Qilai Shen
INTRODUCTION
Les ménages ruraux pauvres sont particulièrement exposés aux chocs, car leurs moyens d’existence
dépendent de ressources naturelles de plus en plus dégradées et de conditions climatiques et de
marché souvent instables. Ils sont d’autant plus vulnérables qu’ils n’ont à leur disposition que peu
d’actifs et des stratégies limitées de gestion des risques. Exposition et vulnérabilité aux chocs
peuvent appauvrir les populations rurales, les maintenir dans un état de pauvreté ou les empêcher
d’en sortir. En cas de choc, les gens ont recours à diverses stratégies de survie, qui consistent
souvent à contracter des dettes ou à vendre des actifs, rendant ainsi les individus et les ménages
encore plus vulnérables à des chocs ultérieurs.
Pour éliminer totalement la pauvreté, il faut s’attacher surtout à renforcer la résilience aux chocs
des ménages ruraux pauvres et de leurs moyens de subsistance, ce qui est également essentiel pour
garantir la sécurité alimentaire et la nutrition ainsi que la gestion durable des ressources naturelles à
l’échelle mondiale, éléments clés du programme de développement pour l’après-2015 dans lequel les
ménages ruraux pauvres ont un rôle important à jouer1. Il est nécessaire de renforcer la capacité des
populations rurales pauvres à gérer les risques auxquels elles sont confrontés et à réduire leur degré
d’exposition et de vulnérabilité à cet égard. Compte tenu de la prédominance de l’activité agricole
dans les milieux ruraux pauvres, ce programme sera souvent fortement axé sur l’agriculture et
s’attachera à améliorer la durabilité et la résilience des pratiques agricoles; toutefois, il doit aussi
viser d’autres moyens de subsistance qui coexistent parfois au sein d’un même ménage.
PRINCIPAUX ENJEUX
Si tous les ménages ruraux, quel que soit leur niveau de revenu, sont couramment confrontés à
divers types de chocs, ce sont ceux qui vivent dans des écosystèmes marginalisés et fragiles ou qui
pratiquent une agriculture pluviale qui sont généralement plus particulièrement exposés. Ils ont en
outre tendance à être particulièrement vulnérables du fait qu’ils n’ont guère d’avoirs à leur
1 La contribution de l’agriculture
familiale au programme de
développement pour l’après-2015
est examinée dans la note
d’orientation du FIDA 3 Investir
dans l’agriculture familiale au profit
de la sécurité alimentaire et de la
nutrition à l’échelle mondiale.
Carte 1 Évolution prévue du secteur agricole à l’horizon 2080 sous l’effet du
changement climatique
Évolution prévue de la productivité agricole à l’horizon 2080 du fait du
changement climatique, en tenant compte de l’effet de fertilisation par le carbone
-50%
-15%
0
+15%
+35%
Aucune donnée
Source: Hugo Ahlenius, PNUE/GRID Arendal, reproduit au FIDA (2012), En quoi l’agriculture intelligente face au climat
est-elle différente?, Rome.
2 Note d’orientation 2 du FIDA
pour l’après-2015, Un
programme d’autonomisation
pour améliorer les moyens de
subsistance des populations
rurales.
disposition en cas de choc, qu’ils ne possèdent que des capacités et outils de gestion des risques
limités et qu’ils ne peuvent s’appuyer que sur un réseau restreint d’institutions, d’infrastructures et
de services. En règle générale, les ménages et les individus qui font l’objet de diverses formes de
marginalisation en raison de leur âge, de leur sexe ou de leur appartenance ethnique sont les
moins résilients, de sorte que, entre autres choses, leur régime d’utilisation des avoirs productifs est
plus précaire et leur accès aux outils de gestion des risques financiers est plus limité2.
Indépendamment de leurs moyens de subsistance, les ménages ruraux pauvres sont confrontés
à un certain nombre de chocs simultanés, un point essentiel dont il faudra tenir compte dans la
conception de stratégies destinées à accroître la résilience. Les risques pour les personnes et les
ménages sont souvent substantiels. Par exemple, la malnutrition et la maladie peuvent avoir des effets
importants sur l’économie du ménage, car elles se répercutent directement et indirectement sur la
main-d’œuvre familiale. D’autres risques pour les personnes ont trait à l’exposition à la violence, qui
est un risque particulièrement élevé dans les pays fragiles et touchés par un conflit, principalement
pour les femmes et les jeunes filles. Une mauvaise gouvernance peut également être source de risque
en ce qu’elle occasionne des dépenses imprévues, notamment sous forme de pots-de-vin destinés à
éviter le harcèlement, à transporter des produits et à accéder aux services publics de base, et qu’elle
est à l’origine du manque de fiabilité des services publics ou de leur qualité irrégulière. D’autres
sources de risque ont trait au mauvais fonctionnement des marchés et à la volatilité des prix des
intrants et de la nourriture. Tout particulièrement dans les pays pauvres à déficit vivrier, les
fluctuations saisonnières des prix sont une des caractéristiques de la vie rurale, et les fluctuations
interannuelles peuvent aussi présenter de fortes amplitudes; de fait, les producteurs ruraux étant
généralement obligés d’accepter n’importe quel prix, ils sont très exposés aux envolées des prix.
Une des grandes catégories de risque a trait aux facteurs environnementaux. Presque partout
dans le monde en développement, les ressources naturelles des zones rurales se dégradent ou se
raréfient. Dans le même temps, la croissance démographique pousse les populations vers des zones
reculées, où elles n’ont souvent d’autre choix que de surexploiter la fragile base de ressources.
Ces comportements aggravent la déforestation, l’érosion des sols, la désertification, la pénurie
d’eau, la moindre réalimentation des nappes souterraines et la diminution des ressources
halieutiques et marines. La dégradation des ressources naturelles a, quant à elle, un impact négatif
sur la productivité agricole et renforce également la vulnérabilité de la terre et des populations
aux conditions climatiques extrêmes. Le changement climatique a un effet multiplicateur qui
accélère la dégradation des écosystèmes et rend la production agricole plus risquée. Les ménages
2
Avantages multiples des pratiques de reverdissement dans les zones arides
du Burkina Faso
Grâce à une intégration accrue des arbres, de la culture et de l’élevage, les systèmes agricoles
sont devenus plus résistants à la sécheresse, plus productifs et plus durables. Les avantages sont
notamment les suivants:
i)
avantage économique – les calculs spécifiques des avantages au niveau de la ferme sont
soumis à diverses limitations en termes de méthodologies et de données. Toutefois, l’adoption
à grande échelle de systèmes agricoles intégrés laisse supposer une grande rentabilité;
ii) amélioration de la sécurité alimentaire des ménages – des systèmes agricoles plus avancés et
plus productifs sont aussi plus résistants à la sécheresse. L’exemple du Niger voisin montre que,
pendant la famine de 2005, les villages qui avaient investi dans l’agroforesterie n’avaient que peu,
voire pas du tout, de mortalité infantile, parce que les arbres pouvaient être taillés ou coupés et
vendus, et l’argent ainsi généré permettait aux agriculteurs d’acheter des céréales au prix fort;
iii) hausse des rendements des cultures – dans les systèmes agricoles intégrés, les rendements
des cultures devraient augmenter. Cela est particulièrement vrai lorsque des arbres fixateurs
d’azote sont utilisés, ce qui permet aussi de faire des économies sur le coût des
intrants/engrais. De plus, les arbres en exploitation réduisent la vitesse du vent et l’évaporation.
Ils sont en outre plus résistants à la sécheresse et à la variabilité des pluies que les cultures et
contribuent en fait à leur survie;
iv) diversification – les arbres produisent des fruits et des feuilles à forte teneur vitaminique pour la
consommation humaine. Ils produisent aussi du fourrage, ce qui permet aux agriculteurs de
garder plus de bétail et de disposer de plus de fumier pour fertiliser les champs. Les arbres sont
en outre source de produits médicinaux et de combustible, que les ménages peuvent
consommer ou vendre. Le système agricole plus complexe et plus productif créé par les arbres
réduit la vulnérabilité et renforce la résilience des communautés rurales aux risques liés au climat;
v) les femmes sahéliennes ont eu le plus à gagner du reverdissement, car le ramassage du bois
de feu ne leur prend plus qu’une demi-heure par jour, au lieu d’environ deux heures et demie.
Elles ont ainsi plus de temps à consacrer à d’autres activités, comme produire et préparer les
aliments et s’occuper des enfants;
vi) en termes d’avantages pour l’environnement mondial, les arbres contribuent à la conservation
de la biodiversité et atténuent le changement climatique grâce à la séquestration du carbone.
Source: FIDA (2011), “Reverdir le Sahel: développer l’agriculture dans le contexte du changement climatique au Burkina
Faso”, http://www.ifad.org/operations/projects/regions/pa/infosheet/sahel_f.pdf.
ruraux pauvres sont confrontés à des chocs climatiques (inondations, tempêtes, ondes de tempête,
tempêtes de grêle) et à des perturbations liées au climat (perte et dégradation des écosystèmes
côtiers, fonte glaciaire et élévation du niveau de la mer). Pour gérer les effets d’un climat variable,
ils se sont toujours fiés aux savoirs traditionnels et aux observations historiques; toutefois, la
vitesse et l’intensité du changement sont telles qu’ils ont du mal à gérer la situation, et l’expérience
passée n’est plus un indicateur fiable de l’avenir.
Compte tenu de leur exposition et de leur vulnérabilité aux chocs, les ménages ruraux pauvres
décident généralement de l’affectation et de l’utilisation de l’argent, de la terre et de la main-d’œuvre
non seulement en fonction des possibilités qui s’offrent à eux, mais aussi de la nécessité de réduire
l’exposition ou la vulnérabilité aux chocs. Qu’elles aboutissent ou pas, de telles stratégies peuvent
compromettre l’aptitude des populations à sortir de la pauvreté en les empêchant ou en les
dissuadant de prendre les risques inhérents à la recherche de nouvelles possibilités3. Ainsi, l’absence
de droits fonciers sûrs peut dissuader d’investir pour accroître la productivité d’une parcelle ou
passer à de nouvelles cultures pour lesquelles la demande est élevée mais instable, ou à de nouvelles
pratiques dont les bénéfices ne sont pas immédiats. Il s’agit là d’une difficulté à laquelle se heurtent
de nombreux ménages ruraux: à l’échelle mondiale, entre 1 et 2 milliards de personnes vivent
sur des terres et les exploitent, sans détenir de titre de propriété4. Les risques inhérents au manque
de sécurité foncière augmentent dans de nombreuses zones rurales, car nombre de ménages et
de personnes, surtout les femmes, sont exposés à l’acquisition et à la fragmentation inappropriées
des terres. La demande de terres destinées à la production agricole, à l’exploitation minière, à la
séquestration du carbone et au tourisme va en augmentant, de sorte que la concurrence s’intensifie
et que les pauvres sont souvent perdants, au profit d’acteurs plus puissants. Un autre facteur de
vulnérabilité tient à la faible gouvernance des régimes fonciers et des transactions foncières.
3
3 FIDA (2011), Rapport sur la
pauvreté rurale 2011, Rome.
4 Il n’est pas rare que la terre et
les ressources naturelles dont
dépendent les ruraux pauvres
soient des biens communs qui
constituent un important filet de
sécurité pour les plus démunis,
lesquels jouissent cependant
d’une reconnaissance juridique
limitée dans le cadre des
régimes fonciers communautaires
et des régimes de gestion
coutumière, Politique de gestion
des ressources naturelles et de
l’environnement du FIDA, voir
www.ifad.org/climate/policy/
enrm_f.pdf.
©FIDA/Rindra Ramasomanana
PROGRAMME D’ACTION: POINTS D’ENTRÉE ET APPROCHES
5 Note d’orientation 1 du FIDA
pour l’après-2015, Exploiter les
liens entre milieu rural et milieu
urbain dans une optique de
développement.
Pour concevoir des politiques et des investissements qui permettent aux ruraux, femmes et
hommes, de mettre à profit les possibilités de répondre à la demande de biens et de services liés
à l’intégration des milieux rural et urbain, il faudrait d’abord avoir une idée précise de la nature
des risques auxquels ils sont confrontés et comprendre que, pour eux, la prévention ou la gestion
efficace des risques est une priorité5. Il s’agit de réduire le niveau de risque qui pèse sur les
ménages tout en les aidant à renforcer leurs capacités individuelles et collectives.
Les institutions publiques ont un rôle important à jouer dans ce programme d’action,
notamment en mettant en place des systèmes d’incitation et des garanties visant à favoriser des
pratiques d’investissement responsables qui préservent la base de ressources naturelles, de façon
à réduire l’exposition aux chocs environnementaux et à en limiter les effets. Ce programme peut
en outre instaurer des systèmes appropriés d’évaluation économique des actifs et des services
environnementaux, entre autres des services liés à la séquestration du carbone, à l’amélioration
de la gestion et de la conservation des terres, et des services écosystémiques. De plus, il appartient
au secteur public de fournir des biens collectifs susceptibles de renforcer directement ou
indirectement la résilience – de régimes de protection sociale sans exclusive à un programme de
recherche-développement agricole axé sur la résilience, en passant par l’éducation. Parmi ses
domaines de compétence, le secteur public se doit également de mettre en place des institutions
et des politiques à l’appui de marchés transparents et performants et de transactions équitables,
deux conditions essentielles pour réduire les risques liés aux marchés. Enfin, les institutions
publiques devraient instaurer des régimes fonciers équitables et sans exclusive qui réglementent
l’accès à la terre, à l’eau, aux forêts et à d’autres avoirs productifs, protègent les prestations
auxquelles les populations rurales pauvres ont droit et favorisent des transactions équitables
et transparentes autour de ces avoirs. Dans tous ces domaines, elles sont appelées à remédier
aux inégalités et à la discrimination, notamment entre hommes et femmes.
Aux côtés du secteur public, les organisations de la société civile – en particulier les organisations
de ruraux pauvres – peuvent jouer un rôle essentiel en termes de renforcement de la résilience.
4
Le FIDA et le Programme d’adaptation de l’agriculture paysanne (ASAP)
Répondre au changement climatique ne veut pas dire rejeter ou réinventer tout ce que l’on sait
du développement. Il convient plutôt de redoubler d’efforts pour relever les défis plus larges et
notoires en matière de développement et de placer les risques, correctement appréciés, au cœur
même du programme d’action pour le développement. Pour que la réponse au changement
climatique soit cohérente, il faut continuer à mettre l’accent sur le développement impulsé par les
pays, la gestion communautaire des ressources naturelles, l’égalité des sexes et l’autonomisation
des femmes, la sécurité foncière, l’accès aux services et aux marchés financiers, la préservation
de l’environnement et le renforcement des capacités institutionnelles. Mais au-delà des meilleures
pratiques ordinaires en matière de développement, quelle est la véritable particularité d’une
agriculture capable de s’adapter au changement climatique? Pour le FIDA, il s’agit de reproduire
les initiatives qui donnent des résultats et de les améliorer.
Le premier principe de l’ASAP est de reproduire à plus grande échelle les approches éprouvées et
fiables du développement rural qui sont parvenues à renforcer la résilience des petits exploitants.
Le FIDA a démontré qu’il était en mesure de travailler aux côtés des communautés dans le cadre
de toute une série d’approches intelligentes face au climat. Ces approches s’appliquent aux
domaines suivants: gestion des risques de sécheresse et d’inondation, variétés de cultures
résistant à la sécheresse et tolérant le sel, systèmes associant culture et élevage, gestion intégrée
des ressources en eau, remise en état des terres, agroforesterie et amélioration du stockage après
récolte. Le FIDA est à même de soutenir d’autres approches de ce type et de reproduire à plus
grande échelle celles qui donnent de bons résultats.
Mais pour gérer le changement climatique, il est nécessaire d’ajouter de nouveaux ingrédients
aux programmes de développement rural pour améliorer leur efficacité et leur impact dans un
environnement changeant et de plus en plus incertain. Il s’agit notamment d’utiliser des modèles
climatiques à échelle réduite aux fins de la planification à long terme des scénarios et de l’analyse
communautaire de la vulnérabilité climatique et des capacités, et de donner aux institutions
locales les moyens d’instaurer une politique nationale concernant le climat. Il peut aussi s’agir
d’améliorer la collecte, l’analyse et la diffusion de données météorologiques, d’établir des systèmes
de suivi empirique de l’adaptation au climat, de fournir un accès aux régimes de transfert des
risques/d’assurance et de réévaluer l’infrastructure et les plans d’occupation des sols en tenant
compte des risques nouveaux ou émergents, comme l’élévation du niveau des mers.
Dans cette logique, les mesures envisagées par le FIDA pour répondre au défi du changement
climatique consistent essentiellement à: 1) fonder les projets et les grandes orientations sur une
évaluation plus approfondie des risques et une meilleure connaissance de l’interdépendance entre
la petite agriculture et des paysages plus vastes; 2) reproduire à bien plus grande échelle les
approches présentant des avantages multiples et en mesure d’intensifier durablement l’agriculture.
Non seulement ces approches renforcent la résilience des petits exploitants aux chocs climatiques,
mais elles contribuent également à la réalisation d’autres objectifs d’intérêt public, comme la
réduction de la pauvreté, la conservation de la biodiversité, la hausse des rendements et la
diminution des émissions de gaz à effet de serre; et 3) donner aux petits exploitants les moyens
de devenir d’importants bénéficiaires du financement climat et d’obtenir un plus large éventail
d’avantages multiples (et de pouvoir les mesurer), en allant au-delà de l’approche traditionnelle
“pauvreté et rendement”.
Source: http://www.ifad.org/climate/asap/asap.pdf.
Ainsi, dans le monde entier, il y a des organismes communautaires qui dispensent notamment à
leurs membres une assistance mutuelle en cas de chocs. En milieu rural, de tels organismes
recouvrent, parmi de nombreux autres, les groupes d’entraide, les associations locales d’épargne
et de crédit, l’église ou autres associations religieuses et les réseaux de familles élargies. Les
organisations à caractère associatif dont les fonctions sont axées sur le marché peuvent aussi
sensiblement réduire le risque, comme c’est le cas des organisations paysannes qui accroissent le
pouvoir de négociation des petits producteurs ruraux et leur permettent d’accéder au crédit ou
veillent à la qualité de l’accès au système des récépissés d’entrepôt. Les organisations fondées sur la
co-gestion des ressources naturelles peuvent en outre favoriser des pratiques de gestion durables
et faciliter l’accès aux savoirs, à l’information et aux technologies afin de prévenir les chocs, de s’y
préparer et de les surmonter. Le secteur privé a pour rôle de fournir des outils de gestion des
risques liés aux marchés (par exemple, le financement des filières dans le domaine de la finance
rurale), d’élaborer et de diffuser des technologies de production qui améliorent la résilience, et
de participer à des transactions de marché responsables, transparentes et équitables.
5
©FIDA/Santiago Albert Pons
6 Voir www.ifad.org/climate/asap/
index.htm.
S’agissant de renforcer la résilience des ménages ruraux, il existe plusieurs approches. Ainsi,
nombreuses sont les théories visant une intensification durable et résiliente de l’agriculture. À
l’échelle mondiale, il est nécessaire de reproduire une ”révolution doublement verte“ pour une
agriculture durable conciliant la culture et l’élevage, la pêche et l’agroforesterie, évitant l’utilisation
excessive d’intrants, et ne compromettant pas la fertilité des sols et les systèmes écosystémiques, tout
en accroissant la productivité et les revenus. L’agroforesterie, la gestion améliorée des pâturages,
l’aménagement de terrasses, le travail minimal du sol et la lutte intégrée contre les ravageurs sont
autant d’exemples d’approches à forte intensité de savoir, adaptées au contexte et présentant des
avantages multiples qui permettent de préserver des paysages sains et diversifiés et qui peuvent être
transposées à plus grande échelle de façon à avoir un effet bénéfique sur la résilience. De telles
approches valorisent en outre les ressources naturelles, ce qui peut faciliter l’ouverture de nouveaux
marchés pour les populations rurales pauvres, comme des produits agricoles certifiés, le paiement
de services écosystémiques hydriques et la compensation volontaire des émissions de carbone et des
effets négatifs sur la biodiversité. Ces approches peuvent donc avoir une incidence sur la
vulnérabilité des ménages ruraux aux chocs environnementaux et sur leurs sources de revenu.
Pour favoriser l’adoption de telles approches, il est essentiel de renforcer les capacités des
agriculteurs et des organisations communautaires afin de leur permettre de s’orienter vers de
nouvelles pratiques. À cet égard, une expérience novatrice en matière de renforcement de la
résilience des ménages ruraux pauvres est le Programme d’adaptation de l’agriculture paysanne
(ASAP)6, un programme multidonateur lancé par le FIDA en 2012. Ses objectifs sont d’améliorer la
capacité d’adaptation des grands programmes de développement rural au changement climatique
et de donner les moyens à au moins 8 millions de petits exploitants d’élargir leur horizon dans un
environnement en mutation rapide. Le programme encourage la reproduction à plus grande
échelle de pratiques et d’approches éprouvées afin d’accroître la production agricole tout en
réduisant la vulnérabilité aux risques liés au climat et en diversifiant les moyens de subsistance.
Il permet également aux organisations à assise communautaire de mettre à profit les nouvelles
compétences, informations et technologies au service de la gestion des risques climatiques
(comme des réseaux de stations météorologiques et des systèmes d’information géographique plus
performants) et une infrastructure plus robuste et souple.
En outre, de nombreux pays mettent en place des politiques et des institutions au service de la
protection sociale. Depuis les années 1980, les programmes de protection sociale se multiplient,
s’imposant essentiellement comme instruments de réduction de la pauvreté. Les transferts
monétaires assortis de conditions, par exemple, sont chose courante en Amérique latine; ciblant
généralement les familles très pauvres, ils visent à associer un objectif à court terme (lutter contre
la pauvreté ou améliorer la nutrition) à un objectif à long terme (briser le cycle de pauvreté
intergénérationnelle) en soumettant les transferts à des conditions de fréquentation scolaire ou de
vaccination des enfants. D’autres programmes reposent sur des systèmes de garantie d’emploi et de
6
Tableau 1 Accès à l’assurance agricole dans différentes régions
Accès à
l’assurance
Assurance
(%, 15+ ans)
Assurance maladie,
à la charge de l’assuré
Asie de l’Est et Pacifique 1)
36,80
Primes
d’assurance
agricole
USD
160 millions, 0,7%b
Soutien du gouvernement aux primes
d’assurance agricole
USD, % du total
des primes
d’assurance maladie
0 million, 0%b
Europe et Asie centrale 2)
4,50
4,0 milliards, 16%c
1,5 milliards, 37%c
Division Amérique latine et Caraïbes 3)
6,80
770 millions, 3%
260 millions, 36%
Moyen-Orient et Afrique du Nord 4)
2,50
incl. en 6)
incl. en 6)
Asie du Sud 5)
5,50
5,6 milliards, 16%
Afrique subsaharienne 6)
3,20
180 millions, 0,7%
1,0 million, 3%
?
13,6 milliards, 56%
7,8 milliards, 73%
17,10
24,3 miliards
États-Unis et Canada
Monde
d
1,8 milliards, 32%d
Sources: Banque mondiale (2012), The Little Data Book on Financial Inclusion 2012, Washington, DC; et Microinsurance
Network (2013), The Emergence and Development of Agricultural Microinsurance.
1) Cambodge, Chine, Indonésie, Malaisie, Mongolie, Philippines, République démocratique populaire lao, Thaïlande, Viet Nam.
2) Albanie, Arménie, Azerbaïdjan, Bélarus, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, ex-République yougoslave de Macédoine, Fédération
de Russie, Géorgie, Kazakhstan, Kirghizistan, Kosovo, Lettonie, Lituanie, Monténégro, Ouzbékistan, République de
Moldova, Roumanie, Serbie, Tadjikistan, Turkménistan, Turquie, Ukraine.
3) Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Costa Rica, El Salvador, Équateur, Guatemala, Haïti, Honduras, Mexique,
Nicaragua, Panama, Paraguay, Pérou, Uruguay et Venezuela (République bolivarienne du).
4) Algériea, Djibouti, Cisjordanie et Gaza, Égypte, Iran (République islamique d’)a, Iraq, Jordanie, Liban, Maroc, République
arabe syrienne, Tunisie, Yémen.
5) Afghanistan, Bangladesh, Inde, Népal, Pakistan, Sri Lanka.
6) Afrique du Sud, Angola, Bénin, Botswana, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Comores, Congo, Gabon, Ghana, Guinée,
Kenya, Lesotho, Madagascara, Malawi, Mali, Maurice, Mauritanie, Mozambique, Niger, Nigéria, Ouganda, République
centrafricainea, République démocratique du Congo, République-Unie de Tanzanie, Rwanda, Sénégal, Sierra Leone,
Somaliea, Soudan, Swaziland, Tchad, Togo, Zambie, Zimbabwe.
a
b
c
d
Exclus du calcul des agrégats régionaux parce que l’échantillonnage exclut plus de 20% de la population adulte.
Australie et Nouvelle-Zélande seulement.
Toute l’Europe seulement.
Toute l’Asie.
travaux publics, comme la loi indienne sur la garantie de l’emploi en milieu rural et le Programme
éthiopien de filet de sécurité productif, qui assurent, l’un comme l’autre, un emploi à temps
partiel à des millions de ruraux pauvres. La protection sociale est non seulement intrinsèquement
importante, mais elle peut aussi favoriser l’investissement parmi les ménages ruraux, grâce à la
mise en place d’un filet de sécurité. Elle peut en outre atténuer les effets d’un renchérissement
des produits sur les consommateurs et remplacer valablement les politiques qui, occupées à les
protéger à court terme, entravent la répercussion des hausses de prix sur les producteurs.
Une autre question qui a mobilisé l’attention ces dernières années concerne les outils de
gestion des risques de marché à l’intention des ménages ruraux pauvres. Il s’agit d’une série
d’approches de la prestation de services financiers en milieu rural et d’accords contractuels au sein
des filières agricoles. Il existe une large gamme de produits financiers – de l’épargne à l’assurance
en passant par le crédit – en mesure d’accroître la résilience. Le financement des filières (sous
la forme de contrats de vente à terme et autres dispositions) peut permettre d’atténuer les risques
pour les acteurs de la filière, surtout côté production. L’accès des ménages ruraux pauvres aux
services financiers formels, dont l’assurance, reste toutefois très restreint.
L’innovation tient aujourd’hui une grande place dans le domaine de la finance rurale.
Le FIDA est très actif dans ce domaine par l’intermédiaire d’un certain nombre d’institutions de
finance rurale qu’intéressent l’épargne rurale, le crédit, le financement par émission d’actions,
le financement des filières, les envois de fonds des travailleurs migrants, les produits de placement
axés sur ces transferts et l’assurance. Ainsi, le Mécanisme de gestion des risques météorologiques7
est le fruit d’une initiative conjointe du FIDA et du Programme alimentaire mondial (PAM)
à l’appui de l’élaboration d’instruments de gestion des risques climatiques dans les pays
en développement, notamment grâce à un produit d’assurance indexé sur les conditions
météorologiques qui vise les cultures locales. Avec une approche plus générale, la nouvelle
plateforme pour la gestion des risques agricoles est une initiative multidonateur hébergée par le
FIDA, qui tend à renforcer les capacités de gestion des risques en faveur du secteur agricole dans
7
7 Voir www.ifad.org/ruralfinance/
wrmf/.
Assurance indexée sur les conditions météorologiques en Chine et en Éthiopie
dans le cadre du Mécanisme de gestion des risques météorologiques
Le Mécanisme de gestion des risques météorologiques a lancé, à titre pilote, en Chine et en
Éthiopie, un produit d’assurance indexé sur les conditions météorologiques. Des exercices de
suivi-évaluation détaillés ont permis d’évaluer et de documenter les résultats. En Chine, la
première application d’un produit d’assurance indexé sur les conditions météorologiques visait
à réduire la vulnérabilité des petits exploitants à la sécheresse et aux vagues de chaleur.
Le Ministère de l’agriculture, l’Institut de recherche en science météorologique, l’Institut du
développement environnemental et durable de l’Académie chinoise des sciences agricoles et
la compagnie d’assurance agricole Guoyuan ont travaillé avec le Mécanisme de gestion des
risques météorologiques sur ce projet. En Éthiopie, un produit d’assurance indexé sur les
conditions météorologiques a été mis au point pour réduire le risque de sécheresse auquel sont
exposés les petits exploitants qui cultivent le haricot. Des stations météorologiques automatisées
ont également été installées à moindres frais dans le cadre du projet. L’Association nationale
météorologique, la compagnie d’assurances Nyala et la coopérative d’agriculteurs de Luma
Adama ont travaillé aux côtés de l’équipe du Mécanisme de gestion des risques météorologiques
sur le projet qui a permis de faire mieux connaître ce type d’assurance et d’en accroître la
demande dans le pays.
Source: http://www.ifad.org/ruralfinance/pub/wrmf.pdf.
8 Pour le Rapport du Groupe de
personnalités de haut niveau
chargé du programme de
développement pour l’après2015, consulter
www.un.org/sg/management/
pdf/HLP_P2015_Report.pdf.
9 Réseau des solutions pour le
développement durable (mai
2013), Programme d’action
pour un développement
durable, voir
www.unsdsn.org/2013/06/06/
action-agenda-sustainabledevelopment-report/.
10 Pacte mondial des Nations
Unies (2013), Corporate
Sustainability and the United
Nations post-2015
Development Agenda,
consulter
www.unglobalcompact.org/
docs/news_events/9.1_news_
archives/2013_06_18/UNGC_
Post2015_Report.pdf.
11 Compilation d’objectifs
proposés pour l’après-2015
sur la résilience face aux
catastrophes et au
changement climatique, voir
www.unisdr.org/2013/docs/
newyork/climateDRRcompilati
on.pdf.
Fonds international de
développement agricole
Via Paolo di Dono, 44
00142 Rome (Italie)
Téléphone: +39 06 54591
Télécopie: +39 06 5043463
Courriel: [email protected]
www.ifad.org
www.ruralpovertyportal.org
ifad-un.blogspot.com
instagram.com/ifadnews
www.facebook.com/ifad
www.twitter.com/ifadnews
www.youtube.com/user/ifadTV
les pays en développement en intégrant, dans une perspective holistique d’évaluation des risques,
le renforcement des capacités et la conception de nouveaux produits.
INCIDENCES SUR LE PROGRAMME DE DÉVELOPPEMENT POUR
L’APRÈS-2015
Le programme de développement pour l’après-2015 peut être structuré de façon à encourager
les gouvernements et autres acteurs à mettre l’accent sur le renforcement de la résilience des
populations rurales pauvres et de leurs moyens de subsistance. À cet égard, plusieurs objectifs qui
mettent tout particulièrement l’accent sur la promotion de pratiques agricoles plus durables ont
été proposés. Ainsi, le rapport du Groupe de personnalités de haut niveau chargé du programme
de développement pour l’après-2015 propose d’accroître la productivité agricole en adoptant
des pratiques durables, en réduisant les pertes après récolte et le gaspillage de nourriture, en
sauvegardant les écosystèmes, les espèces et la diversité génétique, en réduisant la déforestation et en
améliorant la qualité des sols8. Le Réseau des solutions pour le développement durable se propose
notamment “de réduire le changement climatique induit par l’homme et de garantir une énergie
durable”; “d’assurer des services écosystémiques et la biodiversité et de garantir la bonne gestion
de l’eau et des autres ressources naturelles”; et “d’améliorer les systèmes agricoles et d’accroître la
prospérité rurale9”. Le Pacte mondial envisage “d’arrêter et d’inverser la hausse annuelle des
émissions de gaz à effet de serre et la déforestation résultant de l’agriculture et de l’élevage10”.
D’aucuns suggèrent en outre de fixer des objectifs qui favoriseraient un environnement
propice à la résilience des ménages ruraux en privilégiant des politiques et une législation axées
sur les facteurs de la dégradation écosystémique qui imposent le paiement pour la pollution
et l’utilisation des services environnementaux, et un attachement commun des secteurs public
et privé à une gestion durable des ressources environnementales. Des objectifs se rapportant
à une gouvernance sans exclusive et à des principes de partenariat public-privé à l’appui de
l’investissement dans l’agriculture et les filières connexes pourraient aussi avoir un effet bénéfique
sur un tel environnement, tout comme des objectifs ayant trait à la couverture rurale de services
clés et d’infrastructures qui occupent actuellement une place prépondérante dans le débat sur
l’après-2015. Une approche rurale de ces objectifs pourrait avoir un impact positif sur la résilience
des ménages. De la même manière, en donnant une priorité adéquate aux ruraux et en ventilant
les objectifs par zone rurale/urbaine (lutte contre les inégalités, égalité des sexes et autonomisation
des femmes), on pourrait contribuer à renforcer la résilience des populations rurales pauvres. Il en
va de même dans le domaine de la gestion des risques de catastrophe11. En somme, les risques
qui pèsent sur les ménages ruraux pauvres sont aussi divers et variés que les stratégies envisageables
et dépendent de nombreux facteurs. Il est cependant nécessaire d’intégrer les considérations de
résilience dans toute une série d’objectifs tout en appréciant pleinement la complexité de
l’environnement à risque auquel doivent faire face les ménages ruraux et le secteur agricole.
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