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Cancer recto-colique :
l’imagerie médicale
Dr Marc Lacrosse, Service de Radiologie, Cliniques UCL de Mont-Godinne
Septembre 2007
Introduction
Si l’on considère la contribution de l’imagerie médicale à l’amélioration de la prise en charge
des cancers colo-rectaux au cours des dix dernières années, ce n’est pas tant l’apparition de
nouvelles techniques qu’il faut saluer mais plutôt le perfectionnement de celles qui existaient
déjà et surtout l’élaboration de stratégies diagnostiques globales de plus en plus raffinées et
de mieux en mieux codifiées.
L’aspect d’une métastase hépatique au scanner est bien connu et n’a pas fondamentalement
changé depuis plusieurs années même si les appareillages se sont considérablement
perfectionnés entretemps.
Par contre des évolutions notables se sont récemment produites concernant le choix et les
circonstances d’utilisation des techniques d’imagerie aux différentes étapes de la prise en
charge d’un cancer colique ou rectal.
Ce sont ces aspects de stratégie diagnostique qui seront évoqués dans ces lignes en mettant
l’accent sur les modifications les plus significatives survenues ces dernières années.
Récemment, plusieurs organisations ont recensé les méta-analyses les plus sérieuses pour
formuler des recommandations de bonne pratique.
Nous nous appuierons principalement sur :
1. La « Clinical practice guideline for colorectal cancer » belge publiée en 2006 par le
College of Physicians for Oncology avec l’aide du Centre fédéral d’expertise des
soins de santé (1).
2. Les Recommandations du programme interdisciplinaire belge de prise en charge des
cancers du rectum PROCARE, parues en 2004 (2,3).
3. Les trois documents publiés dans le cadre du Thésaurus de cancérologie digestive par
la Société nationale française de gastro-entérologie en collaboration avec la Fédération
francophone de cancérologie digestive, consacrés respectivement au cancer du côlon
(2007), au cancer du côlon métastatique (2006) et au cancer du rectum (2006)(3).
La préférence sera donnée aux recommandations belges qui sont toutes récentes et
particulièrement bien argumentées, en mentionnant également les alternatives éventuellement
préférées par d’autres instances.
On considèrera d’abord le bilan initial d’un cancer colique ou rectal.
On passera ensuite en revue le rôle de l’imagerie dans le suivi des patients traités avant
d’évoquer en quoi les bonnes pratiques d’imagerie d’aujourd’hui sont susceptibles d’évoluer
dans les prochaines années.
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Le bilan initial
Extension locale : cancer du rectum
Lorsque la tumeur est petite et qu’une résection limitée par voie endocavitaire est envisagée,
l’écho-endoscopie est l’examen de référence.
S’il existe un doute quant à une possible extension en profondeur c’est alors l’IRM qui
devient l’examen de choix et est formellement recommandée.
Une des évolutions majeures de la décennie écoulée est l’adoption de la technique dite
d’excision mésorectale totale qui emporte en bloc tout le contenu de l’aponévrose périrectale.
L’application stricte de cette technique chirurgicale en combinaison avec des thérapies
adjuvantes pré- et/ou post-opératoires soigneusement ajustées en fonction du bilan
d’extension local améliore significativement le pronostic des patients. Si la tumeur s’approche
à moins d’un ou deux millimètres de l’aponévrose périrectale, le risque de récidive est
fortement majoré.
L’IRM permet une détermination préopératoire efficace de la distance minimale entre la
tumeur et le fascia périrectal (cCRM : circumferential resection margin). Pour les néoplasmes
du haut rectum, selon que cette marge est inférieure ou supérieure à 5 millimètres, la
radiothérapie préopératoire sera plus ou moins dosée et sera ou non couplée à une
chimiothérapie.
Comme la CRM évaluée en IRM est un bon indicateur du risque de récidive locale après
traitement, la question se pose d’une réévaluation intermédiaire après la radiothérapie et avant
l’intervention chirurgicale. L’utilité de ce « restaging » et ses modalités ne sont pas encore
établies. L’IRM et surtout le PET semblent les meilleurs candidats à cet effet mais cette
restadification n’est pas encore recommandée dans les guides de bonne pratique les plus
récents (5).
Extension locale : cancer du colon
A l’inverse du cancer du rectum, le cancer du colon ne requiert pas d’autre évaluation de son
extension locale que le scanner abdominal qui sera de toute façon réalisé. En fait la
stadification précise sera basée sur les résultats de la chirurgie et de l’examen anatomo-
pathologique subséquent.
Evaluer le reste du colon
Lorsqu’un cancer colo-rectal est découvert, il est fréquent que coexiste une deuxième lésion
colo-rectale synchrone (dysplasique ou néoplasique). Cette situation s’observe dans 2 à 6
pourcents des cas et justifie une évaluation colique complète par colonoscopie avant le
traitement initial.
Si la colonoscopie est incomplète, la recommandation actuelle est de refaire une colonoscopie
de contrôle dans les six mois qui suivent le traitement chirurgical.
Les recommandations belges et françaises conservent le colon par lavement comme option de
deuxième choix en cas de colonoscopie incomplète (1,3). Le guide PROCARE mentionne la
colonoscopie virtuelle par scanner comme alternative additionnelle (2) mais l’utilité de cette
dernière dans cette indication précise n’est pas encore admise unanimement et n’a pas été
retenue dans les guidelines plus récentes (1).
Comme pour le dépistage pur, le rôle du colon par lavement dans le bilan d’extension du
cancer colorectal identifié est donc fortement remis en cause (6).
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Lorsque le traitement chirurgical doit être mis en œuvre en urgence (pour cause de
saignement, d’occlusion, ou de perforation), un examen radiologique du cadre colique à la
gastrografine (produit de contraste hydrosoluble) peut être réalisé avant le geste chirurgical et
tout le reste du bilan peut être reporté.
Le bilan d’extension à distance
Pour ce qui concerne le bilan initial d’extension à distance, les recommandations ont
récemment évolué et se sont simplifiées. Il faut et il suffit d’obtenir :
Une évaluation du taux d’antigène carcino-embryonnaire (CEA)
Un scanner thoraco-abdominal hélicoïdal avec injection intraveineuse de produit de
contraste iodé
On peut premièrement noter que pour la détection de métastases pulmonaires la radiographie
du thorax qui figurait encore dans les recommandations Procare en 2004 et demeure dans la
mise à jour des guidelines françaises de février 2007 est désormais abandonnée dans les
recommandations belges (1) au profit du scanner thoracique. Il faut dire que le scanner est
beaucoup plus performant et que les appareillages récents permettent la réalisation d’un
scanner thoraco-abdomino-pelvien en un temps.
Pareillement l’échographie hépatique de première ligne est abandonnée dans les
recommandations belges (1,2) au profit du scanner avec contraste pour la recherche de
métastases hépatiques. L’IRM est une alternative valable au scanner. Par contre l’échographie
ne peut plus être utilisée dans cette indication que si ni le scanner ni l’IRM ne peuvent être
réalisés.
Pour la recherche d’adénopathies rétropéritonéales, seul le scanner est retenu.
Cette polyvalence du scanner appliqué à l’ensemble du thorax et de l’abdomen permet en
outre souvent de découvrir fortuitement des pathologies inattendues dont la présence peut
altérer la prise en charge du cancer colorectal lui-même (7).
On peut noter que les guidelines actuelles qui ont servi de base au présent article n’accordent
pas de place au PET (tomographie par émission de positrons) dans le bilan initial. Les
recommandations américaines vont dans le même sens (8). Pourtant le même organisme d’état
qui a préparé les recommandations belges en matière de cancer colo-rectal notait déjà dans un
rapport analogue consacré au PET en 2005 (9) que ce dernier est une méthode
particulièrement efficace de stadification initiale du cancer colo-rectal, avec notamment une
excellente sensibilité pour la détection des métastases hépatiques.
Probablement cette discordance apparente s’explique-t-elle par le coût du modeste gain de
sensibilité obtenu lorsqu’un bilan initial qui comporte de toute façon un scanner est complété
d’office par la réalisation d’un PET.
Par contre lorsque le bilan initial montre d’emblée la présence de métastases (stade IV), ce qui
est le cas de plus ou moins 25% des cas, l’option chirurgicale ne peut avoir de finalité
curative que si la totalité des sites métastatiques identifiables sont traités. Dans ce cas la
réalisation d’un PET est formellement recommandée (1,3). De même on recommande la
réalisation d’une IRM avec produit de contraste et/ou d’une biopsie percutanée en cas de
doute quant à la nature d’une anomalie hépatique dans un tel contexte.
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Quel suivi radiologique après le traitement initial
Le patient présumé guéri
A priori le patient présumé guéri, c’est-à-dire celui qui se présentait avec un cancer au stade I
lors de sa prise en charge n’est redevable d’aucun suivi radiologique particulier.
Dans ce cas le suivi repose sur des consultations médicales orientées régulières et fréquentes
(tous les trois à six mois dans les trois premières années) avec dosage du CEA.
Rappelons également que la colonoscopie qui n’aurait pas été complète initialement doit être
recommencée dans les six mois. Elle sera ensuite répétée à trois ans puis tous les cinq ans s’il
n’y a pas de facteur de risque additionnel particulier.
Le patient à risque de récidive
Pendant longtemps le suivi des patients à risque de récidive (stades II et III) a fait l’objet de
controverses. Certains prônaient un suivi intensif, espérant que détecter précocement une
récidive locale ou à distance permettrait une prise en charge plus efficace. On sait en effet que
contrairement à la règle qui prévaut pour certains autres cancers, l’apparition d’une ou de
quelques métastases d’un néoplasme colorectal n’est pas le signe d’une dissémination diffuse
inexorable. Par exemple on peut espérer jusqu’à 30 voire même 50 pourcents de survie à cinq
ans après résection de métastases pulmonaires ou hépatiques isolées (10). Même la
carcinomatose péritonéale peut voir son pronostic amélioré par une prise en charge précoce et
agressive (11)
A l’inverse d’autres estiment qu’un suivi plus léger, moins exigeant pour le patient et moins
onéreux n’est pas clairement moins efficace, la détection un peu plus tardive de la récidive
n’amenuisant pas significativement l’efficacité du traitement. Cette deuxième conception
prévalait encore il y a trois ans d’ici (12,13).
Un tournant survint en 2005 quand l’American Society of Clinical Oncology modifia
complètement ses recommandations antérieures qui dataient de l’an 2000 pour prôner
désormais le recours systématique au scanner thoracique et abdominal une fois par an pendant
trois ans dans le suivi des patients ayant bénéficié de la résection d’un cancer colique ou rectal
et présentant des risques de récidive, alors que ce type de suivi était précédemment
explicitement déconseillé (14).
C’est l’option que suivent désormais les recommandations belges de bonne pratique : outre la
consultation régulière, le suivi du CEA et la colonoscopie (comme pour les stades I), il est
recommandé de procéder à un scanner thoraco-abdominal trois mois après le traitement
initial, à répéter ensuite tous les ans pendant 3 ans (1).
Notons que le programme PROCARE élaboré en 2004 prônait une surveillance encore plus
intensive mais moins clairement définie : « Patients should be offered thoracic and liver
imaging every 3-6 months during the first three postoperative years ».
Comme dans le cas du bilan initial, la radiographie de thorax et l’échographie hépatique
disparaissent de l’algorithme de suivi préconisé actuellement.
Que convient-il de faire lorsque le suivi de routine ainsi défini met en évidence une anomalie
dont la signification est douteuse ?
Le guide de bonne conduite n’est pas exhaustif mais donne quelques indications :
Manifestement l’IRM peut servir de deuxième ligne d’évaluation.
Mais clairement c’est au PET qu’on est supposé recourir dans les cas demeurant ambigus :
Le PET est formellement recommandé dans les circonstances suivantes :
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Suspicion de récidive locale lorsque le scanner, l’IRM et l’endoscopie ne sont pas
concluants.
Confirmer ou exclure la nature métastatique de lésions équivoques au CT et/ou en
IRM (notamment adénopathies rétropéritonéales et nodules pulmonaires ou
hépatiques).
Elévation progressive du taux de CEA
Bizarrement la biopsie percutanée n’est nulle part évoquée pour résoudre les ambiguités
diagnostiques dans les recommandations de bonne pratique belges et françaises alors qu’elle
est par exemple considérée comme la procédure la plus adéquate en cas d’incertitude au sujet
d’une lésion hépatique suspecte dans les recommandations de l’American College of
Radiology (15).
Lorsque la maladie progresse
Une fois qu’une récidive locale ou à distance survient, une première étape consiste à évaluer
la résécabilité des lésions.
Ceci suppose la mise en œuvre de toute la panoplie des techniques diagnostiques disponibles,
sachant qu’un principe fondamental est que la résection des localisations secondaires ne
s’entreprend a priori que si toutes les métastases peuvent être traitées chirurgicalement (ou par
ablation percutanée). Le scanner, l’IRM, le PET et les biopsies sont mis en œuvre selon les
particularités du patient.
Qu’il y ait ou non chirurgie, la chimiothérapie et d’autres thérapies systémiques (agents anti-
angiogenèse, anti-facteurs de croissance, …) sont mises en œuvre. Le suivi par imagerie est à
adapter au cas par cas, sachant qu’une tendance récente consiste à essayer d’obtenir
l’évaluation la plus précoce possible de la réponse au traitement, de telle sorte que ne soient
pas poursuivis inutilement des traitements souvent pénibles et parfois extrêmement onéreux.
Dans certains protocoles de traitement, il est désormais courant que le premier contrôle par
imagerie soit effectué après deux ou trois cures, soit six à huit semaines après le début du
traitement. On investigue actuellement activement toute une série de pistes pour arriver à
détecter encore plus précocément le degré d’efficacité des traitements.
La règle générale veut qu’une lésion soit suivie au moyen de la technique qui la mettait le
mieux en évidence lors de sa détection initiale.
Discussion et perspectives
Les recommandations belges de bonne pratique pour la prise en charge des néoplasmes colo-
rectaux ont le mérite d’être récentes et très bien argumentées. Comme toutes les Guidelines
elles représentent ce qui est sûr aujourd’hui, ou plutôt ce pour quoi une accumulation
suffisante de données a pu être observé au fil des ans.
Leur diffusion permet d’espérer une uniformisation des méthodes de prise en charge à un haut
niveau de qualité et devrait contribuer à une amélioration des chances de survie des patients
souffrant d’un néoplasme colo-rectal (3).
Par définition, de telles recommandations ne peuvent pas prendre en compte les toutes
dernières expérimentations. Même les nouveautés les plus prometteuses prennent des années
avant de faire leurs preuves et d’être intégrées dans de tels guides de bonne pratique.
Pour ce qui concerne l’imagerie, on voit dans l’état actuel des recommandations quelques
fortes inflexions qui seront sans doute définitives comme le quasi abandon du colon par
lavement, de l’échographie et de la radiographie du thorax pour la majorité des patients.
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