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Comptes rendus de lecture-Revue d’Etudesen Agriculture etEnvironnement,91 (2),229-252
manière dontl’accèsaux aliments astructuré l’expériencesociale etnutritionnelle de l’individu,dansle
casde lasociétéroumaine pendant sadernière décennie communiste» (p. 12). Catherina Perianu
analyse, à travers des témoignagesetdesobservations, commentlafonction sociale de la
nourriture prend une place et une signification propresaucontexte économique etpolitique
de la Roumanie de lafin de ladictature. Lespratiquesalimentaires sontaucœur de
laconstruction de l’identité desindividus,dulien social etdeséchanges.Avecun
approvisionnementdifficile,lesfilesd’attenteconstituentdeslieux privilégiésde débrouillardise,
de développementde réseaux sociaux,voire de résistance politique. Pour l’auteur,la
préparation culinaire,le bricolage des recettes traditionnellesetlesoccasionsfestivesont
«influencé de manière notable lafaçon dontlesindividus se percevaientet se définissaientpar rapport
àsoi-même età autrui» (p. 9). Atravers uncasd’étude, Alicia Guidonet,dans son article
«La réciprocitécomme stratégie pour gérerlafaim etlaprécaritéalimentaire », analyse la
manière dont une femme en situation de monoparentalité faitfaceaux différentesétapes
imposéesparle ravitaillementen tempsde guerre dans unromanclassiquecatalan. Elle
montre laplacecentrale de laréciprocitécomme ressource etdéfend l’hypothèse « selon
laquelle l’une desfonctionsde l’alimentation serait,danscecontextespécifique,la création etle maintien
des relations sociales». Ainsi,les relations sociales sont réexaminéesàtravers le filtre de
l’alimentation (son établissement,sesaffaiblissements ou son effritement). Enfin,l’article de
VincentChenillé,«La faim danslespays occidentaux développés.Sa représentation dansle
cinémade fiction (1918-2006) »,proposeune recension d’une centaine de films«tournésà
un momentoùlafaim était techniquement réglée » etdésormaisintolérable danslespays
appartenantaucorpus France, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie etEspagne. La faim est
placée àl’écrancomme propreàdes situationshistoriquesexceptionnelles,l’isolement
géographique ou social,lamarginalité. L’auteur faitégalement une caractérisation des
personnagesqui ontfaim et y résistent,devenantdeshéros.
Letroisième axeregroupe un ensemble de textesportant sur desindividus en situation
d’extrême pauvreté et s’intéressantaux effets desaides socialesen matièrealimentairesur
leurs bénéficiaires.Constituantlaplus grande partie desbénéficiairesde l’aide d’urgence,
lessans-abrisontlargementétudiésdansce numéro. Amandine Plancade montre notamment
que leur alimentation secaractérise par une dépendance plus oumoinsforteselon les
pratiquesd’approvisionnement(glanage,récupération de restesetdesproduits en fin de
marché,pratiquesde manche,de vol,de ‘débrouille’ et,éventuellement,d’achat). C’est à
cettecatégorie qu’appartiennentlesquatre habitants de « la cabane »,unabri de fortune où
l’approvisionnement(dons,récupération et,dans une moindre proportion, achat) etla
préparation des repasprennent une placecentrale danslavie quotidienne,organisentet
structurentlavie sociale de sesmembres,etpermettentd’établirdes relationsavecleur
voisinage. « Suivre le chemin parcouru parlesaliments,décrire lesfaçonsde se lesprocurer,de les
cuisiner,de lesconsommer,de les redonneretde lesjeterinviteà considérerles rapports sociaux en jeu
età comprendrecomment seconstruitlavaleur desaliments à chacune de cesétapes» (§ 3). La
valorisation desdenréespour la consommation est une activité loin d’être exclusivement
une activité de survie oude maintien physique,même si elle constituerarement,nous dit
l'auteur,une « question de goût ». Ce processus constitue pour lesmembresde la cabane une
construction de soi,une possibilité de négocierleur relation avecle manque. Il leur procure
égalementle statut de « possesseurs » d’aliments etmême lapossibilité de deveniraidant/
donateur.Dansl’optique de dresser uncadre plus général, Carole Amistani etDaniel Terrolle
définissentl’alimentation des sans-logisparleur autonomie (entenduecomme le choix) et/ou