Utilisation des orexigènes pour le traitement de l`anorexie au cours

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EVIDENCE-BASED MEDICINE
Utilisation des orexigènes
pour le traitement
de l’anorexie au cours du cancer
P. Crenn (Garches)
L
a réduction des ingesta en cancérologie est
l’un des mécanismes majeurs à l’origine de la
dénutrition et de la perte de poids. La prévalence de l’anorexie du patient atteint d’un cancer
varie selon les tumeurs. Elle est quasi constante
en situation palliative avancée. Un médicament
est considéré comme ayant un effet orexigène
quand il permet d’augmenter l’appétit. Aucun
produit n’a une action sur l’ensemble des causes
et des voies impliquées. Certains produits ont
également une action anabolisante et/ou anticachectisante.
Corticoïdes
Ils agissent par stimulation centrale de l’appétit et
par diminution de production de cytokines périphériques. La dexaméthasone, la prednisolone et
la méthylprednisolone ont été testées pour leurs
effets orexigènes, toujours en situation avancée
ou palliative. Les études randomisées comparant
corticoïdes et placebo sont anciennes. Deux autres
études ont comparé les corticoïdes à l’acétate de
mégestrol. L’effet orexigène a été demontré (1).
Un gain variable de poids par rétention hydrosodée et une augmentation de tissu graisseux ainsi
qu’une augmentation de la sensation de bien-être
ont été observés. Les modalités de prescription
(dose, durée) restent cependant imprécises et la
surveillance des effets indésirables, qui réduisent
le bénéfice espéré, est indispensable.
Progestatifs de synthèse
De nombreuses études randomisées en double
aveugle et méta-analyses ont montré que ces
produits stimulent l’appétit et entraînent une
prise de poids prédominant sur le tissu graisseux
(2, 3). Les résultats relatifs aux corticoïdes ont
retrouvé un effet semblable sur l’augmentation
Ce qu’il faut retenir
Au cours des cancers digestifs, les orexigènes peuvent être proposés dans
le but d’améliorer une anorexie quand elle est une plainte caractérisée,
après échec des mesures diététiques et des compléments nutritionnels
oraux. L’acétate de mégestrol ou de médroxyprogestérone et les corticoïdes ont prouvé leur efficacité sur l’appétit et le poids en cures “courtes”
(< 1 mois pour les corticoïdes, 2 à 3 mois pour les progestatifs). Les
critères d’arrêt, en dehors de la mauvaise tolérance (risque thrombogène
des progestatifs), ne sont pas définis.
de la prise alimentaire, mais les progestatifs de
synthèse occasionnent moins d’effets indésirables,
en dehors des thromboses veineuses. Les posologies d’acétate de mégestrol sont variables (160 à
1 600 mg/j) sans détermination d’une dose optimale. Les effets indésirables les plus fréquents
sont les œdèmes et les thromboses veineuses
(5 %). L’acétate de médroxyprogestérone (200 à
1 500 mg/j) a été moins étudié.
niveau
de preuve
elip
Nutrition
1
Produits inefficaces
Le sulfate d’hydralazine, la pentoxyfilline, la
nandrolone et le dronabinol, ainsi que plus récemment les anticorps monoclonaux anti-TNFα injectables, sont des médicaments qui ont été évalués
négativement.
Produits nécessitant des études
prospectives randomisées
➤➤ Mirtazapine ; métoclopramide et neuroleptiques.
➤➤ Thalidomide.
➤➤ Agoniste de la ghréline.
➤➤ Cyproheptadine.
➤➤ Antagoniste des récepteurs de la mélanocortine.
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XV - n° 1 - janvier-février 2012 | 39
EVIDENCE-BASED MEDICINE
Questions
non résolues
»» “La dose optimale,
la durée et le moment
pour commencer
un traitement par orexigènes chez les patients
cancéreux hypophagiques
restent très mal connus.
Une recherche spécifique avec des moyens
de mesure reconnus est
nécessaire” (4).
»» D’autres molécules,
telles que les agonistes
de la ghréline, régulant
le centre de l’appétit,
seraient à étudier de
manière plus approfondie
pour leur action
orexigène (tableau).
Nutrition
Tableau. Orexigènes en cancérologie : niveau de preuve scientifique.
Produits
Niveau de preuve sur l’anorexie
Efficaces sur l’anorexie
Corticoïdes (prednisolone, méthylprednisolone)
Acétate de mégestrol
Acétate de médroxyprogestérone
1
1
1
Non efficaces
Cannabinoïdes
Sulfate d’hydralazine
Pentoxifylline
Nandrolone
Anticorps anti-TNFα (étanercept, infliximab)
2
2
2
4
2
À évaluer dans des études complémentaires
Thalidomide*
Cyproheptadine
Mirtazapine
Métoclopramide
Mélatonine
Agoniste de la ghréline
2
4
4
4
4
4
*Non
orexigène, mais anticatabolisant.
Références bibliographiques
1. Desport JC, Gory-Delabaere G, Blanc-Vincent MP et al. Standards, Options and Recommendations for the use of appetite
stimulants in oncology (2000). Br J Cancer 2003;89(Suppl.1):S98S100.
2. Pascual Lopez A, Roque i Figuls M, Urrutia Cuchi G et al. Systematic review of megestrol acetate in the treatment of anorexiacachexia syndrome. J Pain Symptom Manage 2004;27:360-9.
3. Berenstein EG, Ortiz Z. Megestrol acetate for the treatment
of anorexia-cachexia syndrome. Cochrane Database Syst Rev
2005:CD004310.
4. Yavuzsen T, Davis MP, Walsh D, LeGrand S, Lagman R. Systematic
review of the treatment of cancer-associated anorexia and weight
loss. J Clin Oncol 2005;23:8500-11.
Les acides gras n-3 sont-ils efficaces
pour traiter la cachexie induite
par le cancer ?
X. Hébuterne (Nice)
Ce qu’il faut retenir
Chez les malades cachectiques porteurs d’un cancer, une complémentation en acides gras polyinsaturés (AGPI) n-3 d’au moins 2 g/j ralentit
la perte pondérale (grade 2).
À cette posologie, la tolérance est bonne et les effets indésirables sont
mineurs (grade 1).
L’utilisation de compléments nutritionnels oraux enrichis en AGPI n-3
semble plus efficace qu’une complémentation seule sous la forme de
gélules (grade 3).
Pour être efficace, la durée de la complémentation doit être d’au moins
8 semaines (grade 3).
40 | La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XV - n° 1 - janvier-février 2012
L
a perte de poids et la cachexie sont souvent
observées au cours de l’évolution des pathologies cancéreuses. Les cytokines et/ou autres
substances produites par la tumeur (PIF, facteur
induction de protéolyse [Proteolysis-inducing factor] ;
LMF, facteur de mobilisation lipidique) ou par la
relation hôte-tumeur ont été retrouvées comme
médiateurs de cette dénutrition. La modification de
l’appétit est également un des effets de ces médiateurs et des cytokines ou des troubles de la sécrétion
de certaines hormones. Les acides gras n-3 changent
la composition lipidique des membranes cellulaires,
ce qui entraîne une modification de la fluidité de la
membrane et des produits de l’hydrolyse lipidique
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