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MAI 2016
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N°25
Florilège d’articles parus dans le journal et sur le site "Chère Gospa" entre 2000 et 2016
♥
EDITO
L'HISTOIRE DE L'EGLISE (DES ORIGINES JUSQU'AU DEBUT
DU XXe SIECLE)
Hvaljen Isus i Marija !
Loués soient Jésus et Marie !
Que s'est-il passé après la Pentecôte ? Ne trouvez-vous pas que c'est là une
question très importante ? Oui, ne trouvez-vous pas qu'il est fondamental de savoir
comment l'Esprit Saint a continué d'agir, au fil des siècles, et comment il a guidé
l’Église ? Après tout, la Pentecôte ne marque pas la fin mais, bien au contraire, le
début de cette longue et passionnante aventure qu'est celle du christianisme !
En lisant l'histoire de l'Eglise, on trouve également de très nombreuses réponses à
des problèmes actuels. C'est donc toujours très enrichissant et très énergisant de lire
cette histoire qui, finalement, est la nôtre, celle de notre famille spirituelle.
Ce PDF n°25 a été réalisé à partir de notes que j'ai prises lors de conférences sur
l'histoire de l'Eglise auxquelles j'ai assisté. Certaines de ces conférences ont été
données par le Père Berrnard Peyrous (de l'Emmanuel), d'autres par des prêtres ou
des professeurs d'histoire de mon diocèse... Puis, petit à petit, j'ai essayé de
compléter ces notes par des recherches personnelles (livres, revues...) et c'est ainsi
que j'ai pu rédiger ce petit "résumé" de l'histoire de l'Eglise.
N'hésitez pas à le feuilleter comme on feuillète un album de famille, même dans le
désordre. Vous verrez que vous y trouverez des choses qui vous intéresseront !
RV
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1)-Index général et accès rapide >>
2)-L'histoire de l'Eglise >>
3)-Témoignage >>
4)-Infos diverses >>
♥
INDEX
INDEX GENERAL ET ACCES RAPIDE
Les liens hypertextes ci-dessous vous permettent d'accéder rapidement
aux différentes parties de ce PDF.
A
L'HISTOIRE DE L'EGLISE
†
1 L’Eglise du Moyen Age (du 1er au 5ème siècle) >>
● Supplément 1A : Les persécutions et le triomphe du christianisme >>
2 L’Église du Moyen Age : pilier de l'Europe et victime du système féodal
(du 5e au 11e siècle) >>
● Supplément 2A : Saint Benoît, le père du monachisme occidental >>
3 L'Eglise du Moyen Age : un souffle nouveau venu des grands ordres
monastiques (du 11e au 13e siècle) >>
● Supplément 3A : les seigneurs et la nomination des abbés
dans les grands ordres monastiques (du 11e au 13e siècle) >>
4 L'Eglise du Moyen Age : un souffle nouveau venu de la réforme grégorienne
(du 11e au 13e siècle) >>
● Supplément 4A : la question de l'Inquisition >>
5 L'Eglise du Moyen Age : le temps des cathédrales (du 12e au 14e siècle) >>
● Supplément 5A : Les deux principales sources de conflit entre les Papes
et les souverains du Moyen Age >>
● Supplément 5B : Peste noire, guerre de cent ans, avancée de l'Islam :
la difficile sortie du Moyen Age (14e et 15e siècles) >>
● Supplément 5C : le bilan de l’Église missionnaire au Moyen Age >>
6 L'Eglise de la Renaissance : l'apparition de l'humanisme
(du 15e au 17e siècle) >>
7 L'Eglise de la Renaissance : une nouvelle crise du clergé qui ressemble
à celle du Moyen Age (du 14e au 16e siècle) >>
Suite
↓
8 L'Eglise de la Renaissance : l'effondrement de la papauté et des ordres
monastiques (du 14e au 16e siècle) >>
9 L'Eglise de la Renaissance : la résurrection et le Concile de Trente
(16e siècle) >>
10 L'Eglise de la Renaissance : la résurrection des ordres monastiques
(16e siècle) >>
● Supplément 10A : Contre-réforme catholique : la France rattrape son retard
grâce au génie de saint Vincent de Paul (17e siècle) >>
● Supplément 10B : Le bilan de l’Église missionnaire à la Renaissance >>
11 L'Eglise à l'époque des lumières : face au mirage de la science
et de la raison (18e siècle) >>
12 L'Eglise à l'époque des lumières : le traumatisme
de la Révolution française (18e siècle) >>
13 L'Eglise du 19e siècle : l'esprit missionnaire sauve l’Église de France
après la révolution de 1789 (19e siècle) >>
14 L'Eglise du 19e siècle : malgré un grand élan missionnaire,
la victoire de l’Église n'est pas totale >>
● Supplément 14A : le bilan de l’Église missionnaire au 19e siècle >>
B
TEMOIGNAGE
Comment je me suis réconcilié avec l'histoire >>
Un petit témoignage de votre serviteur pour expliquer comment l'histoire de l'Eglise
m'a fait aimer l'histoire en général alors que j'avais toujours eu énormément de mal
avec cette matière au collège et au lycée.
Et maintenant,
en route pour la grande aventure !
♥
DOCUMENT A
L'HISTOIRE DE L'EGLISE (DES ORIGINES JUSQU'AU DEBUT DU
XXe SIECLE)
>Articles postés en 2006
>Catégorie : "Histoire"
Comme un enfant a besoin de connaître l'histoire de ses parents, un chrétien a
besoin de connaître l'histoire de son Église. Les racines spirituelles sont tout aussi
importantes que les racines terrestres pour qui cherche à savoir d'où il vient.
Chapitre 1
L'EGLISE DES ORIGINES (du 1er au 5e siècle)
1-Au début de notre ère, les romains ont un très grand dynamisme administratif et
militaire. Ils parviennent à dominer et à unifier tout le bassin méditerranéen (c'est-àdire : l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord).
L'Empire vit alors dans la paix et il possède de nombreuses voies de communication
(aussi bien terrestres que maritimes). Par la suite, cela facilitera la propagation du
christianisme.
2-Au niveau spirituel, le début du 1er siècle est un temps de recherche. C'est un peu
comme si l'on attendait "quelque chose". Les gens aspirent à une vie nouvelle (une
vie moins politisée et moins hiérarchisée); aussi l'Empire est-il envahi par les
religions égyptiennes et proche-orientales.
Il y a également beaucoup de mal, dans la vie quotidienne (débauche, luxure,
magie...), de même que de faux messies (on sait, en effet, et ce grâce aux juifs,
qu'un Sauveur doit venir).
3-A Jérusalem, après la résurrection de Jésus, se trouve un "noyau" de croyants : les
apôtres et la Vierge Marie. Après la Pentecôte (qui est un véritable "Big Bang"
religieux), la foi chrétienne se propage très rapidement dans l'Empire.
Cette dernière rencontre vite du succès pour diverses raisons : les païens ont
l'impression de sortir du flou et certains juifs se sentent libérés de la loi; beaucoup de
personnes sentent aussi que la vérité est là, que tout prend soudainement un sens,
que Dieu est réellement proche...
4-Les 3 choses qui attirent le plus les gens au christianisme sont les suivantes :
a)-Les chrétiens ont des rapports basés sur l'amour. Or, dans l'Empire, la relation
maître-esclave est très importante. Un esclave est une "chose" et il ne peut pas se
marier.
b)-Certaines chrétiennes deviennent des vierges consacrées. Or, en ce temps-là,
cela n'existe pas. Ce nouvel état de vie fait donc beaucoup réfléchir. On se dit que
Dieu doit exister pour que des femmes acceptent de tout quitter pour Lui.
c)-Les premiers martyrs marquent beaucoup les esprits, eux aussi, et ce par leur
courage et par la radicalité du don de leur personne. L'impact qu'ils ont sur les gens
est énorme.
5-En dépit du fait que les chrétiens rencontrent du succès auprès des populations, il
y a très vite des persécutions organisées par ceux qui pensent que leur foi
représente une "menace".
En 64, à Rome (sous Néron), c'est la première persécution. L'oppression n'est pas
continue et elle n'est pas présente sur tout l'Empire en même temps, mais c'est
quand même très dur.
En 275, alors que l'Empire est menacé par les invasions, Rome "serre les vis" et
adopte la "religion de Mithra" (une religion orientale). Quiconque n'y adhère pas est
déclaré "ennemi de l'Empereur".
Cependant, plus les chrétiens meurent martyrs, et plus les gens sont attirer par leurs
idées. Les persécutions sont donc un échec total.
6-En 313, après s'être emparé de Rome en écrasant Maxence, Constantin signe la
paix avec les chrétiens (c'est l'édit de Milan).
Protéger les chrétiens est une nécessité politique, pour lui, car ces derniers
représentent 1/4 de la population de l'Empire.
Dès lors que les persécutions sont interdites, le christianisme prend vraiment de
l'ampleur dans tout l'Empire romain (mais il n'est pas la religion impériale) : apparition
des symboles chrétiens sur les monnaies (315), construction de l'église Saint Pierre
de Rome et Saint Paul hors-les-murs, accession des chrétiens aux plus hautes
charges de l'état, le dimanche devient un jour férié (325), on prend des mesures pour
les esclaves et les prisonniers, on sanctionne l'adultère ainsi que le rapt, on interdit
l'abandon des nouveaux nés et les combats de gladiateurs (434)...
7-A la fin du 4e siècle, le christianisme devient une véritable religion de masse : des
diocèses sont déjà formés, la théologie est mise en place par des saints comme
Athanase ou Augustin, l’Église commence à passer en dehors des frontières de
l'Empire (en Perse, en Arménie, dans le Caucase, en Arabie, en Éthiopie, en Irlande,
en Écosse...). Bref, la grande aventure continue !
Supplément 1A
Les persécutions et le triomphe du christianisme
Entre la Pentecôte (33) et l'édit de Milan qui accorde la liberté de culte aux chrétiens
(313), il y a dix grandes persécutions.
Ces persécutions sont la conséquence de trois choses :
a)-Les chrétiens disent que leur religion s'adresse à tous (y compris aux Romains).
b)-Les chrétiens refusent d'adorer l'Empereur romain comme s'il était un Dieu.
c)-Les chrétiens rejettent les "dieux" romains.
1-La première persécution est ordonnée par Néron (64-68).
Le 18 juillet 64, un terrible incendie détruit les 2/3 de Rome. Il dure 6 jours. On
accuse alors les chrétiens de l'avoir allumé, puis on les livre en pâture aux bêtes
féroces, on les crucifie, on les écorche vifs, on les enduit de poix (c'est-à-dire d'un
mélange de résines et de goudrons végétaux) pour les faire brûler comme des
torches, pendant la nuit, dans les jardins de l'Empereur...
Saint Pierre est crucifié sur la colline du Vatican et Saint Paul, pour sa part, est
décapité sur la route d'Ostie (un port de Rome), au lieu-dit "les trois fontaines" (tous
les historiens ne sont pas d'accord sur ce point).
2-La seconde persécution est ordonnée par Domitien (94-96).
Il y a plus de 2 000 victimes. La tradition dit que l'apôtre Saint Jean a été plongé
dans un chaudron d'huile bouillante.
3-La troisième persécution est ordonnée par Trajan (98-117).
Elle est moins cruelle que les deux précédentes.
4-La quatrième persécution est ordonnée par Hadrien (118-129).
5-La cinquième persécution est ordonnée par Marc-Aurèle (161-178).
6-La sixième persécution est ordonnée par Septime-Sévère (200-211).
Elle n'est pas très sanglante. On essaye surtout de discréditer les chrétiens en disant
qu'ils mangent de la chair et boivent du sang (en référence à l'Eucharistie).
De plus, on punit les évêques et les prêtres, et on prend des mesures pour que
l'évangélisation s'arrête.
7-La septième persécution est ordonnée par Maximin (235-237).
On utilise les mêmes techniques que pour la précédente persécution.
8-La huitième persécution est ordonnée par Décius (249-251).
C'est une persécution très dure. Il y a plus de 3 000 morts. De nombreux magistrats
romains se montrent particulièrement cruels en demandant que l'on soigne les plaies
des blessés pour les rouvrir ensuite.
9-La neuvième persécution est ordonnée par Valérien (257-259).
On interdit aux chrétiens de se réunir, sous peine de mort. On les classe alors en 4
catégories différentes :
a)-Les ministres ordonnés (ils doivent être exécutés sur le champ).
b)-Les sénateurs et les chevaliers (on leur confisque leurs biens).
c)-Les femmes mariées et les mères de famille (on leur confisque également leurs
biens et on les envoie en exil).
d)-Les membres du personnel du Palais (ils sont eux aussi dépossédés et astreints à
travailler enchaînés).
10-La dixième persécution est ordonnée par Dioclétien et Maximin (303-310).
Dioclétien veut arracher à tout jamais "la dangereuse plante du christianisme" qu'il
tient pour responsable de la ruine de l'Empire Romain (en fait, cette ruine vient de la
mauvaise qualité des dirigeants et des menaces barbares).
C'est la période de "l'ère des martyrs" : il y a plus de 20 000 victimes. Mais après, de
grands progrès sont réalisés :
a)-En 313, l'édit de Milan accorde aux chrétiens la liberté de culte.
b)-En 380, Théodose proclame le christianisme religion officielle de l'Empire.
c)-En tout, il y aura eu 77 années de persécutions.
Chapitre 2
L'EGLISE DU MOYEN AGE : PILIER DE L'EUROPE
ET VICTIME DU SYSTEME FEODAL (du 5e au 11e siècle)
1-Jusqu'au 5e siècle, l'Empire romain est si vaste qu'il est dirigé depuis deux pôles
forts : Rome (l'Empire d'Occident) et Constantinople, en Turquie (l'Empire d'Orient).
En 406, la partie occidentale tombe aux mains de tribus barbares : ce sont les
grandes invasions (qui marquent le début du Moyen Age). Les Huns, les Wisigoths,
les Ostrogoths, les Vandales, les Alamandes, les Francs... pénètrent dans l'Empire et
leurs rois donnent les territoires conquis aux plus braves de leurs soldats (qui
deviennent alors des seigneurs en échange d'un serment d'allégeance).
2-Les invasions plongent l'Europe dans le cahot : l'autorité romaine n'existe plus, les
tribus barbares sont toujours en guerre les unes contre les autres, il y a souvent des
problèmes de succession à la mort des rois barbares (des contestations, des
divisions...), les conflits sont fréquents entre les rois et les seigneurs (concurrences,
jalousies...).
Peu à peu, on assiste même à des rivalités à l'échelle des "pays naissants". Puis,
progressivement, des menaces extérieures viennent peser sur ce monde encore très
fragile : l'avancée de l'Islam au Sud (à partir du 7e siècle), l'avancée des Normands
(au Nord) et des Hongrois (à l'Est)... Tout est très instable même s'il est vrai qu'une
évolution réelle se fait, avec le temps.
3-Au moment de la chute de la partie occidentale de l'Empire romain, l'Eglise joue un
rôle très important car elle est la seule institution à avoir des structures stables : les
évêchés (les évêques sont alors les "protecteurs de la cité"), les paroisses, les
monastères...
De plus, l'Eglise transmet un art de vivre et une culture qui sont autant de repères
fixes pour les gens. Beaucoup affirment aujourd'hui qu'elle a sauvé l'Europe, à cette
époque. Il faut donc compter avec elle, si l'on veut installer un pouvoir durable.
4-Les rapports que l'Eglise entretient avec les nouvelles autorités se résument en
deux points :
Premier point
Tout d'abord, l'Eglise pèse beaucoup sur l'évolution des choses.
a)-En 496, grâce à l'influence de sainte Geneviève, sainte Clotilde et saint Rémi,
Clovis (le roi des francs) se fait baptiser. La France devient alors le premier royaume
catholique occidental (la "Fille Aînée de l'Eglise").
b)-En 732, pour protéger le christianisme, Charles Martel stoppe les Musulmans à
Poitier.
c)-En 768, Charlemagne devient une grande figure de son temps : il veille sur le
développement de la foi, promeut l'art dans les monastères, anime une véritable
renaissance culturelle...
Il s'emploie aussi à reconstituer l'Empire Romain (en 800, il est même couronné
empereur par le Pape Léon III) mais, après sa mort, ses héritiers se divisent et le
rêve d'unité s'effondre. L'Europe se morcelle à nouveau en petits royaumes.
d)-En 987, Hugues Capet, qui est duc d'Ile de France, inaugure une longue dynastie
qui donnera à notre pays des personnages importants : saint Louis (13e siècle),
Charles VII (15e siècle) que Jeanne d'Arc remettra sur le trône pour en faire "le
lieutenant de Dieu"...
L'Eglise, nous le voyons, fait donc "émerger" des dirigeants chrétiens.
Deuxième point
Toutefois, si l'Eglise influence la société, la société influence elle aussi l'Eglise ! Et
pas forcément dans le bon sens ! Voici pourquoi :
Les menaces et l'instabilité ambiantes font que les domaines seigneuriaux prennent
de l'importance, au fil des siècles. En effet, ils sont comme des "cellules de défense"
dans lesquelles les populations se sentent protégées.
Les seigneurs, dont le pouvoir devient héréditaire au 9e siècle, confient des terres à
des vassaux (qui deviennent alors ducs, marquis, comtes, barons...) et, au 10e
siècle, le système féodal est en place (ce sont les seigneurs qui régissent l'ordre
politique et social).
Le problème est qu'en "s'appuyant" sur la stabilité de l'Eglise, les seigneurs ne sont
pas loin de "l'engloutir" : ils mettent progressivement la main sur les cures, les
monastères, les terres du clergé...; ils nomment peu à peu les prêtres et les évêques,
ainsi que les abbés et les abbesses (qui sont souvent leurs propres enfants !); les
prêtres (trop liés au "monde") en viennent à se marier et à se transmettre le
sacerdoce "de père en fils"; les puissants peuvent acheter des diocèses ou des
paroisses; les Papes sont en conflit quasi-permanents avec les autorités...
Bref, l'Eglise est presque "avalée" par le système féodal.
5-Au 10e siècle, la papauté s'écroule elle aussi, et ce à cause d'une succession de
mauvais Papes (certains meurent noyés, d'autres empoisonnés ou étouffés sous des
oreillers)...
C'est une période extrêmement difficile pour le christianisme. La crise est très
profonde. Mais à partir du 11e siècle, les choses commencent à changer.
Supplément 2A
Saint Benoît : le père du monachisme occidental
Pour faire le lien avec le Pape Benoît XVI, voici quelques petits points de repère
concernant la vie de saint Benoît (ndlr : cet article a été écrit en 2006).
1-Saint Benoît naît à Nursie, en Italie (à environ 100 km au Nord de Rome), vers
480. Son prénom - qui se dit "Benedictus" en latin - signifie "béni". Il est le frère de
sainte Scholastique qui est elle aussi une religieuse célèbre.
2-Saint Benoît grandit dans un monde extrêmement instable. L'Empire romain
d'Occident s'est écroulé en 406 (au moment des grandes invasions barbares) et
l'Europe est en proie aux conflits, à la misère, au paganisme...
Seule l'Eglise peut offrir aux gens un "cadre" et des repères stables (les évêchés, les
paroisses, les monastères, les fêtes religieuses...).
3-Saint Benoît est très vite attiré par la prière et la méditation.
A partir de l'âge de 17 ans - et ce jusqu'à 19 ans - il vit dans une grotte pour se
consacrer à la prière et à la pénitence. C'est un certain Romain (un moine
appartenant à une petite communauté religieuse) qui lui apporte chaque jour de quoi
manger en laissant descendre un panier de nourriture le long de la paroi de la grotte
qui est située 50 mètres plus bas, et ce à l'aide d'une corde.
Cette "Sacro Speco" (Sainte Grotte) se trouve près de Subiaco. Une communauté de
bénédictins en a aujourd'hui la garde.
4-Peu à peu, les gens des villages alentours entendent parler de Benoît et ce dernier
devient très célèbre. Environ 150 hommes veulent devenir ses disciples et il fonde
avec eux une communauté monastique. Les frères, alors répartis en 12 maisonnées,
consacrent leur temps à la prière et au travail : défrichement de terrains, reliure,
enseignement...
5-Benoît est très jalousé et très attaqué par des prêtres vivant dans des villages
voisins car leurs paroissiens ont plus d'estime pour lui que pour eux. On essaye
plusieurs fois de le tuer. Un jour, un certain Florentius lui fait parvenir un pain
empoisonné, mais, avant que Benoît ne le mange, un corbeau s'en empare et le jette
dans un précipice. C'est pour cela que Benoît est souvent représenté avec un
corbeau auprès de lui. A noter également que la fameuse "médaille de Saint Benoît"
est réputée pour être très efficace dans la lutte contre le mal.
6-Vers 529, Benoît décide de partir s'installer avec ses frères sur le Mont Cassin (qui
est une vieille forteresse désaffectée). Au sommet, il y a un temple païen dédié à
Apollon. Benoît s'empresse de le briser et en fait deux oratoires : l'un à saint Martin
et l'autre à saint Jean Baptiste.
Pendant les années qu'ils passent là-bas, il écrit une règle très célèbre qui va être
adoptée par de très nombreux monastères au fil des siècles. Le but de cette règle
(qui insiste beaucoup sur l'obéissance, l'humilité, la prière, le travail...) est d'unifier
l'homme pour qu'il devienne saint et "qu'en toute chose Dieu soit glorifié".
7-Benoît meurt en 547 et, après sa mort, son monastère est détruit par les Lombards
(un peuple venu du Nord). Les moines partent alors se réfugier à Rome où ils
deviennent les collaborateurs du Pape Grégoire le Grand. Ce dernier les envoie
fonder de nouvelles communautés à travers l'Europe.
L'ordre de Cluny et de Cîteau, qui vont renouveler l'Eglise au 11e siècle, sont
d'origine bénédictine (la différence est que Cîteau a été réformé par saint Bernard).
8-Pour faire un lien avec le Pape Benoît XVI (qui a été élu le mardi 19 avril 2005), on
pourrait dire que l'intercession de saint Benoît va peut-être entraîner trois choses :
a)-Le nouveau Pape va sûrement beaucoup travailler pour réunifier "l'homme
intérieur" en rappelant les bases de la foi chrétienne (doctrine, moral, liturgie...) et en
luttant contre les dérives du modernisme (matérialisme, libéralisme, laxisme moral...).
b)-Cela lui vaudra très probablement de nombreuses attaques venant des ennemis
de la foi et des partisans du laisser-aller.
c)-Son action contribuera très certainement à faire entrer l'Eglise dans un siècle de
prière et de vie intérieure.
Cela, soit dit en passant, serait une suite logique de l'action de Jean Paul II. En effet,
quoi de plus naturel, après avoir fait tomber le communisme, que de chercher
maintenant à retrouver le sens du spirituel et à reconstruire l'intériorité ?
9-Deux détails, pour finir :
a)-Saint Benoît a été déclaré "Père de l'Europe" par le Pape Pie XII en 1947.
b)-Ses reliques se trouvent aujourd'hui à la basilique de Fleury (en France) et celles
de sainte Scholastique à l'église Notre Dame de la Couture (au Mans). Elles ont été
ramenées par des moines français après la destruction du Mont Cassin.
Jésus, Marie, protégez le Pape Benoît XVI et l'Eglise tout entière !
Nous avons confiance en vous et nous savons qu'avec votre aide le bien l'emportera
toujours !
Chapitre 3
L'EGLISE DU MOYEN AGE : UN SOUFFLE NOUVEAU
VENU DES GRANDS ORDRES MONASTIQUES (du 11e au 13e siècle)
Deux choses vont permettre à l'Eglise de se libérer progressivement du système
féodal (quoique pas complètement) : les ordres monastiques et la réforme
grégorienne. Si vous le voulez bien, commençons avec le premier point.
1-Il faut savoir que l'Eglise du Moyen Age ne se limite pas seulement au "clergé
séculier" (les prêtres diocésains) mais qu'il existe aussi un "clergé régulier" (des
moines et des moniales).
L'avantage du "clergé régulier", qui s'est constitué au fil des siècles, est double :
a)-Les moines étant souvent plus retirés du monde, ils sont plus à même d'avoir du
recul par rapport aux problèmes de leur temps, de porter les difficultés de l'Eglise
dans leurs prières, de générer des réformes et, ainsi, de réorienter le peuple de Dieu
dans la bonne direction.
b)-Les moines étant également en lien étroit avec les populations locales (ils
inventent et transmettent des techniques pour améliorer le rendement des terres, la
qualité du blé, la conservation des aliments...), il leur est possible de diffuser leurs
idées réformatrices dans la société.
2-Il est vrai que de nombreux abbés (et abbesses) du Moyen Age sont nommés par
les seigneurs. Toutefois, un phénomène nouveau et très important se produit au 11e
siècle : certains ordres deviennent très puissants (donc plus indépendants) et
s'organisent en véritables groupements comptant parfois plus d'un millier de
monastères ainsi que des dizaines de milliers de membres à travers l'Europe.
Parmi eux :
a)-Cluny (c'est de là que part le souffle réformateur. La spiritualité y est très priante et
très fidèle à l'esprit de l'évangile. Beaucoup de saints et plusieurs Papes sont issus
de cet ordre).
b)-Cîteaux (c'est un ordre assez austère qui, lui aussi, donne de grands hommes.
Saint Bernard est un exemple connu).
c)-Les Prémontrés (ce sont des chanoines réguliers - c'est à dire des prêtres vivants
ensemble - qui encadrent et évangélisent surtout les campagnes. Ils créent des
paroisses modèles partout où ils passent).
d)-Les Chartreux (cet ordre, encore plus austère que Cîteaux, est très contemplatif).
e)-Il existe aussi de nombreux groupements locaux tels : les Camaldules, la ChaiseDieu...
Cette période, nous pouvons le noter au passage, marque le début de l'art roman.
3-Dans le prolongement de la naissance de ces grands groupements, on assiste
également à un véritable essaimage de congrégations nouvelles (au 13e siècle).
Ces ordres nouveaux deviennent eux aussi très vite des groupements (ils sont alors
répartis en provinces, avec des responsables provinciaux, etc...).
Parmi eux :
a)-Des ordres mendiants : les Dominicains (ils insistent beaucoup sur l'éducation des
populations), les Franciscains (ils remettent l'évangile et la pauvreté au centre de la
vie chrétienne), les Carmes (ils sont très contemplatifs), les Augustins...
b)-Des ordres militaires qui défendent la Terre Sainte : les Templiers (cet ordre sera
supprimé par la suite), les Chevaliers de Malte, les Chevaliers Teutoniques...
4-Un courant réformateur extrêmement puissant naît de tous ces ordres.
Les membres (qui sont souvent des laïcs appartenant à des tiers-ordres créés par
les diverses familles religieuses) ont un impact gigantesque sur l'Eglise.
Sous leur influence, des idées nouvelles (et, surtout, beaucoup plus conformes à la
volonté de Dieu) se diffusent. Les choses commencent à changer. Le peuple chrétien
retrouve peu à peu le sens de l'évangile.
Supplément 3A
Les seigneurs et la nomination des abbés
dans les grands ordres monastiques (du 11e au 13e siècle)
Voici cinq points très courts pour bien comprendre en quoi l'arrivée des grands
ordres monastiques (du 11e au 13e siècle) a permis à l'Eglise de se libérer de
l'emprise des seigneurs et du système féodal (quoique pas totalement).
1-Les premiers moines sont apparus au moment où l'Empire Romain s'est converti
au christianisme (au 4e siècle).
Etre chrétien était alors devenu quelque chose de "facile", de "courant", voire même
de "banal". Peu à peu, le "sel" avait perdu de sa saveur.
C'est pourquoi certains chrétiens ont ressenti le besoin de se mettre "à l'écart" pour
retrouver le chemin de la vraie foi.
2-Les premiers moines sont apparus en Egypte. Il s'agit principalement de saint
Pacôme et de saint Antoine. Au début, ils étaient de simples ermites puis, peu à peu,
ils ont constitué des "groupements d'ermites" qui sont devenus des communautés.
3-En Orient, c'est la règle de saint Basile (329-379) qui a été adoptée comme la règle
commune à toutes les communautés.
En Occident, c'est la règle de saint Benoît (480-547) qui a été choisie. On l'appelle
aussi : la règle bénédictine.
4-Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que le fait d'avoir une règle commune
n'impliquait pas que les communautés de l'époque étaient liées entre elles.
Au contraire, elles étaient complètement indépendantes les unes par rapport aux
autres. Chacune appartenait à un domaine seigneurial particulier et c'est le seigneur
qui nommait les abbés. La règle de saint Benoît était "un simple outil commun".
C'est un peu comme pour l'informatique : des secrétaires qui vivent dans différents
endroits du monde peuvent très bien travailler sur le même type d'ordinateur, avec
les mêmes logiciels... sans pour cela être en relation.
5-A partir du moment où de grands groupements sont nés, la chose fondamentale
qui a changé est que c'est toujours l'abbé de la maison mère (par exemple : Cluny)
qui a nommé les abbés des maisons rattachées à l'ordre (le nombre de ces maisons,
rappelons-le, dépassait parfois le millier).
C'est là un point très important car les seigneurs ont alors perdu leur "pouvoir"
d'investiture (même s'il est certain que leur influence se faisait encore sentir).
En ce sens, on peut dire que les grands groupements ont aidé l'Eglise à se libérer
(quoique pas totalement) du système féodal.
Chapitre 4
L'EGLISE DU MOYEN AGE : UN SOUFFLE NOUVEAU
VENU DE LA REFORME GREGORIENNE (du 11e au 13e siècle)
Comme nous l'avons vu dans le chapitre précédent, l'influence des ordres
monastiques permet aux chrétiens de se libérer peu à peu de l'influence des
seigneurs et de retrouver une vie plus conforme à l'esprit de l'Evangile.
Toutefois, l’Église hiérarchique joue elle aussi un rôle déterminant dans cette lutte, et
ce grâce à la réforme grégorienne.
Si vous êtes d'accord, venons-en maintenant à ce second point.
1-En 1073, un Pape très habile et très énergique arrive au Vatican. Il s'agit de
Grégoire VII (il a dirigé l’Église de 1073 à 1085).
D'origine modeste (ses parents étaient des paysans toscans), il a été élevé dans un
monastère italien dépendant de Cluny (l'ordre d'où est parti le courant réformateur).
Il est donc très conscient des problèmes de son époque, et très désireux de les
régler. Dès le mois de mars 1074, et ce après avoir réuni un concile d'évêques à
Rome, il prend 4 décisions fortes :
a)-"Quiconque aura obtenu par de l'argent une ordination ou une charge spirituelle,
doit être exclu de la hiérarchie de l’Église".
b)-"Quiconque est possesseur d'une paroisse ou d'une abbaye pour l'avoir achetée
en sera dépossédé".
c)-"Nul clerc marié ne pourra plus célébrer la Messe, ni même remplir à l'office les
fonctions de diacre ou de sous-diacre (ordres majeurs)".
d)-"Quand un clerc désobéira publiquement aux trois ordonnances précédentes, le
peuple chrétien aura interdiction d'assister à ses offices, et devra même l'amener à
se soumettre".
En février 1075, il rajoute à cela un décret solennel : "Qu'aucun ecclésiastique ne
reçoive en aucune façon une église des mains d'un laïc, soit gratuitement, soit à titre
onéreux, sous peine d'excommunication pour celui qui la donne et pour celui qui la
reçoit".
2-Les orientations de Grégoire VII sont diffusées par le biais de conciles provinciaux
(des légats réunissent les évêques et les abbés d'une même province), puis de
synodes diocésains (les évêques rassemblent les prêtres de leurs diocèses).
La réforme grégorienne rencontre une opposition quasi générale (sauf dans la
Normandie de Guillaume le Conquérant et en Espagne).
La raison en est simple : les seigneurs et les responsables de l’Église (évêques,
prêtres, diacres, abbés, abbesses...) sont unis par des intérêts communs.
En effet, les premiers sont souvent les parents (ou les amis proches) des seconds.
Dès lors, il est clair que les ministres ordonnés et les abbés ne peuvent pas
s'opposer aux seigneurs.
C'est ainsi que naît une querelle qui va durer 50 ans (entre le Pape et les autorités
civiles) : "la querelle des investitures" (qui nomme qui ?).
3-Malgré la forte opposition, Grégoire VII ne désarme pas. Il s'accroche. Il ne
parvient pas à tout solutionner lui-même mais, grâce à l'action de ses successeurs,
les choses évoluent lentement.
a)-Calixte II (1119-1124) trouve une solution intermédiaire : le Concordat de Worms.
Ce dernier stipule que la nomination du Pape revient aux seuls Cardinaux et que la
nomination des évêques revient au Pape. En 1123, le concile de Latran 1 est
entièrement consacré à cette question.
b)-Adrien IV (1154-1159) s'oppose à l'empereur Frédéric Barberousse qui voudrait
assujettir l’Église à nouveau.
c)-Enfin, Innocent III (1198-1216) parvient à mettre un terme à la querelle des
investitures (en théorie, du moins) grâce au Concile de Latran 4.
Il y est affirmé que le pouvoir vient de Dieu et qu'il doit être exercé par ceux qui ont
reçu l'investiture. C'est la théocratie papale (à noter que l'idée que le pouvoir vient de
Dieu était extrêmement présente chez le Pape Jean-Paul II).
Finalement, les rois se plient à cette orientation et ils se déclarent "vassaux de la
Sainte Église".
4-Des avancées réelles sont réalisées grâce à l'action conjointe des moines (voir le
chapitre 3) et de la réforme grégorienne (décrite dans ce chapitre).
Comme on peut l'imaginer, tout n'est pas toujours appliqué à la lettre. L’Église ne se
sort pas entièrement de l'emprise des seigneurs.
Toutefois, les choses avancent suffisamment pour qu'un souffle de liberté se lève et
qu'arrive un nouveau temps de foi, d'espérance et de charité : le temps des
cathédrales.
†
Supplément 4A
La question de l'Inquisition
J'ai écrit ce message en me servant d'un article paru dans le journal "L’Écho de
Medjugorje". Cet article m'a semblé très équilibré et très honnête.
1-L'Inquisition.
a)-C'est une structure ecclésiastique qui, en collaboration avec l'état, agissait pour la
défense de la foi et l'élimination des hérésies (à l'origine, elle était destinée à lutter
contre les Cathares).
b)-Cette structure a été mise en place par le Pape Innocent III en 1199 - celui-là
même qui a achevé la réforme grégorienne (voir chapitre 4) - et a duré jusqu'au
début du 19e siècle.
c)-Innocent III en a confié la responsabilité aux Dominicains, mais des Franciscains y
ont également participé (ils étaient alors des délégués du Saint Siège).
d)-Les inquisiteurs agissaient en 3 temps : ils enquêtaient sur les personnes qui
avaient été dénoncées comme hérétiques (c'est à dire des chrétiens qui diffusaient
des idées contraires à la foi), ils les faisaient avouer (par la torture si cela était
nécessaire) et ils prononçaient une sentence.
e)-La peine encourue pouvait être "étroite" (participer à une Messe, faire un
pèlerinage...) ou "large" (une flagellation, une incarcération...).
f)-Parfois, les personnes étaient abandonnées à des tribunaux civils qui pouvaient
les condamner au bûcher (la mort par le feu était considéré comme un moyen de
purifier l'âme).
2-Les abus.
Cette méthode a entraîné de multiples abus :
a)-On ne s'est pas contenté de dénoncer les hérésies, mais, aussi, tout
comportement moral jugé contraire à la foi : l'apostasie, le blasphème, la magie, la
bigamie, l'infraction à l'abstinence de viande, l'homosexualité...
b)-On a également dénoncé des gens qui n'étaient ni hérétiques ni amoraux, mais
qui étaient simplement "gênants" pour les autorités en place (des concurrents, des
rivaux...).
c)-Enfin, on a dénoncé des personnes uniquement parce que leur religion était
différente : des Juifs, des Musulmans... (en Espagne, leur situation a été
particulièrement difficile).
3-La modération.
Afin de revenir à plus d'objectivité (car certains ennemis de l’Église ont sciemment
déformé les choses), il est nécessaire de prendre en compte certains éléments :
a)-Innocent III a mis en place l'Inquisition dans un contexte très particulier.
L’Église avait beaucoup de difficultés à se libérer de l'emprise des autorités civiles et
il fallait lutter contre les abus et les désordres.
b)-A cette époque, le recours à la violence paraissait moins choquant qu'aujourd'hui
(même des saints en parlaient). Les canons de moralité étaient différents des nôtres.
Aussi de nombreux inquisiteurs agissaient-ils en toute bonne foi, pour la gloire de
Dieu et le salut des âmes.
c)-Par ailleurs, des souverains se sont largement "servi" de l'Inquisition pour se
débarrasser de leurs ennemis ! Avant, en effet, il n'y avait pas de séparation de
l’Église et de l'état. Le désaccord religieux était automatiquement considéré comme
une désapprobation civile. Certains en ont donc profité pour faire de l'Inquisition un
instrument politique (voir le point 2b de ce supplément).
d)-Il faut aussi savoir que les tribunaux ecclésiastiques étaient beaucoup plus
cléments que les tribunaux civils. Ils prenaient notamment en compte la condition
mentale et psychologique des gens.
Dans le doute, on ne condamnait pas (par exemple, Rome n'a pas été d'accord avec
l'Inquisition espagnole et a voulu en modérer les excès).
e)-Enfin, il faut savoir également que moins de 2% des procès se sont terminés par
une condamnation à mort.
4-Conclusion.
En dépit de cela, il n'en reste pas moins que vouloir convertir par la force plutôt que
par l'amour est une erreur grave.
Toutefois, il est vrai, aussi, que tout homme peut se tromper, dans sa vie.
Il faut du temps pour atteindre la maturité de la foi. L’Église a dû cheminer, elle aussi.
Lors du Jubilé de l'an 2000, le Pape Jean-Paul II a entrepris une démarche de
purification de la mémoire et il a plusieurs fois demandé pardon pour l'Inquisition.
Cette attitude nous invite à penser que plutôt que de chercher à remuer le passé, il
vaut mieux se tourner vers le pardon... et vers l'avenir.
Chapitre 5
L'EGLISE DU MOYEN AGE :
LE TEMPS DES CATHEDRALES (du 12e au 14e siècle)
1-Au tournant de l'an 1000, l'Europe sort de ce que l'on appelle "le Haut Moyen Age"
(qui, souvenons-nous, est un temps d'instabilité, de conflits, de menaces
extérieures...) pour entrer dans la seconde partie du Moyen Age (qui, elle, s'étend du
11e jusqu'au milieu du 15e siècle, et qui voit se lever un vent nouveau).
Mais, si vous le voulez bien, distinguons deux choses : l’Église et le monde.
L’Église
Comme nous l'avons vu dans les chapitres précédents, l’Église va mieux.
Le renouveau apporté par les groupements monastiques et les nouvelles
congrégations fait souffler un vent frais "par le bas" (si l'on peut dire), tandis que la
réforme grégorienne, elle, fait souffler un vent frais "par le haut".
Ainsi "prise en tenaille" par ces deux courants réformateurs, l’Église toute entière
devient plus libre et la "tension" avec les autorités civiles (la fameuse "querelle des
investitures") est en voie de désamorçage (même s'il est vrai que tout n'est pas
encore résolu).
Le monde
Parallèlement à cela, le monde va mieux lui aussi.
La raison est double :
a)-Le système féodal (en agissant lui aussi "par le bas", d'une certaine façon) est
parvenu à repousser toutes les attaques extérieures (les Normands au Nord, les
Hongrois à l'Est, les Musulmans au Sud...).
Les populations ont été protégées et il y a une période d'accalmie. C'est comme si
une "tension" retombait là aussi.
b)-Par ailleurs, il y a également une action qui est menée "par le haut". En effet,
Hugues Capet (qui a été roi en 987) a inauguré une dynastie dont les souverains se
transmettent le pouvoir de manière héréditaire (ce qui donne de la stabilité à la
France) et cherchent à affermir leur domination sur les seigneurs (ce qui donne au
pays une certaine unité).
C'est donc tout naturellement que ce monde en cours de "régénération" religieuse et
civile :
>s'ouvre sur l'extérieur : les routes sont libres et le réseau est amélioré, on se
déplace, on a un désir de paix et un sens de la solidarité...
>s'ouvre peu à peu au monde et au "commerce international" (les expéditions de
l'italien Marco Polo en Chine date du 13e siècle).
>s'ouvre spirituellement et retrouve la foi (le culte des saints, par exemple, est très
présent. Dans les auberges, les chambres portent très souvent des noms de saints).
2-Le temps des cathédrales (qui commence au 12e et dure jusqu'au début du 14e
siècle) est donc l'expression de ce nouvel élan de foi, d'espérance et de charité dans
l’Église et dans le monde.
a)-Si nous avions voyagé de ville en ville, à cette époque, nous aurions sûrement
constaté que l'Europe était en chantier; chaque ville voulant avoir "sa" cathédrale
plus belle et plus haute que celle du voisin !
On bâtit aussi un nombre considérable d'églises paroissiales et d'abbayes. A tel point
qu'un historien a dit un jour : "on a remué plus de pierres, à cette époque, que
l'Égypte pendant toute son histoire" (c'est sûrement excessif, mais le fait que
quelqu'un ait pu le penser montre bien à quel point bâtir a été important).
b)-On peut noter également qu'il n'y a pas que le fait de construire qui témoigne de
ce nouvel élan de foi, mais aussi la manière dont on construit.
En effet, l'art roman des grands ordres monastiques du 11e siècle (qui privilégiait les
murailles épaisses, les puissantes assises... et symbolisait la résistance du
christianisme aux mœurs de l'époque) est désormais remplacé par l'art gothique.
Ainsi :
>les églises ressemblent à de véritables navires,
>il y a beaucoup de lumière grâce aux vitraux et aux rosaces,
>les voûtes sur croisées d'ogives semblent soulever les édifices jusqu'au ciel. On a
vraiment l'impression que l'on s'élève soudainement vers Dieu et que l'on va entrer
au Paradis !
3-Est-ce à dire que l’Église est prête à quitter le Moyen-Age (l'année 1453 en
marquera la fin officielle) et à entrer dans le monde de la Renaissance sans
encombre ? Sûrement pas... car il y aura bien d'autres problèmes ! L'aventure n'est
pas terminée !
†
Supplément 5A
Les deux principales sources de conflit
entre les Papes et les souverains du Moyen Age
1-S'il vous est déjà arrivé de recevoir des lettres du Vatican, vous avez sûrement
constaté qu'il y avait deux "clefs" sur le blason du Saint Siège : l'une représente le
pouvoir spirituel du Pape, l'autre son pouvoir temporel.
2-Ces deux pouvoirs sont à l'origine de deux conflits extrêmement rudes entre Rome
et les souverains : "la querelle des investitures" et "la question des états de l’Église".
Nous pouvons noter au passage que ces deux conflits ont été particulièrement durs
avec les empereurs de l'Empire germanique. En effet, au Moyen Age, ces derniers
étaient les plus puissants souverains d'Europe (ils avaient hérité du plus gros
"morceau" de l'Empire de Charlemagne, après la division de ses héritiers, au traité
de Verdun en 843. Une bonne partie de l'Italie en faisait partie).
Ces conflits constituent ce que l'on appelle : "la querelle du sacerdoce et de
l'Empire".
a)-Le problème concernant le pouvoir spirituel du Pape : "la querelle des
investitures".
Dans le chapitre consacré à la réforme grégorienne, nous avons longuement parlé
de "la querelle des investitures". Nous n'y reviendrons donc pas. Ajoutons
simplement deux choses :
>ce sont les Papes qui ont gagné (puisque le Concile de Latran IV, avec Innocent III,
a réaffirmé que le pouvoir venait de Dieu et qu'il devait être exercé par ceux qui ont
reçu l'investiture).
>cette victoire du Vatican (ainsi que la résistance des communes italiennes à
l'Empire) a porté un sérieux coup à l 'Empire germanique et ce dernier, perdant de sa
superbe, s'est désagrégé à partir du 14e siècle. Il s'est alors morcelé en plusieurs
états de moindre importance.
b)-Le problème concernant le pouvoir temporel du Pape : "la question des états de
l’Église".
On dit que Constantin (l'Empereur romain qui a mis fin aux persécutions au 4e
siècle) "aurait" donné l'Italie au Pape Saint Sylvestre 1er (314-337). C'est ce que l'on
appelle "la donation de Constantin".
En tant qu'évêques de Rome, les Papes successifs ont donc établi leur autorité sur
cette ville, puis sur les terres avoisinantes (certaines leur ont été léguées, d'autres
ont été conquises; pour d'autres, ce sont les gens qui ont voulu se mettre sous la
protection papale).
En 1815, les états de l’Église correspondent à un bon quart central de l'Italie (ce qui
est très important).
En 1860, il ne reste plus que Rome et, en 1870, Rome capitule (l'Italie achève alors
son unité).
Ce n'est que le 11 février 1929 que naît l'état du Vatican (44 hectares et environ 500
habitants aujourd'hui), après l'accord de Latran conclu entre le gouvernement italien
et le Saint Siège.
3-Il est intéressant de savoir tout cela car ces problèmes sont fréquemment revenus
au fil des siècles. Nous le verrons d'ailleurs dans les prochains chapitres.
Supplément 5B
Peste noire, guerre de cent ans, avancée de l'Islam :
la difficile sortie du Moyen Age aux 14e et 15e siècles.
Il ne faut pas s'imaginer que le temps des cathédrales (cette période de foi,
d'espérance et de charité qui voit la construction de nombreux édifices religieux entre
le 12e et le début du 14e siècle) dure jusqu'à la fin du Moyen-Age (en 1453) et que
l'Europe entre tranquillement dans la Renaissance. Non, les cent dernières années
du Moyen Age sont au contraire extrêmement difficiles.
1-La peste noire.
Tout d'abord, la peste noire (qui commence à se déclarer en Chine) se propage très
rapidement, et ce par les routes commerciales.
En 1347, elle apparaît à Chypre. En 1348, elle se diffuse en France, en Italie, en
Allemagne ainsi qu'en Angleterre. En 1349, elle atteint la Pologne, la Scandinavie et
l’Écosse et, en 1351, elle ravage la Russie.
Environ 25 millions d'européens meurent, soit 1/4 de la population du continent !
Cela, il faut le souligner, est aussi un coup très dur pour l’Église car énormément de
prêtres et de moines disparaissent. Pendant un temps, le christianisme perd de sa
vitalité.
2-La guerre de 100 ans.
Ensuite, la guerre de cent ans, qui oppose les rois de France aux rois d'Angleterre de
1337 à 1453 (au sujet du trône de France), fait également de très nombreuses
victimes.
La France, qui est alors la première puissance européenne, voit sa population
diminuer de manière très importante. La ville de Cahors, par exemple, perd 70% de
ses habitants dans les zones atteintes par les armées.
C'est l'action de Jeanne d'Arc qui permet de "bouter les anglais hors de France" et
de remettre Charles VII sur le trône afin qu'il devienne "le lieutenant de Dieu" (selon
l'expression de la célèbre sainte).
Jeanne d'Arc est brûlée vive le 30 mai 1431, à Rouen, après avoir été vendue aux
anglais et accusée d'hérésie. Elle a été béatifiée en 1909 et canonisée en 1920.
3-L'avancée de l'Islam.
Enfin, la fin du Moyen Age est marquée également par une avancée considérable de
l'Islam, ce qui crée une situation très angoissante en Europe.
En 1453, le sultan Mohamed II s'empare de la ville de Constantinople après un siège
de huit semaines (la chute de la capitale de l'Empire romain d'Orient, soit dit en
passant, marque la fin officielle du Moyen-Age).
A partir de cette date, les chrétiens d'Orient seront en difficulté, l'Islam avancera vers
l'Ouest depuis la Turquie, la route vers la Chine sera coupée et, en 1528, Belgrade
sera prise (on craindra alors pour l'Italie).
Vous voyez qu'après le temps des cathédrales, la fin du Moyen Age n'est pas un long
fleuve tranquille ! L'Europe, au contraire, est considérablement affaiblie.
Supplément 5C
Le bilan de l’Église missionnaire au Moyen Age
1-Comme nous l'avons vu à la fin de notre premier chapitre ("l’Église des origines"),
les premiers missionnaires sortent de l'Empire romain dès le 4e siècle et ils partent
évangéliser de nouveaux pays (la Perse, l'Arménie, le Caucase, l'Arabie, l’Éthiopie,
l'Irlande, l’Écosse...).
Pendant le Moyen-Age, l'expansion du christianisme continue : l'Angleterre,
l'Allemagne, la Bohème, la Slovaquie, la Bulgarie, la Roumanie, les pays
scandinaves (au 9e siècle), la Pologne (au 10e siècle), les pays Baltes (aux 10e et
11e siècles), la Chine (il y a un archevêché à Pékin dès le début du 14e siècle), et
même le Groenland...
Toutefois, cette expansion est freinée par deux événements importants :
a)-A partir du 7e siècle, l'avancée de l'Islam depuis l'Arabie Saoudite est
considérable.
En 732, Charles Martel parvient à stopper les Musulmans à Poitiers, mais des zones
entières sont perdues : l'Afrique du Nord et le Proche Orient (seuls quelques petits
"noyaux" de chrétiens subsistent).
Après une période d'accalmie, la lutte opposant les deux religions reprend et trouve
une expression particulière dans les croisades (qui ont lieu du 11e au 13e siècle).
Les croisades sont "des expéditions militaires entreprises par l'Europe chrétienne,
sous l'impulsion de la papauté, pour porter secours aux chrétiens d'Orient, reprendre
le Saint Sépulcre et défendre les états fondés par les croisés en Syrie et en
Palestine" (définition du dictionnaire Larousse).
Puis, avec la prise de Constantinople (en 1453), on assiste à un regain de tension.
b)-Ensuite, il y a un deuxième problème : au fil des siècles, une fracture grandit entre
la partie occidentale de l'Empire romain (qui est tombée aux mains des tribus
barbares en 406 et connaît une longue période d'instabilité) et la partie orientale (qui
continue de vivre sous la loi romaine, dans un cadre historique et culturel très
différent, avec une tradition beaucoup plus raffinée).
Des dissensions surgissent progressivement au niveau religieux (notamment en ce
qui concerne le rôle du Pape) et, en 1054, le Pape Léon IX et le Patriarche
Keroularios s'excommunient mutuellement : c'est le schisme d'Orient. L'Orient
devient alors orthodoxe.
En 1453 (qui est la date officielle de la fin du Moyen Age), la partie orientale de
l'Empire romain tombe aux mains des Musulmans et devient une terre d'Islam.
2-Voici donc ce qu'il faut retenir du bilan de l’Église missionnaire au Moyen-Age :
a)-certaines zones sont gagnées,
b)-d'autres sont perdues en raison de l'avancée de l'Islam et du schisme d'Orient.
Chapitre 6
L'EGLISE DE LA RENAISSANCE :
L'APPARITION DE L'HUMANISME (du 15e au 17e siècle)
1-En 1453, la partie orientale de l'Empire romain (Constantinople) tombe aux mains
des Musulmans. Cet événement marque la fin officielle du Moyen Age.
A partir de là, beaucoup d'intellectuels de Constantinople (qui était une ville très riche
artistiquement) partent se réfugier en Italie où ils apportent tout leur savoir-faire.
2-A la même époque, en Italie (et en Occident d'une manière générale), il y a un
désir très fort de rompre définitivement avec le Moyen Age et son cortège de
maladies et de conflits (peste noire, guerre de cent ans, menace de l'Islam...).
On veut chasser l'obscurantisme et se tourner résolument vers l'avenir et le progrès.
Ce désir, associé au savoir-faire des intellectuels venus d'Orient, va alors donner lieu
à une profonde rénovation culturelle - la Renaissance - qui va toucher tous les
domaines :
a)-la littérature : on invente l'imprimerie et on diffuse des écrits partout.
b)-la peinture : on découvre la perspective, les jeux d'ombre et de lumière...
c)-la science : on dissèque des corps pour apprendre comment fonctionne l'être
humain...
d)-l'économie : on étudie la gestion, on ouvre des banques pour le commerce
international...
Léonard de Vinci (1452-1519) est une grande figure de la Renaissance car il est à la
fois peintre, sculpteur, architecte, ingénieur et savant.
3-La Renaissance est "sous-tendue" par un courant de pensée que l'on appelle
l'humanisme.
Ce courant prend du recul par rapport à la politique et à la religion (il faut dire que les
divers conflits, les croisades, l'Inquisition et certaines dérives du clergé de l'époque,
n'ont sûrement pas favorisé la confiance totale entre les gens et leurs dirigeants
politiques ou religieux !).
L'idée de base est donc que l'homme occupe la place centrale et qu'il peut, grâce à
ses facultés, résoudre par lui-même les problèmes auxquels il est confronté (la faim,
la pauvreté, les maladies...), devenir plus libre et faire ainsi progresser l'humanité
toute entière.
4-Chose importante : les textes qui nourrissent et inspirent les humanistes ne sont
pas des textes religieux (la Bible, les écrits des Saints, les écrits du Magistère...)
mais des textes de l'antiquité gréco-romaine (comme ceux du philosophe grec
Aristote, par exemple).
Au moins deux raisons expliquent cela :
a)-Les intellectuels de l'Empire d'Orient, qui sont très empreints de littérature grécolatine, diffusent ces écrits en Occident après leur fuite de Constantinople.
b)-Les intellectuels d'Occident, qui veulent prendre du recul par rapport aux autorités
en place, cherchent à puiser leur inspiration ailleurs que dans les textes religieux.
5-Les humanistes ne sont pas opposés au Pape (même si une partie de la hiérarchie
catholique les désapprouve) mais dans leurs œuvres, il y a cette idée que l'on peut
avancer et progresser sans forcément passer par l’Église.
Si leur mouvement n'est pas foncièrement mauvais en lui-même, les historiens disent
aujourd'hui que cette prise de distance par rapport au catholicisme a alimenté la
Réforme protestante. Mais nous en reparlerons au chapitre suivant.
Chapitre 7
L'EGLISE DE LA RENAISSANCE : UNE NOUVELLE CRISE DU CLERGE
QUI RESSEMBLE A CELLE DU MOYEN AGE (du 14e au 16e siècle)
Au cœur de l'Europe de la Renaissance, pleine de dynamisme et de vitalité
culturelle, l’Église se trouve plongée une seconde fois dans une crise très profonde.
Cette crise n'est pas essentiellement liée au fait que les humanistes prennent du
recul par rapport au catholicisme.
Il y a d'autres problèmes beaucoup plus graves :
1-En amont, tout d'abord : la monarchie est en train de gagner en puissance.
En effet, la société de cette époque ressemble un peu à une pyramide qui s'élève
petit à petit, et dont le sommet devient de plus en plus "pointu" (n'oublions pas que,
depuis Hugues Capet, les souverains dominent progressivement les seigneurs).
Ce mouvement ascendant conduira, au 17e siècle, à la "monarchie absolue" (nous
nous souvenons tous de la célèbre phrase de Louis XIV : "L'état, c'est moi !").
Mais déjà, à la Renaissance, certains rois souhaitent montrer leur autorité sur l’Église
en nommant les évêques et les abbés (malgré la réforme grégorienne du 11e siècle,
les Papes peuvent signer des concordats), ce qui plonge l’Église dans une sorte de
"Moyen Age bis".
2-En aval, ensuite : le lien avec les seigneurs n'est pas totalement rompu
(souvenons-nous que le système féodal est toujours en place, même s'il n'est plus
aussi puissant).
Or, il se trouve que la Renaissance (qui, comme nous l'avons vu, n'est pas un
mouvement d'inspiration religieuse) ne conduit pas l'Europe à la "prière", au
"recueillement" et au "silence intérieur" (comme le temps des cathédrales).
Non, la Renaissance est un mouvement qui veut prendre du recul par rapport à
l’Église (sans pour cela la renier) et qui s'accompagne d'un goût très prononcé pour
le luxe et les grandes fêtes :
Les seigneurs étant souvent des mécènes, ils demandent à leurs artistes d'embellir
leurs châteaux (en échange de leur protection).
Ainsi, après avoir passé des "commandes", ils s'enrichissent de tableaux de maîtres,
de tapisseries onéreuses, de vêtements de luxe... Et pour montrer tout cela à leurs
relations, ils font des fêtes dans les jardins et les palais, organisent des banquets
somptueux où il y a des quantités de valets, de la nourriture à profusion, des
couverts de luxe... (l'homme "type" de la renaissance est d'ailleurs plutôt gros).
3-Comme on peut l'imaginer, beaucoup de prêtres et d'évêques sont invités à ces
festivités et se laissent entraîner dans ce tourbillon.
Il y a alors une crise très grave dans le clergé : des ministres ordonnés mènent une
vie de faste, prennent des maîtresses, deviennent eux-mêmes des mécènes,
s'enrichissent considérablement...
Certains évêques cumulent les évêchés, pour avoir plus de revenus, et vivent dans
l'opulence...
Le Pape Jules II demande même aux gens de financer la reconstruction de la
basilique Saint Pierre en échange du pardon de leurs péchés... Bref, les choses ne
vont pas bien !
Tout cela choque profondément un moine allemand, Martin Luther, qui appelle
Rome : "Babylone". En 1517, il fixe 95 objections sur la porte de l’église de
Wittenberg. Cet acte va déboucher sur l'une des plus grosse crise que l’Église ait
jamais connue : la réforme Protestante.
Pourquoi l'action des Papes et celle des grands ordres monastiques n'enrayent-elle
pas immédiatement les dérives du clergé (comme au Moyen Age) ? Pourquoi la
"tenaille réformatrice" ("par le haut" et "par le bas") ne fonctionne-t-elle pas, cette
fois-ci ? Nous allons le découvrir au prochain chapitre.
Chapitre 8
L'EGLISE DE LA RENAISSANCE : L'EFFONDREMENT DE LA PAPAUTE
ET DES ORDRES MONASTIQUES (du 14e au 16e siècle)
L’Église de la Renaissance se laisse entraîner dans les fêtes, le luxe,
l'enrichissement... et ceci sans que l'on assiste à une réaction immédiate de la part
des Papes et des grands ordres religieux (comme au temps de la réforme
grégorienne des 11e, 12e et 13e siècles). Plusieurs raisons expliquent cela :
1-Aux 14e, 15e et 16e siècles, les Papes sont extrêmement fragilisés et il n'y a pas
vraiment de continuité dans leur action. En effet :
a)-En 1303, pour fuir l'Italie alors très instable, ils trouvent refuge à Avignon.
Là-bas, malheureusement, leur marge de manœuvre est réduite car ils deviennent
plus ou moins les "vassaux" des rois de France (on parle même d'une nouvelle
"captivité à Babylone").
b)-Après leur retour à Rome (en 1377), un autre problème survient : un groupe de
treize cardinaux décident de remplacer Urbain VI (qui est cruel et autocratique) par
Clément VII (qui, lui, retourne s'installer à Avignon).
Dès lors, l’Église est dirigée par deux Papes : c'est le "grand schisme d'Occident".
En 1409, la curie romaine croit régler le problème en élisant Alexandre V, mais les
deux "anti-Papes" (c'est ainsi qu'on les nomme) refusent d'abdiquer... si bien que l'on
se retrouve tout à coup avec trois pontifes !
Ce problème affaiblit considérablement l’Église et n'est résolu qu'en 1417 (année de
l'élection de Martin V).
c)-Suite à ces événements, il y a également de fortes pressions épiscopales pour
mettre les Papes sous la tutelle d'un Concile œcuménique (afin de mieux les diriger).
Le projet échoue, mais ces pressions nuisent à leur autorité et à leur image.
d)-Enfin, ces siècles voient aussi l'arrivée de très mauvais pasteurs : Alexandre VI
Borgia (1492-1503) est un "prince" plus qu'un Pape (il a des enfants); Jules II (15031513) fait la guerre; Léon X (1513-1521) est un génie artistique mais il accorde le
droit d'investiture à François Ier (en 1516)...
L’Église, vous le voyez, est difficilement réformable dans ces conditions !
2-En ce qui concerne la fragilité des ordres religieux, elle est due à plusieurs
choses :
a)-La peste noire a fait de très nombreuses victimes parmi les moines et les
moniales (au monastère des Dominicains de la ville de Montpellier, par exemple, il ne
reste plus qu'une seule personne !).
Le clergé régulier n'est donc plus aussi puissant qu'avant !
b)-Les premiers grands groupements (Cluny, Cîteaux...) s'éteignent progressivement
(un peu comme le premier étage d'une fusée qui se détache, après le décollage de
cette dernière, pour faciliter la mise en orbite). Ces "moteurs" ne sont donc plus là
pour "propulser" l’Église.
c)-On assiste également à un "relâchement" quasi-général des ordres mendiants.
Ce phénomène, qui peut paraître surprenant, vient en fait de ce que la religion
fonctionne un peu comme la vie de couple : le "feu" du départ ne brûle pas toujours
de manière égale, au fil du temps (les pères du désert parlaient "d'acédie", au sujet
des religieux).
Les ordres monastiques connaissent donc eux aussi des périodes de creux et des
nuits mystiques. C'est quelque chose de normal.
Sachant cela, on comprend mieux leur attitude.
3-Enfin, trois derniers points concernant les prêtres :
a)-A l'époque, il faut savoir que les candidats au sacerdoce ne sont pas sélectionnés
(il n'y a pas de temps de réflexion, de discernement, de retraite...).
N'importe qui peut devenir un ministre ordonné. Dans certains diocèses, on en
compte même des milliers !
b)-De plus, les prêtres ne sont pas formés. C'est là un problème très sérieux.
Les séminaires, en effet, n'existent pas (il faudra attendre le Concile de Trente, pour
cela).
c)-Enfin, il y a des "déformations intellectuelles" qui se diffusent dans l’Église
(d'autant plus facilement que la formation est inexistante) :
>le nominalisme (c'est une scolastique décadente qui naît dans les universités.
Elle donne une vision du monde complètement déstructurée et fait d'énormes
ravages chez les théologiens).
>l'humanisme (ce courant n'est pas mauvais en soi, mais il laisse entendre que
l'avenir ne passe pas forcément par le christianisme).
4-Nous voyons donc bien que le clergé séculier n'est pas en mesure, lui non plus, de
reprendre l’Église en main. L'un des problèmes majeurs, à cette époque, est la
formation.
Chapitre 9
L'EGLISE DE LA RENAISSANCE : LA RESURRECTION
ET LE CONCILE DE TRENTE (16e siècle)
1-En 1517, Luther affiche ses 95 thèses sur le portail de l'église de Wittenberg.
En 1521, son excommunication déclenche une véritable explosion, en Allemagne :
de très nombreux princes le soutiennent et entraînent avec eux des villes entières.
En 1555, les 2/3 de l'Empire germanique sont devenus Protestants et la réforme
s'étend très vite à d'autres pays : la Suisse, l'Autriche, la Pologne, les Pays Baltes...
Bref, il y a le feu ! D'autant plus que l'Angleterre fait schisme elle aussi, en 1534
(c'est alors la naissance de l'Anglicanisme).
2-Ces événements tirent l’Église de sa torpeur et l'oblige à réagir.
C'est ainsi qu'en 1545, le Pape Paul III convoque le Concile de Trente (qui
s'achèvera en 1563). Le but de ce Concile est double :
a)-Réaffirmer très fermement la tradition catholique face à la montée du
Protestantisme.
b)-Appeler l’Église toute entière à un renouveau.
On sent bien, en effet, que les choses vont mal et que certains reproches formulés
par Luther sont justifiés. Il faut donc rendre à l’Église son autorité et sa crédibilité en
la "nettoyant" de haut en bas.
Pour cela, le Concile fixe des orientations qui sont diffusées dans les conciles
provinciaux et les synodes diocésains, où les membres du clergé réfléchissent
ensemble aux moyens à mettre en œuvre pour que les directives de Rome soient
appliquées.
3-Le fruit principal du Concile est que l’Église, qui était complètement noyée dans le
tourbillon de la Renaissance, refait surface. Il y a un "retour à la vie", une
"résurrection". De manière concrète, cela se traduit par une "réapparition" des
Papes, des évêques, des prêtres, des fidèles et des saints.
Mais voyons plutôt :
a)-Les Papes : beaucoup d'entre eux sont de très bons pasteurs, à l'image de saint
Pie V (1566-1572) qui défend la "contre-réforme catholique" avec beaucoup d'ardeur.
De plus, la ville de Rome (qui, jusque là, était comparable à Babylone et n'avait
donné qu'une seule sainte au Moyen Age : sainte Françoise Romaine) vit elle aussi
une conversion des mœurs et devient tout à coup un creuset de sainteté.
On voit même en elle le "centre spirituel" du monde.
C'est alors que s'opère un recentrage très net de l’Église autour de l'autorité papale
et de la capitale italienne (ce qui marque une rupture avec le passé).
b)-Les évêques : ils sont désormais nommés sur leurs mérites (et non plus parce
qu'ils sont des seigneurs). Par ailleurs, ils ne peuvent plus cumuler les diocèses et
sont tenus de résider à l'évêché.
Celui qui incarne le mieux l'esprit du Concile est sans aucun doute Charles Borromée
(1538-1584). Nommé cardinal à 22 ans, il est habile et compétent et parvient à créer
un diocèse modèle à Milan (il rédige un catéchisme et lance un bréviaire).
Aujourd'hui encore, ce diocèse fait référence dans le monde entier (notamment grâce
à ses fameuses "cellules d'évangélisation").
c)-Les prêtres : peu à peu, ils deviennent eux aussi plus pieux et zélés. Ils ne font
plus de commerce, ni de combats en duel, ni de chasse... Ils remettent peu à peu la
liturgie en place; celle-ci est plus soignée, plus respectueuse, plus attrayante, les
gens s'y reconnaissent...
En outre, les premiers séminaires sont créés à Milan (la formule n'est pas encore
tout à fait au point, mais ils existent).
Cela, nous l'imaginons bien, permet de résoudre de très nombreux problèmes (en
particulier l'influence négative du nominalisme).
d)-Les fidèles : loin d'être tenus à l'écart, ils sont eux aussi emportés par le souffle du
Concile. Le catéchisme et les missions paroissiales font leur apparition (ces
dernières étant des sortes de "retraites locales").
Il y a également un essaimage de confréries (c'est à dire des "groupes de prière"), un
développement des écoles et une éducation de bien meilleure qualité.
A noter que le retour des populations au christianisme est facilité par la conversion
de nombreux princes.
e)-Les saints : enfin, on assiste à une véritable effusion de saints. Il y a saint Pie V et
Charles Borromée, bien sûr, mais aussi : Philippe Néri (1515-1596), Camille de Lellis
(1550-1614), Louis de Gonzague (1568-1591)... et une multitude d'autres !
4-Même si tout n'est pas parfait, l’Église se renouvelle très profondément, à cette
époque (sûrement beaucoup plus qu'au moment de la réforme grégorienne car,
alors, on n'avait pas autant insisté sur la conversion des mœurs).
Le 16e siècle est l'une des plus belles périodes du christianisme et la joie exubérante
qui jaillit dans les cœurs, tel un feu d'artifice, donne naissance à l'art baroque !
Chapitre 10
L'EGLISE DE LA RENAISSANCE :
LA RESURRECTION DES ORDRES MONASTIQUES (16e siècle)
Le Concile de Trente (on parle aussi parfois de la "Réforme Tridentine") entraîne un
profond renouvellement de l’Église, notamment au niveau des Papes, des évêques
et des prêtres.
Ce vent frais, qui souffle donc "du haut vers le bas", s'accompagne aussi d'un réveil
des ordres monastiques qui sortent progressivement de leur "endormissement", et ce
grâce à deux choses : la réforme des ordres anciens et la création d'ordres
nouveaux. Si vous le voulez bien, considérons maintenant ces deux points.
1-Au 16e siècle, plusieurs saints sentent que les monastères se sont relâchés et qu'il
est urgent de leur donner une "nouvelle impulsion". Pour cela, ils préconisent de
revenir à ce que l'on appelle "l'observance" (c'est à dire l'application rigoureuse de la
règle primitive telle que le fondateur de l'ordre l'a écrite, et dont on s'est éloigné au fil
des années).
Parmi les réformateurs célèbres, on peut noter :
a)-Saint Jean de la Croix (1542-1591) : c'est un Carme espagnol. Il constate avec
douleur qu'il y a un manque de rigueur dans sa famille religieuse. Ses supérieurs
hiérarchiques s'opposent violemment à ses idées réformatrices (admettre qu'il est
nécessaire de se convertir n'est pas toujours facile !) mais loin de le décourager, cela
le pousse à s'unir à Dieu d'une manière particulièrement intense.
Le récit de sa fabuleuse expérience mystique est contenu dans "Le Cantique
Spirituel", qui est l'un des plus beaux livres spirituels de toute l'histoire de la
littérature chrétienne.
b)-Sainte Thérèse d'Avilla (1515-1582) : elle entre au Carmel à 20 ans et découvre
que les sœurs y mènent une vie facile et passent leurs journées à discuter au parloir.
Elle entreprend alors la réforme de l'ordre et fonde, contre vents et marées, 16
nouveaux monastères où elle remet la règle primitive au goût du jour.
Elle est très proche de Saint Jean de la Croix.
c)-Les Capucins : venus du Nord de l'Italie, ils réforment l'ordre Franciscain et ont
une grande influence sur leurs contemporains car ils sont de très bons confesseurs
et d'excellents prédicateurs. L'expression "prêcher à la capucine" signifie d'ailleurs, à
l'époque, "prêcher avec éclats de voix".
d)-On peut noter également que d'autres ordres anciens se réforment : les
Bénédictins, les Cisterciens (ces derniers deviennent alors les Trappistes), les
Dominicains...
Seuls les Chartreux, qui constituent un cas unique dans l’Église, ne se réforment pas
("Jamais réformés car jamais déformés" !).
Mais malgré ce cas à part, le retour à l'observance est quasi-général et il redynamise
l'ensemble du clergé régulier qui peut alors avoir à nouveau une influence sur la
société de l'époque.
2-En ce qui concerne la création d'ordres nouveaux, on assiste encore une fois
(comme à chaque période de remise en question, d'ailleurs) à une véritable
explosion de communautés.
Voici deux exemples intéressants choisis parmi une multitude d'autres :
a)-Les Jésuites : ils sont créés par saint Ignace de Loyola (1491-1556) en 1539.
Très vite, ils prennent de l'importance dans les diocèses car ils prêchent dans les
écoles, les collèges, les universités... et parviennent à former énormément de gens.
Très attachés à l’Église et au Pape, leur influence est d'autant plus grande qu'ils ont
une spiritualité très "carrée" qui permet de bien structurer la pensée (chacun a
sûrement déjà entendu parler des fameux "exercices spirituels" de saint Ignace).
b)-Les Ursulines : elles sont créées par sainte Angèle Merici (1470-1540) en 1535.
Elles ne vivent pas cloîtrées (ce qui est très étonnant pour l'époque) mais privilégient
le contact avec l'extérieur et œuvrent beaucoup pour l'éducation chrétienne des
femmes, notamment en élevant le niveau de connaissance des mères de famille.
Par leur apostolat, elles habituent aussi les gens à voir des femmes "agir" et pas
seulement "prier".
Ces deux ordres, ainsi que de très nombreux autres que nous ne pourrons
malheureusement pas tous citer ici, jouent un rôle majeur dans le renouvellement de
l’Église et dans l'édification de l'ensemble des baptisés (un peu à l'instar des ordres
qui étaient nés au 13e siècle).
3-Notons aussi une petite chose : au niveau chronologique, ces réformes et ces
créations d'ordres ne sont pas toutes postérieures au Concile de Trente. Certaines le
précèdent de quelques années.
Cela n'est pas très surprenant dans la mesure où il y a toujours des "signes avantcoureurs" qui précèdent chaque Concile; et le renouveau des ordres monastiques en
fait partie.
C'est un peu comme la nuée qui entoure une comète (si tant est que l'on puisse
comparer un Concile à une comète) : l'essentiel de la nuée suit la comète, mais une
fine pellicule l'enveloppe aussi à l'avant.
4-Pour conclure, retenons simplement que l'action du Vatican (qui va "du haut vers le
bas") et celle des ordres monastiques (qui va "du bas vers le haut") permettent à
l’Église toute entière de se sortir une nouvelle fois d'une crise extrêmement profonde.
Attention, toutefois, car la route est longue... et le plus dur est devant nous !
Supplément 10A
Contre-réforme catholique : la France rattrape son retard
grâce au génie de saint Vincent de Paul (17e siècle)
1-Contrairement à ce que l'on peut penser, la France n'est pas le pays le plus rapide
à s'engager dans la "réforme tridentine" (que l'on appelle aussi parfois la "contreréforme catholique"). Non, la "Fille aînée de l’Église" prend même beaucoup de
retard par rapport aux autres nations.
Deux raisons expliquent cela :
a)-De 1515 à 1547, le roi François 1er (qui, depuis la signature du concordat de
Bologne en 1516, a le droit de nommer les évêques) met à la tête des évêchés de
mauvais pasteurs. La réforme est donc considérablement ralentie en amont.
b)-De 1562 à 1598, les guerres de religion - auxquelles se mêlent de terribles luttes
politiques entre de grandes familles nobles - ensanglantent les villes et les
campagnes françaises. Cette situation bloque elle aussi pas mal de choses.
Les affrontements entre les Catholiques (qui sont dirigés au début par le duc
François de Guise) et les Protestants (qui sont dirigés par le prince de Condé)
atteignent un sommet lors du massacre de la Saint Barthélémy (1572) qui fait plus de
3 000 morts.
Dix-sept ans plus tard, Henri IV, qui est Protestant, accède au trône de France. Cela,
nous l'imaginons bien, n’éteint pas les passions. Toutefois, son abjuration, en 1593,
permet de pacifier le pays et de signer l'édit de Nantes qui accorde aux Protestants
la liberté de culte ainsi que l'égalité civile avec les Catholiques (1598).
2-Malgré ces deux "freins intérieurs" importants, certaines choses positives font que
tout n'est pas à l'arrêt, sur le plan religieux, et que la réforme tridentine parvient à se
mettre peu à peu en place (même si c'est avec du retard).
a)-Au niveau des laïcs : il y a des groupes de rencontres très influents, comme par
exemple celui de madame Acarie (1566-1618).
Cette dame de la grande bourgeoisie, qui est l'épouse d'un membre du Parlement,
tient un salon religieux, à Paris, où viennent régulièrement des évêques, des prêtres,
des laïcs... et cela permet la diffusion d'idées réformatrices.
A la mort de son mari, elle entre même au Carmel et prend le nom de Marie de
l'Incarnation.
b)-Au niveau du clergé régulier : des ordres réformés ou nouvellement créés sont
introduits en France, comme les Carmélites d'Espagne ou les Jésuites (en partie
grâce à l'intervention de madame Acarie, d'ailleurs).
c)-Au niveau des ministres ordonnés : il y a de grands personnages qui font que la
nuit n'est pas totale.
Le Cardinal Pierre de Bérulle (1575-1629) fonde la Congrégation de l'Oratoire pour
que les prêtres fassent rayonner la pensée chrétienne par l'étude, l'enseignement et
la prédication; Mgr François de Sales (1567-1622) écrit de très beaux ouvrages de
spiritualité et deviendra le patron des écrivains et de la presse catholique; Saint Jean
Eudes (1601-1680) répand le culte du Sacré Cœur de Jésus et de Marie et fonde
une congrégation pour former les prêtres; Saint Vincent de Paul (1581-1660) est un
personnage tout à fait central de cette période.
Si vous le voulez bien, consacrons lui un paragraphe.
3-Le génie de Saint Vincent de Paul (que ses contemporains appellent volontiers
monsieur Vincent) est qu'il agit sur tous les points de blocage qui paralysent l’Église :
a)-Les rois :
Le Pape Paul V (très impressionné par le fait qu'il ait ramené un Musulman à la foi
chrétienne, en Tunisie) le nomme auprès d'Henri IV. Dès lors, son influence ne cesse
de grandir à la cour.
Grâce à lui, le roi Louis XIII (1610-1643) se réconcilie avec Anne d'Autriche (qu'il
avait épousé en 1615) et, le 11 février 1638, la France est consacrée à la Vierge.
Par ailleurs, Anne d'Autriche (qui devient régente du royaume de 1643 à 1661 car
Louis XIV n'a que 5 ans à la mort de son père) le prend comme directeur de
conscience.
A son contact, elle devient moins frivole et plus sensible aux détresses du monde.
Elle donne même ses bijoux pour aider les pauvres.
b)-Les évêques :
Saint Vincent de Paul est nommé secrétaire du Conseil de Conscience (l'instance qui
s'occupe alors des affaires religieuses) par Anne d'Autriche.
Grâce à cette fonction - et en dépit du fait que le Cardinal Mazarin le jalouse - il
arrive à faire nommer d'excellents évêques, ce qui facilite beaucoup la mise en place
des orientations du Concile de Trente.
c)-Les prêtres :
L'impact de saint Vincent de Paul sur les prêtres est là aussi énorme. Il y a plusieurs
raisons à cela :
>Il trouve la formule des séminaires.
Les choses commencent très lentement, avec de petites retraites de 15 jours pour
les candidats au sacerdoce. Puis, petit à petit, le système se perfectionne et l'on
atteint des durées de formation beaucoup plus longues. Le résultat est si probant
qu'à la fin du 17e siècle, tous les diocèses de France ont un séminaire.
>Il met aussi au point la formation permanente des prêtres (ce qui est très important).
Chaque mardi, en effet, il réunit un groupe de prière, d'étude et d'amitié à la maison
Saint Lazare.
>Il crée également la Congrégation de la Mission (1625) dont le but est d'évangéliser
les campagnes et d'assister spirituellement les forçats.
Cette congrégation compte 450 prêtres en 1660, et ceux-ci prennent le nom de
Lazaristes.
>A noter que saint Vincent de Paul perfectionne aussi les missions paroissiales en
les prolongeant d'un mois (les missionnaires ne s'en vont pas avant d'avoir confessé
tout un village !).
d)-Les ordres religieux :
Son idée la plus lumineuse est sans aucun doute de faire appel aux femmes.
Il est vrai qu'il existait déjà les Ursulines de sainte Angèle Merici (depuis 1535), mais
leur statut canonique était encore flou. Avec l'ordre des "Filles de la Charité" (qu'il
crée en 1633), les femmes font une entrée beaucoup plus "officielle" dans le monde
religieux "non-cloîtré", et ce en liant la vie de sœur à celle d'infirmière, d'éducatrice,
d'enseignante, de missionnaire...
L'un des gros avantages des "Filles de la Charité" est qu'elles permettent à l’Église
de renforcer considérablement son "personnel ecclésial".
e)-Les pauvres :
Enfin, Vincent de Paul œuvre beaucoup pour aider les plus défavorisés. Il faut dire
qu'après les guerres de religion, le 17e siècle (qui est pourtant celui de la monarchie
absolue) connaît un temps de révolte des seigneurs contre le pouvoir royal : c'est ce
que l'on appelle la Fronde (de 1648 à 1652).
Cette rébellion - qui est due à l'impopularité d'Anne d'Autriche et de son ministre
Mazarin, à l'interminable guerre de 30 ans, aux difficultés économiques de la
France... - met à nouveau le pays à feu et à sang.
Avec l'aide des "Dames de la Charité" (qui n'est pas un ordre religieux, comme les
"Filles de la Charité", mais plutôt une association de femmes riches), saint Vincent de
Paul parvient à récolter des fonds qui permettent, entre autre, d'apporter des
solutions au douloureux problème des bébés abandonnés (ils sont environ 500
chaque année à Paris).
Parmi les membres de l’œuvre : Marie de Gonzague (la future reine de Pologne),
Charlotte de Montmorency (la mère du Prince de Condé), madame Fouquet (la mère
du Surintendant), madame de Lamoignon (l'épouse du président du Parlement),
madame Séguier (la femme du Grand Chancelier)... Leur apostolat, notons-le au
passage, facilite beaucoup le rapprochement des classes sociales.
4-Pour conclure, nous pourrions retenir que saint Vincent de Paul est un homme qui
tient l’Église de France "à bout de bras", durant sa vie.
Il débloque beaucoup de choses et, grâce à son action, l'esprit du Concile de Trente
parvient à se diffuser dans une France en proie à de terribles conflits. Notre pays finit
même par prendre de l'avance sur les autres !
Décédé le 27 septembre 1660 et canonisé en 1737, il est déclaré "Patron de toutes
les œuvres charitables" en 1885. Il n'y a à mon avis qu'un mot pour décrire un tel
homme : c'est un génie spirituel.
†
Supplément 10B
Le bilan de l’Église missionnaire à la Renaissance
A la Renaissance, la propagation du christianisme se poursuit. Pour bien comprendre
comment les choses se passent, lisons les points suivants :
1-L'Islam.
Après la prise de Constantinople (en 1453), on assiste à une avancée considérable
de l'Islam d'Est en Ouest. La Turquie sert alors de base arrière aux Musulmans pour
lancer des raids contre l'Europe, et les gens sont extrêmement inquiets. A un
moment donné, on craint même pour l'Italie.
Cependant, plusieurs victoires font que cette progression s'arrête : en 1565, la flotte
turque est stoppée dans son expansion, à Maltes; en 1571, elle est détruite à la
bataille de Lépante, en Grèce; en 1683, l'armée turque est réduite à néant à son tour
par les Polonais, en Autriche.
L'avancée temporaire de l'Islam est toutefois suffisante pour couper la route vers la
Chine, et cela pousse les gens à chercher d'autres voies de passage vers l'Est.
Tout naturellement, ils songent à emprunter la voie maritime, et c'est ainsi que les
pays qui ont une grande ouverture sur la mer (comme le Portugal et l'Espagne)
arrivent sur le devant de la scène internationale.
2-Le Portugal et l'Espagne.
Il y a une grande rivalité entre ces deux nations, au niveau des missions.
A tel point qu'au congrès de Tordesillas (1494), le Pape Alexandre VI doit attribuer à
chacune des zones précises, en Amérique du Sud.
Mais voici plutôt quelques événements importants :
a)-Le Portugal : Henry le navigateur (1394-1460) commence l'exploration des côtes
africaines; Bartolomeu Dias (1450-1500) découvre le cap de Bonne Espérance;
Vasco de Gama (1469-1524) atteint l'Inde par la mer; Fernand de Magellan (14801521) réalise le premier tour du monde en bateau...
Notons que l'évangélisation marche très mal en Afrique car le désert rend le territoire
très difficile d'accès.
De plus, les blancs font de l'esclavage et cela nuit terriblement à leur image.
Les choses ne changeront qu'aux 18e et 19e siècles.
b)-L'Espagne : elle devient la grande puissance européenne de la Renaissance
(surtout de 1500 à 1650).
Parmi les faits marquants : Christophe Colomb (1450-1506) traverse l'Océan
Atlantique et atteint les îles situées au large de l'Amérique du Nord, même s'il est vrai
qu'il croit être arrivé en Inde; Amerigo Vespucci (1454-1512) poursuit l'exploration
des côtes américaines et comprend qu'il s'agit d'un nouveau continent.
Plus tard, on donnera son nom à l'Amérique.
c)-Le bilan des missions placées sous le patronage espagnol et portugais est un
mélange de réussites et d'échecs.
>les réussites : au Mexique, l'arrivée du christianisme contribue à la disparition de la
religion Aztèque qui était cruelle et autorisait les sacrifices humains; en Amérique du
Sud, les européens portent un coup fatal aux Incas qui exploitaient les gens, et la
christianisation est très rapide.
>les échecs : parfois, il arrive que les colons ne tiennent pas assez compte des
hommes. Il y a alors des massacres, de l'esclavage, des conversions forcées...
Notons aussi que "l'Invincible Armada" (c'est à dire la flotte espagnole) s'affaiblit peu
à peu car elle est souvent attaquée par des nations rivales.
De plus, les colonies coûtent très vite plus d'argent qu'elles n'en rapportent et, avec
le temps, il y a des mouvements d'indépendance (notamment avec Simon Bolivar, en
Amérique du Sud, au début du 19e siècle).
3-La "Congrégation pour la Propagation de la Foi".
La "Congrégation pour la Propagation de la Foi" (ou, depuis 1967 : "Congrégation
pour l’Évangélisation des Peuples") est mise en place dans sa forme définitive par le
Pape Grégoire XV en 1622.
Elle a la charge des missions et elle est présidée par un cardinal-préfet.
Dans chacun de ses objectifs (elle en a deux principaux), elle connaît elle aussi des
réussites et des échecs.
a)-Le premier objectif est d'aller là où les Portugais et les Espagnols ne vont pas.
>les réussites : le christianisme est introduit dans certains pays comme l'Inde,
l'Indonésie, les Philippines (tout n'est pas facile mais on parvient quand même à
installer des points d'implantation de la foi), le Vietnam (les choses fonctionnent
plutôt bien, dans ce pays)...
>les échecs : on assiste parfois à des résistances nationalistes et à des persécutions
comme au Japon, par exemple, ou bien en Chine...
b)-Le second objectif est de reconquérir les terres tombées aux mains des
protestants.
>les réussites : cela marche partiellement en Allemagne, en Suisse, en Hongrie, en
Pologne et en Autriche (une partie du chemin est refaite mais pas tout, loin s'en faut).
>les échecs : les avancées sont particulièrement difficiles dans les pays scandinaves
et en Angleterre (notamment à cause de la violence des répressions, dans le cas de
l'Angleterre).
Notons que l'on parvient aussi à rétablir le contact avec certaines fractions de l’Église
Orthodoxe en Ukraine, en Roumanie... ce qui donne alors naissance au mouvement
"uniate".
4-Le bilan de la Renaissance est donc le suivant :
a)-La progression de l'Islam s'arrête.
b)-Les Portugais et les Espagnols explorent le monde et évangélisent l'Amérique du
Sud.
c)-La "Congrégation pour la Propagation de la Foi" se rend là où les Portugais et les
Espagnols ne vont pas et s'occupe également de reconquérir les terres devenues
protestantes.
d)-Il y a des réussites et des échecs partout, mais l'effort missionnaire est
considérable. On fait le tour de la planète et cela donne aux gens un sentiment très
fort d'ouverture et de liberté.
Note : ceux qui sont intéressés par ce sujet apprécieront sûrement le film "Mission",
de Roland Joffé (avec Robert de Niro et Jeremy Irons), qui a reçu la Palme d'Or au
Festival de Cannes en 1986.
†
Chapitre 11
L'EGLISE A L'EPOQUE DES LUMIERES :
FACE AU MIRAGE DE LA SCIENCE ET DE LA RAISON (18e siècle)
1-Au milieu du 16e siècle, le Concile de Trente parvient à "nettoyer" l’Église de haut
en bas et à lui redonner sa crédibilité. Toutefois, d'autres ennuis surgissent peu à peu
et font que le christianisme se retrouve à nouveau dans une passe très difficile.
a)-Tout d'abord, il y a un problème interne concernant l'humanisme.
Comme nous l'avons vu, ce mouvement envisage l'avenir sans s'appuyer sur l’Église
et cela donne naissance à une querelle extrêmement vive entre les Jésuites (qui
souhaitent évangéliser l'humanisme et développent une théologie morale moins
rigoureuse que l'on appelle le "molinisme") et les Jansénistes (qui insistent beaucoup
plus sur l'importance de Dieu, notamment dans le domaine de la grâce, et sur la
nécessité de prendre du recul par rapport au monde).
Le Saint Siège ne condamne pas le molinisme mais l’Église étant devenue un
véritable "champ de bataille", l'ordre des Jésuites est supprimé de 1773 à 1814 (cela,
comme on peut l'imaginer, a des effets désastreux sur les missions et sur
l'éducation).
b)-Ensuite, il y a des tensions entre Rome et Paris.
Cela vient du fait que le roi Louis XIV, qui dirige la France en monarque absolu, tend
à favoriser l'émergence d'une Église catholique "française" (et non pas "romaine").
C'est ce que l'on appelle alors le "gallicanisme".
Le Vatican cherche donc à réaffirmer son pouvoir spirituel sur la monarchie en place.
c)-Enfin, le problème qui nuit le plus à l'image de l’Église est sûrement "l'affaire
Galilée". En effet, persuadées que le géocentrisme (la terre est au centre de
l'univers) est la seule théorie qui vaille, les autorités ecclésiales contraignent le
physicien italien Galilée (1564-1652) à renier l'héliocentrisme (le soleil est au centre
de l'univers). En 1633, cela fait grand bruit et provoque un énorme scandale.
d)-La conséquence de ces trois problèmes est que le christianisme apparaît très vite
comme un monde "renfermé", "statique" et "chamailleur".
On utilise souvent l'adjectif "obscurantiste", pour le qualifier.
De plus, ces affaires détournent les intellectuels de la foi (à l'instar des humanistes
de la Renaissance) et l’Église perd une très grande partie de son influence.
2-Parallèlement à cela, on assiste à une montée en puissance de la pensée
scientifique et philosophique. Contrairement à la religion, ces deux domaines
donnent le sentiment d'être vraiment "ouverts" et "en mouvement".
Mais distinguons deux points :
a)-La science.
L'anglais Isaac Newton (1642-1727) découvre la loi de l'attraction universelle tandis
que son compatriote Thomas Newcommen (1663-1729) construit la première
machine à vapeur vraiment utilisable (1712).
De son côté, John Kay (un autre anglais) met au point une "navette" (1733) qui
permet de booster la production de textile et lance véritablement la révolution
industrielle en Angleterre.
On construit alors les usines à proximité des mines de charbon pour alimenter les
machines à vapeur, et les grandes villes font leur apparition dans un Royaume-Uni
riche en matières premières et pacifié au niveau intérieur.
A cette époque, la foi dans le progrès est très grande.
b)-La philosophie.
Dès le 17e siècle, René Descartes (1596-1650) donne un nouvel élan à la pensée
philosophique en mettant la raison humaine au centre de sa démarche et en faisant
table rase de toute connaissance non fondée.
Son "Je pense donc je suis" ainsi que sa "démonstration" de l'existence de Dieu par
la seule raison (voir le "Discours sur la méthode", 1637) fascinent. Sa pédagogie
conquiert même la plupart des enseignants et des universitaires.
Toutefois, quand on se base sur la "raison" plutôt que sur la "Révélation", les
découvertes théologiques restent forcément limitées. Comme le dit l'article 237 du
Catéchisme de l’Église Catholique (au sujet du fameux mystère de la Trinité) : "La
Trinité est un mystère de foi au sens strict, un des mystères cachés en Dieu qui ne
peuvent être connus s'ils ne sont révélés d'en haut".
La seule raison ne nous éclaire donc pas complètement sur qui est Dieu. Elle ne
permet pas de tout comprendre de Lui. La conséquence de cela est que le Dieu de
Descartes est "flou", "lointain", "abstrait", "désincarné".
Le succès considérable de cet auteur - particulièrement dans le monde de
l'éducation - lui permet malheureusement de propager partout l'idée que le Créateur
est "insaisissable".
3-Le mouvement des "Lumières" (18e siècle) est souvent présenté comme un
"nouvel humanisme".
L'homme est toujours au centre des préoccupations, mais là où les humanistes de la
Renaissance avaient mis la mythologie grecque, les lumières mettent la science (qui
est alors en plein essor) et la raison (qui s'est détachée de l’Église).
a)-Les principaux représentants français (Denis Diderot (1713-1784), le baron de
Montesquieu (1689-1755), Jean-Jacques Rousseau (1712-1778)...) exercent une
influence considérable sur leurs contemporains. On les invite dans toutes les cours
d'Europe et ils diffusent leurs idées dans tous les pays.
Le cœur de leur pensée est que l'homme a été jusqu'alors un enfant placé sous la
tutelle de l’Église, et qu'il va enfin devenir adulte grâce aux progrès techniques et
intellectuels.
b)-Le mouvement compte également des partisans dans d'autres pays. Le
philosophe allemand Emmanuel Kant (1724-1804), par exemple, développe lui aussi
l'idée selon laquelle Dieu est "inconnaissable" et "inaccessible".
Pour lui, on ne peut comprendre que les sciences et le monde matériel. Il est vrai
qu'il reconnaît une possibilité d'atteindre également la sphère morale, mais la morale
telle qu'il la conçoit ne renvoie jamais à une personne.
En effet, il ne préconise pas de faire les choses parce que Dieu nous aime, mais
uniquement parce qu'il faut les faire (c'est ce qu'il appelle "l'impératif catégorique", en
1788).
c)-Nous voyons donc bien que le pont entre Dieu et les hommes, construit par Jésus
Christ et rendu "tangible" par son Église, est rompu. Dieu devient progressivement
un "étranger", un être "indéfinissable", "vague", "absent". On dit que la Révélation est
une tromperie, que la Bible est une erreur et que le Christ est une invention de
l’Église.
Certains, à l'instar de Voltaire (1694-1778), n'hésitent pas à annoncer l'effondrement
prochain du christianisme.
d)-Les penseurs du siècle des "lumières" ne deviennent pas tous des incroyants ou
des apostats, certes. Toutefois, il y a de très nombreuses attaques portées contre la
foi chrétienne (Rome interdit d'ailleurs plusieurs livres).
e)-Notons aussi que de la même façon que la Renaissance avait entraîné des abus
au niveau moral, l'époque des lumières connaît elle aussi ses écarts.
Le libertinage, qui en est un, apparaît dès le 17e siècle.
4-Afin de bien illustrer ce phénomène de "rationalisation de la pensée", prenons
l'exemple de celui qui est reconnu comme le penseur emblématique de cette
période, Denis Diderot (l'auteur de "L'Encyclopédie"), et essayons de voir quelles
sont les différentes étapes de son parcours spirituel.
a)-Tout d'abord, il faut savoir que ses parents sont des artisans catholiques qui le
destinent à la vie ecclésiale.
Diderot reçoit donc très jeune une éducation chez les Jésuites mais, vers l'âge de 20
ans, il décide de s'enfuir et mène une vie de bohème.
b)-Dans ses "Pensées philosophiques" (1747), on sent qu'il s'oriente peu à peu vers
le déisme (c'est à dire qu'il reste croyant, mais sans faire de référence à une
révélation. En ce sens, il se coupe donc de l’Église).
c)-Dans sa "Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient" (1749), il franchit
une autre "étape" dans l'éloignement de la religion en se tournant vers l'athéisme
(c'est à dire qu'il nie désormais l'existence même de Dieu).
d)-Enfin, à partir de 1750, il embrasse purement et simplement le matérialisme
(autrement dit, il rejette l'idée selon laquelle il y a du "spirituel", en l'homme, et il
pense que le genre humain est le fruit d'une lente évolution de la matière).
Les philosophes, nous le savons, jouent un rôle très important dans la société.
Par leurs écrits, en effet, ils diffusent des idées.
Or, en diffusant des idées, ils ont le pouvoir de former (ou de déformer) les esprits. Et
en les formant (ou en les déformant), ils façonnent également les comportements et
préparent inévitablement les actions futures.
Comme nous allons le voir au prochain chapitre, les artisans de la Révolution
française, modelés par les idées des lumières, ne vont pas être tendres avec notre
Mère l’Église !
Chapitre 12
L'EGLISE A L'EPOQUE DES LUMIERES :
LE TRAUMATISME DE LA REVOLUTION FRANCAISE (18e siècle)
1-En 1789, un fossé très profond s'est creusé entre le "tiers-état" (qui représente
alors 96% de la population française), la "noblesse" et le "clergé".
Il faut dire que la dureté du système féodal, la pauvreté, les injustices, les inégalités
devant l'impôt... sont devenues insoutenables. Toutes les conditions sont donc
réunies pour que la révolte éclate.
La révolution française, qui est l'expression de cette colère, comporte deux aspects :
a)-Tout d'abord, cet événement répond à un besoin profond de réorganiser la France
socialement, administrativement et politiquement.
Dans ces trois domaines précis, on peut dire que la "Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen" (qui est publiée en août 1789) marque une étape décisive
vers plus d'équité et de justice sociale.
b)-Ensuite, il faut savoir que cet épisode de l'histoire de France comporte aussi une
part d'anticléricalisme non négligeable (l'influence des "lumières", nous l'avons vu,
est grande à cette époque).
2-Voici, en deux points très courts, le déroulement des événements :
a)-En novembre 1789 et en février 1790 : l'Assemblée Constituante (c'est à dire
l'instance qui regroupe les représentants du tiers-état, de la noblesse et du clergé)
décide la confiscation des biens de l’Église, la suppression des ordres religieux et
l'abolition des vœux monastiques.
Des membres des "Comités Révolutionnaires Locaux" se rendent alors dans les
monastères et demandent aux moines et aux moniales de retourner dans leur
famille.
Bien sûr, tous n'acceptent pas. Beaucoup préfèrent rentrer dans la clandestinité. Ils
se font alors héberger dans des fermes alentours, par groupes de trois ou quatre
(gardant parfois leur habit religieux sous des vêtements civils, et disant leurs offices
en cachette par peur des représailles).
b)-En juillet 1790 : on tente de mettre le clergé sous contrôle également, et ce grâce
à la "constitution civile du clergé".
Ce texte prévoit entre autre l'élection des curés de paroisses, des évêques et des
archevêques par les assemblées de département et de district. Il prévoit également
un serment de fidélité prêté à la Constitution, la rémunération des ministres du culte
par l'état... Autrement dit, le gouvernement cherche à organiser "l’Église" à sa façon
(c'est à dire indépendamment du Pape).
3-Comme on peut s'y attendre, Rome refuse cette attitude de l’État (en 1791).
La grande majorité des évêques français (23 sur 30) va dans le même sens que le
Saint Père. Les prêtres, par contre, sont très divisés :
a)-50% d'entre eux suivent l’État. Ils deviennent alors "assermentés" ou "jureurs".
Cela, bien entendu, n'est pas sans poser le problème de la légitimité de leur nouveau
"sacerdoce" ainsi que celui des liens qu'ils entretiennent avec les autorités en place
(l’État, en effet, demande que soient célébrées les fêtes de la "déesse Raison", à
Notre Dame de Paris, et de "l’Être Suprême").
b)-Une autre moitié des prêtres, par contre, rejette la "constitution civile du clergé".
Dans ce cas, on parle de ministres "réfractaires".
Autrement dit, les prêtres entrent dans la clandestinité, vivent souvent très
pauvrement... mais sont toujours en pleine communion avec Rome.
Le saint curé d'Ars (qui est né en 1786) fait sa première communion en secret, dans
une ferme d'Ecully dont on a fermé les volets pour éviter que la lumière des cierges
éveille des soupçons.
Il faut toujours prendre énormément de précautions, en ces temps troublés, car les
"réfractaires" sont déportés en Guyane ou condamnés à l'échafaud.
4-A cette époque, tous les regards sont tournés vers la France.
Le choc est énorme, en Europe, car les conséquences sont désastreuses pour notre
pays : les rassemblements religieux sont interdits (les Messes, les sacrements...), les
fêtes chrétiennes ne rythment plus la vie quotidienne (on efface le souvenir des
saints en introduisant le calendrier révolutionnaire; on remplace la fête des rois par
celle des Sans-Culottes...), les gens sont abreuvés d'idées anticléricales (les statues
des portails sont mutilées), la pratique, qui était quasi-générale avant 1789,
s'effondre très rapidement (elle est divisée par 5 à Bordeaux !)...
Bref, on assiste à une déchristianisation extrêmement rapide de la France.
5-Face à un tel désastre, on se demande s'il va être possible de faire repartir l’Église
un jour, et si l’on va pouvoir réunifier le clergé et reconstituer les communautés
ecclésiales. La tâche paraît impossible !
Au prochain chapitre, nous verrons comment l’Église de France est quand même
parvenue à sortir de cette impasse.
Chapitre 13
L'EGLISE DU XIXe SIECLE : L'ESPRIT MISSIONNAIRE
SAUVE L'EGLISE DE FRANCE APRES LA REVOLUTION (19e siècle)
1-Le siècle qui suit la révolution française est un siècle de très grande instabilité
politique.
Il faut dire que les gens, qui ont toujours eu un roi pour les diriger, doivent maintenant
apprendre à gérer eux-mêmes la société nouvelle, et cela n'est pas simple.
Aussi les périodes d'espoir laissent-elles place à des périodes de déception et
d'incertitude, créant ainsi un équilibre social très précaire.
Quand on regarde les choses avec attention, on a le sentiment que la France hésite
alors entre trois voies possibles : poursuivre dans l'esprit de la Révolution malgré les
difficultés (la République), revenir à la Monarchie (la Restauration) ou bien
s'abandonner à un pouvoir central fort (l'Empire et Napoléon).
C'est ainsi que ces trois types de régimes se succèdent au rythme des coups d’État.
2-Au sein de ce grand désordre, l’Église parvient malgré tout à refaire surface.
Voici comment :
Au début du 19e siècle, Napoléon Bonaparte (1769-1821) juge que le temps est
venu de remettre la religion à l'honneur (un peu à l'instar de Cyrus de Perse qui,
dans l'Ancien Testament, avait décrété que les hébreux pouvaient revenir de leur
déportation à Babylone). "Une société sans religion, dit-il, est un vaisseau sans
boussole".
Ce choix, nous l'imaginons bien, est surtout tactique car il lui permet de gagner les
suffrages des catholiques qui voient en lui le restaurateur du christianisme.
Cela facilite donc son maintient au pouvoir, chose pas évidente en ces temps de
recherche et de tâtonnement !
3-Le "retour" de l’Église se fait dans le cadre de ce que l'on appelle le "Concordat".
Ce texte, qui est approuvé par Rome et par l’État français en 1801, est longuement
négocié car Napoléon cherche à conserver le contrôle de l’Église.
Finalement, après d'âpres discussions, on parvient néanmoins à trouver un
"compromis" dont l’Église ressort à la fois renforcée et diminuée :
a)-Les rassemblements religieux sont à nouveau autorisés (les Messes, les
sacrements..); le Pape nomme les évêques et les évêques ordonnent les prêtres;
l’État assure le traitement des ministres du culte....
b)-Toutefois, le gouvernement français se réserve le droit de ratifier (ou pas) le choix
et les nominations des membres du clergé; l’Église doit renoncer à revendiquer les
biens ecclésiastiques confisqués à la Révolution; un serment de fidélité au
gouvernement est demandé aux évêques et aux prêtres; le nombre des évêchés
passe de 120 en 1789 à seulement 40 en 1802…
Bref, comme on peut l'imaginer, il n'est pas facile de se réorganiser dans de telles
conditions. Toutefois, cela est suffisant pour que l’Église sorte enfin de la
clandestinité.
4-Voici maintenant comment les choses se passent "en aval" :
a)-Les ordres anciens.
Tout d'abord, il y a un retour des grands ordres religieux. Les Trappistes, qui ont
quitté la France après la révolution et sont allés s'installer aux USA et en Russie,
sont les premiers à être rétablis. Reviennent ensuite les Bénédictins, les
Dominicains, les Franciscains, les Carmes…
Les vocations arrivent très rapidement et certains monastères comptent même
plusieurs centaines de moines.
b)-Les ordres nouveaux.
Ensuite, il faut savoir que, pendant la révolution, il y a eu de très nombreux "groupes
de résistance" qui se sont constitués à travers le territoire national (pour catéchiser
les enfants, assister les mourants, cacher les prêtres réfractaires, préparer les
Messes...).
Or, il se trouve qu'à partir de 1801, ces groupes sortent de l'ombre et deviennent des
ordres religieux (pour un grand nombre d’entre eux, du moins).
Parmi les figures marquantes de cette époque, on peut noter : Anne-Marie Javouhey
(fondatrice des sœurs St Joseph de Cluny), Anne-Marie Rivier (fondatrice de la
Présentation de Bourg Saint Andéol), Anne-Sophie Barat (fondatrice des Dames du
Sacré Cœur), sainte Marie-Euphrasie Pelletier (fondatrice de l’œuvre du "Bon
Pasteur" d'Anger, qui vient en aide aux filles en difficulté), sainte Thérèse Couderc
(fondatrice de la communauté du Cénacle), le Père Rozand (fondateur de Sainte
Clotilde), le Père Guillaume Chaminade (fondateur des Marianistes, pour l'éducation
des jeunes), monsieur Allemand (fondateur de l’œuvre pour l’Éducation de la
Bourgeoisie Marseillaise)... etc.
c)-L'action des femmes.
Comme nous le constatons, les femmes occupent une place extrêmement
importante dans la rechristianisation de la France. Elles se montrent très militantes,
très décidées et, surtout, très combatives. Certaines, qui sont d'authentiques génies
de l'organisation, arrivent même à bâtir de véritables empires religieux (un peu à
l'instar de mère Teresa à notre époque) !
A la fin du 19e siècle, on dénombre pas moins de 1 200 congrégations de femmes,
en France, ce qui est énorme. D'une certaine manière, on peut dire que le génie
féminin a sauvé notre pays !
d)-L'enseignement.
A cela vient s'ajouter également une floraison d'œuvres liées à l'enseignement :
>Les missions paroissiales sont plus nombreuses que jamais.
>Des écoles et des collèges fleurissent partout (on prend en effet conscience que
l'anticléricalisme de la Révolution venait du fait que l'éducation n'était pas encore
assez performante).
>La mise en place des "petits séminaires" (certains diocèses en possèdent 4 ou 5,
chacun comptant 400-500 enfants) permet de renouveler totalement le nombre de
prêtres (notamment en admettant au sacerdoce des candidats issus de milieux
populaires et pas uniquement bourgeois, comme cela était le cas auparavant).
Au 19e siècle, il y a plus de prêtres qu'aux 17e et au 18e siècles.
>Enfin, on peut noter que ce sont généralement les communes qui demandent aux
religieux de construire des établissements scolaires (notamment aux Maristes et aux
Frères des Écoles Chrétiennes) car les établissements catholiques ont une très
bonne réputation.
De plus, à partir du moment où il n'y a pas encore de séparation de l’Église et de
l’État, les villes peuvent tout à fait collaborer avec les ordres religieux.
5-Nous voyons donc que l’Église regagne progressivement du terrain, après toutes
ces années de clandestinité.
Pour bien marquer son "retour à la liberté", on cherche même à la mettre en valeur
dans le paysage. Pour cela, on construit Montmartre (à Paris), Fourvière (à Lyon),
Notre Dame de la Garde (à Marseille)… et ceci dans un esprit de profonde dévotion
au Sacré Cœur de Jésus et au Cœur Immaculé de Marie (n'oublions pas que les
manifestations de Jésus à sœur Marguerite-Marie, à Paray le Monial, datent de
1673, et que les apparitions de la rue du Bac ont lieu en 1830, celles de La Salette
en 1846, celles de Lourdes en 1858, celles de Pontmain en 1871…).
Le Renouveau est spectaculaire et rapide : la France est très vite ré-encadrée, des
progrès considérables sont accomplis dans la pratique religieuse jusqu'en 1870, un
art sacré très riche se développe, 140 causes de français morts en réputation de
sainteté sont introduites à Rome (rien que pour le 19e siècle !)…
6-Certains se prennent alors à rêver à une société religieuse semblable à celle du
Moyen Age, c'est à dire une société dans laquelle l’Église ferait émerger des
dirigeants chrétiens qui défendraient à leur tour la foi lorsqu'ils accéderaient au
pouvoir.
Ce rêve, malheureusement, ne verra pas le jour. Le 20e siècle, en effet, ne sera pas
religieux et la victoire de l’Église ne sera pas totale. Dans le prochain chapitre, nous
verrons pourquoi.
Chapitre 14
L'EGLISE DU XIXe SIECLE : MALGRE UN GRAND ELAN MISSIONNAIRE,
LA VICTOIRE DE L'EGLISE N'EST PAS TOTALE (19e siècle)
1-Le formidable élan missionnaire du 19e siècle permet à l’Église de France de
refaire surface beaucoup plus rapidement qu'on aurait pu le penser après la
révolution française. Parmi les zones "reconquises", il y a :
a)-Les campagnes :
Les prêtres y sont très proches du peuple, très dévoués et très appréciés de leurs
paroissiens. Il faut dire que le monde rural est le lieu où la population est la plus
nombreuse. Il est donc normal que l’Église déploie de gros efforts pour s'en occuper.
b)-La bourgeoisie :
Après 1789, elle tire sa fortune de l'achat des biens du clergé - qui, ne l'oublions pas,
ont été confisqués par l’État au moment de la révolution française - et elle est donc
très anticléricale. Mais peu à peu, un changement s'opère.
Il y a deux raisons à cela :
>Tout d'abord, il faut savoir que les bourgeois aiment bien mettre leurs enfants dans
des écoles catholiques car ces dernières ont une très bonne réputation (la discipline
est stricte et l'enseignement est de qualité).
Il en résulte que leurs enfants - qui suivent aussi un enseignement religieux, dans
ces établissements - parlent de la foi, chez eux, et finissent bien souvent par
convertir leurs propres parents.
>Ensuite, dans le monde de la bourgeoisie, cela rassure toujours les parents lorsque
les enfants se marient avec des catholiques. En effet, épouser un chrétien (ou une
chrétienne) est un gage de sérieux.
C'est ainsi qu'apparaissent en France de très nombreux foyers fondés sur les valeurs
de l’Évangile (le conjoint chrétien se chargeant de convertir les autres membres de
sa famille).
Progressivement, l’Église est donc perçue par la bourgeoisie comme un "instrument
de stabilité sociale" et non plus comme une "institution archaïque".
c)-L'armée :
Au début du 19e siècle, l'armée Napoléonienne est elle aussi très anticléricale.
Toutefois, le fait qu'un nombre croissant d'officiers soient issus d'écoles tenues par
des Jésuites permet à l’Église de reconquérir également les milieux militaires.
2-En dépit de ces succès, il subsiste quand même de grandes zones d'ombre.
Parmi elles, on peut noter :
a)-Les villes :
>Elles sont difficiles à encadrer à cause de l'extension permanente des faubourgs
(n'oublions pas que nous sommes au temps de la révolution industrielle !).
De plus, un accord doit être demandé au gouvernement et aux mairies pour
construire des édifices religieux… et les autorisations sont souvent refusées.
On a donc beaucoup de mal à construire et à créer de nouvelles paroisses. Certains
quartiers sont même complètement laissés à l'abandon.
>Par ailleurs, bon nombre d'ouvriers considèrent que l’Église est "de connivence"
avec la bourgeoisie et, de ce fait, le climat lui est spontanément hostile.
En effet, le système libéral bourgeois entraînant une paupérisation des travailleurs
(on les paye moins pour vendre plus, et moins cher), les ouvriers tendent à rejeter
tout ce qui est lié aux classes supérieures et ils se tournent plus volontiers vers les
courants socialistes et révolutionnaires.
b)-Le monde de la pensée :
Enfin, le dernier secteur que l’Église ne parvient pas à reconquérir (et c'est là, très
certainement, son plus gros échec) est le monde intellectuel et politique.
L'exemple qui illustre le mieux cela est sans doute celui de Victor Hugo (1802-1885) :
poète, écrivain et homme politique (il est député en 1848), il finit par abandonner
totalement le christianisme.
3-Pour mieux comprendre les raisons de cet échec, il faut savoir plusieurs choses :
a)-Étant donné que la société du 19e est très instable (les régimes politiques se
succèdent au rythme des coups d'état; certains dirigeants sont pour l’Église, d'autres
contre; il y a le problème de la franc-maçonnerie…), l’Église est obligée de réajuster
sans cesse ses positions.
Or, dans les périodes troublées, les chrétiens ont deux traditions : soit ils résistent,
soit ils se montrent plus ouverts et récupèrent ce qui peut l'être (cela varie suivant les
époques).
b)-Au 19e siècle (qui est donc un siècle où les intellectuels sont imprégnés d'idées
mettant en avant la "raison individuelle" et "l'innovation"), l’Église ne s'oppose pas au
progrès mais elle décide d'adopter une attitude de résistance doctrinale et, pour ce
faire, elle se recentre très fortement autour du Pape, de l'autorité, des règles, de la
tradition, de la continuité ("Le monde passe et la Croix demeure", dit-on parfois).
c)-Cette attitude aboutit à la publication d'un texte appelé "Le Syllabus", en1864
(dans lequel le Pape Pie IX se montre très critique vis-à-vis des dérives du monde
moderne), ainsi qu'à la définition du dogme de l'infaillibilité pontificale, en 1871.
d)-Tout cela, bien sûr, ne va pas du tout dans le sens de la philosophie des lumières
qui prône la rupture avec le passé et le changement radical.
C'est pourquoi les élites du 19e ne se tournent pas vers la foi.
4-Comme nous le comprenons bien, dans une société où il n'y a pas de séparation
entre l’Église et l'état, le christianisme ne peut pas se propager si la société civile
n'est pas d'accord.
Or, les hauts responsables ne partageant pas le conservatisme de Rome (c'est
notamment le cas des artisans de la 3e République, à partir de 1870), il y a
inévitablement des problèmes qui surgissent. Parmi eux, on peut noter :
a)-Un écrasement de l'école libre par l'expulsion des Congrégations qui les dirigent.
b)-Une baisse très forte de la pratique religieuse (elle n'avait pourtant jamais cessé
de monter jusqu'en 1870).
c)-Puis, finalement, une séparation de l’Église et de l'état en 1905.
Dès la troisième République, on peut prévoir que le 20e siècle ne sera pas religieux.
†
Supplément 14A
Le bilan de l’Église missionnaire au 19e siècle
1-A l'époque de la Renaissance, le christianisme se propage à travers le monde
grâce à l'action des Espagnols, des Portugais et de la "Congrégation de Propaganda
Fide" (à Rome) qui se charge de porter l'évangile dans les pays où les deux premiers
ne sont pas présents.
2-Au début du 19e siècle, par contre, l'attention des chrétiens se recentre sur les
événements qui se déroulent en France. En effet, loin de concerner uniquement
notre pays, la révolution française a aussi de profondes répercussions dans
l'ensemble de l'Europe (y compris pour l’Église).
Mais voici plutôt comment les choses se passent...
3-Comme nous l'avons vu dans nos chapitres précédents, l'année 1789 marque un
très grand choc en Europe. Les rois de l'époque ont peur que la monarchie soit
renversée également dans leurs propres pays. C'est ainsi que l'on assiste à la
formation de "coalitions de nations" dirigées contre la France.
Parmi les principales nations participantes, on peut noter : la Grande Bretagne,
l'Autriche et la Russie.
Entre 1793 et 1815, il n'y a pas moins de sept coalitions qui se constituent (à noter
que l'Autriche ne prend pas part à la quatrième, et que la Russie ne participe pas à
la cinquième).
4-Au cours des années qui suivent 1789, l'Italie est le théâtre d'une immense pagaille
politique : l'idéal révolutionnaire devient peu à peu un rêve froissé, les régimes
politiques se succèdent au rythme des coups d'état… bref, il est très difficile de
trouver une stabilité.
Au sein de ce désordre général apparaît un jeune chef militaire charismatique qui
connaît un grand succès populaire grâce à ses nombreuses victoires contre les pays
coalisés : Napoléon 1e (on se souvient notamment de sa victoire à Marengo, en
Italie, en juin 1800). De 1804 à 1815, Napoléon 1e est l'Empereur des Français.
5-Pendant tout le temps qu'il passe au pouvoir, Napoléon 1e mène de nombreuses
campagnes militaires pour défendre notre pays. Cela le conduit à remporter une
série de grande victoires comme : Austerlitz (en Moravie, décembre 1805), Iéna (en
Allemagne, octobre 1806), Friedland (en Prusse Orientale, juin 1807), Wagram (en
Autriche, juillet 1809), Dresde (en Allemagne, août 1813)… et ce jusqu'à la célèbre
défaite de Waterloo (en Belgique, juin 1815) qui aboutit à sa seconde abdication.
6-Ce qu'il faut savoir, c'est que partout où il conquiert des territoires, Napoléon 1e
met en place un système religieux semblable à celui qui existe en France, c'est-àdire un système dans lequel l’Église est rattachée à Rome tout en demeurant
extrêmement contrôlée par l'état.
Bien sûr, le Concordat de 1801 a permis à l’Église de France de redémarrer alors
qu'elle était complètement à terre, après la Révolution. En ce sens, ce compromis n'a
pas été que négatif.
Toutefois, il faut bien comprendre que dans les pays où il n'y a pas eu de révolution
(et où, par conséquent, l’Église fonctionne parfaitement bien) l'instauration d'un
régime "de type concordataire" constitue une régression, et ce parce que le clergé y
perd une grande part de son autonomie et de son autorité.
C'est pourquoi on peut dire que l'époque Napoléonienne est un temps difficile pour
l’Église.
7-En France, nous avons vu que le christianisme parvient néanmoins à retrouver un
nouveau souffle grâce à un formidable élan missionnaire. Cet élan se produit
également dans les autres nations, mais pas toutes :
a)-En Belgique, par exemple, il y de gros efforts de rechristianisation et la
réorganisation est rapide.
b)-L'Espagne et l'Italie sont des pays qui ont été très chahutés, mais dans lesquels
on assiste également à un renouveau très fort à la fin du 19e siècle (notamment à
partir de 1880).
c)-En Allemagne, par contre, les choses sont extrêmement difficiles et la situation
n'évolue que très lentement.
8-Si vous le voulez bien, nous pourrions retenir les deux points suivants pour ce qui
est de la propagation de la foi au 19e siècle :
a)-Les missions avec les espagnols, les portugais et la "Congrégation de
Propaganda Fide" se poursuivent (même s'il est vrai qu'il commence à y avoir des
mouvements d'indépendance ici ou là). On parvient notamment à pénétrer en Afrique
pour la première fois.
b)-Cette expansion s'accompagne néanmoins de très grosses difficultés en Europe,
et ceci à cause des répercussions négatives de la révolution française. Les pays dits
"de vieille chrétienté" doivent faire des efforts considérables à l'intérieur même de
leurs frontières pour que l’Église retrouve son autonomie totale.
A suivre...
Note : j'ai relu ce PDF plusieurs fois avant de le mettre en ligne, mais l'histoire de
l'Eglise est tellement riche et tellement longue qu'il n'est pas impossible qu'une
erreur se soit glissée ici ou là (au niveau d'une date ou d'un nom, par exemple).
Si tel était le cas, n'hésitez surtout pas à me le faire savoir. C'est avec un grand
plaisir que j'apporterai la correction. Merci.
♥
DOCUMENT B
TEMOIGNAGE : COMMENT JE ME SUIS RECONCILIE
AVEC L'HISTOIRE
>Posté le 17 mai 2015
>Catégorie : "Histoire"
Un petit témoignage de votre serviteur...
Le professeur d'Histoire-Géographie a un rôle très important à jouer dans l'éducation
des jeunes. Il doit leur donner des repères dans le temps et dans l'espace pour qu'ils
puissent se situer. Existe-t-il une mission plus urgente en ce temps où le monde est
désorienté ?
Tout au long de ma scolarité, j'ai été allergique à l'Histoire. Le fait de devoir
apprendre par cœur autant de dates (la date des guerres, des batailles, des victoires,
de la signature des traités de paix...) m'était insupportable. C'était comme si l'on
m'obligeait à faire entrer le monde en moi et à graver dans ma mémoire ses
violences, ses incohérences, ses errances... J'avais l'impression de me faire du mal
à moi-même. Mon âme rejetait l'Histoire comme le corps rejette parfois certains
aliments.
L'année du Baccalauréat, je n'ai absolument rien révisé en Histoire car cela m'était
impossible. Et bien que j'ai été dans l'incapacité totale d'écrire quoi que ce soit
d'intéressant sur le sujet donné à l'examen, j'ai quand même obtenu une moyenne
de 9/20 en Histoire-Géographie. En effet, ma note en Géographie a été excellente.
Le sujet était le marché du pétrole et j'ai essayé de faire preuve d'originalité en
dessinant quelques graphiques sur ma copie. Je pense que cela a beaucoup plu aux
correcteurs.
La réconciliation avec l'Histoire s'est faite au début des années 2000.
En écoutant le Père Bernard Peyrous (de la communauté de l'Emmanuel) parler de
l'Histoire de l’Église lors d'une série de conférences, j'ai senti grandir en moi un
intérêt extrêmement fort pour cette matière. En effet, au fur et à mesure qu'il parlait, il
répondait à une question absolument essentielle sur laquelle je découvrais avec
effroi que je ne savais strictement rien : Que s'est-il passé après la Pentecôte ?
Moi qui me disais catholique, comment était-il possible que je n'ai aucune
connaissance à ce niveau ? Oui, comment était-il possible que je ne sache pas ce
qui était arrivé à mes frères et sœurs chrétiens au fil des siècles ? Il y avait là une
immense lacune qu'il me fallait combler à tout prix.
Et c'est ainsi qu'en écoutant ce prêtre, j'ai découvert peu à peu que l'histoire du salut
ne s'était pas arrêtée au moment de la descente du Saint Esprit sur les apôtres à la
Pentecôte, mais que ce même Esprit Saint avait continué d'agir au fil des siècles et
qu'il avait aidé les chrétiens à faire progresser le Royaume de Dieu ici-bas.
Ah, quel bonheur d'entendre les cours sur les rapports entre l’Église et le système
féodal, sur la naissance des grands ordres monastiques, la Réforme Grégorienne, le
temps des Cathédrales, la Renaissance, le Concile de Trente, les missions, les défis
de la modernité... Mon Dieu, comment avais-je pu vivre autant d'années sans rien
savoir de tout cela ?
En découvrant l'Histoire de l’Église, je redécouvrais également l'histoire des
hommes, mais sous un angle totalement différent : celui de l'amour de Dieu. Je
découvrais par exemple comment les chrétiens s'étaient situés par rapport aux
événements de leur temps, comment ils avaient apporté des réponses, comment ils
avaient évité les pièges, comment ils avaient pu trouver un nouveau souffle dans les
périodes difficiles où la foi vacillait. Je découvrais également comment la Vierge
Marie en personne était intervenue aux heures les plus sombres, appelant
inlassablement ses enfants à ouvrir leur cœur à Dieu.
L'Histoire de l’Église m'a réconcilié avec l'Histoire des hommes car quand on met
Jésus au centre, tout prend un sens. L'histoire des hommes n'est plus alors une
simple succession de guerres et de conflits mais elle devient une histoire d'amour,
l'histoire de l'amour immense de Dieu qui ne cesse de rechercher ses enfants pour
les ramener à Lui. Cette merveilleuse et passionnante Histoire d'amour est celle-là
même qui a commencé dans l'Ancien Testament. Elle se poursuit aujourd'hui encore
et elle n'aura jamais de fin.
♥
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