Bruno Salgues On manage la maladie, ou l`hôpital, mais pas la

Bruno Salgues, « On manage la maladie ou l’hôpital, pas la santé ! », 2013 Page 1
Bruno Salgues
On manage la maladie, ou l'hôpital, mais pas la santé
La gestion de la santé impose de plus en plus de prendre en compte le projet social d’une personne.
Avec les connaissances actuelles, il est devenu possible aux patients informés de se construire un
projet de santé. La médiation devenue possible grâce à l’information va à l’encontre de l’organisation
actuelle de la médecine. Toutes les études récentes le montre. A la question de savoir ce qui
détermine votre santé, les modes de vie sont des facteurs pour 40% ; la génétique pour 30%,
l’environnement économique et social pour 20%, les soins de santé pour 10% (selon McGinni et al.
Health affairs, 21(2), 2002). Il est donc urgent de changer le mode d’approche de la santé !
1. Lorsque la médecine n’est pas la santé…
La médecine se différentie de plus en plus de la santé.
Le contexte
Le système de san actuel dépend des cabinets de consultation de médecine générale et des
hôpitaux qui traitent des états de santé après leur apparition, ce qui revient à dire lorsque la maladie
est déclenchée, ou que l’individu est devenu un patient ! Ce système dépend largement de
médicaments de plus en plus chers, qui conduisent à des thérapies parfois « ruineuses ». C’était
l’optimum de l’approche « la plus ancienne ». Cette offre de soin traitait tout, à part les maladies
liées à la génétique qui peuvent être traitées maintenant. L’offre de soin n’avait pas non plus intégré
le « retour à la maison » plus tôt ou comme alternative rendue possible grâce aux technologies de
l’information et la communication.
La médecine ne fait pas « la santé »
La médecine était conçue comme un « traitement des symptômes aigus » associés à une « gestion de
la maladie ». C’est le système de santé dans lequel nous fonctionnons actuellement. Il correspond
davantage à une société du réactif et du défensif qu’à une action vers une santé durable. Ainsi, la
médecine était devenue une gestion des risques de santé plutôt qu’une médecine préventive et
proactive. Il faut également être conscient qu’une grande part de cette évolution provient du modèle
de paiement, qui est celui de la tarification à l’acte ou à l’activité.
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Nous sommes dans un modèle de médecine et non dans un modèle de san
La médecine tient peu compte des modes de vie mis à part quelques maladies virales (SIDA) ou
chroniques. La médecine n'aborde pas les questions de mode de vie. Dans les faits, peu d’acteurs
agissent sur les modes de vie qui causent ou aggravent les problèmes de santé, donc compliquent les
soins. C’est en particulier le cas des pollutions. De plus, il faudra un jour ou l’autre répondre à la
question : comment aborder des questions de mode de vie ?
La médecine reste la réponse complexe et nécessaire à un individu
complexe
La complexité de la médecine se heurte à une complexité plus grande, celle de l'humain. La question
est alors : comment observez cette complexité de l’humain? L’idée de mettre en place des « living
labs », soit des sortes de laboratoires où l’on observe le comportement des hommes tout comme on
analyse celui du singe dans sa cage au zoo, reste une approche limitée. À ces laboratoires vivants, il
faut opposer le fait de prendre en compte le mode de vie des personnes. À la sociologie et la
psychologie devront se substituer la simulation et l'expérimentation dans la formation et aussi la
pratique médicale, deux points qui seront délicats à faire admettre aux praticiens actuels.
La fin de la « consultation de médecin »
Les médecins actuels sont joints, dans un cabinet médical local, dans un « mégaplex hospitaliforme ».
Le médecin est consulté, il « ordonne », dans le sens traditionnel du mot l’on entend qu’il rédige
une ordonnance. Notez que c’est également le sens du mot ordinateur qui n’obtient qu’un résultat à
la suite de son calcul, au risque que ce dernier soit faux. Le médecin ne propose que rarement des
solutions de rechange, tout comme il envisage assez peu de solutions non chirurgicale et/ou
médicamenteuses. Il vous impose de prendre une pilule, puis se pose la question de l’adhérence au
traitement, de l’observance et de sa prescription. Il s’intéresse assez peu à votre capacité de marcher
en dehors de la maison. En un mot, il vous soigne ! Prenons un exemple : les 15 minutes typiques de
la « fenêtre de consultation » sont juste assez de temps pour un examen, mais pas pour une
discussion détaillée approfondissant un point. De plus, les personnes malades ne sont pas préparées
à cet échange.
2. L’évolution (révolution) à venir
Essayons en quelques lignes de décrire cette évolution. Elle sera liée au numérique, changera le
positionnement de la médecine dans la société et devra conduire à des modifications des modes de
vie.
L’origine de cette évolution est le monde numérique
Les « solutions numériques de santé » seront d’une part le déclencheur d’un déplacement du mode
de traitement vers la prévention, et vers la prise en compte d’autres paramètres de soin d’autre part.
Ces nouvelles solutions ne seront pas mesurables et observables en termes de processus, ce qui était
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à l’origine de la tarification et du contrôle par les protocoles. Les solutions de santé du monde
numérique ne réduiront pas seulement le coût des soins de santé en créant l'efficacité, mais vont en
réformer profondément les méthodes et le management associé.
Les réseaux permettent les échanges
Les sites « Web » d'information et l’échange social sur les réseaux constituent déjà dans certains
pays comme la Hollande une habitude. L'Internet est le véhicule d’une préparation de chacun à sa
santé, plus que de sa rencontre avec un éventuel médecin si nécessaire. Les solutions de santé
numérique deviennent un point de réflexion de la Commission européenne et du Parlement
européen qui dépasse le tourisme médical et les flux transfrontaliers. Elles essayent de traiter les
problèmes liés à l’absence de prévention ou ceux qui concernent la responsabilité et les
conséquences de l’oubli de paramètres non médicaux.
La numérisation va impacter la rencontre de l’homme et de la médecine
Pour ne pas galvauder la prévention, il suffit de se poser la question de savoir quand nous nous
rendons chez un médecin. C’est en fait lorsque nous sommes malades. Ainsi, il paraît évident que la
prévention serait difficile à aborder à ce stade. Pourquoi alors ne pas utiliser le modèle chinois de la
médecine préventive qui est pratiqué depuis plusieurs siècles ? Dans cette approche, le « nouveau
docteur », celui de prévention, serait seulement rémunéré chaque mois dans la mesure aucun de
ses patients n’éprouverait de difficultés ! On parle bien de difficulté et non pas de maladie, car cela
inclut une difficulté à se déplacer, à parler, ou encore à d’agir dans son espace… Il serait certes
possible d’affecter un nombre de patients au professionnel de soin de référence et d’établir des
seuils à atteindre, ce qui serait moins brutal !
La numérisation favorise la connaissance
Comme nous l’avons déjà signalé, les solutions numériques de santé favorisent toutes les formes
d’information et donc l’éducation. Il s’agit tout d’abord de mieux former les professionnels de soin,
mais aussi de leur permettre d’accéder à davantage d’informations en matière de santé. Mais c’est
également le moyen « d’instruire » la population globale, dans le vrai sens du mot « instruction
publique ». Cela concernera non seulement le malade hospitali facilement accessible par les
acteurs du soin, mais également le patient, tout comme l’aidant d’une personne en situation de
dépendance.
Le fondement est la donnée
Les technologies numériques de santé sont les clés pour atteindre ce but. Elles peuvent aider le
nouveau système de santé en communicant, rassemblant et analysant des données afin de mieux
soigner, mais aussi en transformant des données individuelles en informations épidémiologiques,
fondement des nouvelles formes de prévention. Les technologies numériques de santé peuvent aider
les opérateurs de soin (médecins, infirmières, professions paramédicales) à gagner du temps et à se
focaliser sur les besoins réels des patients.
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La modification du point d’entrée dans la médecine
Un « contrôle continu » d'une personne « non-encore-patient » peut éviter des défaillances bien
connues du système de soin traditionnel. Beaucoup de citoyens ignorent que leurs « symptômes »
sont bien réels et qu’ils sont le signe d’une maladie. Ils consultent lorsqu’ils perçoivent une
diminution nette de la qualité de la vie. Ce qui signifie que lorsqu’ils « viennent » chez le médecin ou
consultent un spécialiste, leur pathologie a acquis un stade avancé, ce qui aura pour conséquence un
traitement plus onéreux, plus long et plus complexe. La connaissance de la maladie par l’instruction
devient une nécessité. Le risque de création d’hypocondriaques est faible, car la multiplicité des tests
dont on dispose actuellement sera la preuve « techno valide » de celle-ci.
Une nouvelle gestion de la santé fondée sur les réseaux et les ressources
diagnostiques
Pour arriver à cela, il faudra mettre en place une nouvelle approche de la gestion de santé qui
prendra en compte les solutions numériques de santé et un patient acteur. Il s’agira alors d’une mise
en œuvre significative de ces technologies numériques de santé. Cela commence par la création
d’une véritable « information sur le patient » qui passe par des dossiers électroniques de santé. Cette
information « basique » permettra de construire un système plus efficace, mais il faudra disposer de
ressources techniques qui auront un niveau élevé de coût (nouveaux instruments de diagnostic et
d’imagerie, stockage des données, réseaux de télécommunications). Quel que soit le pays, une
planification du déploiement des ressources devra se substituer au chao et à la diversité des
expérimentations de télésanté. Les médecins de villes, les médecins spécialistes et les lieux disposant
de diagnostics instrumentaux (laboratoires de biologie, centre d’imageries) seront impactés bien
avant les hôpitaux et les cliniques.
Des nouvelles approches de la qualité des soins
Les techniques sans technologie de l’information seront utilisées pour moins de cas, mais avec des
améliorations raisonnables relatives à la satisfaction des acteurs. Faut-il attendre une validation
électronique pour poser un steri strip ou des points de suture ? En revanche, il faudra entretenir la
qualité des soins et la production de recherche clinique. Dans ce cas, les technologies de
l’information vont jouer un rôle majeur. Il est encore délicat de pronostiquer une fin de l’EBM
(Evidence based medicine ou médecine basée par preuves) et le commencement de la médecine
individualisée. Le seul fait certain est que cette médecine dite également translationnelle passera
plus rapidement de l’essai clinique à l’application et que les solutions non médicamenteuses vont par
ailleurs s’accroître.
L’importance des communautés
La notion de communauté va être de plus en plus importante. Le nombre de patients qui obtiendront
l'attention du corps médical va croître parallèlement au développement des sites sociaux gérés par
type de maladie dont Careinity est un exemple. L'éducation, l’instruction comme nous l’avons déjà
dit précédemment sera nécessaire, car la solution de santé n’est pas dans le « Googling » de certains
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thèmes en ne retenant seulement que les premières réponses de pages qui apparaissent à l’écran.
Dans des pays comme la Hollande, se sont construits des sites de patients spécifiques où les
médecins invitent ces derniers à les regarder pour mieux connaitre les voies possibles avant de venir
à leur consultation.
De nouvelles formes d’évolution de la science de la santé
La science ouverte, la science de citoyen est sûrement une nouvelle source d’amélioration de la
santé. Il faut se mettre en face de cette évidence. Les plus grandes innovations dans les soins de
santé ne viendront pas des médecins, mais de ceux qui s’intéresseront aux soins de santé depuis
l'extérieur. Ne doit-on pas l’hygiénisme à des non-médecins ainsi que la découverte de la vaccination
utile à Pasteur qui n’avait pas lui non plus prêté le serment d’Hippocrate ? Les sites spécialisés pour
le patient vont déborder sur le domaine du non-patient et de la prévention. Ils vont apporter une
vision critique à certaines pratiques médicales et aux habitudes des industriels, en particulier de la
pharmacie et des dispositifs médicaux. Pourquoi faudrait-il rester dans un fauteuil roulant alors
qu’un exosquelette vous permettrait de marcher ?
3. Un aspect critique
En réalité, 80 % des dépenses de soins de santé sont faites lors des 90 derniers jours de la vie, 10 % à
la naissance et pour la période relative à la maternité, et le reste s’étale sur toute la durée de la vie.
Les maladies chroniques représentent 70 à 80% des coûts totaux, touchent en 30 et 40% de la
population, sont à l’origine de plus de 50% des admissions hospitalières avec un taux annuel de re-
admission de 45à 55%., coute entre 700 et 1000 euros par jours. La répartition montre que 2% de la
population engendre 41% des couts, et 10% de la population représentent 72% des dépenses
(Source, Junta de Castilla y Leon, Espagne) Pourquoi ne pas se concentrer sur ces 90 derniers jours ?
Pourquoi ne pas nous focaliser alors sur ce que nous dépensons pour ce qui est des soins de fin de
vie, que ce soit en matière d’accident, de maladie et de vieillesse dans un premier temps, et ensuite
combiner cela avec des programmes « agressifs » de prévention, en utilisant les nouvelles approches
de la santé issues du numérique ? Disons-le crûment, le problème n’est pas celui de la vieillesse,
sinon celui de la fin de vie !
Un changement d’orientation du soin
Face à cette réalité, il faut encore une fois se rendre à l’évidence. Traiter seulement lorsque des
symptômes apparaissent est un modèle qui a prouvé ses limites. Cela ne fonctionne pas ! Nous
devons par conséquent construire un nouveau modèle pour ajuster dans le temps les besoins
humains. Cette nouvelle médecine devra prendre en considération l'environnement, la génétique, et
la qualité de l'ingestion de nourriture, etc.
La recherche de nouveaux facteurs de la santé
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