B Nouveaux paradigmes de la mondialisation
Ma vie en Afrique: l'intégration des commerçants et entrepreneurs chinois en Afrique de
l'ouest ?
Antoine Kernen / 3
d’autres entreprises étrangères. Il est vrai que les conflits sociaux sont relativement fréquents
dans les entreprises chinoises, mais ils sont davantage révélateurs d’un mode de
revendications salariales particulier dans des pays où le chômage est très répandu, que de
salaires inférieurs. Les grandes entreprises chinoises s’alignent généralement sur les salaires
moyens pratiqués tout en cherchant à fidéliser leurs employés.
Dans cette partie fondée sur des entretiens menés auprès d'employés des entreprises
chinoises, nous nous intéresserons dans un premier temps aux expatriés chinois et puis aux
travailleurs engagés localement.
Vers une typologie des expatriés chinois
Les travailleurs chinois dans les projets de construction en Afrique : expatriés ou
prisonniers ?
Un dimanche matin, le long d’une des grandes avenues de la capitale Kinshasa, des
passants s’attroupent et discutent devant quelques travailleurs chinois qui s’affairent à la
construction des caniveaux récoltant l’eau de pluie sur les bas-côtés de la route. Entre ces
observateurs attentifs, la discussion s’engage. « Regardez comment ils agencent ces pierres
pour renforcer l’ouvrage ! Ainsi ça résistera à la saison des pluies ! », lance l’un. En ce jour
férié que de nombreux Congolais passent à l’église, un autre s’émerveille de leur ardeur au
travail : « Ils travaillent durs, et ne se reposent jamais. Seul des Chinois peuvent travailler
ainsi ! ». Ce jour là en effet, l’entreprise chinoise contractante a pris la décision de faire
travailler du personnel chinois 7 jours sur 7 car le temps presse. On craint que l’arrivée
prochaine de la saison des pluies n’endommage les travaux déjà effectués.
Des anecdotes similaires sont peut-être à l’origine de la rumeur persistante en Afrique
sur l’emploi de prisonniers chinois. On en trouve aussi des échos dans la presse internationale
et même certains ouvrages
. Ainsi Roberta Cohen, de la ligue internationale des droits
humains, allègues dans le New York Times que « The Chinese not only export goods made by
prison labor, but they export prison workers too »
. En connaissant le prix de la main-d’œuvre
chinoise, et sauf à considérer tous les travailleurs chinois comme des prisonniers, on se
demande bien pourquoi les entreprises chinoises feraient appel à des prisonniers. Et sur
l’ensemble des chantiers que nous avons pu visiter en Afrique, nous n’avons pas vu la trace
du moindre prisonnier. Dès lors, cette rumeur nous informe à l’évidence davantage sur les
clichés qui sont véhiculés sur la Chine que sur une quelconque réalité.
Philippe Richer, L’offensive chinoise en Afrique, Paris, Karthala, 2000, p. 191.
Roberta Cohen, "China Has Used Prison Labor in Africa" New York Times, 11 May 1991.