Extraits

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Septembre 2012
SOINS au quotidien
Par Isabelle Laading
Extraits
Les cinq saisons de l'énergie / éditions Désiris
En Chine, plus de 2000 ans avant notre ère, l'observation minutieuse de toutes les
manifestations de la vie sur Terre et dans le ciel permit à l'homme de poser les fondements de
la philosophie chinoise. Le fait que tout ce qui existe se meut perpétuellement, se transforme,
qu'aucun phénomène n'est stable, fut sa première constatation. Puis, en observant au fil des
jours la nature des relations qu'entretiennent les divers phénomènes, l'être humain s'est rendu
compte du caractère relatif de l'activité phénoménale. Ainsi, le jour et la nuit se présentent en
alternance, la lumière ne se définit qu'en regard de l'ombre, le froid du chaud, le silence du
bruit, etc. Il existe donc un rapport d'oppositions complémentaires entre tous les phénomènes
naturels, aucun d'eux ne pouvant être analysé séparément, mais bien toujours en référence à
une autre manifestation.
Parallèlement à ce constat, les Chinois remarquèrent que des rythmes et des cycles organisent
les mouvements, les changements : cycles circadiens, saisonniers, annuels, cycles de la vie
d'un homme. Ces évolutions périodiques se déterminent selon des phases spécifiques : phase
de naissance, croissance, maturité, déclin et mort, cette dernière ne marquant pas la fin d'un
cycle mais le début d'un nouveau ; en effet, pour tout phénomène, la mort n'est que l'étape
précédant la renaissance, à l'instar de la graine qui, tombant de l'arbre et s'enfouissant dans la
terre, va donner naissance à un nouvel arbre.
Ces premières observations ont donné lieu à une classification des phénomènes selon les
termes Yin et Yang, représentation bipolaire de toutes les manifestations de l'énergie, du
principe de vie.
La SANTE :
Suivre le fil des principes de santé plusieurs fois millénaires de l'Empire du Milieu relève ici
d'une fascination devant une science à laquelle revient sans conteste la palme de la stabilité.
Dépouillée de ses aspects archaïques et quand notre esprit occidental a fait son deuil des
distinctions qu'il voudrait établir entre l'allégorie et l'objectivité, nous découvrons en elle un
savoir vivant et actuel, un enseignement sur les correspondances élémentaires universelles
rappelant finalement que la santé s'entretient par la pratique d'un art de vie qui a valeur de
prévention. En percevant l'être humain dans l'environnement d'où son organisme émerge et
auquel il participe intimement, le regard chinois est resté fidèle aux origines et à la réalité du
corps conscient. La prévention constitue le premier devoir médical.
Le maintien de la santé n'est plus instinct de survie, sagesse animale. La civilisation
technologique nous en éloigne à grands pas. D'une génération à l'autre, le puisage de l'eau
devient un tour de robinet, le voyage un embarquement d'aéroport, l'aventure un jeu d'images
de synthèse et le travail, une vaste exploitation des ressources. Oublions-nous que le monde
est réglé sur une autre horloge que celle du progrès de nos abstractions ? Qu'il a fallu des
milliards d'années pour composer notre environnement et que nous sommes exactement les
mêmes créatures que les magdaléniens du paléolithique ? La médecine chinoise semble
vouloir retenir cette sagesse. Certes, elle intègre volontiers les meilleurs apports de la science
médicale chimique et électronique, mais elle reste fondamentalement fidèle aux principes qui
entretenaient la santé des ancêtres.
Comment définir la santé ? En médecine traditionnelle chinoise, la maladie est manifestation
d'un déséquilibre énergétique. La santé pourrait se définir en tant qu'équilibre parfait entre nos
énergies yin et nos énergies yang. Cette harmonie procède cependant par ajustements
incessants puisque tout est en mouvance, en perpétuelles transformations. La santé n'est
jamais acquise. Nous retrouvons cette idée d'adaptation en comparant notre corps à un voilier
porté par le flot de la vie. Notre conscience en est le barreur qui, quoi qu'il arrive, doit garder
le cap. Durant le voyage, nous devons tenir compte des conditions météorologiques, des vents
variables, et régler constamment les voiles en conséquence.
Ainsi devons-nous choisir et adapter notre alimentation et nos activités, nos habitudes étant
bénéfiques à certains moments et préjudiciables à d'autres. La coque, les mâts et le gréement
sont fragiles, tout est rapport de forces entre les éléments naturels et le bateau ; il est prudent
de rester à quai lorsque la mer est trop forte mais il faut profiter d'un temps clément pour
avancer, le discernement est donc de rigueur. En tant que barreur, nous devons aussi entretenir
de bonnes relations avec nos équipiers (nos émotions et modes de fonctionnement
psychiques), sans lesquels le voyage ne peut se faire. Habitons notre corps au fil des jours
comme nous barrons un voilier, avec tout autant de vigilance, de présence et de facultés
d'adaptation.
La MALADIE, rupture d'équilibre énergétique / les EMOTIONS :
II existe une forme de résonance entre le milieu naturel et l'homme, entre le microcosme
qu'est l'être humain et le macrocosme. De ce fait, notre équilibre procède d'une
reconnaissance de la synchronicité active entre les mouvements énergétiques présents dans le
corps et les rythmes et cycles naturels, circadiens, saisonniers, annuels.
Pour les Chinois, la maladie est une rupture d'équilibre énergétique, une dysharmonie créée
par diverses causes, qualifiées d'externes ou d'internes. Les causes externes sont les climats :
le vent, la chaleur, l'humidité, la sécheresse ou le froid qui, se manifestant de façon extrême
ou attaquant un organisme affaibli, vont devenir pervers. Ces facteurs climatiques peuvent se
combiner entre eux pour devenir vent-chaleur, humidité-chaleur, froid-humidité, etc. Nous
percevons ces influences en tant qu'atmosphère naturelle d'une saison, climat typique d'une
région ou d'un pays. Ou encore par le biais d'artifices, comme la climatisation (froid), le
chauffage central trop fort (chaleur-sécheresse).
Ces climats sont également actifs à l'intérieur du corps, se transformant en agents pathogènes
lorsqu'ils sont présents en excès. Quelques exemples courants de l'effet pervers des " climats
internes " : constipation, due à la sécheresse dans l'intestin ; douleur vive et mouvante dans la
couche musculaire, induite par le vent ; ballonnements, lourdeur d'estomac, pouvant résulter
de la présence du froid dans la sphère digestive.
En dehors de l'expression perverse de ces climats internes, la cause interne majeure de la
maladie est la mauvaise gestion des sept sentiments. Le corps et l'esprit sont inséparables ;
aussi, toute expérience prolongée d'une émotion affectera l'organe auquel elle correspond. A
l'inverse, la déficience chronique d'un organe induira un comportement émotif particulier,
teinté de peur ou de paranoïa s'il s'agit des reins, de tristesse et de vague à l'âme s'il s'agit des
poumons, etc. Le fait que les émotions soient reconnues en tant qu'éventuels agents
pathogènes est une donnée majeure de la médecine chinoise, évoquée dans certains milieux
médicaux en Occident, mais d'une manière moins radicale. Dans ce contexte, notre
responsabilité face à la maladie devient flagrante. Chaque instant de la vie, en nous offrant le
choix d'être paisible ou irrité, confiant ou angoissé, nous encourage finalement à entretenir
des émotions positives, qui renforcent notre corps au même titre que l'alimentation.
Le FOIE, récepteur privilégié de tous les types d'émotions :
Si du foie émane un certain type de comportement et d'émotion, cet organe est particulier en
ce qu'il se fait récepteur privilégié de tous les types d'émotions. C'est lui, comme un bouclier
plus ou moins perméable, qui va subir en premier toutes les agressions des émotions
perturbatrices. Son lien particulier avec le cœur et le " Shen " du cœur permet d'envisager
toutes les perturbations sévères que peut engendrer une vie émotionnelle ou affective dense ou
troublée. Une vie sociale ou professionnelle trépidante et déréglée affectera d'abord le foie,
puis différents organes. Sur le plan physique, le stress qu'engendrent les émotions ou des
rythmes de vie déséquilibrés, pourra se traduire par une montée de l'énergie du foie vers le
haut du corps ; cette énergie à la longue se transforme en Feu, en chaleur qui vient perturber
les fonctions mentales et le sommeil, en provoquant agitation, confusion, nervosité et sautes
d'humeur, pertes de mémoire, réveil fréquent ou insomnie. Le corps subira directement cette
attaque des émotions, en le manifestant par différents symptômes : problèmes de peau,
mauvaise digestion, oppression, palpitations, douleurs diverses et fortes tensions musculaires.
Les contractures et douleurs musculaires traduisent une réaction face au stress, mais elles
signent aussi un contrôle inconscient du corps face à une situation donnée. Elles sont très
fréquentes puisque le foie, qui subit en premier l'agression de l'émotion, régit les muscles et
les tendons. Si l'individu ne peut gérer une situation, la lutte interne qui s'installe envers ce qui
est considéré comme une agression se matérialise sous forme de tensions. La localisation de
ces tensions n'est pas anodine, qu'il s'agisse de tensions dans la nuque, les bras, le dos, les
jambes ou le ventre. Chaque partie du corps est presque une projection tangible de tout un
symbolisme nous permettant de traduire un malaise affectif ou relationnel, si ce n'est en mots,
tout au moins en maux. Ces tensions musculaires ne sont pas toujours remarquées ou
n'induisent pas forcément de douleurs notables, mais elles engendrent à la longue une
stagnation de l'énergie qui freine l'épanouissement de l'être. " Toute crispation même partielle,
affecte l'homme tout entier, car elle s'oppose au mouvement de transformation. " (K.G.
Durckeim). Certaines personnes à l'apparence très calme, voire lymphatique, présentent au
toucher des tensions extrêmes, manifestations d'un contrôle permanent de leurs émotions.
Un travail sur le corps, par des exercices (Chi Gong & TaiChi Chuan), de la relaxation ou du
Shiatsu parvient, a défaire ce carcan de contractures et libère de ce fait l'énergie des organes
troublés, en rendant ainsi au mental espace et clarté. Le travail sur le corps permet ainsi de
renforcer les différentes énergies physiques et mentales, l'individu pouvant alors faire face a la
situation avec lucidité et apaisement réel.
A suivre, un poème qui non sans humour, décrit les différentes étapes du processus dans
lequel nous nous trouvons impliqués lorsque nous faisons l'expérience d'une émotion. Il
évoque également la manière dont nous pouvons cheminer pour ne plus en être le jouet.
(Autobiographie en cinq actes / Portia Nelson).
" 1. Je descends la rue.
Il y a un trou profond dans le trottoir :
Je tombe dedans.
Je suis perdu... je suis désespéré.
Ce n'est pas ma faute.
Il me faut longtemps pour en sortir.
2. Je descends la même rue.
Il y a un trou profond dans le trottoir :
Je fais semblant de ne pas le voir.
Je tombe dedans à nouveau.
J'ai du mal à croire que je suis au même endroit,
Mais ce n'est pas ma faute.
Il me faut encore longtemps pour en sortir.
3. Je descends la même rue.
Il y a un trou profond dans le trottoir :
Je le vois bien.
J'y retombe quand même... c'est devenu une habitude.
J'ai les yeux ouverts
Je sais où je suis
C'est bien ma faute.
Je ressors immédiatement.
4. Je descends la même rue.
Il y a un trou profond dans le trottoir :
Je le contourne.
5. Je descends une autre rue... "
La PREVENTION
La vision holistique de l'être humain conduit à considérer tous les facteurs pouvant influencer
le corps en vue de rééquilibrer les énergies perturbées. L'importance que confère la médecine
chinoise à la prévention traduit la compréhension profonde que les Chinois possèdent quant
aux Lois qui régissent l'univers et l'être humain. Notre équilibre dépend d'un ajustement
constant entre notre corps et l'environnement, notre corps et nos émotions.
La santé n'est jamais définitivement acquise puisque tout est en perpétuelle transformation.
Selon la saison, le milieu ambiant, l'activité, nous devons adopter des rythmes divers, une
alimentation et des attitudes différentes. Le maintien d'une bonne santé requiert la vigilance
de l'équilibriste, évoluant sur une planche à bascule : le corps droit, les bras ouverts, quelques
pas à droite, quelques pas à gauche, sans arrêt ; seule la mobilité corporelle et mentale
constante de l'artiste lui assure stabilité et équilibre.
La prévention, très négligée en médecine occidentale, se cantonne à des impératifs d'examens,
visites médicales, prises de sang et radios. L'homme, ainsi totalement déresponsabilisé face à
la gestion de son propre corps, finit par perdre tout bon sens, attendant que le malaise
s'installe pour demander de l'aide. Si l'efficacité des spécialistes n'est pas ici remise en cause,
il semble tout de même urgent que chacun reconnaisse comme un devoir le fait de se prendre
en charge. Le caractère préventif de la médecine chinoise s'illustre par une coutume
ancienne : les patients payaient leur médecin lorsqu'ils étaient en bonne santé. Les soins
requis pour une maladie n'étaient pas rémunérés, puisque cette maladie était due à
l'incompétence du médecin, quant à la prévention.
La FATIGUE
La fatigue est très liée aux fonctions de l'estomac et de la rate. Dans cette mesure, nous
pouvons nous demander si la fatigue ne survient pas surtout dans les moments où la vie perd
de sa saveur. Chaque changement de saison, passage d'une expression énergétique à une autre,
peut s'accompagner d'une grande lassitude qui nous empêche de " goûter la vie ". Mille
saveurs nous environnent, nous imprègnent et nous nourrissent par l'intermédiaire de nos sens.
Nous pouvons nous délecter des couleurs du ciel, du parfum de la terre après la pluie. Goûter
par nos oreilles le frissonnement du vent dans le feuillage, l'explosion des vagues dans les
rochers, le craquement de la neige sous nos pas. Notre peau, elle aussi réceptive, réagit à la
morsure du froid comme à la douceur de la soie. Le verbe nous permet d'exprimer attirance,
plaisir ou rejet : " II a le goût de l'aventure ", " Je n'ai plus de goût à rien ", " Son attitude me
dégoûte ". Goûter la vie est le fait de tous nos sens, mais aussi de l'intellect, de la mémoire et
de la sensibilité ; sollicitation de notre être dans sa globalité.
Notre enthousiasme et notre envie de vivre se nourrissent sans arrêt de l'atmosphère ambiante.
En revanche, lorsque la fatigue nous gagne et que la vie " nous pèse ", nous devenons moins
perméables aux signes extérieurs et notre champ de vision se rétrécit. Nous focalisons
péniblement notre attention sur l'activité en cours, en nous coupant du reste. Notre pouvoir de
réceptivité s'amenuise et nous projetons alors sur notre environnement tout le gris et le terne
de notre univers intérieur. Dans ce manque d'espace, la vie perd toute saveur. Il est vital dans
ces moments-là, de cultiver l'attitude inverse : garder les yeux ouverts sur tout ce qui nous
entoure, nous ouvrir au lieu de rentrer dans notre coquille. Mais la descente vers la cavernefatigue se fait insidieusement, par paliers. Les plis de nos habitudes nous chaperonnent tout
d'abord, avant de nous étouffer.
Si vous vivez sous la coupe de Maître-fatigue, faites un effort pour transformer votre regard.
Essayez de considérer chaque instant comme une expérience nouvelle, même en effectuant
des gestes mille fois répétés. Laissez se déployer les tentacules de vos sens, certaines saveurs
sont là, autour de vous, qui n'attendent que votre sollicitation. Des petits détails, si vous
voulez bien les considérer, facilitent le passage d'un état de stagnation propre à la fatigue, à un
regain de vie. Une lettre, par exemple, écrite sur le bord d'un bureau encombré, mal éclairé,
avec alentour des gens qui circulent et conversent, aura la saveur de la nervosité, de l'effort de
concentration et de l'ennui. Imaginez la même lettre écrite dans la solitude et le silence.
Quelques fleurs sur la table, l'ombre et la lumière jouent dans les plis des rideaux. Bois doux,
feuille blanche, encre bleue. Couleurs, odeurs, silence, imprègnent de leurs saveurs l'élan de
votre inspiration et transforment de manière radicale le contenu de cette lettre tout à l'heure
insipide.
Différents organes, en médecine chinoise, induisent par leur déficience des états de fatigue, de
lassitude, pouvant aller jusqu'à la dépression. La rate notamment, grande productrice d'énergie
et de sang par l'intermédiaire de la nourriture ; ou bien le foie, les reins, ou encore le cœur
dont le " Shen " a pu être fortement perturbé par des chocs émotionnels. Quoi qu'il en soit,
même si un traitement médical s'impose parfois, sachez aussi utiliser vos propres facultés
pour sortir de ces états de torpeur. Les signes avant-coureurs sont le manque d'entrain et de
goût pour accomplir les tâches quotidiennes, suivis de différents symptômes plus lourds qui
accompagnent toute perte de vitalité : membres lourds, respiration courte, digestion difficile
ou perte de l'appétit, brouillard dans la tête ou rumination incessante, pleurs et plaintes
fréquentes, irritabilité, peur, angoisse. Bien sûr, l'alimentation, accompagnée d'exercices
respiratoires, sera l'un des supports importants pour sortir de cet état critique. Mais sous le
coup d'une grande fatigue, l'évocation même du repas vous anéantit. Pensez alors à d'autres
nourritures, ce qui, par le biais d'une stimulation de vos sens, pourra vous redonner le goût de
la vie, l'envie de contenter votre estomac.
Les cinq saveurs, odeurs et couleurs et sons s'offrent à vous. Voyez, goûtez, respirez, touchez,
entendez. La vue est en relation avec le foie et la vésicule biliaire, le goût (même psychique)
avec l'estomac et la rate, l'odorat et le toucher avec les poumons et le gros intestin, l'ouïe avec
les reins et la vessie. Entourez-vous de couleurs, de parfums, éclairez bien votre maison.
Changez de vêtements tous les jours. Réservez les couleurs sombres, qui sans doute vous
attirent, au pantalon ou à la jupe, pour soutenir l'énergie de vos reins. Gardez le corps au
chaud, surtout les pieds et les reins. En un mot, transformez l'atmosphère ambiante par de
simples choses qui vont nourrir tous vos sens : stimulez votre vue en disposant des fleurs dans
votre maison, en laissant ouverts des livres ou des revues qui présentent des paysages hauts en
couleurs. Rangez toutes les photos ou les gravures qui portent à la nostalgie. Pour solliciter
votre odorat, faites brûler de l'encens ou diffusez des essences tonifiantes à base de menthe ou
de citronnelle. Réveillez votre énergie vitale en frictionnant tout votre corps quotidiennement
de vos mains, même couché si vous n'avez pas la force de vous lever. Nourrissez vos oreilles
en écoutant de la musique de temps en temps plutôt que les informations. N'entretenez aucune
culpabilité dans le fait de vous occuper de vous. Votre environnement ainsi transformé, vos
sens abreuvés, vous avez stimulé toutes vos fonctions organiques et facultés psychiques, en
balayant de cette manière de nombreux symptômes et souvenirs de grisaille.
Une réflexion soutient ce cheminement vers la transformation intérieure. L'idée que toute
situation comporte toujours différentes dimensions abordables. Le propre de la pathologie ou
du malaise est de nous enfermer, de nous restreindre, de nous conditionner dans une direction.
Or, il existe un espace, de l'air frais quelque part et toujours. Si le corps et le psychisme, notre
espace intérieur, sont anéantis sous le poids de la fatigue et de la dépression, l'espace extérieur
existe encore et nous soutient comme nous l'avons vu de multiples manières. A l'inverse, si
vous considérez que c'est l'environnement qui devient invivable les gens, le bruit, les
conditions de travail - faites appel à votre espace intérieur. Vous êtes libre, en vous existe une
plage infinie de silence et de clarté qui à l'instant vous nourrit, si vous acceptez de vous
reconnaître en elle. Entre l'espace intérieur et l'espace extérieur, nos seules projections
mentales construisent des frontières. Laissez-les fondre : dans cet espace unifié, il n'y a plus
de place pour la dualité. "Il faut devenir aussi simple et muet que le blé qui pousse ou la pluie
qui tombe. Il faut se contenter d'être. " (Etty Hillesum).
Si votre fatigue ou votre angoisse devient chronique, transformez votre environnement par de
petits détails, comme il est indiqué ci-dessus. S'il s'agit d'une fatigue ou d'une émotion
passagère, n'importe quel support, si vous prenez le temps de le voir, vous permettra de refaire
surface rapidement. Servez-vous de votre respiration en vous débarrassant de toute lassitude
dans l'expiration, de toute pensée déprimante, tel le lézard qui se départit de sa peau fanée.
Dans l'inspiration, remplissez l'espace ainsi vaquant à l'intérieur de vous, de cette couleur qui
soudain vous parle, de ce paysage dans une revue, d'un parfum, d'une mélodie. Soyez réceptif.
A chaque instant, pour qui se donne la joie de Voir et Entendre, des clins d'œil lui sont
adressés : coup de téléphone d'un ami auquel vous êtes en train de penser, rencontre
imprévue, de nombreux supports d'inspiration traversent continuellement notre vie. C'est un
oiseau qui se pose devant la fenêtre, hoche la tête et s'envole. C'est un regard derrière la vitre
d'un bus, un accord de piano qui vous parvient de l'appartement voisin. Clins d'œil, amour et
humour.
Un ART de VIVRE ?
L'Art de vivre selon la tradition chinoise présente un caractère universel. Il s'agit d'une
transcription en termes particuliers des Lois naturelles et donc nullement réservée à certains
individus. Ce mode de vie se calque sur des principes d'analogies, qui n'ont rien d'ésotérique,
et sur la reconnaissance de mouvements énergétiques, dont chaque être humain peut faire
l'expérience. Ces Lois naturelles, rythmes et cycles, en tant que fondements d'une certaine
philosophie, ont d'ailleurs été reconnus et présentés par de nombreuses civilisations, puis
étouffés en grande partie par le cartésianisme et la prépondérance de la science.
Une vision sensible et multidimensionnelle du monde fut celle de nombreux philosophes et
penseurs de l'Antiquité et du Moyen Age comme Platon, Plotin et Paracelse. Les éléments,
quatre en l'occurrence (l'Eau, le Feu, la Terre et l'Ether), furent associés analogiquement aux
phénomènes naturels, aux signes du zodiaque, aux cycles saisonniers et à des qualités
morales. Une des fameuses représentations symboliques du cosmos au XIIe siècle, en France,
se trouve sur la miniature intitulée L'Ame du monde, décrite, entre autres, par Honorius
Augustodunensis, dans son livre Clavis Physicae. L'Ame du monde présente de nombreux
points de similitude avec les correspondances établies par les Chinois. Les quatre éléments
agencés sur la miniature sont en relations dynamiques et cycliques. Les climats sont aussi
indiqués, ainsi que l'orientation spatio-temporelle et différentes vertus morales. En médecine,
Paracelse avait mis au point ce qu'il nommait la " médecine des signatures ", effective au
Moyen Age et à la Renaissance. Il répertoria toutes les ressemblances, par leur forme ou leur
couleur, entre les parties du corps et les phénomènes naturels, les plantes, les minéraux et les
animaux. Ces correspondances, ces " signatures ", offraient ainsi des remèdes spécifiques aux
malades. Mais des querelles de clochers entre maîtres à penser, tout autant qu'une résurgence
de la suprématie de l'intellect sur le bon sens et l'intuition, ont fini par balayer bon nombre de
ces données et seuls quelques dictons et remèdes de " bonne fame " (remèdes de " bonne
réputation " et non de " bonne femme ") subsistent de nos jours.
La simplicité et la cohérence de la vision chinoise du monde sont des atouts majeurs pour
nous donner envie d'intégrer ces concepts à notre mode de vie. Le yin-yang, les cinq éléments
et la loi des cinq transformations sont tellement sobres qu'ils semblent pour beaucoup non
crédibles. Comme si seule la complexité garantissait la fiabilité d'un système ! Le cerveau
humain permet de tels jeux dans la manipulation des idées, l'élaboration de théories, concepts
et points de vue philosophiques... Des milliers de pages ont été écrites à travers les siècles
pour analyser, expliquer tous les phénomènes de l'univers, pour proposer des directives
morales, philosophiques, économiques, politiques et religieuses. Mais sur cet épais coussin de
livres et d'idéologies multiples, comment va le monde ?
Cette simplicité avec laquelle les Chinois de l'Antiquité nous présentent le monde, les rapports
de l'homme avec l'univers, déroutent un esprit cartésien qui a sans cesse besoin de disséquer et
d'analyser. Certains philosophes occidentaux ont d'ailleurs du mal à employer le terme "
philosophie " pour définir la Pensée chinoise, celle-ci n'offrant pas vraiment de support
dialectique. " On a le sentiment que les philosophes chinois n'entendent pas comme ceux
d'Occident l'idée même de comprendre ou de connaître, qu'ils ne se proposent pas la genèse
intellectuelle de l'objet, qu'ils ne cherchent pas à la saisir, mais seulement à l'évoquer dans sa
perfection primordiale ; et c'est pourquoi ils suggèrent, c'est pourquoi on ne peut distinguer
chez eux le commentaire et ce qui est commenté, l'enveloppant et l'enveloppé, le signifiant et
le signifié, c'est pourquoi chez eux le concept est tout autant allusion à l'aphorisme que
l'aphorisme allusion au concept. " (Merleau Ponty).
Laissons-nous porter par ces modes de perception différents que sont la sensibilité et
l'intuition, facultés présentes en chacun de nous. Celles-ci nous permettent d'élargir notre
champ de vision à la compréhension du monde, d'en capter une autre dimension. La
cohérence et la logique de la Pensée chinoise seront ensuite appréhendées par l'intellect, mais
sous l'écorce des mots nous aurons goûté la sève. Fondée, il est vrai, sur des principes encore
fort peu reconnus scientifiquement, la médecine traditionnelle chinoise, rappelons-le, soigne
des milliards de gens depuis 4 000 ans ! Si cela n'a pas valeur d'expérience...
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