Vaccination contre viroses respiratoires bovines

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Folia veterinaria
La vaccination contre les viroses respiratoires du bétail
est-elle efficace ?
La situation des vaccins contre les viroses respiratoires en Belgique
Plusieurs vaccins destinés à protéger le bétail, essentiellement les jeunes animaux, contre les viroses
respiratoires majeures sont enregistrés en Belgique et disponibles sur le marché.
Les principales valences sont dirigées contre les infections par le virus respiratoire syncytial bovin
(VRSB) et le virus de la rhinotrachéite infectieuse bovine (infectious bovine rhinotracheitis, IBR ;
bovine herpesvirus 1, BoHV-1). Un vaccin multivalent possède également une valence contre le virus
Para-Influenza bovin de type 3 (bovine parainfluenza 3 virus, BPI3V). Plusieurs vaccins contre le virus
de la diarrhée virale bovine (bovine viral diarrhea virus, BVDV) sont aussi présents et peuvent être
utiles dans des cas précis où le BVDV est impliqué dans les troubles respiratoires. Dans toute cette
panoplie, il manque un vaccin dirigé contre les adénoviroses des bovins. Depuis 1997, et l’Arrêté
Royal imposant des vaccins contre l’IBR marqués, c’est-à-dire ne possédant pas la glycoprotéine gE,
certains vaccins ont disparu du marché, et notamment un vaccin multivalent intranasal comprenant
une valence d’adénovirus bovin. Un autre effet de cet Arrêté Royal est une diminution significative de
la vente des vaccins contre l’IBR, qui peut être directement liée à une utilisation moindre de ces
vaccins en Belgique.
Les échos du terrain
Les échos du terrain font régulièrement mention de problèmes qui seraient liés à un manque
d’efficacité des vaccins. Deux commentaires sont fréquemment relevés :
- le manque d’efficacité des vaccins marqués contre l’IBR, principalement dans un contexte de
maladie attribuée au BoHV-1;
- le manque d’efficacité de la vaccination contre le VRSB, surtout chez les jeunes veaux souffrant de
maladie respiratoire avec un syndrome de détresse respiratoire aigu.
De plus, la situation financière difficile de certaines exploitations bovines amène à une utilisation plus
parcimonieuse du vaccin, avec comme conséquence des protocoles de vaccination incomplets.
Le recours moins fréquent au diagnostic de laboratoire empêche aussi dans certains cas une
connaissance étiologique des agents pathogènes présents dans l’exploitation touchée.
La situation objective
L’analyse de l’efficacité des vaccins contre les viroses respiratoires doit se mener à trois
niveaux :
-
les performances du vaccin telles qu’elles peuvent être extraites du
d’enregistrement : elle se trouvent résumées dans la notice publique du médicament;
dossier
-
le respect du mode de conservation du vaccin, de la voie d’injection et du protocole de
vaccination;
-
la pharmacovigilance, c’est-à-dire le répertoire documenté des problèmes associés à la
vaccination sur le terrain.
Seuls les vaccins qui ont démontré leur efficacité selon les règles édictées par la Commission
Européenne et la Pharmacopée Européenne sont susceptibles d’obtenir l’enregistrement soit au
niveau national, soit au niveau européen. Cette exigence constitue un gage d’efficacité obtenue
dans des conditions expérimentales : prévention des signes cliniques de la maladie et
diminution de l’excrétion virale chez les animaux cibles vaccinés comparés à des témoins. De
plus, la durée d’immunité doit être établie, de manière à proposer un délai entre la
primovaccination et l’injection de rappel. Ce mode d’évaluation est très performant pour les
virus dont on dispose de protocoles de reproduction expérimentale de la maladie, c’est-à-dire
l’IBR, dans le cas des virus respiratoires bovins. Les autres virus, VRSB, BPI3V, BVDV et
adénovirus bovins, ne produisent qu’une maladie très atténuée chez l’animal cible en conditions
expérimentales. Dans ces derniers cas, l’efficacité est essentiellement mesurée par la réduction
de l’excrétion virale chez les animaux vaccinés et parfois par une diminution statistiquement
significative des signes cliniques modérés observés. Ces résultats permettent à tout le moins
de vérifier que l’animal immunisé contrôle la multiplication du virus d’épreuve, ce qui est un
critère important de l’efficacité en conditions expérimentales.
L’efficacité de ces vaccins peut aussi être analysée dans des essais de terrain. Les difficultés
rencontrées dans la conduite de ce type d’essais résident dans le caractère souvent
multifactoriel des épidémies respiratoires rencontrées en ferme, la contrainte liée à l’incidence
des infections pendant la durée de l’essai, la capacité des tests de diagnostic à identifier sans
ambiguïté l’agent pathogène prévalent et la réalisation d’essais contrôlés, c’est-à-dire
comprenant un effectif d’animaux non vaccinés pour permettre la comparaison statistique.
Aussi, il est possible qu’un vaccin possédant suffisamment de preuves d’efficacité dans le
dossier d’enregistrement ne tienne pas toutes ses promesses lorsqu’il est soumis à l’épreuve
du terrain.
Il serait cependant trop facile d’incriminer systématiquement un manque de concordance entre
l’efficacité mesurée en conditions expérimentales et les performances du vaccin sur le terrain.
En effet, le vaccin ne peut être efficace que :
s’il est utilisé après une conservation adéquate (maintien de la chaîne du froid et utilisation
rapide après ouverture du flacon) ;
-
s’il est injecté correctement et chez tous les animaux du groupe à risque;
-
s’il est utilisé dans le cadre des indications prévues dans la notice (respect du
programme de vaccination et de l’âge à la première vaccination).
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On ne peut donc commencer à envisager un défaut d’efficacité du vaccin que si ces trois
conditions sont au préalable remplies.
De plus, il faut remarquer les graves lacunes constatées en Belgique en matière de
pharmacovigilance. Elle interdisent de faire un état des lieux des performances des vaccins
dans le cadre de leur usage sur le terrain. Des incidents récents ont permis de constater que
c’était le laboratoire pharmaceutique lui-même qui décidait de retirer un produit du marché
après sa propre évaluation de problèmes rencontrés sur le terrain.
Comment, à la lumière des éléments objectifs de la vaccination, expliquer les défauts
d’efficacité rapportés en matière d’IBR et d’infection par le VRSB ?
Il est possible que les vaccins actuels contre l’IBR n’induisent pas une réponse immune rapide
et que la vaccination pratiquée dans un foyer d’IBR ne soit pas efficace suffisamment vite pour
prévenir la propagation de la maladie. Il faut cependant insister sur deux points : tout d’abord,
cette indication de précocité de protection n’est pas précisée dans la notice vaccinale ; de plus,
il manque une étude documentée de pharmacovigilance qui permette d’objectiver les
constatations émanant du terrain.
La vaccination du jeune veau contre le VRSB est facilement contrecarrée par l’immunité
passive d’origine colostrale. Aussi, les protocoles de vaccination insistent toujours sur la
nécessité de revacciner le veau quand il est sorti de sa période de protection colostrale,
habituellement vers l’âge de trois mois. Si l’on prend en compte les deux paramètres suivants,
l’interférence de l’immunité colostrale envers la vaccination et le recours à deux injections
vaccinales espacées de trois semaines pour la primovaccination, il apparaît donc impossible de
protéger le veau contre le VRSB durant les premières semaines de vie, avec les vaccins
actuels. Le défaut d’efficacité chez le jeune veau est donc directement lié aux performances du
vaccin, telles qu’elles sont reprises dans la notice. Dans ce cas également, la
pharmacovigilance est essentielle pour apporter des données quantitatives et suffisamment
documentées pour préciser les observations venant du terrain.
Les performances des vaccins actuels
On ne peut donc parler de manque d’efficacité des vaccins que lorsque des défauts
apparaissent lors d’une utilisation adéquate, en respectant donc le mode de conservation et le
protocole de la notice. Dans ce cas, il faut confronter les performances attendues du vaccin et
celles observées sur le terrain.
Protection contre l’infection par le VRSB
Les vaccins actuellement disponibles sont des vaccins vivants atténués ou inactivés. Les deux
types de vaccins nécessitent deux injections par voie générale à 21 jours d'intervalle pour
induire une réponse immune en primovaccination.
La question de l’administration par voie intranasale d’un vaccin vivant contre le VRSB mérite
d’être posée. Face à une épreuve virulente, les veaux immunisés par voie intranasale sont
mieux protégés que ceux du groupe infecté par voie intramusculaire. Cette approche
séduisante n’avait pas été retenue lors du développement du premier vaccin contre le VRSB, à
cause d’un risque potentiel de transmission du VRSB à l’homme. Les études récentes qui
démontrent les différences entre virus humain et bovin ont levé cette objection. Jusqu'à présent,
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aucun enregistrement de vaccin n’a été modifié en ce sens et la voie intranasale ne peut donc
pas être utilisée.
L'immunité consécutive à la vaccination ne dure que quelques mois. Cette durée d’immunité est
d’ailleurs très difficile à établir, ce qui explique que certains vaccins puissent en obtenir une de
courte durée. Il est donc conseillé de vacciner les veaux de plus de trois mois avant l'automne,
période d'incidence maximale de la maladie, c'est-à-dire en août et septembre. Ce protocole ne
doit pas négliger de vacciner les veaux naissant en automne et au début de l'hiver, qui
atteignent l'âge de trois mois à l'étable. Ils doivent être vaccinés sous peine de devenir
pleinement réceptifs dans une étable où, en hiver, le VRSB circule de manière intense.
Chez le jeune veau porteur d’une immunité passive, une réponse immune active est stimulée
par vaccination à l’aide de vaccins vivants ou inactivés administrés par voie intramusculaire ou
sous-cutanée. Cependant, en conditions expérimentales, l’efficacité d’une double injection de
vaccin par voie intramusculaire à l’âge de trois et six semaines n’a pas été démontrée envers
une épreuve virulente réalisée à l’âge de trois à quatre mois. On peut cependant prévoir
l’efficacité du vaccin chez un jeune veau de moins de trois mois, mais uniquement en l’absence
d’anticorps colostraux ou, tout au plus, en présence de taux modérés de tels anticorps. La
vaccination doit cependant être répétée après l’âge de trois mois. Il est acceptable d’administrer
une seule dose de vaccin à un jeune veau déjà vacciné antérieurement, pour autant que la
précédente vaccination ait été effectuée trois à quatre semaines auparavant. Si le délai depuis
l’injection précédente est plus long, il est nécessaire de refaire la protocole complet de
primovaccination.
Le rôle protecteur de taux élevés d’anticorps passifs a été démontré. En effet, l’immunité
passive protège expérimentalement le veau contre l’infection par le VRSB. De plus, des taux
élevés d’anticorps colostraux réduisent la gravité des signes cliniques associés à l’infection par
le VRSB. Comme les veaux de moins de trois mois sont de plus en plus atteints par cette
infection virale, il est tentant de proposer l'immunisation des vaches pour augmenter le taux
d'anticorps colostraux. Cette approche est valable si elle est appliquée à des vaches faiblement
ou non immunisées, donc pratiquement séronégatives, en utilisant des vaccins stimulant
fortement la réponse sérologique. A nouveau, les vaccins actuels n’ont pas été testés en ce
sens.
Protection contre la Rhinotrachéite Infectieuse Bovine
Les vaccins dirigés contre l’IBR existent depuis longtemps et ont démontré leur efficacité dans
la prévention des signes cliniques associés au BoHV-1.
La commercialisation récente des vaccins marqués a modifié l’approche de la vaccination
contre le BoHV-1. Ces vaccins sont constitués de virus délétés dans le gène codant pour la
glycoprotéine gE. Sans l’antigène gE, ces vaccins immunisent l’animal contre tous les
antigènes de BoHV-1, sauf gE. Un examen sérologique permet de différencier les animaux
séronégatifs envers gE (animaux vaccinés à l’aide du vaccin marqué) des bovins séropositifs
(animaux infectés naturellement). Cette distinction n’était pas possible avec les vaccins utilisés
jusqu’il y a peu.
La vaccination contre l’IBR est appliquée dans deux situations épidémiologiques très précises :
une prévalence élevée d’animaux séropositifs envers le BoHV-1 ou une incidence élevée des
signes cliniques associés à l’infection par le BoHV-1. Dans le premier cas, elle est liée à une
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volonté d’éradiquer l’IBR dans la ferme. Dans ce cas, le protocole consiste, après la
primovaccination qui s’effectue en une ou deux injections à 3-5 semaines d’intervalle, en des
rappels semestriels chez tous les animaux du troupeau. La vaccination sera arrêtée lorsque
l’ensemble des animaux seront séronégatifs envers la glycoprotéine gE : un tel résultat de
diagnostic indique en effet que tous les animaux sont vaccinés sans être infectés par un virus
sauvage. Dans le deuxième cas, la vaccination désire protéger contre les signes cliniques et
elle sera principalement destinée aux jeunes animaux chez lesquels le premier rappel, après six
mois, sera conseillé.
Protection contre l’infection par le BPI3V et les Adénovirus bovins
Bien que ces deux virus puissent être impliqués dans des maladies respiratoires du bétail,
l’infection expérimentale ne permet pas de reproduire des signes cliniques évocateurs de ceux
observés en conditions naturelles. Seule la valence BPI3V est actuellement disponible dans un
vaccin où elle est associée aux valences VRSB et Mannheimia haemolytica. Les protocoles de
vaccination sont donc calqués sur ceux recommandés pour les valences les plus importantes.
Ces vaccins sont habituellement réservés aux jeunes veaux. La prévalence d’animaux adultes
séropositifs envers le virus BPI3V et les adénovirus bovins est très élevée et justifie le fait que
les rappels de vaccination sont inutiles.
Protection contre l’infection par le BVDV
Des vaccins inactivés et atténués sont actuellement utilisés chez le bovin. La vaccination des
veaux contre le BVDV requiert deux injections de vaccin à trois semaines d’intervalle, de
préférence à partir de l’âge de 6 mois après la disparition de l’immunité colostrale. Cette
vaccination confère une immunisation envers une infection respiratoire qui est fréquente mais
subclinique, sauf dans des situations particulières, ou lors de syndrome hémorragique. Aussi,
l’indication majeure de la vaccination reste de toute façon la prévention de l’infection du fœtus
par une souche non cytopathogène. Elle est assurée par la vaccination de la génisse ou de la
vache avant l’insémination ou la saillie. Cet aspect de la vaccination ne sera pas plus détaillé
dans cet article qui traite de la prévention des maladies respiratoires. La protection contre le
BVDV conférée par la vaccination doit être abordée avec beaucoup de prudence et être
complétée par l’identification et l’élimination des animaux infectés persistants immunotolérants.
Conclusions
Répondre à la question de l’efficacité d’un vaccin amène à réfléchir sur l’adéquation entre les
performances du vaccin et les attentes du médecin vétérinaire et de l’éleveur. Le point de
départ est la conservation du vaccin en conditions optimales. Ensuite, une bonne connaissance
de la notice du vaccin permet de prévoir les situations dans lesquelles le vaccin aura la
meilleure efficacité. Même lorsque ces conditions de base sont remplies, il arrive que des
défauts d’efficacité soient constatés. Seule une pharmacovigilance de qualité permettra
d’objectiver ces problèmes et participera à une amélioration de la vaccination dans une
perspective de véritable partenariat entre les médecins vétérinaires, l’industrie pharmaceutique
et les organes officiels de contrôle.
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