E-care : évolution ontologique et amélioration des connaissances

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mt 2014 ; 20 (2) : 79-86
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E-care : évolution
ontologique et amélioration
des connaissances
pour le suivi
des insuffisants cardiaques
Amine Ahmed Benyahia1,2, Amir Hajjam1, Samy Talha3,
Mohamed Hajjam2, Emmanuel Andrès4,5, Vincent Hilaire1
1 Université de technologie de Belfort-Montbéliard, 4, rue Thierry-Mieg, 90000 Belfort,
France
<[email protected]>
<[email protected]>
2 Newel, 36, rue Paul-Cezanne, 68200 Mulhouse, France
<[email protected]>
<[email protected]>
3 Service de physiologie et d’explorations fonctionnelles, hôpitaux universitaires de
Strasbourg, 67091, Strasbourg cedex, France
<[email protected]>
4 Service de médecine interne, diabète et maladies métaboliques, hôpitaux universitaires de
Strasbourg, 67091, Strasbourg cedex, France
5 Laboratoire de recherche en pédagogie des sciences de la santé, faculté de médecine de
Strasbourg, 67091, Strasbourg cedex, France
<[email protected]>
Le suivi à domicile des patients atteints de maladies chroniques devrait contribuer à limiter
les dépenses, favoriser l’émergence de nouvelles organisations plus efficaces et plus sécurisées que la pratique conventionnelle, et offrir une meilleure qualité de vie des patients.
Il repose sur la collecte d’informations comportementales, environnementales et physiologiques du patient. Dans les premiers systèmes, ces données étaient envoyées directement
aux experts médicaux pour les interpréter. Avec les avancées technologiques actuelles, des
logiciels et des applications ont été développés pour traiter directement ces données. Dans
cet article, nous présentons l’architecture de la plate-forme de télésurveillance de patients
atteints d’insuffisance cardiaque, E-care, ainsi que la première phase de l’expérimentation
réalisée aux hôpitaux universitaires de Strasbourg. E-care est composée d’un module chez
le patient pour la transmission des données, et d’un module serveur qui reçoit et traite ces
données. Le module serveur combine les technologies du web sémantique et de l’intelligence
artificielle. Des ontologies génériques sont utilisées pour s’adapter à différentes pathologies
et différents types de capteurs et de données. Un moteur d’inférence est utilisé pour la surveillance de l’évolution de l’état de santé du patient. La première phase de l’expérimentation,
réalisée aux hôpitaux universitaires de Strasbourg, a permis de valider l’ergonomie de cette
plate-forme et la cohérence des données remontées.
Mots clés : ontologie, télésurveillance médicale, insuffisance cardiaque, intelligence artificielle
doi:10.1684/met.2014.0451
L
mt
Tirés à part : A. Hajjam
a télésurveillance médicale est
une branche de la télémédecine
qui vise à rendre une autonomie à
domicile, à des personnes souffrant
de diverses pathologies et handicaps qui devraient normalement les
contraindre à une hospitalisation
ou à un placement en institutions
spécialisées : patients souffrant de
certaines maladies chroniques, handicapés, mais aussi personnes âgées
dépendantes [1].
La télésurveillance médicale
s’appuie sur la transmission et
l’interprétation des indicateurs médicaux cliniques, radiologiques ou
biologiques, recueillis par le patient
lui-même ou par un professionnel de
Pour citer cet article : Ahmed Benyahia A, Hajjam A, Talha S, Hajjam M, Andrès E, Hilaire V. E-care : évolution ontologique et amélioration des connaissances
pour le suivi des insuffisants cardiaques. mt 2014 ; 20 (2) : 79-86 doi:10.1684/met.2014.0451
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santé (médecin, infirmier, etc.) [2]. Ils peuvent être
interprétés par un professionnel de santé, ou par des
programmes et des logiciels spécialisés. L’interprétation
peut conduire à la décision d’une intervention auprès du
patient ou bien à simplement lui prodiguer des conseils.
Parmi les avantages de la télésurveillance médicale, on
peut citer : une prévention accrue des situations à risque
de décompensation aiguë de la pathologie chronique avec
par conséquent une meilleure qualité de vie, une diminution des réhospitalisations et de leur coût économique,
un suivi médical plus adapté, un engagement et une
adhésion plus importante du patient à la prise en charge
de sa pathologie avec par conséquent une meilleure
compliance thérapeutique.
Ce domaine récent a donné lieu à beaucoup de
recherches au cours des deux dernières décennies qui
ont abouti notamment à des systèmes susceptibles de
permettre le maintien à domicile de ces personnes dans
certaines conditions. Pour prévenir les risques associés à
l’absence de support médical « présentiel », ces systèmes
technologiques doivent offrir des réponses graduées,
adaptées au cas par cas, en tenant compte du respect de
la vie privée de la personne tout en étant les moins intrusifs possibles. Ces systèmes doivent être ouverts, capables
d’intégrer diverses technologies, suffisamment flexibles
pour s’adapter à chaque patient et capable de prendre en
compte l’évolution de leur état de santé.
La télésurveillance est donc caractérisée par
l’utilisation de capteurs de données vitales nécessaires pour le diagnostic comme la tension artérielle, le
poids, la température, la saturation du sang en oxygène,
etc. Ces capteurs sont, dans la plupart des cas, sans fil
(Bluetooth, wifi, etc.) pour plus de liberté de déplacement
et de portabilité [3]. D’autres capteurs peuvent être
utilisés comme les capteurs de comportement ou des
capteurs d’environnement.
Dans les premières générations, les données collectées étaient envoyées aux médecins via internet pour être
interprétées et ainsi détecter des anomalies et des situations d’urgence. Avec l’avancement technologique, des
applications sont développées pour interpréter et détecter
les situations anormales. Ces applications sont implémentées chez le patient sur un simple ordinateur, comme
sur des tablettes tactiles ou des smartphones. En cas
d’anomalie détectée, ces applications réagissent en conséquence, soit en fournissant des conseils au patient, en
orientant le patient vers son médecin de ville ou en appelant une ambulance. Le médecin responsable peut suivre
l’état de ses patients et reçoit les alertes et les anomalies
détectées.
E-care [4] est un projet de télésurveillance médicale,
pour les patients atteints d’insuffisance cardiaque. Dans le
cadre de ce projet, une plate-forme générique a été développée pour s’adapter à différentes pathologies et profils
de patients.
E-care est composé d’un module chez le patient, avec
une tablette et des capteurs, et d’un module serveur qui
reçoit et traite les données remontées depuis les différents
modules patients. Le module serveur combine les technologies du web sémantique et de l’intelligence artificielle.
Des ontologies génériques sont utilisées pour s’adapter à
différentes pathologies et différents types de capteurs et
de données. Un moteur d’inférence est utilisé pour la surveillance de l’évolution de l’état de santé du patient et la
détection de toute situation anormale.
Dans la première phase de l’expérimentation, réalisée
aux hôpitaux universitaires de Strasbourg, le but était de
vérifier l’ergonomie de la plate-forme et la cohérence des
données remontées.
Dans la section « Les ontologies », nous allons présenter les ontologies et leurs avantages. Dans la section
« Les travaux connexes », nous présenterons quelques
travaux connexes trouvés dans la littérature, leurs avantages et leurs inconvénients. Les sections « La plate-forme
E-care » et « Le module serveur : ontologies et aide à
la décision » comportent la proposition d’une solution
générique et adéquate à la problématique. Dans la partie « Discussion », l’expérimentation au sein des hôpitaux
universitaires de Strasbourg est évoquée, et discutée. Enfin,
nous terminerons par une conclusion.
Les ontologies
Définition
La première définition admise pour une ontologie est
celle de Gruber [5] : « spécification explicite d’une conceptualisation ».
Cette définition a également été précisée par Studer
[6] pour devenir : « Une ontologie est une spécification
formelle et explicite d’une conceptualisation partagée ».
Dans cette définition, il convient d’interpréter correctement chaque terme employé :
– formelle : compréhensible par la machine ;
– explicite : les concepts, les relations, les individus et
les axiomes sont explicitement définis ;
– partagée : les connaissances représentées sont partagées par une communauté ;
– conceptualisation : modèle abstrait d’une partie du
monde que l’on veut représenter.
La classification des ontologies
Les ontologies peuvent être classifiées selon plusieurs
dimensions. Parmi celles-ci, nous nous intéressons à la
typologie selon l’objet de conceptualisation.
On peut classifier les ontologies selon leur objet de
conceptualisation de la façon suivante :
– ontologie de haut niveau [7] : ce type d’ontologie
décrit des concepts très généraux ou des connaissances
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de sens commun, indépendantes d’un problème ou
d’un domaine particulier, telles que l’espace, le temps,
l’événement, l’action, etc. ;
– ontologie du domaine [8] : cette ontologie régit un
ensemble de vocabulaires et de concepts qui décrivent un
domaine d’application ou le monde cible. Elle caractérise
la connaissance du domaine où la tâche est réalisée. La
plupart des ontologies existantes sont des ontologies du
domaine ;
– ontologie de tâches [8] : ce type d’ontologies est utilisé pour conceptualiser des tâches spécifiques dans les
systèmes. Elle régit un ensemble de vocabulaires et de
concepts qui décrit une structure de réalisation de tâches
indépendantes du domaine ;
– ontologie d’application [9] : cette ontologie
est la plus spécifique. Les concepts dans l’ontologie
d’application sont très spécifiques à un domaine et
une application particulière. Autrement dit, les concepts
correspondent souvent aux rôles joués par les entités
du domaine tout en exécutant une certaine activité.
L’apport des ontologies
Les ontologies fournissent un cadre commun sémantique. Tous les individus et les concepts impliqués peuvent
être explicitement définis en fonction de leurs relations et
attributs. Par conséquent, les ontologies sont interprétables
par la machine et partageables entre plusieurs personnes.
Cela facilite et améliore le processus d’aide à la décision.
Grâce à la précision des concepts, plusieurs personnes
peuvent collaborer ensemble sans aucune ambiguïté ou
perte d’informations.
Les ontologies fournissent un modèle de haut niveau
d’abstraction du flux de travail quotidien. Ce modèle peut
être adapté à chaque organisme particulier. Autrement dit,
toute organisation peut avoir une ontologie adaptée à sa
situation particulière.
Les ontologies sont génériques et réutilisables. Pour
construire une ontologie large, il est possible d’intégrer
plusieurs ontologies existantes décrivant des portions d’un
domaine. On peut, également, réutiliser une ontologie
de haut niveau et l’étendre pour permettre de décrire un
domaine d’intérêt spécifique.
Les ontologies sont très faciles à maintenir et avec des
coûts très minimes.
Les travaux connexes
Il existe dans la littérature plusieurs études concernant
la télésurveillance médicale, allant du suivi des activités quotidiennes au suivi des données physiologiques.
Dans ce qui suit, les études les plus pertinentes sont
présentées.
Le suivi des activités quotidiennes à domicile
(domotique)
Franco et al. ont travaillé sur une étude de télésurveillance médicale à domicile de personnes âgées
atteintes de la maladie d’Alzheimer [10, 11]. Leur système
permet la détection des dérives des rythmes nycthéméraux à partir des données de localisation. Autrement dit,
pour détecter une perturbation de l’horloge circadienne,
il mesure la différence entre les séquences d’activité en
utilisant une variante de la distance de Hamming. Les
données ont été capturées par des capteurs infrarouges
passifs placés dans chaque chambre. Les écarts importants
déclencheront des alarmes envoyées aux soignants.
Dans le projet habitat intelligent pour la santé (HIS),
basé sur le concept health smart home (HSH), Noury
et Rialle ont mis en place un appartement équipé pour
la télésurveillance médicale dans la faculté de médecine de Grenoble [12]. Il est utilisé comme plate-forme
expérimentale pour le développement technologique et
les évaluations médicales. Hadidi et Noury présentent
l’expérimentation de la plate-forme HIS [13]. Des capteurs
infrarouges ont été placés afin de détecter la présence. À
partir de ces données, plusieurs paramètres ont été élaborés tels que : le nombre total d’événements diurnes ou
le nombre total d’événements nocturnes. L’objectif est de
produire des indicateurs pertinents pour préciser les tendances anormales non visibles afin d’informer l’équipe de
santé en charge du patient.
Fleury et al. présentent un habitat pour la santé
dans un vrai appartement comprenant des capteurs de
présence infrarouges, des contacts de porte (pour contrôler l’utilisation de certains équipements), un capteur de
température et d’hygrométrie dans la salle de bain et
des microphones [14]. Un capteur cinématique portable
informe également sur les transitions posturales et des
périodes de marche. Ces données collectées sont ensuite
utilisées pour classer chaque trame temporelle dans l’une
des activités de la vie quotidienne. Cela est fait en utilisant
SVM (support vector machines).
Le suivi du comportement
et de l’état physiologique du patient
Lasierra et al. présentent la conception et la mise
en œuvre d’une architecture basée sur la combinaison d’ontologies, de règles et de services Web [15].
L’architecture comprend deux couches : une couche
conceptuelle et une couche de données et de communication. La couche conceptuelle basée sur les ontologies
est proposée pour unifier la procédure de gestion et
d’intégration des données entrantes issues de toutes
sources. La couche de données et la communication sont
basées sur les technologies des services Web.
Une étude de fouille de données sur l’insuffisance cardiaque en utilisant des méthodes de classification a été
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faite par Guidi et al. [16]. La classification est établie dans
une base de données de patients cardiaques. Deux types
de données sont traitées : le profil du patient (âge, sexe,
autonomie, etc.) et les données physiologiques. Parmi les
algorithmes utilisés, on retrouve les arbres de décisions et
random forest algorithm.
Intelligent mobile health monitoring system (IMHMS)
est un système de télésurveillance médicale présenté par
[17], avec une architecture de trois niveaux :
– le réseau de capteurs qui comporte des capteurs physiologiques et des capteurs pour analyser le comportement
du patient comme un microphone ou un accéléromètre.
Ces données sont ensuite transmises vers un serveur personnel chez le patient ;
– le serveur chez le patient peut être un ordinateur personnel ou un téléphone. Il permet de collecter
les données et vérifier si elles sont cohérentes. Ces
données sont envoyées via internet au serveur médical
intelligent ;
– le serveur médical intelligent reçoit les données
depuis tous les serveurs des patients. Ce serveur intelligent
utilise des méthodes de fouille de données pour détecter
des situations dangereuses et alerter les médecins.
Le projet Teleasis présenté par Stoicu-Tivadar et al.
[18] propose une stratégie pour mettre en œuvre une
composante d’alarme dans un système de téléassistance
de personnes âgées. Le système est composé d’unités
situées dans les maisons des personnes surveillées pour
la collecte et l’envoi de données (médicales et environnementales) à partir de capteurs, et un centre d’appel avec
un serveur pour l’enregistrement et le suivi des données.
Le personnel médical spécialisé peut mettre en place des
scénarios d’alarme. Ce sont des combinaisons logiques de
niveaux de seuil des valeurs lues à partir des capteurs physiologiques ou à partir des capteurs d’environnement. Ces
alarmes peuvent alors être attribuées de façon personnalisée pour chaque patient.
Minutolo et al. proposent un système d’aide à la décision pour la télésurveillance de personnes atteintes de
défaillance cardiaque [19]. Le système se base sur une
ontologie qui regroupe des données relatives au patient
qui sont : la posture, capteur cardiaque, les activités physiques et les alertes. L’aide à la décision est basée sur
l’inférence en utilisant des règles gérées par un algorithme
d’inférence.
Valero et al. détaillent la conception et la mise en
œuvre d’une plate-forme de raisonnement pour prévoir
ou réagir de manière intelligente à des situations exigeant
des soins à distance ou à domicile [20]. Le système gère
des agents intelligents, dont le comportement est défini et
validé par des ontologies et des règles. Une méthodologie
de développement a été adaptée pour soutenir le processus de l’acquisition des connaissances. Des fichiers log en
XML sont stockés pour faire des algorithmes de fouille de
données.
Discussion
Chacune de ces études ne prend en compte qu’une
partie des données relatives au patient. En effet, elles
vont considérer soit le suivi des activités journalières et
le déplacement à domicile, soit le suivi des données
physiologiques, soit une autre partie environnementale
ou comportementale. Quelques études comme celle de
Guidi et al. [16] combinent plusieurs domaines mais, selon
les experts médicaux, toujours insuffisants pour comprendre l’évolution de l’état de santé du patient.
Ces systèmes utilisent généralement soit une fouille
de données probabiliste, qui implique une interaction
importante avec les experts médicaux pour interpréter
les données, soit un système expert basé sur des règles
d’inférence définies par les experts médicaux. Les systèmes basés uniquement sur un système expert ont du mal
à s’adapter à l’évolution de l’état de santé du patient. Cette
adaptation impose une grande implication des experts
médicaux pour définir des règles pour chaque cas, en
prenant en compte chaque donnée du patient. De plus,
les faibles connaissances des évolutions conjointes de ces
paramètres et le manque de données collectées dans un
environnement réel rendent le suivi de l’évolution d’un
patient à long terme assez compliqué.
Notre approche
L’objectif de notre approche est de proposer une
architecture de télésurveillance médicale générique pour
la détection précoce de toute évolution anormale.
L’architecture de notre plate-forme prend en compte
l’ensemble des données relatives au patient : son profil
(sexe, âge, etc.), ses antécédents médicaux, les médicaments prescrits, les données physiologiques (tension
artérielle, fréquence cardiaque, etc.) et comportementales (activité physique, posture, etc.) ainsi que les données de son environnement (climat, ville, etc.). Elle est
capable d’intégrer de nouvelles sources de données. Ces
informations représentent une banque de données privées,
sécurisées lors de la transmission ou de l’accès.
Pour gérer le vocabulaire des différents professionnels de santé (médecin, infirmier, etc.), nous utilisons des
ontologies de domaine. L’architecture est générique et
peut contenir toutes les ontologies de domaine (maladies, médicaments, interventions, etc.). Les ontologies de
domaine permettent de partager une sémantique et de
garder une certaine cohérence des données.
Pour la détection d’anomalies, on utilise un système
expert basé sur des règles d’inférence construites avec les
experts médicaux. Ces règles sont génériques et évoluent
avec l’état du patient. Toutes les alertes détectées par le système sont remontées vers le personnel soignant en charge
du suivi du patient. En fonction du niveau de l’alerte, une
procédure est lancée. Cette procédure devra systématiquement prendre en charge la validation des mesures en
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Devices
aka Agents
Aggregation
manager
Telehealth
service
center
Health
records
PAN
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WAN
HRN
LAN
Figure 1. Architecture Continua [22].
cause avant de déclencher des actions supplémentaires.
Les actions peuvent être de l’ordre du conseil sur l’hygiène
de vie ou bien la programmation d’un rendez-vous chez
le médecin traitant, voire le cardiologue traitant.
La définition de règles d’inférence en combinant les
données physiologiques, le profil du patient et les antécédents, est une tâche relativement compliquée pour les
experts médicaux étant donné le manque de recul par rapport à toute étude qui formalise ces données. Si on ajoute
à cela d’autres données pertinentes comme les données
environnementales et comportementales, cela devient
quasi impossible. Pour pallier cette problématique, nous
utilisons les techniques de fouille de données pour retrouver de nouvelles règles qui combinent toutes les données
du patient. Ces règles sont ensuite validées par les experts
médicaux avant d’être activées dans le système expert.
La plate-forme E-care
La plate-forme E-care [21] est basée sur les guidelines
de Continua Health Alliance (figure 1), avec essentiellement un module chez le patient et un serveur qui reçoit
les données et les interprète. Les deux modules communiquent de manière sécurisée entre eux via internet suivant
les standards HL7 et IHE.
Le module patient
Ce module, installé chez le patient, comporte plusieurs capteurs (Devices aka Agents) et un récepteur
(Aggregation Manager) pour la récolte des données de
ces capteurs physiologiques (thermomètre, oxymètre, ten-
siomètre, pèse-personne). La communication entre ces
capteurs et le récepteur s’effectue suivant des standards
Continua. Le récepteur (ordinateur, tablette tactile ou
smartphone) envoie les données au serveur via internet.
Dans E-care, des tablettes tactiles sont utilisées avec une
application ergonomique qui permet éventuellement au
patient de consulter ses mesures d’avoir des conseils et de
communiquer directement avec son médecin.
Le module serveur
Le serveur reçoit les données issues de l’ensemble des
modules patients et gère l’authentification et la sécurité
des communications, ainsi que la cohérence des données.
Celles-ci sont stockées de manière à préserver la vie privée des patients. Le serveur comporte aussi des ontologies
et un composant intelligent pour détecter les situations à
risques et prévenir les médecins.
Un portail de services est utilisé pour permettre aux
utilisateurs, en fonction de leur statut (patient, soignant,
proches, etc.) d’accéder et de suivre l’évolution des signes
vitaux ainsi que l’état général du patient ou bien encore,
de saisir des informations médicales et consulter les alertes
transmises.
Le module serveur :
ontologies et aide à la décision
Le module serveur comporte plusieurs sous-modules
dont la gestion des ontologies qui modélisent les connaissances du système et le moteur d’inférence qui les
exploite.
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Nous utilisons deux types d’ontologies pour représenter les connaissances de notre système :
– ontologie d’application : l’ontologie qui gère les
données du système. L’architecture de cette ontologie est
définie par les spécifications du système ;
– les ontologies de domaine servent à définir un vocabulaire contrôlé. Ces ontologies sont reliées à l’ontologie
d’application et vont la compléter en définissant quelquesuns de ses concepts.
Le moteur d’inférence reçoit en entrée les valeurs collectées à partir des capteurs physiologiques et la base
des faits. Il suivra l’évolution des informations relatives
au patient pour détecter de manière précoce les anomalies et déclencher des alertes pour informer le personnel
soignant. Les règles sont soit introduites par les experts
médicaux, soit générées par une fouille de données
ensuite validées par les experts médicaux.
L’ontologie d’application
L’ontologie d’application décrit les utilisateurs, leurs
rôles et leurs tâches dans le système. Elle permet aussi
de décrire les patients, leurs profils, leurs antécédents
médicaux ainsi que les mesures remonter et les alertes
détectées. Cette ontologie décrit aussi le matériel utilisé,
les capteurs, les tablettes, etc. Une partie est dédiée notamment à l’administration du système comme la création
et la désactivation de compte utilisateurs, les préférences
et autres. Cette ontologie répond aux spécifications de
l’ensemble du système : les spécifications techniques
faites par les développeurs et les spécifications médicales faites par les experts médicaux. Le travail initial et
l’expérimentation ont permis de définir sur un profil du
patient optimal avec toutes les informations pertinentes.
L’ontologie d’application doit par ailleurs répondre aux
contraintes de la CNIL comme la sécurité et la confidentialité des données médicales.
Les ontologies de domaine
Les ontologies de domaine vont compléter l’ontologie
d’application en apportant un vocabulaire contrôlé,
comme pour les pathologies, les symptômes ou les médicaments. Ces ontologies permettent d’apporter un langage
de partage et de communication entre les différents acteurs
du système. Grâce à la sémantique de ces ontologies,
notre système peut interagir facilement avec d’autres systèmes. Ainsi, les données et les informations que nous
traitons sont génériques et peuvent être issues d’autres
applications (exemple : module de traitement des sons
cardiaques).
Ces ontologies sont définies par les experts médicaux et peuvent avoir des liens entre elles, par exemple
relier les symptômes aux maladies. Les ontologies de
domaines peuvent être construites de différentes manières.
Cela dépend essentiellement du formalisme des ressources
disponibles. Avec des techniques de fouilles de texte appliquées sur un corpus, un vocabulaire contrôlé est construit.
Il est transformé en ontologie avec des relations entre les
différents termes.
Il existe des vocabulaires contrôlés dans la littérature
qui peuvent être exploités et transformés en ontologies.
Gavrivola et al. utilisent cette méthode pour construire
deux ontologies, une pour les maladies et la deuxième
pour les symptômes [23].
Grâce à la réutilisabilité des ontologies, les ontologies
existantes dans la littérature comme celles construites par
Gavrivola et al. [23] ou Dixon et al. [24] peuvent être
réutilisées.
Dans E-care, deux ontologies sont en cours de construction, une ontologie de domaine des médicaments,
et une ontologie de domaine des maladies. Pour cela,
deux classifications de l’Organisation mondiale de la santé
(OMS) sont utilisées. Une classification des médicaments
ATC (anatomical therapeutic chemical) et une classification des maladies ICD (international classification of
diseases).
Le moteur d’inférence
Le moteur d’inférences exploite des règles génériques
qui évoluent avec l’état du patient. Les données inférées fournissent des recommandations et des conseils au
patient en cas de besoin. Si des situations anormales
sont détectées, le système envoie des alertes à l’équipe
soignante qui va exploiter les données inférées fournissant des informations sur l’évolution de l’état de santé du
patient.
Les règles initiales sont définies par les experts médicaux et vont évoluer dans le temps par des techniques
de fouille de données. Cette évolution est évidemment
validée par les experts médicaux.
Discussion
La plate-forme E-care est composée d’un module
chez le patient (capteurs et tablette), et d’un serveur.
Elle est générique et peut s’adapter à d’autres maladies
chroniques. Dans Benyahia et al. [4], la plate-forme générique a été présentée en introduisant une nouvelle source
de données : un module d’analyse des sons cardiaques
(ECG/PCG). D’autres ontologies de domaines peuvent
ainsi être intégrées pour rajouter de la sémantique.
E-care a été déployé dans le service de médecine
interne du CHRU de Strasbourg qui participe par ailleurs à
la filière insuffisance cardiaque mise en place récemment.
Cette expérimentation a fait l’objet d’une première évaluation qui a été élaborée par l’équipe
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d’ergothérapeutes du Centre expert national des TIC pour
le handicap (Centich).
L’expérimentation a été lancée en deux étapes :
1) première étape organisée avec l’aide des externes.
Cette étape a permis de :
• valider les processus de collecte,
• stabiliser le système,
• affiner la modélisation des données du
patient ;
2) deuxième étape prise en charge par les infirmières
de l’hôpital. Cette étape nous permet :
• d’améliorer la phase opérationnelle du système :
◦ temps de prise des mesures : parallélisation
des mesures pour diminuer le temps de prise en
charge,
◦ ergonomie du système : le système doit être non
intrusif et garantir la prise des mesures,
◦ fiabilité des mesures : le système doit détecter
les mesures fausses dues notamment à des problèmes
techniques ou à de mauvaises manipulations des capteurs ;
• analyser la pertinence du raisonnement
et affiner la modélisation des connaissances sur
l’environnement médical du patient :
◦ évolution de la modélisation des connaissances
sur l’environnement médical du patient ;
◦ précisions sur les règles d’inférence du système.
Dans la première phase d’expérimentation, nous avons
validé les capteurs sélectionnés et déployés dans le
cadre d’E-care à l’aide d’un protocole prospectif de
mesures comparatives concernant les dispositifs hospitaliers habituels de mesure (TA, FC, SaO2 , poids) et
ceux du système E-care. L’analyse de ces différentes
mesures montre une concordance entre les différents
dispositifs utilisés au quotidien à l’hôpital et ceux proposés par la solution E-care. Le système fonctionne sans
défaillance et cette première phase expérimentale a permis de valider les choix technologiques. Une enquête
qualitative réalisée auprès des étudiants a permis d’évaluer
positivement l’ergonomie du système. Une analyse préliminaire de la pertinence des alertes avec un premier
moteur d’inférence n’a pas montré de dysfonctionnement.
La seconde phase d’expérimentation est actuellement
en cours dans le service depuis février 2014, plus de
60 patients sont à ce jour inclus. Les infirmières utilisent
au quotidien les dispositifs de mesures E-care lorsqu’elles
effectuent leur tournée auprès des patients. Cette phase
inclura une enquête de satisfaction et de pratique sur
l’ergonomie du système auprès des soignants. La collecte en continu réalisée lors de cette deuxième phase
devrait in fine nous permettre d’avoir le nombre critique
de patients pour analyser plus finement la pertinence des
alertes.
Conclusion
Cet article présente la plate-forme E-care, une plateforme de télésurveillance médicale.
Les systèmes de télésurveillance médicale s’appuient
sur la collecte d’informations depuis des capteurs physiologies, environnementaux ou comportementaux. Dans
les premiers systèmes, ces données étaient interprétées
directement par les médecins. Mais avec l’avancement
technologique, des systèmes experts ont été développés
pour le traitement automatique de ces données.
Nous avons étudié différentes propositions et solutions
existantes dans la littérature et nous avons présenté les plus
importantes.
Nous avons proposé une solution générale qui
s’appuie sur l’utilisation de différents types d’ontologies :
une ontologie pour la gestion du système et des ontologies
de domaine.
Cette solution est basée sur un moteur d’inférence pour
détecter toute évolution anormale de l’état du patient. Il
utilise des règles définies par les experts médicaux ou
générées par une fouille de données suivie d’une validation par les experts médicaux.
Les premières phases de l’expérimentation faite aux
hôpitaux universitaires de Strasbourg ont permis de valider
le matériel (capteurs et tablette) et l’ergonomie de la plateforme E-care. Elles ont aussi permis d’adapter l’application
mobile et le portail de service aux besoins des soignants.
Enfin, elles ont rendu possible de travailler sur les alertes
remontées et les règles d’inférences.
La prochaine étape de l’expérimentation concerne le
déploiement à domicile.
Conflits d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt
en rapport avec cet article.
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