La christianisation de l'Occident
Les premiers siècles
Sorti de la clandestinité au IV e siècle, le christianisme s'organise, et l'Eglise de Rome cherche à imposer son autorité. Elle y
parvient en Europe occidentale, malgré les conflits avec les évêques. A travers les actions des moines comme par son in-
fluence sur les pouvoirs laïcs, elle imprègne d'une morale et d'une culture spécifiques la société dont elle constitue l'un des
trois ordres. Elle est au cœur de toutes les tensions qui transforment le monde antique en monde féodal, et marque durable-
ment le paysage, l'organisation du travail et les mentalités.
Le christianisme survit durant les trois premiers siècles de son histoire dans les difficiles conditions de clandestinité que lui
imposent l'intolérance et les persécutions qui en découlent. Toutefois, les communautés se dotent progressivement d'évê-
ques, autrement dit de conseillers, de gardiens de la foi (évêque vient du grec episkopos, episcopus en latin, qui veut dire
«surveillant»). Sous le règne de Constantin, la tolérance s'installe et les persécutions prennent fin. En 381, l'Empire romain
reconnaît le christianisme comme religion officielle. Les Eglises remplacent alors les communautés clandestines. Peu à peu
émergent des évêchés influents: quatre en Orient, les patriarcats d'Alexandrie (Alexandria sur la carte), de Jérusalem, d'An-
tioche et de Constantinople; un en Occident, à Rome (Roma). L'évêque de Rome, à titre de successeur de l'apôtre Pierre,
prend en charge la difficile mission de convertir et d'encadrer les peuples d'Occident.
En 400, saint Jérôme traduit la Bible en latin; cette traduction, la Vulgate, devient la version officielle de l'Eglise latine. Peu
à peu, du V e au IX e siècle, le pouvoir des évêques de Rome s'impose dans la partie occidentale de l'ancien Empire, malgré
les difficultés dues à la poussée et à l'installation des peuples germaniques. Le pape Gélase I er (492-496) affirme la primau-
té de l'Eglise de Rome. Ce fait marque le début de longs conflits avec l'Empire byzantin. L'Eglise est maintenant une struc-
ture hiérarchisée que Rome entend gouverner. Au cours des grands conciles des IV e et V e siècles, elle élabore les règles
dogmatiques et juridiques qui définissent les formes orthodoxes de la croyance chrétienne et condamne celles qui ne sont
pas en conformité avec le dogme (hérésies).
L'Eglise d'Occident après le Ve siècle
Naissance de la théologie
Les évêques exercent leurs fonctions dans des villes romaines dominantes. Dans ce contexte urbain, ils maintiennent un en-
cadrement que les pouvoirs administratifs romains, qui s'effondrent, ne peuvent plus assurer. Les évêques sont non seule-
ment les protecteurs des villes, enfermées dans leurs enceintes, mais aussi les interlocuteurs des pouvoirs germaniques, lors-
qu'ils ont pu en obtenir la conversion et lorsque, comme en Gaule ou en Espagne, ils sont à même de se réunir en concile
pour compléter la législation qui organise la vie quotidienne du clergé séculier, le «clergé dans le siècle», et dans une large
1
SOMMAIRE
La christianisation de l'Occident
Les Mérovingiens
Les Carolingiens
La conquête de l'Est
Les constructions de Charlemagne
La naissance de la féodalité
La dislocation de l'empire
L'Empire d'Occident est l'un des deux Etats issus du partage de l'Empire romain à la mort de Théodose (395). Il avait pour
capitale Rome, alors que celle de l'Empire d'Orient était Constantinople. L'Empire d'Occident s'effondra en 476, mais fut
rétabli par Charlemagne en 800 et trouva son prolongement dans le Saint Empire romain germanique.
L'empire carolingien sous Charlemagne (Carte Luc Remet)
mesure la vie morale des laïcs. En Occident, leurs tâches quotidiennes sont plus simples et d'ordre plus pratique
qu'en Orient, où ils débattent, à Athènes, à Antioche comme à Alexandrie, les questions issues des traditions
philosophiques. La naissance de la théologie a lieu en Orient. Elle est l'œuvre de saint Augustin, évêque d'Hip-
pone (Hippo Regius), dont la pensée influencera la chrétienté occidentale pendant des siècles.
Création des monastères
A l'opposé de chrétiens qui, dès le IV e siècle, choisissent de vivre en ermites en s'isolant dans le désert, d'au-
tres chrétiens, en Occident, vont se grouper dans des collectivités: les monastères. Au VI e siècle, un Italien,
Benoît de Nursie, élabore une règle destinée aux moines, qui régit jusqu'au moindre détail leur vie quotidienne.
Un principe nouveau y apparaît, l'interdiction de toute propriété personnelle: «Si quelqu'un était surpris s'adon-
nant à ce vice détestable , on l'avertirait une première et une seconde fois; s'il ne s'amendait pas, il serait soumis
à la correction.»
C'est dans un monastère du Mont-Cassin (Italie), régi par cette règle, que naît l'ordre des Bénédictins, fondé par
Benoît de Nursie et bientôt représenté dans tous les pays d'Occident. Les monastères bénédictins - où les moi-
nes sont dits «réguliers» - seront jusqu'au X e siècle des centres importants de conversion. Une autre contribu-
tion au développement de l'institution monastique est due à l'action du moine irlandais Colomban, au VI e siè-
cle, qui fondera de nombreux monastères en Europe, jusqu'en Italie du Nord.
De nouvelles conversions
La papauté a maintenu le principe de son droit à diriger l'Eglise universelle, mais, en Orient, elle a échoué de-
vant l'opposition coordonnée des empereurs byzantins et des patriarches de Constantinople. A la fin du VI e
siècle, un évêque de Rome, Grégoire I er , donne un nouvel élan à la politique de conversion et obtient du roi
anglo-saxon du Kent qu'il adhère au christianisme. Un premier évêché dépendant de Rome, celui de Cantorbé-
ry, est fondé en Angleterre. Au VIII e siècle, le développement des relations commerciales entre l'Angleterre et
l'Italie, par la vallée du Rhin, crée des conditions favorables à de nouvelles conversions, notamment chez les
Francs et d'autres peuples germaniques. Les clercs formés dans les monastères anglais jouent un grand rôle
dans la reprise en main de la Gaule par les Carolingiens.
L'époque carolingienne
L'autorité de Rome se renforce aux VIII e et IX e siècles, les Lombards ayant été vaincus par les Carolingiens.
Mais le pouvoir pontifical commence alors à se monarchiser, à s'éloigner des réalités locales auxquelles sont
confrontés les évêques, les prêtres et les moines. Sans soutien suffisant, ceux-ci ne peuvent réellement faire
obstacle aux aristocrates qui convoitent les terres dont sont dotées les paroisses rurales. Pourtant clergé séculier
et clergé régulier locaux jouent un rôle irremplaçable: l'appui qu'ils apportent aux Carolingiens est le plus puis-
sant facteur d'unification de l'Occident.
L'Occident chrétien s'épanouit à l'époque carolingienne. La dynastie, soumise inconditionnellement à l'Eglise,
construit des monastères: Corbie, Saint-Riquier, Tours, en France; Lorsch, Fulda, Corvey, en Allemagne. Dans
les cathédrales, les évêques rassemblent, à Pâques, tous ceux qui, adultes, veulent recevoir le baptême. Peintu-
res sur manuscrits, beaux monuments de pierre, peintures murales constituent progressivement un art original,
totalement chrétien, rompant avec l'ancien art romain.
Le latin, langue unificatrice
L'un des aspects remarquables du processus d'unification de l'Occident est la généralisation de l'emploi du latin.
L'effort pour retrouver un latin grammaticalement correct est poursuivi du VIIe au IX e siècle. Cet effort se tra-
duit par la création d'une école dans chaque évêché et, dans les monastères, de centres de copie de manuscrits
anciens. Au IX e siècle, le travail de copie est servi par une écriture superbe, utilisée dans tout l'Occident: la
minuscule caroline. Le clergé, les nobles et les rois s'expriment en latin, tandis que dans le peuple naissent, par-
lées mais non écrites, des langues qui amalgament plus ou moins l'héritage latin et les expressions germaniques,
et dont sont issues les langues de l'Europe moderne, non sans conflits ni difficultés.
Des frontières menacées
L'Occident n'est ni stable ni sûr de son avenir. Les guerres intérieures ne disparaissent pas, ni les désordres
créés par certains aristocrates. Jusqu'à la mort de Charlemagne cependant, la violence est détournée au-delà des
frontières: Saxons, Frisons, Lombards, Slaves contiennent mal cette poussée vers le nord, l'est et le sud; les
troupes franques conquièrent également le nord-est de l'Espagne jusqu'à l'Èbre. Mais, au nord, les Scandinaves,
encore non chrétiens, commencent une expansion vers le sud dont la chrétienté subira le choc. Au sud, les navi-
res musulmans sont redoutés en Méditerranée occidentale. A l'est, les Slaves, qui ont fléchi un moment, entre
l'Elbe et l'Oder (Odra), résistent de mieux en mieux aux offensives impériales. Et à l'est encore, à la fin du IX e
siècle, réapparaît une menace grave qui concerne aussi les Slaves: celle des Hongrois venus d'Asie.
Les Mérovingiens
Les Mérovingiens tiennent leur nom de Mérovée, roi légendaire franc salien, père de Childéric I er et grand-
père de Clovis, et constituent la première dynastie royale de France, qui régna pendant trois siècles (milieu du
V e siècle-751).
Une royauté franque
A la mort de Clovis (511), le royaume franc, dont il fut le véritable fondateur, s'étend sur la majeure partie de la
Gaule et sur une partie de la Germanie, à l'est du Rhin. Ses fils annexent le royaume burgonde en 534, occupent
la Provence vers 537 et soumettent les peuples du sud de la Germanie ( Alamans, Thuringiens, Bavarois) avant
le milieu du VIe s. Le royaume franc apparaît dès lors comme la principale puissance fondée sur les ruines de
l'Empire romain d'Occident.
Les limites de la monarchie
La monarchie est l'institution fondamentale. Elle est moins une institution politique qu'un état de fait. Le roi
mérovingien, authentique despote, jouit d'un pouvoir royal absolu. Dans les faits, pourtant, l'autorité monarchi-
que se heurte à des limites pratiques. En effet, les moyens administratifs sont insuffisants: les cadres romains,
les bureaux subsistent, mais ce sont des cadres «creux»; le palais, avec lequel le roi gouverne, est plus un ins-
trument domestique qu'un organisme étatique. Si les anciennes cités romaines sont confiées à un comte (agent
administratif, judiciaire et militaire), celui-ci n'a d'efficacité relative que parce qu'il est un compagnon du roi,
un «antrustion», lié à lui par un serment personnel. L'affaiblissement des ressources de l'Etat limite également
l'autorité monarchique: le système fiscal, hérité de Rome, perd peu à peu toute efficacité.
Le partage du patrimoine royal
La royauté est héréditaire dans la famille mérovingienne; le principe électif, cher aux peuples barbares, s'es-
tompe. Le royaume est un patrimoine que l'on partage entre les héritiers: ainsi le partage réalisé en 511 entre les
quatre fils de Clovis. Mais le sentiment de l'unité du royaume demeure: les lots attribués aux fils sont complé-
mentaires; chacun a sa part des vieux pays francs et sa part des provinces particularistes; les frontières sont dé-
fendues en commun. Il arrive parfois, comme entre 558 et 561 (Clotaire I er ), entre 613 et 629 (Clotaire II),
puis entre 629 et 639 ( Dagobert I ), qu'un seul roi rassemble tout le royaume.
La dynastie mérovingienne
Les quatre fils de Clovis se partagèrent le royaume, qu'ils agrandirent encore et sur lequel Clotaire I er régna de
558 à 561. Le nouveau partage entre ses fils donna naissance à trois principaux ensembles territoriaux - la
Neustrie à l'ouest, l'Austrasie au nord-est et la Bourgogne au sud-est -, prétextes à rivalité entre les descendants.
Clotaire II, petit-fils de Clotaire Ier et fils de Frédégonde, hérita en 613 d'un royaume réunifié après des années
de luttes sanglantes entre son père, Chilpéric, et son oncle Sigebert, époux de Brunehaut. Dagobert, lui aussi,
fut roi de tous les Francs, mais la dynastie, qui se maintint jusqu'en 751, était déjà en butte aux ambitions des
grands du royaume.
La fusion des civilisations
Au temps des Mérovingiens s'est réalisée l'assimilation progressive des nouveaux venus et de leurs civilisations
par les Gallo-Romains. L'absence de discrimination entre Romains et Francs et la conversion de ces derniers au
christianisme ont facilité cette fusion.
Les classes gouvernantes
L'aristocratie gallo-romaine, le haut clergé (dans sa majorité gallo-romain) ont accepté le nouvel ordre politique
et ont loyalement soutenu les souverains mérovingiens. La vassalité, les liens d'homme à homme, qui ont tant
fait pour réunir les deux aristocraties, franque et romaine, ont emprunté au passé romain comme au passé ger-
manique. Si la forme de l'Etat, la royauté, est franque, les souverains n'ont pas hésité à utiliser les cadres gallo-
romains pour gouverner.
Les apports politiques et économiques
Les apports germaniques sont sensibles dans le domaine du droit; le droit romain disparaît et laisse place aux
coutumes propres à chaque peuple (régime de la personnalité des lois). Le droit franc (la loi salique) est fondé
sur des compositions financières minutieusement tarifées, le Wehrgeld, qui a pour but de limiter les vengeances
privées. Si, dans le domaine politique, les influences franques ont été particulièrement sensibles, pour le reste,
et essentiellement dans le domaine économique, la Gaule mérovingienne prolonge la Gaule romaine. L'exploi-
tation du sol connaît de meilleures conditions qu'au Bas-Empire, et de nouvelles terres sont mises en culture; il
est possible même que, dans certaines régions, le paysage rural ait été profondément modifié. La vie urbaine et
les échanges s'anémient mais conservent les structures de l'époque romaine. La Gaule mérovingienne reste mé-
diterranéenne par bien des aspects.
Le déclin des Mérovingiens
Dagobert (629-639) est le dernier Mérovingien à s'être opposé avec un certain succès aux forces de désagréga-
tion qui minent le royaume franc; après lui, la dynastie connaît un déclin rapide.
La montée en puissance de l'aristocratie
Le déclin s'explique par la faiblesse des rois, tarés et dégénérés, qu'on appelle les «rois fainéants»; il s'explique
également par la puissance accrue de l'aristocratie, dont les représentants dirigent le gouvernement comme mai-
res du palais. Pour s'attacher des fidélités, les rois mérovingiens ont multiplié les donations de terres en toute
propriété; ils ont ainsi dilapidé leur patrimoine foncier, source de leur puissance, pour engraisser l'aristocratie,
qui leur dispute le pouvoir. Les rivalités entre grandes familles, riches de terres et de vassaux, accentuent les
particularismes que la conquête franque, imparfaite, avait tant bien que mal masqués au cours du VI e siècle
Une nouvelle géographie de la Gaule apparaît; l'idée d'unité du royaume s'atténue.
Les rivalités territoriales
Quatre entités territoriales émergent à la fin du VI e siècle: la Neustrie (Bassin parisien), où le peuplement
franc est très dense; l'Austrasie, entre la Meuse et les régions rhénanes, entièrement germanique, mais où les
Francs sont mélangés à d'autres peuples; le sud de la Gaule, qui se partage lui-même entre la Bourgogne et
l'Aquitaine, pays où le peuplement franc est réduit. Ces deux régions, souvent divisées entre les héritiers méro-
vingiens, tendent à reconstituer leur unité sous la direction de ducs nationaux, à partir de la seconde moitié du
VII e siècle. Les aristocrates de Neustrie et d'Austrasie, par l'intermédiaire des maires du palais, se disputent la
prééminence et réduisent l'Aquitaine, et surtout la Bourgogne, à un rôle annexe. Après la mort de Dagobert
(639), la Neustrie domine la situation, sous l'énergique direction du maire du palais, Ebroïn, qui périt assassiné
(en 680 ou 683).
Vers l'ère carolingienne
L'hégémonie passe aux maires du palais austrasiens, les Carolingiens: en 687, la victoire de Tertry leur permet
de soumettre la Neustrie. Cette victoire traduit le déplacement du centre de gravité du royaume vers le nord-est;
elle est aussi la victoire de la riche campagne du nord de l'Europe sur la ville du monde méditerranéen.
En un sens, les Mérovingiens sont restés fidèles à Rome; ils sont les héritiers de l'Antiquité. La victoire des Ca-
rolingiens est définitivement établie lorsque Pépin le Bref se fait couronner roi en 751, à l'assemblée de Sois-
sons, et dépose Childéric III, le dernier souverain mérovingien; cette victoire marque le début d'une ère nou-
velle.
Les Carolingiens
Des Mérovingiens aux Carolingiens
Les Carolingiens de Carolus, nom latin de Charlemagne (Carolus Magnus, «Charles le Grand»). Dynastie qui,
de 751 à 987, donna douze rois à la France, de Pépin le Bref à Louis V, et à laquelle appartinrent également
plusieurs empereurs germaniques et rois de Saxe, de Bavière, d'Italie, d'Aquitaine, de Lorraine ou de Provence.
De la crise mérovingienne naît au VIIIe siècle un monde nouveau dont le centre de gravité a basculé vers le
nord, dans lequel les villes ne jouent plus qu'un rôle marginal, où les liens d'homme à homme médiatisent les
autres types de relations, où les rares foyers de culture se trouvent dans les monastères ruraux qui se sont multi-
pliés au siècle précédent. Dans ce contexte, Charlemagne et la dynastie carolingienne, à laquelle il donne son
nom, vont faire naître un nouvel Etat d'où est sortie l'Europe moderne.
Les Pippinides
Les Pippinides - ainsi nomme-t-on les prédécesseurs de Charlemagne - apparaissent en 614, lorsque les Austra-
siens appellent le roi de Neustrie contre leur vieille reine Brunehaut.
Les premiers Pépin
Le premier Pépin, dit l'Ancien ou de Landen, occupe la fonction de maire du palais d'Austrasie sous l'autorité
du roi Dagobert (623-639), tandis que saint Arnoul (vers 582-vers 640) devient évêque de Metz (vers 614)
avant de finir ses jours au monastère de Remiremont. Vers 680, leur petit-fils Pépin II, dit de Herstal, s'empare
définitivement de la mairie du palais d'Austrasie grâce à la richesse de sa famille (un immense patrimoine fon-
cier situé dans l'est de l'actuelle Belgique), au contrôle d'un véritable réseau monastique et au soutien de nom-
breux partisans. En 687, il bat les Neustro-Bourguignons à Tertry, devenant ainsi le maître de la Francie. Pau-
vre royaume en vérité, miné par les particularismes régionaux, menacé par des voisins turbulents: les Frisons,
les Saxons, bientôt les musulmans d'Espagne. Il meurt en 714.
Charles Martel
Le «règne» du fils bâtard de Pépin de Herstal, Charles Martel (715-741), est une étape décisive dans la cons-
truction de l'édifice carolingien. Comme son surnom l'indique, Charles est d'abord un homme de guerre. Com-
battant redoutable et redouté, à la tête de troupes à cheval, il commence à «pacifier» le royaume et à l'étendre.
Jusqu'au début du IX e siècle, la guerre offensive et victorieuse sera le véritable moteur du pouvoir carolingien.
Elle renforce l'autorité centrale, elle procure les richesses (butin, accroissement du fisc, des revenus) qui per-
mettent de payer les fidélités indispensables.
Pour tenir les pays soumis, Charles utilise ses vassaux, des fidèles qu'il installe sur des terres confisquées ou sur
des terres ecclésiastiques sécularisées. Les Carolingiens considèrent en effet que l'Eglise doit servir l'Etat. De-
puis que les musulmans ont fui devant lui lors de la bataille de Poitiers en 732, Charles est devenu le champion
de la chrétienté. En Germanie - où les campagnes se sont étendues de 720 à 738 -, il favorise l'œuvre de chris-
tianisation de l'Anglo-Saxon Boniface, ce qui facilite la reprise en main des provinces périphériques d'outre-
Rhin. Il amorce le rapprochement avec Rome, qui permettra à son fils d'accéder à la royauté. A sa mort, en 741,
son prestige est immense. Certes, il n'est pas roi, mais en 737, il n'a pas jugé utile de donner un successeur au
roi mérovingien.
Le roi Pépin
Le fils cadet de Charles Martel, Pépin, dit le Bref, attendra encore dix ans avant de devenir roi et de mettre fin à
la dynastie mérovingienne.
Vers le coup d'Etat
A la fin des années 740, les conditions d'un coup d'Etat sont réunies. L'Alémanie, la Bavière et l'Aquitaine pa-
raissent soumises après trois ans de campagnes (743-746). Pépin, qui a poursuivi la politique de réforme de
l'Eglise amorcée dès 742, a de nombreux soutiens parmi les clercs et les moines. Dès le départ, cette réforme se
développe en liaison étroite avec Rome. Lorsque, vers 749-750, Pépin décide de franchir le pas décisif, c'est
donc au pape qu'il s'adresse, l'interrogeant «au sujet des rois qui en Francie n'exerçaient pas le pouvoir, s'il était
bon qu'il en fût ainsi». Et le pape Zacharie répond «qu'il vaut mieux appeler roi celui qui a, plutôt que celui qui
n'a pas le pouvoir». Toujours selon les Annales royales des Francs, le pape «ordonna par une prescription apos-
tolique que Pépin fût fait roi afin que l'ordre ne fût pas troublé». Les Mérovingiens avaient fondé la légitimité
de leur famille sur le pouvoir magique de leur sang; le pape substituait à celui-ci la capacité à assurer sur terre
l'ordre voulu par Dieu.
Le sacre du nouveau roi des Francs
Lors de l'assemblée générale des «hommes libres» réunie à Soissons en novembre 751, Pépin est reconnu (les
textes disent «élu») roi par les grands. Tel un évêque, il reçoit ensuite l'onction sacrée qui lui donne la force
nécessaire pour accomplir sa mission. Cette cérémonie de l'onction, inconnue jusqu'alors chez les Francs,
plonge ses racines dans la tradition biblique, reprise au VII e siècle dans l'Espagne wisigothique. Elle fonde en
Francie la royauté sacrale qui va durer plus de mille ans.
Légitimation de la famille carolingienne
En 754, pour prix de son aide contre les Lombards, le pape Etienne oint une seconde fois Pépin, à Saint-Denis
cette fois, en même temps que ses deux fils Charles et Carloman, assurant ainsi la transmission héréditaire du
pouvoir au sein de la famille carolingienne. Pépin promet de «restituer» les territoires que l'empereur Constan-
tin aurait jadis concédés au pape avant de partir fonder Constantinople. Ces territoires sont à l'origine des Etats
pontificaux qui se maintiendront jusqu'au XIX e siècle.
Une nouvelle famille s'est donc installée sur le trône des Francs. Les guerres offensives, les réseaux de fidélité
et le soutien de la papauté ont eu raison de la dynastie mérovingienne. Jusqu'à sa mort, en 768, Pépin a re-
conquit la Septimanie (752-759) et organisé des expéditions en Aquitaine (760-768). Il poursuit la politique
engagée, pourchassant ses ennemis, réformant l'Eglise et la société, en un mot jetant les bases de l'Etat carolin-
gien.
La conquête de l'Est
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