LE ROI – Sous sa protection... vous voulez dire sous sa surveillance... Mais qu'ai-je fait, qu'ai-je donc
fait pour mériter cela?
ROEDERER – Permettez-moi de parler franchement... Vous avez récemment usé de votre droit de
veto pour vous opposer à la nomination des ministres que l'Assemblée du peuple avait choisis. Ce
pour quoi les Français vous en veulent. Mais le mécontentement ne date pas d'hier. Depuis des
siècles, il y a trop de famines, trop de pauvreté, trop de violence, trop de guerres, trop d'injustice.
Cela éclate! Venez, sire, suivez-moi...
LA REINE - Vous nous proposez de fuir ! Monsieur, vous avez beau dire, nous sommes en mesure de
résister... Mon Dieu, ne pourrait-on faire taire ces cloches, elles me rendent folle!... Il y a ici des
troupes bien armées! Elles nous défendront. Il est temps de savoir enfin qui l'emportera du roi ou
des révoltés...
ROEDERER - Madame, je ne puis remettre en cause les demandes de l'Assemblée nationale.
LE ROI - Allons, très chère, puisqu'on nous le demande...
LA REINE - On nous le "demande"... J'aime bien ça....! Sans livrer bataille...?
LE ROI - Il le faut, mon amie... J'ai horreur du sang.
LA REINE - Je le sais, votre tactique est de toujours céder… Qui renonce, perd.
ROEDERER - Sire, ce n’est plus une prière que nous venons vous faire, ce n’est plus un conseil que
nous vous donnons, nous vous demandons la permission de vous entraîner malgré vous… Il y a
déjà plus de dix canons qui ont été mis en batterie devant le château !
LA REINE – (après avoir regardé par la fenêtre) J'ai honte... Mais, puisqu’il n’y a rien d’autre à
faire… Allons, préparons-nous. Nous irons donc à l'Assemblée...
ROEDERER - Madame, l'Assemblée ne s'est engagée que pour la personne du roi, du roi tout seul, et
sans sa famille, et sans sa garde. Il serait imprudent de…
LA REINE - Je ne le laisserai pas partir sans moi...
ROEDERER - Madame, je ne sais pas bien si.... Il aurait peut-être mieux valu...
LA REINE - Je suis la reine! ...
ROEDERER - Eh bien, puisque vous y tenez allons-y. Nous verrons bien.... Mais je me demande si ce
n'est pas là précisément la chose qu'il n'aurait pas fallu faire.
LA REINE - C’est en tout cas la chose que je veux !
ROEDERER - Bien madame.
4 – Le roi arrive à l'Assemblée
L'HISTORIEN DE SERVICE - Le peuple de Paris n’aimait pas la reine… ou plutôt, il la détestait:
l’Autrichienne, avec toute sa morgue et ses extravagantes dépenses! S’il eut été seul, le roi aurait
été mieux reçu. L'Assemblée n'était pas loin des Tuileries. Ils y allèrent à pied. Sur le chemin, le roi
rencontra un garde national avec l’accent provençal qui lui dit:
GARDE - Sire, n’ayez pas peur, nous sommes de bonnes gens, mais nous ne voulons pas qu’on nous
trahisse davantage. Soyez seulement un bon citoyen…
L'HISTORIEN DE SERVICE – Pour ne plus se faire remarquer, le roi avait échangé son chapeau à
plumet blanc avec celui d'un garde. Lorsqu’il arriva devant l'Assemblée, le roi dit:
LE ROI - Messieurs, je suis venu ici pour éviter un grand crime. Je pense que je ne saurais être plus en
sureté qu’au milieu de vous…
L'HISTORIEN DE SERVICE - Le président de l'assemble, qui était Vergniaud, lui répondit:
VERGNIAUD - Sire, vous avez vu que l’Assemblée vous a reçu avec beaucoup de respect ! Mais
soyez rassuré, nul n’a jamais pensé commettre le grand crime dont vous parlez.
L'HISTORIEN DE SERVICE – Le roi craignait qu'on ne le mette à mort! Quant à savoir pourquoi le
roi et la reine quittèrent si facilement leur forteresse des Tuileries… On a dit qu’un complot avait
été organisé selon lequel, après l’arrivée du roi à l‘Assemblée, les Suisses recevraient l’ordre
d’investir cette même Assemblée, de la faire prisonnière, puis de libérer le roi, la cour et ses
serviteurs et de les emmener en un lieu où ils seraient sous la protection des troupes étrangères…
Mais il ne s’agit que d’un bruit et de toute façon les Suisses furent tellement immédiatement
attaqués par les "patriotes" qu’ils n’eurent pas le temps de faire ce qui vient d’être dit. Au contraire,
après le départ du roi, assaillis par une foule immense, appuyée par les volontaires et un bon
nombre de gardes nationaux… ils furent presque tous massacrés sans pitié… Il est vrai qu’ils
avaient tiré les premiers.