Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence
Sciences Po Aix-en-Provence
Institut supérieur des médias de Paris
ISCPA Paris
Le Marketing du Féminisme
Entre progressisme et opportunisme
Mémoire en vue de l'obtention du Master d'études politiques, spécialité
management de l'information stratégique de l'institut d'études politique d'Aix-
en-Provence
Auteur : Marie Bodet
Soutenu le 15 septembre 2015
Tuteur : Christophe Torrisi
Le Marketing du Féminisme
Entre progressisme et opportunisme
Mémoire en vue de l'obtention du Master d'études politiques, spécialité
management de l'information stratégique de l'institut d'études politique d'Aix-
en-Provence
Auteur : Marie Bodet
Soutenu le 15 septembre 2015
Tuteur : Christophe Torrisi
Marie Bodet – « Le Marketing du Féminisme » - Master Management de l'Information Stratégique 2015 4
Introduction
« On ne nait pas femme : on le devient ».1 Cette citation de Simone de
Beauvoir est sans doute la plus marquante de la pensée féministe. Considéré
comme le plus grand livre de philosophie contemporaine sur le féminisme, Le
deuxième sexe positionne pour la première fois en France la femme comme figure
de l’Autre aliénée par la culture dominante masculine.2 Les inégalités homme/femme
seraient donc construites culturellement et non naturellement : au départ égaux
intellectuellement et physiquement, l’idéologie masculine omniprésente ferait de la
femme un être inférieur et de l’homme son maître. Le terme « maître » peut paraître
exagéré mais pour de Beauvoir, l’oppression de la femme par l’homme est bien
comparable à l’esclavage. Il est important de remettre ce livre fondateur
existentialiste dans son contexte. En 1949, la France se relève de deux guerres
successives aux conséquences matérielles et immatérielles catastrophiques. Tout
est à reconstruire, y compris une natalité durablement effondrée. Malgré le baby-
boom, la natalité peine à se redresser et le modèle de la mère au foyer apparaît
comme un idéal féminin plus que jamais auparavant. Le « natalisme » à la suite de la
Seconde Guerre Mondiale est alors au centre des préoccupations politiques, le rôle
de la femme étant vite réduit à la maternité.3 La sexualité de la femme est bien sûr à
cette époque un sujet tabou et la question du travail des femmes ne se pose pas
malgré leur mobilisation pendant la guerre. Dans ce contexte économique, social et
politique réducteur pour la gent féminine, Le deuxième sexe qui propose sa libération
par l’accès au travail, la sexualité assumée et le refus de la maternité, fait l’effet
d’une bombe. Le débat houleux autour de ce livre à scandale, qualifié de « manuel
d’égoïsme érotique »4 voire de revue pornographique par certains intellectuels, a
contribué aux nombreuses avancées en matière de droit des femmes.
Nous pouvons nous demander si, plus de soixante ans plus tard, le combat
féministe a encore lieu d’être. En effet, grâce à Simone de Beauvoir et bien d’autres
1 Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe, Gallimard, 1949, pages 285 et 286.
2 « De Beauvoir et Le deuxième sexe : explication », La Philosophie, 2012.
3 Sylvie Chaperon, « Histoire d’une œuvre fondatrice du féminisme », le Monde Diplomatique, 2009.
2 « De Beauvoir et Le deuxième sexe : explication », La Philosophie, 2012.
3 Sylvie Chaperon, « Histoire d’une œuvre fondatrice du féminisme », le Monde Diplomatique, 2009.
4 Citation de Jean Kanapa, ancien élève de Jean-Paul Sartre, 1949.
Marie Bodet – « Le Marketing du Féminisme » - Master Management de l'Information Stratégique 2015 5
activistes, le féminisme a permis des progrès juridiques certains : droit d’ouvrir un
compte bancaire sans l’autorisation préalable du mari en 1965, loi Neuwirth
autorisant la contraception en 1967, loi Veil sur l’Interruption Volontaire de
Grossesse (IVG) en 1975 et plus récemment en 2006, un texte reconnaissant le viol
conjugal. La liste est longue. La pertinence du mouvement semble en tout cas une
question que beaucoup se posent aujourd’hui, l’argument principal étant que les
femmes et les hommes sont en 2015 égaux en droit, du moins en Occident. Comme
pour justifier son existence, le Ministère des Droits des Femmes publie en mars 2014
un rapport de 55 pages sur la parité.5 Les chiffres les plus marquants parlent d’eux
même :
- Les retraites par mois (montant brut calculé sr la base des cotisations)
s’élèvent à 932 euros pour les femmes et à 1603 euros pour les hommes, soit un
écart de 671 euros.
- Le taux d’emploi des femmes est de 67% contre 76% pour les hommes (entre
20 et 64 ans). Le taux d’activité des femmes avec deux enfants en bas âge chute à
66% contre 97% pour les hommes avec deux enfants.
- Tous temps de travail confondus, il y a 24% d’écarts de salaires dans le
secteur privé, au détriment des femmes.
- En 2011, les femmes représenteraient 18% des dirigeants de sociétés
salariées.
- En 2012, il y aurait seulement 14% de femmes maires en UE.
- Sur une année entre 2010 et 2012, 83 000 femmes ont été victimes de viol ou
de tentatives de viol contre 13 000 hommes en France.
- Sur les douze derniers mois qui ont précédé le rapport, 1 femme sur 4 a été
victime d’au moins une agression verbale, physique ou sexuelle dans le cadre du
travail contre 1 homme sur 5.
Méconnaissance de ces chiffres ou simple désintérêt pour la cause défendue,
la population montre une certaine réticence, parfois même un rejet du féminisme.
5 Vers l’Egalité réelle entre les femmes et les hommes, édition 2014, Ministère des Droits des Femmes, Mars
2014.
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