Formulation tropicale du théorème du Patchwork de Viro - IMJ-PRG

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Formulation tropicale du théorème du
Patchwork de Viro et construction de courbes
algébriques réelles
Arthur Renaudineau
Juin 2011
Mémoire de M2 sous la direction d’Erwan Brugallé.
1
Table des matières
Introduction
3
1
Géométrie tropicale
1.1 Algèbre tropicale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.2 Le corps des séries de Puiseux et sa valuation non-archimédienne .
1.3 Hypersurfaces tropicales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.4 Théorème de Kapranov . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4
4
6
10
17
2
Amibes et approximation d’hypersurfaces tropicales
18
3
Théorème du Patchwork de Viro
3.1 Théorème de convergence de Mikhalkin
3.2 Quelques remarques sur W (Vf ) . . . .
3.3 Théorème de Viro . . . . . . . . . . . .
3.4 Patchwork combinatoire . . . . . . . .
3.5 Un patchwork combinatoire plus général
4
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Patchwork et pertubation de courbes singulières
4.1 Introduction historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.2 Constructions des C.A.R de degré ≤ 5, méthode des petites pertubations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.3 Construction des courbes maximales de degré 6 . . . . . . . . . .
20
20
21
23
24
32
37
37
37
39
Conclusion
49
Bibliographie
50
2
Introduction
Oleg Viro a découvert dans les années 80 (cf [10]) une façon de construire
des hypersurfaces algébriques réelles par recollement d’hypersurfaces algébriques
"simples", connue sous le nom de "méthode de Viro" ou "Patchwork". Si les hypersurfaces recollées sont des hyperplans, cette méthode est alors combinatoire.
En 2000, Viro a remarqué (cf [11]) que son théorème du Patchwork pouvait s’exprimer à l’aide de la déquanfication de Maslov. C’était le premier pas vers l’utilisation de la géométrie tropicale en topologie des variétés algébriques.
Avec le développement de la géométrie tropicale, Grigory Mikhalkin a énoncé un
équivalent du théorème de Viro dans le langage tropical (cf par exemple [7])
On développe dans ce mémoire le langage de la géométrie tropicale pour ensuite
énoncer le théorème de Viro dans ce langage. On en déduira une formulation du
Patchwork combinatoire dans ce même langage, qu’on utilisera pour construire les
types d’isotopies des courbes maximales de degré 6 dans R2 .
Je tiens à remercier ici Erwan Brugallé pour la patience dont il a fait preuve face à
mes questions tout au long de ce "stage".
3
1
Géométrie tropicale
1.1
Algèbre tropicale
Introduisons tout d’abord quelques notations :
Soit l’ensemble T = R ∪ {−∞} et soient les deux opérations binaires sur T :
“ + ” = max
“×”=+
Proposition 1 (T, “ + ”, “ × ”) est un semi-corps commutatif ie (T, “ + ”, “ × ”)
vérifie toutes les propriétés d’un corps commutatif mise à part l’existence d’un
inverse pour la loi “ + ”.
Définition 1 On appelle (T, “ + ”, “ × ”) le semi-corps tropical
Maintenant définies les opérations sur T, introduisons la notion de polynôme tropical :
Définition 2 On appelle polynôme tropical de degré d un polynôme construit avec
l’algèbre tropicale, c’est à dire
P =“
d
X
i=0
ai X i ” , ai ∈ T
On peut aussi définir la notion de fonction polynômiale tropicale :
P : T −→ T
x 7−→ P (x)
Remarque 1 L’application usuelle
ϕ : {polynômes tropicaux} −→ {f onctions polynomiales tropicales}
P
7−→ (x 7→ P (x))
est surjective mais non injective.
Dans la suite, on désignera par polynôme les fonctions polynômiales (et non pas
les polynômes ! !)
On va développer dans la suite ce qu’on pourrait appeler la géométrie algébrique
tropicale, c’est à dire qu’on va étudier les ensembles définis comme racines de
polynômes tropicaux (à plusieurs variables). La première chose à faire est de définir
la notion de racine tropicale !
Définition 3 On dit que x0 est racine de P polynôme tropical si il existe Q polynôme
tropical tel que P = “ (x + x0 ) Q”.
Donnons une caractérisation des racines de P en fonction de son graphe (affine par
morceaux) :
4
P
Proposition 2 Soit P = “ ai xi ” un polynôme tropical. x0 ∈ T est racine de P
ssi
∃i 6= j tels que P (x0 ) = ai + ix0 = aj + jx0
Autrement dit, les racines de P sont les abscisses x0 pour lesquelles le graphe de
P se casse (n’est pas affine pour tout voisinage de x0 ).
De plus, l’ordre de x0 correspond au max |i − j|, pour tous les i,j possibles. (C’est
la différence de la pente de P autour de x0 )
Preuve :
⇒:
P
Soit P = “ (x + x0 ) Q” avec Q = “ di=0 ai xi ”. En développant cette expression
on obtient :
d+1
X
P =“
bi xi ”
i=0
avec b0 = “a0 x0 ”, bi = “ai−1 + ai x0 ” et bd+1 = ad .
Or on a aussi :
P (x0 ) = “x0 Q (x0 ) ” = x0 +max (a0 , a1 + x0 , ..., ad + dx0 ) = am +(m + 1) x0
Il suffit maintenant de remarquer que bm + mx0 = bm+1 + (m + 1) x0 = P (x0 ).
⇐:
Supposons x0 6= −∞ :
Soient i < j (i min et j max) tels que P (x0 ) = ai + ix0 = aj + jx0 . Au voisinage
de x0 , le graphe de P ressemble à :
y = aj + jx
y = ai + ix
(−∞, −∞)
On peut alors réécrire P de la façon suivante :
P (x) = “a0 + a1 x + ... + ai xi + aj xj + ... + ad xd ”
P (x)
Montrons alors que “ x+x
” est un polynôme. On a le dessin suivant :
0
y = aj + jx y = x
y = ai + ix
y = x0
(−∞, −∞)
5
Donc
P (x)
“
” = max (a0 , a1 + x, ..., ad + dx) − max (x, x0 )
x + x0
= max (a0 − x0 , a1 + x − x0 , ..., ai + ix − x0 , aj + jx − x, ..., ad + dx − x)
= “ (−x0 ) a0 + a1 x + ... + ai xi + aj xj−1 + ... + ad xd−1 ”
qui est bien un polynôme !
Si x0 = −∞ alors nécessairement a0 = −∞ et
P (x) = “ (x + (−∞)) a1 + ... + ad xd−1 ”
Proposition 3 T est algébriquement clos
Preuve :
Si P est sans racine, son graphe est de la forme suivante :
(−∞, −∞)
et donc P est constant !
L’algèbre tropicale apparait en fait naturellement comme déformation de l’algèbre
classique (procédé connu sous le nom de déquantification de Maslov) :
Considérons le semi-corps classique (R+ , +, ×) et la bijection pour t > 1 :
logt : R+ −→ T
Cette bijection induit une structure de semi-corps sur T, rendant isomorphe T (pour
cette structure) à R+ :
“x +t y” = logt (tx + ty ) et “x ×t y” = logt tx ty = x + y
Quand t → +∞, cette structure va tendre vers les opérations tropicales. En effet
l’inégalité max (x, y) ≤ x + y ≤ 2 max (x, y) combinée à la croissance de logt
nous donne :
max (x, y) = logt max (tx , ty ) ≤ “x +t y” ≤ max (x, y) + logt (2)
Ainsi, le semi-corps (R+ , +, ×) dégénère sur le semi-corps (T, “ + ”, ” × ”).
1.2
Le corps des séries de Puiseux et sa valuation non-archimédienne
Soit k un corps algébriquement clos de caractéristique 0.
Définition 4 Corps des séries de Puiseux
Soit k un corps quelconque. Notons par k ((t)) le corps des séries de Laurent
formelles. Définissons alors le corps des séries de Puiseux de la façon suivante :
[ 1 K :=
k tn
n≥1
6
K est muni naturellement d’une valuation non archimédienne :
Définition 5 Soit
a=
On définit l’ordre de a comme
X
αr tr ∈ K
ord (a) := min{αr 6= 0}
Et la valuation de a comme
val (a) = −ord (a)
Posons de plus ord (0) = +∞ et val (0) = −∞
Proposition 4 val : K → Q ∪ {−∞} est une valuation non archimédienne, c’està-dire qu’elle est surjective et vérifie :
val (ab) = val (a) + val (b)
val (a + b) 6 max (val (a) , val (b))
où l’égalité est obtenue si val (a) 6= val (b)
Théorème 1 (Newton-Puiseux)
K est algébriquement clos
Preuve :
Soit f ∈ K [y] un polynôme non constant. Montrons qu’il existe y ∈ K tel que
f (y) = 0. Notons
f (t, y) = A0 (t) y n + A1 (t) y n−1 + ... + An (t)
avec Ai ∈ K
On peut supposer sans perte de généralités que les Ai (t) n’ont pas d’exposants
négatifs, A0 (t) = 1 et que Ai (t) ∈ k [[t]]. On peut donc écrire :
f (t, y) = y n + A1 (t) y n−1 + ... + An (t)
avec Ai ∈ k [[t]].
Démontrons par récurrence la proposition suivante :
(Pn ) : Si f (0, 0) = 0, alors f (t, y) a une racine y1 (t) ∈ K telle que y1 (0) = 0.
(P1 ) est vraie. Supposons (Pk ) vrai pour tout k < n. Si An (t) = 0, (Pn ) est
vérifiée. On suppose donc An (t) 6= 0.
Cherchons y sous la forme suivante :
y = ctµ + c1 tµ+µ1 + ...
7
où c, ci 6= 0, µ, µi sont des fractions positives de même dénominateurs.
Posons de plus
0
y = tµ y 0 avec
c1 tµ1 + ... et
P y = αc +
β
f (t, y) =
Cαβ t y avec Cαβ ∈ k. Si y est solution, alors les termes de plus
bas degrés doivent s’annuler dans
X
f (t, ctµ ) =
Cαβ cβ tα+µβ
Dessinons sur le plan munit d’un repère cartésien (0wz) les points (α, β). Les
plus petits termes de l’équation ci dessus correspondent aux points d’une droite
l : w+µz = ν telle que aucun des autres (α, β) ne soit en dessous de l. De plus, afin
d’avoir une annulation des termes, l doit contenir au moins deux des points (α, β).
L’ensemble des telles droites forme ce qu’on appelle le polygône de Newton de f :
c’est une ligne polygonale entre les axes z > 0 et w > 0, concave par rapport à
l’origine, dont les sommets correspondent aux plus petits termes. Schématisons le
polygône de Newton associé à notre polynôme de la façon suivante :
R
Q
l
Notons QR l’intersection de l avec le polygône de Newton (comme sur la figure).
Notons γi , δi les sommets sur QR. On peut alors écrire :
f (t, ctµ ) = tν g (c) cδ0 + t h (t, c)
où
g (c) =
X
Cγi δi cδi −δ0
δ0 est le plus petit des δi et > 0. Il est clair que
g (0) 6= 0
δ0 ≤ n
De plus, si (γ1 , δ1 ) et (γ2 , δ2 ) sont deux sommets de QR alors
γ1 + µδ1 = γ2 + µδ2
c’est-à-dire
µ=−
γ1 − γ2
p
=
δ1 − δ2
q
8
(1)
(2)
avec gcd (p, q) = 1. On a donc δ1 − δ2 = 0 (q) et en particulier :
g (c) = g1 (cq ) ∈ k [cq ]
Comme k est algébriquement clos, on peut choisir pour c une racine de g (différente
de 0)
Posons
f1 (t, y1 ) = t−νq f (tq , tµq (c + y1 ))
= (c + y1 )δ0 g (y1 + c) + tq h (tq , y1 + c)
Pour trouver µ1 et c1 on applique la méthode précédente à f1 et y1 = c1 tµ1 + ....
Deux possibilités se présentent :
Premier cas : g(X) 6= d (X − c)n
f1 ∈ k [[t, y1 ]] et le plus petit degré n1 d’un terme ne dépendant que de y1 vérifie
n1 < n. Par le théorème de préparation de Weierstrass (cf [?, Lef], il existe un
inversible E ∈ k [[t, y1 ]] et f1∗ ∈ k [[t]] [y1 ] de degré n1 tels que f = Ef1∗ . Par
l’hypothèse de récurence (Pn1 ) f1∗ = 0 a une solution y1 ∈ K telle que y1 (0) = 0.
Ceci implique (Pn )
Second cas : g(X) = d (X − c)n
q = 1 et µ est un entier. On continue la procédure sur f1 ... : soit
(a) : on est toujours dans le second cas, et on obtient une racine dans k [[t]], soit
(b) : A une certaine étape on se retrouve dans le premier cas, et ceci nous permet
de conclure également.
Ceci termine la preuve du théorème.
Remarque 2 Si k = C et si on demande que les éléments de K convergent localement en 0, on peut montrer que les racines de f (t, y) convergent également
localement en 0.
Remarque 3 On peut généraliser le résultat précédent au corps des séries de
Puiseux transfinies défini comme :
(
)
X
r
αr t |αr ∈ k , I ⊂ R bien ordonné
K :=
r∈I
(cf [4])
Remarque 4 Dans le cas des séries de Puiseux transfinies, on obtient une valuation de K dans T notre semi-corps tropical.
Ennonçons maintenant un théorème très important reliant la géométrie sur K (qui
désignera désormais le corps des séries de Puiseux transfinies) à la géométrie sur
T, et qui se généralisera à toute dimension :
9
Théorème 2P(Newton-Puiseux)
P
Soient P = ai X i ∈ K [X] et Ptrop = “ val (ai ) xi ” ∈ T [X]
Alors val (V (P )) = V (Ptrop ) où V (P ) (resp. V (Ptrop )) désigne l’ensemble des
racines (tropicales) de P (Ptrop ).
De plus, x0 est une racine tropicale d’ordre k de Ptrop ssi il existe k racines (comptés avec multiplicité) de P de valuations x0 .
Preuve :
⊂:
Soit X0 ∈ K tel que P (X0 ) = 0. Or
X
val
ai X0i ≤ max (val (ai ) + ival (X0 ))
i
Si ce maximum n’était atteint qu’une unique fois, on aurait égalité et en particulier val (P (X0 )) 6= −∞ (on suppose P 6= 0), donc P (X0 ) 6= 0. Le maximum
est donc atteint au moins deux fois, donc val (X0 ) est une racine tropicale de Ptrop .
⊃:
Soit x0 ∈ V (Ptrop ). Il existe i, j tels que :
val (ai ) + ix0 = val (aj ) + jx0 ≥ val (ak ) + kx0
pour tout k 6= i, j. Le point (−val (ai ) , i) appartient donc au polygône de Newton
de P . Par le théorème précédent, il existe une racine y0 de P telle que val (y0 ) =
x0 .
1.3
Hypersurfaces tropicales
A partir de la notion de racine tropicale définie dans le paragraphe 1, nous
allons pouvoir dévelloper une géométrie algébrique tropicale. Introduisons tout
d’abord les polynômes tropicaux en dimension quelconque :
Définition 6 On appelle fonction polynômiale tropicale une fonction f : Tn → T
telle que :
X
f (x) = “
ai xi ” = max (ai + hi, xi)
i
i
n , i = (i , ..., i ) ∈ Nn , a ∈ T presque tous −∞,
où x = (x1 , ..., xn ) ∈ TP
1
n
i
i1
i
i
n
x = x1 ...xn et hi, xi = j ij xj
On peut maintenant définir, en copiant le paragraphe 1, la notion d’hypersurface
tropicale, qu’on considérera dans (T∗ )n = Rn :
P
Définition 7 Soit f une fonction polynômiale tropicale, f = “ ai xi ” = max (ai + hi, xi).
On appelle hypersurface associée à f et on note V (f ) l’ensemble :
V (f ) := {x0 ∈ Rn | ∃i 6= j, f (x0 ) = ai + hi, x0 i = aj + hj, x0 i}
10
Exemple 1 1.La droite tropicale :
Soit f (x, y) = “0 + x + y”. L’hypersurface associée à f s’appelle droite tropicale.
Par définition, on obtient que
V (f ) = {(x, y) | x = 0 ≥ y, y = 0 ≥ x, x = y ≥ 0}. On a représenté la droite
tropicale sur le dessin suivant :
T2
(−∞, −∞)
2.Le plan tropical :
Soit f (x, y, z) = “0 + x + y + z”. On obtient cette fois ci le plan tropical !
3.Une conique :
f (x, y) = “0 + (−1) x + (−1) y + xy + (−3) x2 + (−3) y 2 ”
On va maintenant donner une caractérisation des hypersurfaces tropicales sans faire
intervenir leurs équations. On a besoin pour cela de quelques définitions :
Définition 8 Un sous ensemble Π de Rn est appelé un complexe polyèdral rationnel si il est union d’ensembles fermés de Rn (appelés cellules) possédants les
propriétés suivantes :
1) Chaque cellule est un polyèdre convexe fermé. Sa dimension est par définition la
dimension de l’espace affine qu’il engendre. On appelera une cellule de dimension
k une k-cellule.
2) La pente des espaces affines engendrés par chaque cellule est entière (i-e parallèle à un hyperplan d’équation hi, xi = 0 avec i ∈ Zn ).
3) Le bord d’une k-cellule est une union de (k − 1)-cellules.
11
◦
◦
4) Si C et C 0 sont deux cellules différentes, alors C ∩ C 0 = ∅.
5) Les 0-cellules sont exactements les sommets des polyèdres.
De plus, la dimension de Π est la dimension maximale de ses cellules.
Définition 9 Un complexe polyèdral rationnel de dimension n est dit pondéré si
on a associé à chaque n-cellule un nombre naturel w (F )
Remarque 5 On peut toujours rendre un complexe polyèdral pondéré en associant
par exemple 1 à chaque cellule de dimension maximale.
Lemme 1 Une hypersurface tropicale est un complexe polyèdral rationnel.
Preuve :
On définit les (n − 1)-cellules Γi,j (pour i 6= j) comme suit :
Γi,j := {x ∈ Rn | P (x) = ai + hi, xi = aj + hj, xi}
Les (n − k)-cellules sont ensuite définies comme intersection (non vide) de k
(n − 1)-cellules.
Remarque 6 Une hypersurface tropicale définit naturellement une structure de
complexe polyèdral rationnel sur Rn où les n-cellules sont formées des composantes
connexes du complémentaire de l’hypersurface.
On va maintenant pondérer le complexe définit à partir d’une hypersurface
tropicale de la manière suivante :
◦
Soit F une face de dimension maximale et soit x0 ∈ F . Posons alors :
w (F ) := max (pgcd (i1 − j1 , ..., in − jn ) | P (x0 ) = ai + hi, x0 i = aj + hj, x0 i)
i,j
◦
Cette définition est indépendante du x0 choisi sur F et défini bien un poids sur
l’hypersurface tropicale.
La réciproque du lemme précédent est fausse. Pour obtenir une caractérisation des
hypersurfaces tropicales, il faut ajouter une nouvelle structure sur les complexes
polyèdraux. Commençons par une définition :
P
Définition 10 Soit P (x) = ” ai xi ” un polynôme tropical. On défini son polytope de Newton comme suit :
∆ (P ) = Conv (i ∈ Nn | ai 6= −∞)
Remarque 7 Cette notion est la variante tropicale du polytope de Newton classique pour P ∈ C [X1 , ..., Xn ] :
∆ (P ) = Conv (i ∈ Nn | ai 6= 0)
12
On va maintenant construire une subdivision de ∆ (P ) duale à la décomposition
cellulaire de Rn induite par V (P ).
Proposition 5 Soit F une k-cellule de Rn (munit de la structure de complexe
◦
polyèdral induite par V (P )). Soit x0 ∈ F (sauf si k = 0, F est alors réduit à
un point et on choisi x0 égal à ce point). Alors :
1) Conv (i ∈ Nn | P (x0 ) = ai + hi, x0 i) est un polytope convexe ∆F ⊂ ∆ (P )
de dimension n − k.
2) Les directions des espaces affines engendrés par F et ∆F sont perpendiculaires.
3) F 0 face de F ⇒ ∆F face de ∆F 0 .
4) F non bornée ⇔ ∆F ⊂ ∂∆ (P ).
00
0
0
00
5) ∆
SF ∩ ∆F 6= ∅ ⇒ ∃F face de ∆ (P ) telle que ∆F ∩ ∆F = ∆F .
6) ∆F = ∆ (P ).
Preuve :
1) et 2) :
Soit F une (n − 1)-cellule. ∆F est donc une arrète de sommets i, j (tels que F =
~ F = V ect (i − j). De plus, F ⊂ {x ∈ Rn | ai + hi, xi = aj + hj, xi}.
Γi,j ), et ∆
⊥
~ F . On continue par récurrence sur
Donc F~ ⊂ {x ∈ Rn | hi − j, xi = 0} = ∆
la dimension (les (n − k)-cellules sont intersections de deux (n − k + 1)-cellules).
Il existe une autre définition de la subdivision duale :
Proposition 6 Soit
ϕ : ∆ (P ) ∩ Zn −→ T
7−→ −ai
i
Considérons l’enveloppe convexe de son graphe, soit Conv (Γ (ϕ)).
La projection des faces inférieures de ce polyèdre convexe donne la subdivision
duale à l’hypersurface définie par ϕ
Preuve :
Montrons que la projection de toute face inférieure appartient à la subdivision
duale. Esquissons un dessin de la situation :
F
ϕ
π
13
Soit F une face inférieure de Conv (Γ (ϕ)). Il existe un hyperplan affine Π tel que
Π ∩ Conv (Γ (ϕ)) = F . Or Π est le graphe d’une foncion affine Λ :
Λ : Rn −→ R
7−→ hλ, ii + α
i
où λ ∈ Rn et α ∈ R. Notons ∆ = π (F ). La fonction Λ vérifie ϕ (∆) = Λ (∆) et
pour tout i ∈
/ ∆, ϕ (i) > Λ (i). Posons alors
Q = “αP (λ1 x1 , ..., λn xn ) ”
X Y ij ij
= “α
ai
λj xj ”
i
= “
X
j
bi xi ”
où bi = ai +hi, λi+α. Le polynôme Q vérifie la relation ϕQ (i) = ϕP (i)−Λ (i) et
donc ϕQ (∆) = 0 et pour tout i ∈
/ ∆, ϕQ (i) > 0. On s’est ramené à une situation
de la forme suivante :
On a donc Q (0) = bi pour tout i ∈ ∆, et donc
∆ = Conv (i ∈ Nn | Q (0) = bi ) = Conv (i ∈ Nn | P (λ) = ai + hi, λi)
∆ appartient donc bien à la subdivision duale à l’hypersurface définie par ϕ. Réciproquement si ∆ appartient à la subdivision duale à l’hypersurface définie par
ϕ, par un changement de variable on peut supposer que P (0) = ϕ (i) pour tout
i ∈ ∆. ϕ (∆) est donc bien une face inférieure de Conv (Γ (ϕ)).
Exemple 2 Donnons deux exemples de courbes avec leur subdivision duale :
La droite :
La conique d’équation “0 + (−1) x + (−1) y + xy + (−3) x2 + (−3) y 2 ” :
14
Nous sommes désormais en mesure de démontrer un théorème de caractérisation des hypersurfaces tropicales. Donnons auparavant une dernière définition :
Définition 11 Un complexe polyèdral rationnel Π ∈ Rn est dit équilibré si pour
toute (n − 2)-cellule F la condition suivante est satisfaite :
Soient F1 , ..., Fk les (n − 1)-cellules adjacentes à F de poids respectifs w1 , ...wk .
Soient v1 , ...vk des vecteurs entiers primitifs (i-e de coordonnées de pgcd égal à
1) perpendiulaires à F1 , ..., Fk et tournants dans le même sens autour de F . Alors
P
wi v~i = 0
Théorème 3 Les hypersurfaces tropicales de Rn sont exactement les complexes
polyèdraux de dimension n − 1 rationnels, pondérés et équilibrés.
Preuve :
⊂:
Il suffit de montrer la condition d’équilibre. Or une (n − 2)-cellule F est duale à
un polygône de la subdivision duale dont les côtés sont préciséments les
P wi v~i . Les
vi étant choisis tournant dans le même sens autour de F , la relation
wi v~i = 0
est vérifiée, comme on le voit sur le dessin ci-dessous :
wi v~i
∆F
⊃:
Soit Π un complexe polyèdral rationnel, pondéré et équilibré. On cherche à construire un polynôme tropical P tel que V (P ) = Q.
Etape 1 :
Soit R1 une composante connexe de Rn \Π, et définissons P sur R1 par une fonction affine arbitraire λ (x) = “aR1 xiR1 ” sur R1 .
Etape 2 :
Soient R2,j les composantes connexes de Rn \Π séparées de R1 par une (n − 1)cellule Γj de Π. On définit P sur R2,j par
i
λ2,j := “aR2,j x R2,j ”
15
de telle sorte que : 1) pgcd iR1 − iR2,j = w (Γj )
D
E
i 1 −iR2
i 1 −iR2
2) Rw(Γ
,
Γ
= 0 et Rw(Γ
pointe vers R1
j
j)
j)
3) P est continue sur R1 ∪ R2,j
On définit ainsi étape par étape P sur tout Rn . La condition d’équilibre assure que
P est bien définie. En effet, supposons que l’on soit dans le schéma suivant :
Rn
(...)
R1
R2
où on a construit P successivement sur R1 , ..., Rn . Les flèches représentent ici les
iRi+1 −iRi
avec Γi,i+1 la (n − 1)-cellule séparant Ri de Ri+1 .
vecteurs w(Γ
i,i+1 )
Supposons que l’on étende maintenant P directement de R1 à Rn par “bxk ”. La
condition d’équilibre nous dit exactement que
k = (iR2 − iR1 ) + (iR3 − iR2 ) + ... + iRn − iRn−1 = iRn − iR1
et donc les deux constructions coïncident.
P
i
De plus on a par construction Π = V (P ) où P = “ j aRj x Rj ”
Exemple 3 Cherchons un polynôme tropical définissant la courbe suivante :
(1, 2)
(1, 1)
(2, 1)
(0, 0)
En appliquant la construction du théorème, on trouve les fonctions suivantes pour
chaque région (tous les poids sont égaux à 1).
“ (−2) y 2 ”
“ (−1) xy”
y
“ (−2) x2 ”
0
x
16
Et le polynôme définissant la courbe est donc
P = “0 + x + y + (−1) xy + (−2) x2 + (−2) y 2 ”
1.4
Théorème de Kapranov
On va généraliser le lien entre la géométrie sur K et la géométrie tropicale à la
dimension quelconque :
ThéorèmeP4 (Kapranov)
P
Soit P = ai X i ∈ K[X1 , ..., Xn ] et soit Ptrop = “ val (ai ) xi ”.
Alors V al (V (P )) = V (Ptrop )
Preuve :
⊂:
Même démonstration que dans le cas n = 1.
⊃:
Soit x = (x1 , ..., xn ) ∈ V (Ptrop ) et soient ai1 , ..., air (r ≥ 2) tels que
val (ai1 ) + i1 , x = ... = val (air ) + hir , xi = Ptrop (x) > val (ai ) + hi, xi
pour tout i 6= i1 , ..., ir .
Notons m1 , ..., mp (p ≥ 2) les différentes valeurs de i11 , ..., ir1 (quitte à faire un
changement de variable on peut effectivement supposer p > 1).
Lemme 2 Il existe α2 , ..., αn ∈ K∗ tels que :
1) V al (αi ) = xi pour i = 2, ..., n
2) Les coefficients bm1 , ..., bmp de z m1 , ..., z mp dans le polynôme Q (z) = P (z, α2 , ..., αn )
satisfont V al (bmi ) = P (x) − mi x1 pour i = 1, ..., p
Supposons α2 , ..., αn construits comme dans le lemme. Alors si m 6= m1 , ..., mp ,
∃i 6= i1 , ..., ir tel que :
V al (bm ) ≤ V al ai α2i2 ...αnin = V al (ai ) + hi, xi − mx1 < Ptrop (x) − mx1
P
Donc Qtrop (z) =
val (bi ) xi atteint son maximum au moins deux fois en x1 .
On peut alors appliquer le théorème pour n = 1 et trouver α1 ∈ K racine de Q
telle que val (α1 ) = x1 .
α = (α1 , ..., αn ) est alors racine de P et V al (α) = x.
Preuve du Lemme :
Il suffit de poser α2 = t−x2 , ..., αn = t−xn . En effet, on a alors :
X
bmk =
ai t−i2 x2 −...−in xn
i| i1 =mk
Et ∀i | i1 = mk , val ai t−i2 x2 −...−in xn = P (x) − mk x1 . Les valuations de tous
les termes de la somme sont égales, et finalement :
val (bmk ) = P (x) − mk x1
17
2
Amibes et approximation d’hypersurfaces tropicales
Commençons par la définition d’une amibe :
P
Définition 12 Soit f =
ai z i ∈ C [z1 , ..., zn ] et Vf = {z ∈ (C∗ )n | f (z) = 0}
l’hypersurface définie naturellement par f.
L’amibe de f est Af := log (Vf ) où
log : (C∗ )n −→ Rn
7−→ (log |zi |)
Q
S
Exemple 4 Si n = 1, f (z) = (z − wi ) et Af = log |wi |
n = 2. Décrivons l’amibe de la droite : soit f (z, w) = z + w − 1.
(zi )
|Vf | = {(|z| , |1 − z|) | z ∈ C∗ }
Grâce à la majoration suivante :
|1 − |z|| ≤ |1 − z| ≤ 1 + |z| = |1 − (− |z|)|
on voit que |Vf | est majorée par |RVf |, comme indiquée sur la figure ci dessous :
L’image par le log donne alors la figure suivante :
Les amibes se rétractent en fait sur des hypersurfaces tropicales !
Théorème 5 Soit Af une amibe. Il existe une hypersurface tropicale S ⊂ Af telle
que S soit un rétracte par déformation de Af .
Mikhalkin et Rullgård ont montré qu’il existait une déformation des amibes sur
des hypersurfaces tropicales telle qu’à chaque instant de la déformation, on a une
amibe.
18
Définition 13 Soient A et B deux fermés de Rn . La distance de Hausdorff de A à
B est donnée par :
dH (A, B) = max sup d (a, B) , sup d (A, b)
a∈A
b∈B
Théorème 6 (Mikhalkin-Rullgård)
P
Soit f ∈ K [X1 , ..., Xn ], f =
ai (t) z i , avec les aj (t) localement convergentes
en 0. PourPtout t assez petit ceci définit un polynôme ft ∈ C [X1 , ..., Xn ]. Soit
ftrop = “ val (ai ) xi ”. Alors
Vftrop = lim logt Vf 1
t→+∞
t
au sens de Hausdorff.
Preuve :
⊂:
Soit x0 ∈ Vftrop . D’après le théorème de Kapranov, x0 = val (b1 (t)) , ..., val bn(t)
avec f (b1 (t) , ..., bn (t)) = 0 dans K [X1 , ..., Xn ] ou dans C[X1 , ..., Xn ] pour
= 0 et comme
t assez petit. Donc si t est assez grand, f 1 b1 1t , ..., bn 1t
t
1
val (bi (t)) = xi , logt bi t → xi .
⊃:
Soit zt ∈ V f 1 et notons xt = logt (zt ).
t
Si on note de plus N le nombre de mônomes de f , on obtient l’inégalité suivante
pour tout k :
X 1 j ak 1 ztk ≤
aj
zt t
t
j6=k
1
≤ N max aj
ztj j6=k
t
Puis en passant au logarithme :
1
1
+ hxt , ki ≤ max logt aj
+ hxt , ji + logt N
logt ak
j6=k
t
t
En écrivant logt aj 1t = val (aj ) + j (t) (avec j (t) → 0) on obtient alors
l’inégalité suivante :
val (ak ) + hxt , ki + k (t) ≤ max |val (aj ) + hxt , ji| + max j + logt N
j6=k
j6=k
Or quand t → +∞ les seuls points vérifiant ces inégalités pour tout k, sont les
points de Vftrop !
19
3
3.1
Théorème du Patchwork de Viro
Théorème de convergence de Mikhalkin
Le théorème de convergence ci-dessous, dû à Mikhalkin, montre qu’on peut
relever à (C∗ )n le procéder de déformation des amibes. Commençons par quelques
définitions :
Définition 14 Soit, pour t > 0, le difféomorphisme de (C∗ )n suivant :
Ht : (C∗ )n −→ (C∗ )n
1
zi
log
t
(zi ) 7−→ |zi |
|zi |
Remarque 8
logt = log ◦Ht
Définition 15 Soit a (t) ∈ K,
a (t) = α−val(a) t−val(a) +
X
αr tr
r>−val(a)
Soit
w : K∗ −→ C∗
a
7−→ eval(a)+i arg(α−val(a) )
On pose alors
W : (K∗ )n −→ (C∗ )n
7−→ (w (ai ))
(ai )
Remarque 9
log ◦W = V al
On a alors le théorème suivant :
Théorème 7 (Mikhalkin)
Soit f ∈ K [z]. Alors
lim Ht Vf 1 = W (Vf )
t→+∞
t
Où la limite est prise au sens de Hausdorff sur tout compact
20
3.2
Quelques remarques sur W (Vf )
P j
P j r
−val(aj ) z j où a =
Lemme 3 W (Vf ) = W Vf 0 si f 0 = α−val(a
t
αr t
j
)
j
Preuve :
Supposons que n = 1 :
⊂:
Soit x0 ∈ Vf . On cherche à construire Y ∈ K tel que f 0 (Y ) = 0 et W (Y ) =
0
W (x0 ). Or par définition de f et f 0 on remarque que ftrop = ftrop
. Notons alors
−val(x
)
0 . On obtient alors :
y0 = ftrop(x0 ) et posons Y = β−val(x0 ) t


X
j
 t−y0 + R (Y )
f 0 (Y ) = 
α−val(a
βj
j ) −val(x0 )
j| val(aj )+ival(x0 )=y0
P
Par le même calcul, en écrivant x0 = ζr tr on obtient :


X
j
 t−y0 + R0 (x0 )
f (x0 ) = 
α−val(a
ζj
j ) −val(x0 )
j| val(aj )+ival(x0 )=y0
avec R et R0 qui ne comportent que des termes de valuations inférieures à y0 . Pour
construire Y on peut donc poser β−val(x0 ) = ζ−val(x0 ) et continuer par récurrence.
On voit en particulier que W (Y ) = W (x0 ).
L’inclusion ⊃ se démontre avec le même raisonnnement.
On peut ensuite passer de la dimension quelconque à la dimension 1 comme dans
le théorème de Kapranov.
Lemme 4 Soit w ∈ W (Vf ),w = W (z) avec log w = x (donc x ∈ V al (Vf )).
Soit ∆x la cellule de lasubdivision duale à V al (Vf ), duale à la cellule contenant
x. Alors w ∈ W Vf ∆x
Preuve :
P
Par le théorème de Kapranov, V al (Vf ) = V (ftrop ) où ftrop = val (aj ) xj .
Donc ∃l ≥ 2, j1 , ..., jl tels que val (aj1 ) + hj1 , xi = ... = val (ajl ) + hjl , xi >
val (aj ) + hj, xi ∀j ∈
/ {j1 , ..., jl }
n
∆x =
Par
P définition dek la subdivision duale, ∆x ∩ Z = {j1 , ..., jl } . Donc f
k∈{j1 ,...,jl } ak z .
P
k
Or par le lemme précédent, W Vf ∆x = W Vf 0∆x où f 0∆x = k∈{j1 ,...jl } α−val(a
t−val(ak ) z k .
k)
On va donc construire un ζ ∈ W Vf 0∆x tq W (ζ) = w :
Comme f (z) = 0, la somme des contributions des plus petits termes en t de
f (z)
Les plus petits termes en t sont contribués justement
est également nulle.
par aj1 z j1 , ..., ajl z jl .
P
1
−val(z1 ) , ..., ζ n
−val(zn ) ,
En notant zj = ζkj tk , on voit en posant ζ = ζ−val(z
t
t
−val(zn )
1)
qu’il vérifie bien les propriétés demandées.
21
Lemme 5 Soit x ∈ V al (Vf ). Soit Ux un voisinage de x tel que
Ux ∩ V al (Vf ) soit
un cône centré en x. Alors W (Vf ) ∩ log−1 Ux = W Vf ∆x ∩ log−1 Ux
Preuve :
⊂:
C’est le Lemme précedent !
⊃:
On raisonne comme dans le Lemme 3 puisque par définition de la subdivision
duale,
{i ∈ ∆ | val (ai ) + ix = ftrop (x)} = {i ∈ ∆x | val (ai ) + ix = ftrop (x)}
.
Lemme 6 Localement, W (Vf ) est donné par un polynôme dans C [z]. Plus précisément,
∃λ ∈ Rn tq W Vf ∆x ∩ log−1 Ux = eλ W Vf˜∆x ∩ log−1 Ux
avec
f˜∆x =
X
j∈∆x
j
α−val(a
z j ∈ C [z]
j)
Preuve :
Considérons la fonction
ν : ∆f ∩ Zn −→ R
j 7−→ −val (aj )
Par définition de la subdivision duale, ν (∆x ) := Fx est une face inférieure
de Conv (Γ (ν)), où Γ (ν) est le graphe de ν. Soit alors Π un hyperplan tel que
Π ∩ Γ (ν) = Fx . Π est le graphe d’une fonction
Λ : Rn −→ R
où λ ∈ Rn et µ ∈ R
j 7−→ hλ, ji + µ
Par définition de Π, on a ν|∆x = Λ|∆x .
On obtient alors
f ∆x t−λ z
=
X
j∈∆x
= tµ
j
α−val(a
t−val(aj ) t−hλ,ji z j
j)
X
j∈∆x
|
j
α−val(a
zj
j)
{z
∈C[z]
22
}
Or W t−λ z = eλ W (z). D’où le résultat.
Remarque 10 Ce qu’on a fait jusqu’à présent nous permet d’écrire le diagramme
suivant :
? /
−1
log Ux ∩ Ht Vf 1
log −1 Ux ∩ eλ Ht Vf˜∆x
t
t→+∞
t→+∞
eλ W Vf˜∆x ∩ log−1 Ux
W (Vf ) ∩ log−1 Ux
Le théorème de Viro (paragraphe suivant) nous permet de compléter ce diagramme
par une isotopie, lorsque t est assez grand.
3.3
Théorème de Viro
Théorème
P8 (Viro)
P
Soit f =
aj z j ∈ K [z] avec aj = αrj tr .
Soit x ∈ V al (Vf ) et Ux un voisinage de x tel que Ux ∩ V al (Vf ) soit un cône
centré en x.
Soit ∆x la cellule de la subdivision duale à V al (Vf ), duale à la cellule contenant
x.
P
j
Soit f˜∆x := j∈∆x α−val(a
z j ∈ C [z]
j)
Supposons que Vf˜∆x est non singulière dans (C∗ )n .
Alors
∃λ ∈ Rn tel que ∀t >> 0 log −1 Ux ∩ Ht Vf 1 est isotope à log −1 Ux ∩ eλ Ht Vf˜∆x .
t
Preuve :
Grâce au lemme précédent (en reprenant les mêmes notations), on obtient quand t
tend vers +∞ et z est dans un compact :
f 1 tλ z = t−µ f˜∆x (z) + o (1)
(3)
t
En effet, comme Fx est une face inférieure de Conv (Γ (ν)) on a bien
∀j ∈
/ ∆x , ν (j) = −val (aj ) > Λ (j) = hλ, ji + µ
et donc :
f 1 tλ z
t
=
X
j∈∆x

val(aj ) hλ,ji j
αj
t
z +
−val(aj ) t

= t−µ 
X
j∈∆x

α j
−val(aj ) z
j
+
X
r>−val(aj )
X
r>−val(aj )
23

αrj t−r thλ,ji z j  +

αrj t−r−val(aj ) z j  +
X
αrj t−r thλ,ji z j
j ∈∆
/ x ,r≥−val(aj )
X
j ∈∆
/ x ,r≥−val(aj )

αrj t−r+hλ,ji+µ z j 
D’où l’équation (1).
Quitte à recoller les isotopies, on peut restreindre Ux à un ouvert aussi petit que
l’on veut, et quitte à faire un changement de variable, on peut également supposer
que x = 0.
Choisissons alors un réel strictement positif et strictement inférieur aux r +
val (aj ) pour r > −val (aj ) et j ∈ ∆x et aux r − hλ, ji − µ pour r ≥ −val (aj )
et j ∈
/ ∆x . Choisissons encore α > max {j1 + ... + jn ; j ∈ ∆}. Posons alors
Ux = B∞ (0, /α).
Soit tλ z ∈ Vf 1 ∩ tλ log−1
t (Ux ). On a donc
t
j j1 j z = z ...znn < t α (j1 +...+jn ) < t
1
et l’équation (1) est donc encore vérifiée.
On en déduit qu’il existe un η > 0 tel que z ∈ Nη Vfe∆x ∩ log−1
t (Ux ), où
Nη Vfe∆x désigne un voisinage tubulaire de Vfe∆x .
En appliquant le difféomorphisme Ht , on obtient :
e−λ Ht Vf 1 ∩ log−1 (Ux ) ⊂ Nη0 Ht Vfe∆x
∩ log−1 (Ux )
t
Si maintenant Vfe∆x est non singulière, comme à l’intérieur du voisinage tubulaire
Ht Vfe∆x ∩log−1 (Ux ) est une petite déformation de e−λ Ht Vf 1 ∩log−1 (Ux ),
t
on peut isotoper l’une sur l’autre dans le voisinage tubulaire.
Corollaire 1 Si les aj ∈ R, alors ∀t >> 0, f 1 ∈ R [z], Ht se restreint en un
t
difféomorphisme réel, et l’isotopie devient réelle. On a alors la version réelle du
théorème précédent.
3.4
Patchwork combinatoire
On s’intéresse dans ce paragraphe au cas où tous les triangles de la subdivision
duale sont primitifs. On pourra en déduire une construction combinatoire d’hypersurfaces algébriques réelles.
Définition 16 Un automorphisme algébrique de (C∗ )n est une application rationnelle bijective de (C∗ )n dans (C∗ )n dont la réciproque est encore rationnelle.
On note Autalg ((C∗ )n ) l’ensembles des automorphismes algébriques de (C∗ )n .
Lemme 7 Autalg ((C∗ )n )=GAn (Z) où l’action de GAn (Z) sur (C∗ )n est don-
24
née par

k11 k12
 k21 k22

 ..
..
 .
.

 kn1 kn2
0
0
···
···
..
.
k1n
k21
..
.
···
···
knn
0
α1
α2
..
.




•(z1 , ..., zn ) = eα1 z1k11 z2k12 ...znk1n ; ...; eαn z1kn1 z2kn2 ...znknn

αn 
1
Preuve
On remarque que la formule ci-dessus définit un homomorphisme injectif de GAn (Z)
dans Autalg ((C∗ )n ). Pour montrer qu’il est surjectif, il suffit de remarquer qu’un
automorphisme algébrique P de (C∗ )n est nécessairement mônomial, c’est à dire
de la forme suivante :
P : (z1 , ..., zn ) 7→ eα1 z1k11 z2k12 ...znk1n ; ...; eαn z1kn1 z2kn2 ...znknn
En effet, il existerait sinon un ζ ∈ (C∗ )n tq P (ζ) = 0 ou P (ζ) = ∞, ce qui serait
absurde.
Cette action de GAn (Z) sur (C∗ )n est compatible avec les polygônes de Newton, dans le sens suivant :
Lemme 8 Soit M ∈ GAn (Z) donnée par
A v
M=
0 1
où A ∈ GLnP
(Z) et v ∈ Zn .
P
Soit f (z) = j∈∆(f ) aj z j . Notons M • f := j∈∆(f ) aj z M j .
On a alors le résultat suivant :
t
A−1 • Vf = VM •f
.
Exemple 5 Traitons un exemple simple :
Soient f0 (x, y) = x − 1 − y et f (x, y) = x + xy − y. On voit qu’on a M • f = f0
où M est donnée par


−1 0 1
M =  0 −1 1 
0
0 1
n
o
1
1
∗ =V
De plus, Vf0 = {(x, x − 1) ; x ∈ C∗ }, et t A • Vf0 =
,
;
x
∈
C
f
x x−1
La remarque suivante sera très importante pour la suite :
25
Lemme 9 Soit ∆ un simplexe de dimension n (enveloppe convexe de (n+1) points
affinements indépendants) dans Rn d’aire entière 1 (n!aire euclidienne). Alors
∃L ∈ GAn (Z) tel que L (∆0 ) = ∆
où ∆0 est l’enveloppe convexe des points {(0, ..., 0) ; (0, ..., 0, 1) ; ...; (1, 0, ..., 0)}
Cette remarque combinée au théorème de Viro va nous permettre d’une part de
déterminer la topologie d’hypersurfaces algébriques réelles de la forme Vf 1 pour
t
t assez grand (f ∈ K [z]) dont la subdivision duale de V al (Vf ) = Vftrop ne comporte que des triangles d’aire 1, et de donner une construction combinatoire d’hypersurfaces algébriques réelles dont l’équation sera donnée par de tels f 1 pour t
t
assez grand.
Nous allons nous restreindre içi aux cas des courbes, les plus simples
à visualiser.
∗
Commençons par déterminer la topologie de la droite dans R2 :
Lemme 10 La topologie de la droite ne dépend que des signes aux sommets du
polygône dual et est donnée à isotopie près par les dessins suivants :
+
+
+
+
−
+
+
−
−
+
+
−
26
On a ici représenté la topologie de la droite (en rouge) en s’appuyant sur la droite
tropicale : on a symétrisé la droite tropicale dans les quatre cadrants et on a gardé
les arrêtes qui nous intéressaient (on verra que ce procédé sera très utile par la
suite). Appelons ce résultat droite tropicale réelle et notons le Tg si g est l’équation de la droite. Remarquons de plus qu’on a ici représenté l’adhérence à R2 de la
droite (considérée au départ dans (R∗ )2 )
Déterminons maintenant la topologie d’une courbe algébrique dont le polygône de
Newton est un triangle d’aire 1 ∆ (f ). Grâce au Lemme 7, on sait qu’il existe une
matrice M ∈ GA2 (Z) telle que M (∆ (f )) = ∆0 , où ∆0 = Conv {(0, 0) ; (0, 1) ; (1, 0)}.
Notons alors f0 = M • f . Par le Lemme précédant, la topologie de Vf0 est donnée
par l’une des quatres figures ci dessus (sans considérer l’adhérence...).
Il suffit alors de comprendre la topologie de t A • Vf0 où
A v
M=
0 1
Proposition 7 Soit i ∈ {±1} pour i = 1, ..., n. Notons :
R1 ...n := {(x1 , ..., xn ) |1 x1 > 0 ,..., 2n xn > 0}
Considérons le difféomorphisme suivant :
R1 ...n
ϕ1 ...n :
−→ Rn
(x1 , ..., xn ) 7−→ (log |x1 | , ..., log |xn |)
Alors on a :
t
Aϕ1 ...n (Vf0 ∩ R1 ...n ) = ϕt A•1 ...n (Vf ∩ Rt A•1 ...n )
Cette proposition nous
permetalors de conclure de la manière suivante :
−1
On considère log
V(f0 )trop ∩ R1 2 (les quatre copies symétriques) et la droite
tropicale réelle Tf0 . On a Tf0 ∩ R1 2 isotope à Vf0 ∩ R1 2 .
Appliquons ensuite successivement ϕ1 2 , t A puis ϕ−1
t A• à Tf0 ∩ R1 2 . Le résul1 2
tat est bien isotope à Vf ∩ Rt A•1 2 . Il suffit alors de recoller les quatres cadrants.
Exemple 6 Reprenons l’exemple 1 :
On représente ci dessous l’image par ϕ1 2 de la droite tropicale réelle Vf0 et son
image par t A (appelée courbe tropicale réelle), qui nous donne la topologie de
Vf :
R2
R2
R2
R2
27
Donnons-nous désormais un f ∈ K [x, y] tel que la subdivision duale à la courbe
tropicale V al (Vf ) ne contienne que des triangles d’aire 1. Le théorème de Viro
nous dit que pour t assez grand, si s est un sommet
de V al (Vf ) et Us un voisinage
de s tel que Us ∩ V al (Vf ) soit un cône, alors Ht Vf 1 ∩ log−1 (Us ) est isotope à
t
un translaté de Ht Vfe∆s ∩ log−1 (Us ). Or grâce à la proposition précédente, on
peut déterminer la topologie de Ht Vfe∆s ∩ log−1 (Us ).
En d’autres termes, le théorème de Viro nous permet de localiser le problème à
chaque triangle de la subdivision duale.
Exemple 7 Soit f := −1 − x + y − txy − t2 x2 − t2 y 2 . On représente ci-dessous
V al (Vf ) et sa subdivision duale :
Us4
s4
s3
s2
s1
−
Us2
+
−
Us3
−
Us1
−
−
Il suffit maintenant de procéder comme précédement à l’intérieur de chaque voisinage (trouver la matrice M pour se ramener au cas de la droite puis appliquer
la proposition précédente). On trouve finalement la figure suivante (pour t assez
grand !) :
28
Les cercles représentent ici les ϕ1 2 log−1 (Usi ) ∩ R1 2 . On voit que pour t
assez grand, Vf 1 sera toujours isotope à une hyperbole !
t
On a réussi à construire à partir d’un polynôme de K [x, y] une courbe tropicale réelle déterminant la topologie de la courbe algébrique réelle associée au
polynôme, pour t assez grand. On va maintenant donner une méthode combinatoire pour construire des courbes réelles tropicales. Ceci nous permettra de construire combinatoirement des schémas réalisés par des courbes algébriques réelles,
et même de connaître l’équation de ces courbes !
Soit C une courbe tropicale dont tous les polygônes de la subdivision duale sont
des triangles d’aire 1. Regardons notre courbe C dans le quadrant positif et prenons
l’union de C avec ses copies symétriques.
Pour chaque arête e de notre courbe, effaçons e0 et e00 deux des quatre copies
symétriques de e suivant les deux règles suivantes :
1)e00 = sβe ,αe (e0 ) où (αe , βe ) est un vecteur directeur de e (gcd (αe , βe ) = 1)
et sab est la composée de a symétries par rapport à l’axe des abscisses et de b
symétries par rapport à l’axe des ordonnées.
2) Pour chaque sommet v de C adjacent aux arêtes e1 , e2 et e3 et pour chaque couple (1 , 2 ) dans {0, 1}2 , exactement une ou trois des copies s1 ,2 (e1 ), s1 ,2 (e2 )
et s1 ,2 (e3 ) sont effacées.
Exemple 8 1) Patchwork d’une droite (les arêtes noires sont les arêtes effacées) :
29
2) Une conique :
On a fait la construction en plusieurs étapes en donnant un ordre sur les sommets
(selon la distance à “l’origine" et l’angle avec un point l’axe des abscisses) :
Etape 0 : (on symétrise la courbe tropicale)
Etape 1 : (on efface des arêtes adjacentes au premier sommet)
Etape 2 : (on efface des arêtes adjacentes au second sommet)
30
Etape 3 : (troisième sommet)
Etape 4 : (dernier sommet)
On obtient finalement l’hyperbole précédente !
Ci dessous on a représenté le patchwork d’une cubique et d’une courbe de degré
6:
31
3.5
Un patchwork combinatoire plus général
Essayons maintenant de généraliser la construction précédente aux courbes
tropicales dont la subdivision duale ne contient que des triangles tels que tous les
mônomes de l’équation définissant la courbe soient aux sommets des triangles.
Déterminons tout d’abord la topologie d’une courbe dont le polygône de Newton
est un triangle avec des mônomes uniquement aux sommets. Comme précédemment, on a le
Lemme 11 Soit ∆ un simplexe de dimension n. Alors
∃L ∈ M An (Z) tel que L (∆0 ) = ∆
où ∆0 = Conv ((0, ..., 0) ; (0, ..., 1) ; ..., (1, ..., 0))
On se ramène ainsi encore au cas de la droite !
Soit donc C := {f = 0} une telle courbe et ∆ son polygône de Newton. Il existe
donc une droite C0 := {f0 = 0} et A ∈ M2×2 (Z) tels que t A • Vf = Vf0 . Or par
32
définition de l’action •, l’application
φ : Vf
z
−→ Imφ ⊂ Vf0
7−→t A • z
est un revètement non ramifié.
Esquissons un dessin de la situation :
??
??
??
??
φ
En particulier dans chaque cadrant, Vf est constituée d’une union d’arcs ouverts
disjoints deux à deux. On a en fait au plus un arc par cadrant : en effet, si un cadrant
contient plus d’un arc, la restriction de f à un côté de son polygône de Newton
aurait au moins deux racines de même signe, ce qui est absurde par hypothèse
sur le polygône de Newton. Chaque cadrant contient donc au plus un arc, dont la
présence est donnée par l’étude de la restriction de f aux côtés de son polygône de
Newton.
On s’est finalement ramené à la topologie des courbes dont le polygône de Newton
est un segment ne comportant des mônomes qu’aux extrémités !
Exemple 9 Soit f = x2 + y 2 + 1 et ses trois restrictions aux arètes : f1 = x2 + 1,
f2 = y 2 +1 et f3 = x2 +y 2 . En appliquant ce qui précède, on voit que la topologie
de f est donnée par
qui est bien isotope au cercle !
On peut désormais, comme dans le paragraphe précédent (en appliquant le théorème
de Viro) déterminer la topologie de courbes d’équations f 1 où f ∈ K [x, y] et t ast
sez grand.
Exemple 10 Soit f = x2 + y 2 − 1 + txy 3 + t2 x2 y 3 + t2 y 3 . On représente ci
dessous V al (Vf ) et sa subdivision duale :
33
3
2
2
2
On peut déterminer la topologie de la courbe d’équation f 1 pour t assez grand (en
t
recollant les topologies obtenues pour chaque triangle) :
Décrivons maintenant le procédé combinatoire pour construire de telles courbes.
Donnons nous une courbe tropicale C dont la subdivision duale ne comporte que
des triangles et dont les mônomes sont placés aux sommets de ces triangles. Prenons
les quatres copies symétriques de notre courbe par rapport aux axes. Pour chaque
arête e de poids impair de notre courbe, procédons exactement comme pour le
patchwork précédent : effaçons e0 et e00 deux des quatre copies symétriques de e
suivant les deux règles suivantes :
1)e00 = sβe ,αe (e0 ) où (αe , βe ) est un vecteur directeur de e (gcd (αe , βe ) = 1)
et sab est la composée de a symétries par rapport à l’axe des abscisses et de b
symétries par rapport à l’axe des ordonnées.
2) Pour chaque sommet v de C adjacent aux arêtes e1 , e2 et e3 et pour chaque couple (1 , 2 ) dans {0, 1}2 , exactement une ou trois des copies s1 ,2 (e1 ), s1 ,2 (e2 )
et s1 ,2 (e3 ) sont effacées.
Pour les arrètes de poids pair, effaçons soit toutes les arêtes symétriques soit aucune
de telle manière que la règle 2) soit encore vérifiée.
34
Exemple 11 1) L’hyperbole, deuxième version :
2) La courbe de Gudkov :
Soit C la courbe tropicale suivante donnée avec sa subdivision duale :
En appliquant le patchwork avec un certain choix d’arête on obtient la courbe
suivante :
35
Gudkov avait dès les années 60 construit une courbe algébrique réelle isotope
que la courbe ci dessous, mais avec des méthodes bien plus compliquées. Dans les
années 1900, Hilbert affirmait qu’une telle courbe ne pouvait exister !
36
4
4.1
Patchwork et pertubation de courbes singulières
Introduction historique
La question fondamentale de la topologie des courbes algébriques réelles est
de comprendre comment sont positionnées les composantes connexes d’une courbe
algébrique réelle lisse projective plane (abrégé en C.A.R) de degrée d les unes par
rapport aux autres. Cette question est devenue célèbre quand Hilbert en a fait la
première partie de son seizième problème (1901). La réponse était déjà connue au
XIX-ème siècle jusqu’en degré 5, résolue par Gudkov à la fin des années soixante
pour le degré 6 et résolue par Viro dans les années quatre-vingt pour le degré 7. La
question est toujours ouverte à partir du degré 8.
Afin de résoudre cette question pour un degré donné, il faut travailler dans deux
directions :
1) Trouver les restrictions topologiques des courbes.
2) Construire ces courbes.
Nous allons nous concentrer içi sur le second point.
La méthode de construction de courbes algébriques est restée inchangée depuis le
XIX-ème siècle jusqu’au travail de Viro. Elle consistait à pertuber une courbe singulière n’admettant que des points doubles transverses (typiquement une union de
deux courbes non singulières d’intersections transverses). Cette méthode a permis
de résoudre la première partie du 16-ème problème de Hilbert jusqu’au degré 6.
Or cette méthode se révèle insuffisante pour le degré 7. Grâce à son théorème du
patchwork, Viro a montré comment perturber des singularités plus complexes et
comment les perturber indépendamment. Ceci lui a permis de résoudre le cas du
degré 7 et de simplifier le cas du degré 6.
Introduisons pour finir des notations pour décrire les types d’isotopie des C.A.R.
Une courbe vide sera notée h0i, celle consistant d’un seul oval h1i. Une courbe
isotope à la droite projective sera notée hJi. Si hAi représente une courbe ne contenant que des ovales, alors h1 hAii désigne la courbe hAi à laquelle on a ajouté
un oval contenant tous les autres. Si hAi, hBi sont deux courbes telles que
` aucun
oval de l’une est contenu dans un oval`
de l’autre,
l’union
sera
notée
hA
Bi. On
`
notera plus simplement n × A pour A ... A (n fois) et n pour n × 1.
4.2
Constructions des C.A.R de degré ≤ 5, méthode des petites pertubations
Enonçons pour commencer un théorème (entrant dans la première direction
d’étude) portant sur le nombre de composantes connexes d’une C.A.R :
Théorème 9 (Harnack)
Soit C une C.A.R de degré d. Alors
b0 (C) ≤
(d − 1) (d − 2)
2
37
Autrement dit, le nombre de composantes connexes de C est inférieur au genre du
complexifié plus un.
Les courbes satisfaisant l’égalité sont appelées courbes maximales (ou M-courbes)
Le théorème de Bézout combiné au théorème d’Harnack permettent de restreindre
l’étude des C.A.R de degré ≤ 5 aux types d’isotopies suivants :
d = 1 : hJi
d = 2 : h0i, h1i `
d = 3 : hJi, hJ 1i
d = 4 : h0i, h1i,`
h2i, h1 h1ii,
` h3i, h4i
`
`
`
`
`
d = 5 : hJi, hJ 1i, hJ 2i, hJ 1 h1ii, hJ 3i, hJ 4i, hJ 5i, hJ 6i
Il est en fait possible de réaliser tous les types d’isotopies ci-dessus. Expliquons la
méthode de construction en détail :
Les courbes de degré 1 et 2 sont constructibles directement. Les deux types d’isotopie des C.A.R de degré 3 peuvent être réalisées par de petites pertubations d’une
union d’une droite et d’une conique s’intersectant en deux points réels comme ci
dessous :
On peut construire ces pertubations en remplacant l’équation cl = 0 définissant
la courbe ci dessus par l’équation cl + l1 l2 l3 où li = 0 sont des droites comme
ci-dessous, et est un réel assez petit :
Comment trouver le type d’isotopie des courbes cl + l1 l2 l3 ? Il suffit de garder
trace des régions où cl > 0, cl < 0, l1 l2 l3 > 0 et l1 l2 l3 < 0 et d’en déduire dans
quelles régions les signes se compensent ! Représentons les régions "positives" et
"négatives" dans les deux situations :
+
−
− +
+
−
− +
+
−
−+−+
+
−
Le résultat des pertubations donne alors respectivement les schémas hJi et hJ
38
`
1i :
Les types d’isotopie des C.A.R de degré 4 peuvent être réalisés d’une façon similaire par des petites pertubations d’une union de deux coniques s’intersectant en
quatre points réels (mise à part la courbe vide, donnée par exemple par l’équation
x4 + y 4 + ζ 4 = 0 :
Les types d’isotopie des C.A.R de degré 5 peuvent être réalisés par de petites pertubations d’une union de deux coniques et d’une droite, s’intersectant en 8 points
réels :
On donne pour finir un théorème de Brusotti (cf [3]) qui simplifie les constructions
ci-dessus :
Théorème 10 (Brusotti) Si les points singuliers sont des points doubles transverses, alors on peut perturber ces points indépendamment.
4.3
Construction des courbes maximales de degré 6
39
Ÿ3 Construction des courbes maximales de degré
6
Construisons dans cette partie, grâce au théorème du Patchwork de Viro,
les courbes maximales de degré 6.
Théorème 1. (Gudkov)
Les types d'isotopie des C.A.R maximales de degré
1)
2)
3)
`
h1 h9i ` 1i
h1 h1i ` 9i
h1 h5i 5i
6
sont les suivants :
Nous allons donner une preuve de la partie construction de ce théorème
avec le patchwork.
Nous allons pour ce faire perturber les singularités de la courbe suivante
(appelées singularités de type J10 ) :
d'équation homogène :
f (x, y, ζ) = yζ − ax2
yζ − bx2
yζ − cx2 = 0
où 0 < a < b < c. Le polygône de Newton de cette courbe est le suivant :
Perturber la singularité en [0 : 0 : 1] revient à remplacer f par f + gt avec
gt ∈ C [X, Y ], gt → 0 quand t → 0 et ∆ (gt ) ∈ Conv {(0, 0) ; (6, 0) ; (0, 3)}. De
même, perturber la singularité en [0 : 1 : 0] revient à remplacer f par f + ht
avec ht ∈ C [X, Y ], ht → 0 quand t → 0 et ∆ (ht ) ∈ Conv {(0, 3) ; (0, 6) ; (6, 0)}
Le théorème de Viro va nous permettre de recoller ces deux pertubations
quand t est assez petit. En eet, notons Gt = f + gt et Ht = f + ht . Ces
1
polynômes donnés avec un paramètre t dénissent naturellement deux polynômes G et H dans K [X, Y ]. Notons alors Gtrop et Htrop les tropicalisations
respective de G et H . Les subdivisions duales ∆G et ∆H de Gtrop et Htrop
sont positionnées de la façon suivante :
∆H
∆G
Dénissons alors Ftrop (lorsque cela est possible) le polynôme tropicale de
subdivision duale ∆G ∪ ∆H (il faut pour cela que l'on puisse recoller VGtrop
et VHtrop ou autrement dit que ∆G ∪∆H soit une subdivision convexe, c'est à
dire qu'il existe une fonction convexe linéaire par morceaux dont les domaines
de linéarité sont exactement les triangles de la subdivision). Soit alors F ∈
K[Z] tel que V al (F ) = Ftrop . Par le théorème du patchwork, si U est un
petit ouvert autour d'un sommet de Ftrop dual à un triangle contenu dans
Conv {(0, 0) ; (6, 0) ; (0, 3)}, alors :
Pour t assez petit VFt ∩ log−1 (U ) = VGt ∩ log−1 (U )
Et de même pour le triangle Conv {(0, 3) ; (0, 6) ; (6, 0)} (avec H ). La topologie de VFt est donc bien donnée par le recollement des topologies de VG et
de VH .
Construisons maintenant les quatres pertubations suivantes de la singularité
J10 :
1) :
2) :
3) :
2
4) :
Ces constructions nous permettront de conclure. En
` eet, en recollant les
dessins 1) et 2) on obtient
le
type
d'isotopie
h1
h1ii
9, les dessins 3) et 4)
`
le type d'isotopie h1 h9ii
` 1, et en recollant les dessins 1) et 4) on obtient le
type d'isotopie hh1i 5i 1.
On cherche une courbe tropicale de polygône de Newton Conv {(0, 0) ; (6, 0) ; (0, 3)}
dont le patchwork sera isotope à une des gures ci-dessus. On va pour se faire
couper notre polygône en deux comme suit :
A
B
puis construire deux cubiques tropicales (à partir d'une subdivision duale de
A et de B ) et les recoller.
Construisons les pertubations 1) et 2) :
On choisit la cubique tropicale suivante (ayant A comme polygône de Newton) :
Après patchwork avec des choix convenables d'arrètes, on obtient les quatre
schémas suivants :
a) :
3
b) :
c) :
4
et d) :
Choisissons la cubique tropicale suivante (ayant B comme polygône de Newton) :
On obtient après patchwork les deux schémas suivants (dans (R∗ )2 ) :
a') :
5
b') :
6
Pour conclure, il nous faut montrer qu'on peut bien recoller les deux
cubiques. Or les longueurs des quatre arêtes a, b, c et d de la première
cubique (voir dessin ci dessous)
e
f
a b
c d
g
peuvent être modiées indépendamment les unes des autres de manière à
positionner les trois arêtes e f g de la première cubique (voir ci-dessus) en
face des trois arêtes a0 b0 et c0 de la seconde cubique (voir ci-dessous).
a0
b0
c0
On peut maintenant recoller les diérents patchwork compatibles des
deux coniques. En recollant les schémas a) et a') on obtient la pertubation
2) de J10 , et en recollant b) et b') on obtient la pertubation 1).
Construisons maintenant les pertubations 3) et 4) :
Soit la courbe tropicale suivante (donnée avec sa subdivision duale) :
7
Après patchwork, cela donne les deux schémas suivants :
c') :
d') :
8
On peut pour la même raison que précédemment recoller cette cubique
avec la première, et donc recoller les patchwork compatibles. Finalement, en
recollant les schémas c) et c'), on obtient la pertubation 4), et en recollant
d) et d') on obtient la pertubation 3).
9
Conclusion
On peut énoncer un analogue du théorème de Viro pour les hypersurfaces dans
en compactifiant les hypersurfaces tropicales dans TP n (cf [8] pour une
définition de TP n ).
Mais TP n peut se réaliser de plusieurs façons (qui représentent toutes la même
variété tropicale à isomorphisme tropical près). Cf [8] pour les notions de variété
tropicale et d’isomorphisme tropical.
Une question se pose alors : comment donner un sens au Patchwork dans d’autres
modèles de TP n et comment utiliser ce nouveau Patchwork pour construire des
courbes algébriques dans RP 2 ?
RP n ,
49
Références
[1] Erwan Brugallé. Géométrie tropicale, cours de M2 à Paris 6 en Mars 2009.
Ces notes de cours m’ont été fournies par Erwan Brugallé.
[2] Erwan Brugallé. Un peu de géométrie tropicale. Quadrature, n. 74, p 10-22,
2009.
[3] L. Brusotti. Sulla "piccola variazione" di una curva piana algebrica reali.
Rend.Rom. Ac. Lincei, 30 (1921)
[4] Kiran S. Kedlaya Power Series and p-adic algebraic closures. Journal of
Number-Theory 89 :324-339, 2001
[5] Solomon Lefschetz. Algebraic geometry. Princeton 1953
[6] Grigory Mikhalkin. Decomposition into pairs-of-pants for complex algebraic
hypersurfaces. Topology 43, 1035-1065 (2004).
[7] Grigory Mikhalkin. Enumerative tropical algebraic geometry in R2 . J.Amer.
Math Soc., 18(2) :313-377, 2005.
[8] Grigory Mikhalkin. Tropical geometry and its applications. International
Congress of Mathematicians. Vol. II, 827-852, Eur. Math. Soc., Zurich, 2006.
arXiv :math.AG/0601041
[9] Eugenii Shustin. Patchworking singular algebraic curves, non-Archimedean
amoebas and enumerative geometry. Algebra i Analiz 17 (2005), no. 2, 170–
214.
[10] Oleg Viro. Gluing of plane real algebraic curves and constructions of curves
of degrees 6 and 7. Lecture Notes in Math. ; Topology ; 1982 ; Leningrad.
Berlin : Springer ; 1984.1060 p. 187-200.
[11] Oleg Viro Dequantization of real algebraic geometry on logarithmic paper.
European Congress of Mathematics, Vol. I (Barcelona, 2000), Progr. Math.,
201, Birkhauser, Basel, 2001, pp. 135–146.
[12] Oleg Viro Introduction to topology of real algebraic varieties.
50
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