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LA SOCIÉTÉ PROVANCHER D’HISTOIRE NATURELLE DU CANADA
FAUNE
Pour être viable à long terme, une population
de Rainettes faux-grillon doit contenir plusieurs
Il faut être prudent lorsque l’on juge du succès d’une
relocalisation ou d’une introduction : la survie des amphi-
biens déplacés est parfois temporaire. C’est ainsi que la Rai-
nette faux-grillon de l’Ouest a disparu de l’île de Terre-Neuve
après qu’elle y ait été implantée et qu’elle y ait subsisté pen-
dant 16 ans (Maunder, 1983). Plusieurs des relocalisations
dites « à succès » n’ont pas été suivies à long terme et présen-
tent des résultats peu convaincants (Dodd et Seigel, 1991).
Les problèmes liés à la relocalisation
Bien que simple par dé nition, la relocalisation est en
réalité un processus complexe et risqué. Nous présentons ici
les principaux problèmes qui y sont liés.
Le nombre minimal d’individus
pour une population viable
Il existe un nombre minimal d’individus nécessaire
pour que toute population d’animaux, y compris les amphi-
biens, puisse survivre. Ce nombre minimal est connu pour
certains gros mammifères, grâce à des calculs théoriques basés
sur des facteurs tels le recrutement, la longévité, la fécondité,
le taux de mortalité, etc. (Ricklefs, 1997). Toutefois, pour un
bon nombre d’espèces animales, incluant des amphibiens,
les paramètres de dynamique des populations ne sont pas
connus et le calcul du nombre minimal d’individus pour une
population viable est donc impossible à établir. De plus, ce
nombre est probablement fort variable, selon les régions et
les habitats. Différentes expériences suggèrent que le nombre
d’amphibiens nécessaire pour obtenir une population viable
est de l’ordre de plusieurs milliers. On a proposé que pour
obtenir une population viable minimale de 100 individus
reproducteurs, il fallait introduire de 10 000 à 50 000 œufs
ou larves pendant plusieurs années (Semlitsch, 2002 ; Shaffer,
1981). Chez les amphibiens, le taux de survie des individus
est souvent faible, et la persistance des populations repose
alors sur le nombre élevé d’individus qui les composent et
sur le taux élevé de recrutement. Plusieurs animaux nouvel-
lement introduits dans une population ne participent pas
à la reproduction ; le nombre d’individus à introduire doit
donc être supérieur au nombre théorique minimal (Dodd
Le manque de connaissance des
besoins spéci ques des amphibiens
Les besoins précis en termes d’habitats sont peu
connus pour la majorité des espèces d’amphibiens. On a une
idée globale des milieux fréquentés par certaines espèces,
mais on ignore quelles sont les conditions précises requises
pour leur survie à long terme. Si une espèce est absente d’un
milieu donné, c’est généralement parce que les caractéris-
tiques de l’endroit ne lui conviennent pas, à moins que des
éléments du paysage ou des perturbations n’aient agi comme
obstacle à sa dispersion, ou bien que le taux de dispersion
de l’espèce est faible. Les conditions nécessaires à la survie
des amphibiens peuvent concerner le type d’habitat propre-
ment dit, mais également les paramètres physico-chimiques
de l’eau ou du sol, la composition en espèces végétales, les
conditions d’humidité ou d’ensoleillement, les conditions
climatiques, la durée de la saison de croissance annuelle ou
alors, la présence de parasites, de prédateurs ou de compé-
titeurs importants. De plus, nous ne connaissons que très
sommairement l’histoire naturelle de plusieurs amphibiens,
spécialement les facteurs in uençant la survie à long terme
des espèces. Les amphibiens ont des modes de vie très dif-
férents, selon les espèces. Des caractéristiques telles que la
période de reproduction, la durée du stade larvaire, l’âge à
maturité, les stratégies de survie individuelle, la longévité et
le taux de recrutement varient tellement selon les espèces
qu’il est impossible d’en dégager des généralités applicables
à toutes. Plusieurs projets de relocalisation ont échoué parce
qu’ils ne respectaient pas les besoins des espèces concernées
(Dodd et Seigel, 1991). Seules des études précises et réali-
sées sur de longues périodes permettraient de connaître les
besoins spéci ques des amphibiens.
Le risque d’introduction et de
propagation d’agents pathogènes
L’une des causes qui a souvent été soupçonnée dans
le déclin des populations d’amphibiens est l’introduction et
la propagation d’agents pathogènes tels les virus, les mycè-
tes, les bactéries, les nématodes et autres parasites. Lors d’un
transfert dans un nouveau milieu, les animaux sont parfois
stressés et ont besoin d’un temps d’acclimatation. Le stress,
qui diminue l’ef cacité du système immunitaire, augmente
leur vulnérabilité aux maladies (Carey, 1993). De plus, les
individus introduits peuvent être porteurs de pathogènes. En
1998, un code de déontologie a été proposé par le Groupe de
travail sur le déclin des populations d’amphibiens (DAPTF)
(Ouellet, 1998). Ce code décrit de manière précise les pré-
cautions à prendre lorsqu’on travaille sur différents sites où
vivent des amphibiens. Elles consistent à nettoyer et à utiliser
de l’équipement propre à chacun des lieux, à examiner les
amphibiens pour détecter la présence de maladies ou de
parasites avant de les relâcher, et à éviter de mettre en contact
entre eux des amphibiens provenant de sites différents ou des
équipements ayant servis dans d’autres endroits. La presque
totalité des actions de réintroduction ou de relocalisation