Pourquoi étudier « Otto » de Tomi Ungerer ?
« C'est une sensation très étrange, pour quelqu'un dans mon genre, d'écrire un journal. Non
seulement je n'ai jamais écrit, mais il me semble que plus tard, ni moi ni personne ne
s'intéressera aux confidences d'une écolière de treize ans. Mais à vrai dire, cela n'a pas
d'importance, j'ai envie d'écrire et bien plus encore de dire vraiment ce que j'ai sur le cœur une
bonne fois pour toutes à propos d'un tas de choses. »
Ann Franck ne se doutait pas lorsqu’elle écrivit ces lignes en juin 1942 du retentissement de son
journal ni de l’importance de ses écrits dans le cadre de l’indispensable devoir de mémoire que les
programmes demandent de perpétuer.
Savoir pour ne pas oublier en s’en tenant aux faits, voilà ce que nous devons transmettre. Si l’œuvre
incontournable d’Ann Franck est un élément central de cette transmission, son étude au cycle 3 de
l’école primaire peut paraître compliquée entre autres par ce qu’elle nécessite de cadrage
historique.
Otto de Tomi Ungerer pour les élèves du cycle 3 et du collège, est un formidable vecteur de
connaissances et de compréhension indispensables à la constitution de la mémoire de nos élèves
Otto : l’ours en peluche, objet transitionnel de notre regard et de notre émotion.
Le génie de l’œuvre tient en grande partie au choix du personnage central. Otto, l’ours en peluche
est à la fois le témoin lucide et objectif d’évènements graves et douloureux, et le prétexte à une fable
des temps modernes à la morale universelle.
En faisant d’Otto le narrateur autobiographe de ses mémoires, c’est notre regard de lecteur que
Tomi Ungerer cherche à accaparer et notre émotion qu’il veut capter.
Le choix de l’objet transitionnel par excellence de notre âme d’enfant transporte d’ailleurs l’œuvre
bien au-delà du monde de l’enfance.
La mise en regard de l’œuvre littéraire et de la création théâtrale.
Le spectacle suit le schéma narratif de l’album, mais il n’en reprend pas le mode de narration. Ce
n’est plus l’ours qui se raconte, créant une transition entre l’histoire et le lecteur. Le spectateur est
directement confronté au déroulement des actions et son émotion est sans cesse sollicitée devant
l’innocence et l’humour de certaines situations la cruauté et la froideur des évènements de la
deuxième guerre mondiale.
Le livre et le spectacle, loin d’être redondants, sont complémentaires. Ils sont deux vecteurs
différents d’une même narration et leur mise en regard est un enrichissement culturel pour les
enfants.
Les documents et exercices proposés ouvrent des pistes de travail que les enseignants pourront
utiliser à leur guise.
Les documents préparatoires,
à destination des enseignants
Document 1 : Les lois et mesures antijuives pendant la deuxième guerre mondiale.
Document 2 : Destin d’enfants juifs pendant la 2° guerre mondiale.
à destination des élèves
Document 3 : Relier des extraits de texte à aux illustrations de l’album. Ce travail permet de situer les
actions dans leur chronologie.
Document 4 : Frise chronologique : Les deux repères « authentiques » qui nous ont permis de réaliser
ce document sont 1941 : l’obligation faite aux d’Allemagne de porter l’étoile jaune et 1999 : la date
de sortie de l’album Otto.
Document 5 : Ann Frank : questionnaire autour d’un extrait du journal d’Ann Frank
Document 6 : Tableau des personnages permettant un retour sur les personnages présents ou figurés
dans le livre et dans la pièce de théâtre.
Document 7 : photos du spectacle 1 et 2 Ce document présente des photos du spectacle
correspondant aux images du livre sélectionnées dans les exercices. Il peut permettre l’association
des deux formes d’expression.
Lois et mesures antijuives en Allemagne
28 mars 1933 : ordonnance du NSDAP organisant le boycott des magasins juifs.
1er avril 1933 : mise en place de ce boycott
2 avril 1933 : Le Völkisher Beobachter, organe du NSDAP, annonce l'interdiction aux Juifs
d'exercer des métiers où l'autorité de l'Etat est en jeu.
7 avril 1933 : Loi stipulant que les anciens combattants Juifs peuvent être fonctionnaires,
mais que les fonctionnaires peuvent être mis à la retraite d'office.
1934 : opération "Les Juifs sont indésirables" (Juden unerwünscht) lancée dans tout le pays.
15 septembre 1935 : Lois de Nuremberg
1936 : durant les Jeux Olympiques de Berlin, les inscriptions antisémites sont enlevées pour
donner l'impression d'un climat serein.
17 août 1938 : obligation pour les Juifs d'ajouter sur leurs papiers le prénom d'Israël pour les
hommes et de Sarah pour les femmes.
5 octobre 1938 : obligation de faire apposer un tampon "Juif" sur les les papiers d'identité
9-10 novembre 1938 : la Nuit de Cristal . Première déportation de 30.000 Juifs dans les
camps de concentration.
1er septembre 1941 : port de l'étoile jaune obligatoire pour les Juifs d'Allemagne
23 octobre 1941 : interdiction absolue pour les Juifs d'Allemagne de quitter le pays
1942-1945 : déportation et extermination des Juifs d'Allemagne
L’ours en peluche : une tradition qui trouve son origine en
Allemagne.
Margarete Steiff était une fabricante de jouets allemande, qui avait commencé à produire des
animaux en peluche dès 1880, avec les restes de tissus de l'usine de son oncle. En 1902, elle
est convaincue par son neveu Richard Steiff, employé dans son entreprise, de créer un ours en
peluche, qui selon lui aurait une popularité similaire chez les garçons et chez les filles. Il
revenait du zoo de Stuttgart, où il avait réalisé des croquis d'ours. Il lui présenta alors les plans
d'un ours articulé, l'Ours PB 55, dont elle fabriqua un prototype en peluche de mohair, qu'elle
exposa à la Foire de Printemps du jouet à Leipzig en 1903. L'entreprise Steiff eut un succès
énorme pour l'époque. Les commandes affluèrent, notamment une d'Arique, où un riche
acheteur nommé Hermann Berg en demanda plus de 3 000 exemplaires, ce qui contribua
largement à la popularité des peluches Steiff. Son ours en peluche fétiche fut alors appelé
« Friend Petzy ». En 1907, la fabrication des ours en peluche dépassa le million.
Aujourd'hui, quelques ours des premières années de Steiff subsistent. Ils sont reconnaissables
par un bouton de métal dans l'oreille gauche. L'entreprise existe toujours. Elle a créé de
nouveaux modèles d'ours à la fin du XXe siècle, dont « Zotty » le grizzli.
OTTO : Quelques repères historiques
Eduquer à la citoyenneté
Ces textes vous permettent d’aborder le sort des enfants juifs. La lecture de
documents authentiques est essentielle pour comprendre l’ancrage historique
d’Otto. Il est important de comprendre ce qui appartient à la fiction et ce qui est la
réalité, et nécessaire d’utiliser les témoignages pour amener les enfants à
comprendre ce qui s’est passé.
On évoquera avec les enfants les raisons de la déportation. Il n’y avait qu’une
raison aux déportations d’enfants juifs pour les nazis. Ces enfants n’avaient pas
commis de crime, n’avaient pas attaqué l’armée allemande. Leur seul crime était
d’être juif.
Quelques destins d'enfants juifs
Anne Frank
Anne Frank naquit à Francfort-sur-le-Main, en Allemagne, en juin 1929. Elle
commença à tenir son Journal, un des plus célèbres témoignages sur la Shoah,
à l'âge de treize ans. Traduit dans plus de cinquante langues, c'est aujourd'hui
un des livres les plus lus au monde. Il a paru récemment dans sa version
intégrale. Peu après l'arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933, Anne et sa famille se
réfugièrent aux Pays-Bas. Comme de nombreux Juifs allemands, son père Otto,
sa mère Edith et sa sœur Margot croyaient et espéraient y être à l'abri de la
persécution nazie.
La vie normale de la famille s'interrompit brusquement en mai 1940, lorsque
l'armée allemande occupa le pays. Comme beaucoup d'autres Juifs aux Pays-
bas, Otto Frank aménagea une « cachette » pour les siens dans une petite
annexe secrète de l'immeuble il avait ses bureaux. En juillet 1942, ils furent
obligés de s'y réfugier.
Anne notait dans son Journal, à propos de cette décision nécessaire de son père
: « C'était dangereux de se cacher. Les Juifs qu'on découvrait ou qui étaient
trahis partaient aussitôt en camp de concentration, et aider quelqu'un était puni
de mort. » Malgré la protection de voisins non juifs, la famille finit par être
dénoncée à la Gestapo et elle fut arrêtée le 4 août 1944.
Comme plus de 100 000 Juifs hollandais avant eux, la famille Frank fut conduite
au camp de concentration de Westerbork. Un mois plus tard, ils étaient tous
déportés à Auschwitz. Edith Frank mourut en janvier 1945, peu avant la
libération d'Auschwitz. Anne et sa sœur Margot furent renvoyées dans l'ouest de
l'Allemagne, au camp de concentration de Bergen-Belsen. Les deux sœurs
moururent du typhus avant l'arrivée des soldats britanniques qui libérèrent le
camp. Otto Frank survécut à la captivité et finit par revenir à Amsterdam. Des
amis de la famille lui remirent le Journal d'Anne qu'ils avaient préservé.
Le "Juif" chassé des écoles
A partir de 1933 les élèves juifs furent systématiquement chassés du système
scolaire allemand. La photo montre deux élèves juifs humiliés pendant un cours
d'idéologie nazie. On lit sur le tableau : « Le Juif est notre plus grand ennemi.
fiez-vous des Juifs. »
Des élèves juives ont raconté les effets de l'introduction de l'idéologie nazie dans
leur école pendant les années 1930. Pour la jeune Hilma Geffen-Ludomer, seule
enfant juive de la banlieue berlinoise de Rangsdorf, la loi sur le numérus clausus
dans les écoles allemandes se traduisit par un changement de vie complet.
«L’atmosphère sympathique de bon voisinage» se dissipa «brusquement
[...]. Soudain, je n'eus plus d'amis du tout. Je n'eus plus d'amies filles et
beaucoup de voisins craignirent de nous parler. Certains de ceux que nous
allions voir me dirent : " Ne viens plus parce que j'ai peur. Nous ne devons plus
avoir de contact avec les Juifs."» Lore Gang-Salheimer, âgée de onze ans en
1933 et résidant à Nuremberg, fut autorisée à rester dans son école parce que
son père s'était battu à Verdun pendant la guerre. Néanmoins « des enfants non
juifs commencèrent à me dire : "Je ne peux plus rentrer de l'école avec toi : on
ne doit plus me voir avec toi." »
« Chaque jour qui passait sous le régime nazi, écrivait Martha Appel, l'abîme
entre nos voisins et nous s'élargissait. Des amis avec qui nous avions entretenu
des relations chaleureuses ne nous connaissaient plus. Soudain nous
découvrîmes que nous étions différents. »
Extrait de Dites-le à vos enfants, p. 48, op.cité dans la bibliographie
Une salle de classe polonaise
Cecylia Przylucka, une jeune polonaise, se souvient de ses camarades de classe
et évoque leur sort. « Prenez une loupe pour regarder les enfants sur la photo.
Ce sont des enfants de la ville de Kozowo en Podolie, de la classe de 5e A,
heureux parce que les vacances vont commencer. »
La première fois que je suis allée à l'école, mon père demanda qu’on me mette à
côté des enfants juifs. Il ne cessait de répéter : « Les Juifs sont un peuple sage :
on devrait toujours tenir compte de leurs conseils ».
« C’est peut-être pourquoi je devins si proche d’eux. Mes préférées étaient Rosa
et Klara, assises au milieu de la classe. Roza était sérieuse. Elle étai coiffée la
plupart du temps avec des nattes ramenées par des rubans en macaron sur les
oreilles. C’était la meilleure en mathématiques et elle aidait les autres élèves.
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