Une réflexion sur la prolifération des sectes

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Annales FLSH N° 16(2012)
LA RELIGION ET L’ECONOMIE CAPITALISTE : Une
réflexion sur la prolifération des sectes
Par
Maurice BONDULU Boita,
Assistant à l’Université de
Kisangani/FLSH
Abstract
RELIGION AND CAPITALIST ECONOMY.
REFLEXION ON SECT PROLIFERATION
This paper deals with reflexion on religions practice or religions life
through sect proliferation phenomenon. The way in which religiosity is
phenominalised gives favour to this analysis which tempts to put religions
close to capitalist economy.
In fact, in the same way as human is homo sapiens, economicus, he is
also homo religions. Religious dimension is one of human ontologic
dimensions. It cannot be subordinated to categorial consideration
waterever the context.
However, the manner in which the contemporain practices his
religiosity shows us the contrary. Motivated by the structural
disarticulation of Congolese society, sect phenomenon deviated more
economically than religiously. That is why, nowadays for curious people it
appears as PME, a capitalist enterprise which, instead of caring of people
faith it looking for responsible interest and it conducts to disciples
alienation.
In order to sort from this engrenage and refined original essence of
religiosity a critical wake is necessary. The critical spirit will make us
understand that religion is an area in which human recognizes his
contingent and limited nature. Or milieu of meeting with the Absolute in
order to realize what you are. That why religiosity must be lived in
disinterested contemplation and not in utilitary and mercantilist report.
O. INTRODUCTION
Le phénomène religieux est aujourd’hui au cœur de plusieurs
controverses. L’homme contemporain est plus attiré par le sensible, dans
l’ensemble de ses activités. Sa relation avec l’absolu est basée sur
l’ « intervention » de l’absolu dans les affaires humaines. Dans ce cadre, le
phénomène miracle dans les églises devient l’élément fondamental utilisé
pour attirer l’adhésion des fidèles. En effet, vouloir réduire le sens de
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l’absolu à sa fonctionnalité, à son intervention « matérielle » discrédite
l’essence de la religion dans son ensemble. Et certains y croient l’influence
des supers grands qui usent de l’idéologie religieuse pour asseoir son
hégémonie d’autant ces différents mouvements y trouvent leur source de
financement. Les tenants de cette thèse pensent au prolongement de la
mission trilogique de la colonisation ou esclavagisme comprenant les
missionnaires, les colons et l’Europe lors de l’exploitation des pays du
tiers monde en général.
Ce fait s’est amplifié avec la disparition du bloc communiste qui a
consacré l’apogée du système capitaliste. Dès lors notre société, devenue
capitaliste, ne poursuit autre but que lucratif, l’intérêt. Il suffit de jeter un
regard pour être convaincu que la course au profit, à l’intérêt s’est
rependue dans les secteurs vitaux. A notre avis, le fait religieux, à travers
le phénomène de la prolifération des sectes, n’échappe pas à cette nouvelle
donnée. Ce constat nous pousse à affirmer que la religion, bien qu’utilisant
une certaine idéologie, est tombée dans l’idéologie de l’économie
capitaliste. L’éthique religieuse, basée sur la doctrine sociale, est ainsi
aliénée par l’éthique capitaliste ; le religieux est donc subordonné à
l’économie. Cette situation ne peut qu’interpeler plus d’une personne à
prendre conscience de cette déviation et confusion d’ordre, de sens et
d’essence.
C’est pourquoi, le titre de cette réflexion, comme on peut l’imaginer,
appellerait, d’une part, la classification des notions fondamentales
d’économie capitaliste, de religion et de sectes et d’autre part, la précision
du rapport entre la prolifération des sectes et l’économie capitaliste. Une
analyse approfondie des notions, une évolution rapide du mode de
fonctionnement et de fondement recadrera d’avantage le débat.
Notre analyse s’articule autour de trois points :
 Dans le premier, nous clarifions les concepts qui nourrissent cette
étude ;
 Le deuxième rappellera les idées maitresses du fonctionnement et du
fondement de l’économie capitaliste ;
 Le troisième traitera du rapport entre prolifération des sectes et
l’économie capitaliste. Il sera question de voir l’ethos, le pathos et le
logos de leur message afin de la comprendre comme tributaire de
l’hégémonie capitaliste.
I. SENS ET ARTICULATION DES CONCEPTS OPERATOIRES
I.1. Economie capitaliste
Le sens de l’économie capitaliste se saisit dans une relation qui situe
l’homme dans un cycle ou processus engageant les actes de production,
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d’échange, de répartition et de consommation des biens et des services.
Pour cela, elle suppose les in put qui sont les activités de production (force
productrice) et les out put constitués des activités de consommation. Ainsi,
pour Mokili Bitilasi (2011), l’économie et une science qui engage les êtres
humains dans un rapport des actes de production, échange, répartition et
consommation des biens et des services.
Faisons remarquer qu’au cours de son développement, l’économie a
acquis plusieurs formes. Ainsi, elle peut être libérale, capitaliste, socialiste
ou communiste. Toutes ces formes dépendent de l’accent qu’elles mettent
sur tel ou tel autre aspect. En ce sens, lorsqu’on y ajoute l’adjectif
capitaliste, l’économie se réduit au niveau de l’entreprise individuelle dans
laquelle une personne amasse des capitaux et entreprend une activité pour
la maximisation de profit. Car « le capitalisme est résultante de forces
adjectives. Il se développe comme une mécanique. Il est en ordre de causes
efficientes et non de causes finales. C’est un matérialisme. C’est le régime
de la marchandise, de l’argent et du capital » (BIGO, P., 1953, p. 216).
L’économie capitaliste est un mode de production dont les ressources
sont canalisées vers l’augmentation de gains. Pour y parvenir, une éthique
soujacente lui est consubstantielle, notamment l’éthique utilitariste. C’est
pourquoi elle est une formation économique et sociale à l’intérieur de
laquelle existe une combinaison concrète et complexe de nombreux modes
de production répartis en groupes dominant et dominé. Considéré sous ce
biais, « comme comportement, comme mode d’existence, comme façon
pour les hommes de se situer les uns par rapport aux autres, le capitalisme
se présente comme un système objectif à l’intérieur duquel se développe
de graves antagonismes » (Ibidem, p. 214).
L’antagonisme au sein duquel baigne l’économie capitaliste montre
que l’homme n’est pas seulement un homo economicus, mais aussi un
homo religious établissant des rapports divers avec la transcendance. Ce
rapport a donné lieu à plusieurs pratiques qui se résument en pratiques
religieuses.
I.2. Religion
La religion est généralement définie comme « un système solidaire de
croyances et de pratiques relatives à des hommes sacrés » (POUPARD, P.,
p. 1684). Au fait, la religion est une activité spirituelle ou tout au moins
une pratique de l’être humain qui le met en relation avec l’Etre suprême ou
l’Absolu. Au niveau de cette pratique, nous constatons que c’est
l’aspiration profonde de l’homme qui, ayant découvert sa petitesse ou sa
finitude veut se réaliser dans l’Etre suprême.
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Bien qu’étant une pratique sociétale, la religion est caractérisée par
une certaine spontanéité au sein de laquelle baignent les adhérents. Cette
spontanéité trouve néanmoins une explication adéquate dans le désir qui se
trouve au fond de tout pratiquant. Car, estime J-Y. LACOSTE (2002, p.
999), « Il existe aujourd’hui parmi les théologiens, les spécialistes de la
philosophie et des sciences de la religion un consensus presque unanime
pour désigner le but et le fondement de la religion par le terme salut. C’est
bien ce que le divin nous offre « naturellement » et ce qu’il attend que
nous attendions de lui ».
En plus, il convient de souligner qu’en entrant en relation avec l’être
absolu, le transcendant, l’homme ne cherche pas à l’égaler mais plutôt à se
réaliser à travers un effort de dépassement de soi. La condition humaine la
situe mieux dans ce contexte. L’homme s’étant rendu compte de sa
contingence se réfugie auprès d’un être nécessaire auprès de qui il a reçu
par un hasard son existence. Cela se manifeste constamment chez l’homme
lorsqu’il se retrouve devant des difficultés face auxquelles il ne peut rien.
Ainsi, pour se réaliser face à ces difficultés, il se confie à ces supers
puissances. En ce sens, la religion est un geste ou signe de soumission de
l’être imparfait à l’être parfait, de l’être finit à l’être infini. Dans cet ordre,
« l’accomplissement fondamental et final de la religion serait alors non pas
de surmonter la finitude mais de se dépasser soi-même dans l’adoration du
divin. C’est par elle que les hommes trouvent dès maintenant
(provisoirement et en guise d’ « arches » à venir) leur place dans le temps.
C’est par elle que le monde trouve son ordre » ( ibidem).
La relation qui s’établit entre l’homme et le sacré est de l’ordre de la
contemplation. L’homme s’élève et dialogue avec le sacré à travers la
prière qui est une parole intérieure. L’homme au fond de son être, fait un
effort de se dédoubler afin de se réaliser en dialogue à première approche
asymétrique. Pour cette fin, la religion demeure aujourd’hui « un lieu
essentiel des dialogues et des pratiques des hommes, en référence au sacré
et au divin » (POUPARD, P., Op. cit. p. 1688). Dans ce dialogue, l’homme
exprime sa quête perpétuelle du sacré comme seule réalité à partir de
laquelle il peut exprimer son existence. Cette disposition ontologique
relève de la nature même profonde de l’homme qui fait de lui un être en
devenir incessant. Il est donc un projet car fournissant un effort pour sortir
de soi. C’est ainsi que Jean-Yves Lacoste (Op. cit. p. 1001) pense que le
cheminement religieux des hommes est en eux l’expression d’un sentiment
de leur condition de créature. Il atteste de diverses manières qu’ils sont en
quête de la réalité divine sur laquelle se fonde la création tout entière et,
par là, l’unité de l’espèce humaine ». Cet effort a donné naissance à des
structures et sous-structures qui ont les noms d’Eglises ou des confessions
religieuses, sectes, etc.
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En effet, l’évolution de ce mouvement a connu des moments de
troubles importants portant sur la tradition même. C’est la cause des
séparations donnant naissance à des mouvements messianiques dénommés
soit sectes, soit Eglises de réveil, etc. Mais qu’est-ce qu’au fond une
secte ? Quelle est son essence ? Sur quoi se fonde-t-elle ?
Du radical latin « sectus », secte signifie couper, retrancher ; de
l’intensif sequis issu de « sectari », elle signifie suivre assidument. Ce
radical latin dans sa charge sémantique renvoie à l’idée d’un groupuscule
qui se décide pour des raisons qu’il juge fondées, de se détacher d’une
église considérée comme un noyau, un centre de commande de toutes les
activités. C’est en ce sens que N’deke Ngunga (1994, pp. 63-64) définit
une secte comme « un groupuscule d’individus qui suit et s’attache à une
doctrine soit parce que proclamée par un maître auquel les membres louent
une révélation absolue, soit parce que recoupant dans un contenu une
logique que ceux-ci veulent vivre et faire appliquer ». Mwene Batende
renchérit que ce terme connote la dissidence c’est-à-dire la séparation
d’une Eglise –mère et l’assiduité à une nouvelle communauté religieuse
porteuse d’une bonne nouvelle.
Point n’est raison de rappeler qu’une secte est toujours issue d’une
Eglise-mère. En se séparant i d’elle, elle se présente comme une nouvelle
vision du monde se réclamant ainsi d’une autorité révélée. Elle pense
mieux interpréter la Bible et partant, toucher les problèmes qui touchent
les chrétiens face auxquels les Eglises traditionnelles n’ont rien dit. Ainsi,
on ne s’inquiétera pas d’entendre des déclarations comme : venez chez
nous, car nous avons la vérité, chez nous on prêche mieux que chez vous,
chez nous on chasse les démons, on opère des miracles, on guérit des
malades, on délivre, etc. Son message bénéficie certainement d’une
complicité de la crise économico-sociale qui expose le peuple à n’importe
quelle manipulation. Généralement, pense Ndeke (art.cit. p. 70), « les
malaises psycho-sociaux sont déterminants dans ces adhésions. Devant des
situations de frustrations, de peur, d’insécurités dues aux maladies, la
pauvreté, à la faim, à l’envoûtement, aux mutations sociales dont
l’urbanisation et la modernité dans le choc-retour qu’elles impriment dans
des couches sociales d’essence communautaire. Les couches pauvres et
moins instruites sont les plus exposées à des courants prétendument
sécurisants ».
Plusieurs facteurs entrent en jeu dans l’éclosion d’une secte. Le plus
souvent, ces facteurs sont des événements face auxquels l’homme ne peut
rien. Il les classe dans l’ordre mythique et les considère comme sort jeté
par les mauvais esprits. Ainsi, un chômeur, un célibataire, un malade dira
facilement on m’a bloqué, on m’a ensorcellé, on m’a mis dans une
bouteille, etc. Pour s’en sortir, il faut l’intervention des êtres supérieurs
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dont la puissance se phénoménalise auprès des devins. Dans cette
perspective et « face aux impasses d’une société en désagrégation,
l’engagement dans les sectes offre en quelque sorte une voie vers un
refuge mythique, un déplacement qui met à l’abri de l’affrontement,
manifestation en cela l’échec de la maitrise de notre monde et
l’acceptation presque résignée de l’impuissance de l’adepte devant la toute
puissance de l’environnement socio-physique dont l’hostilité paraît
indomptable » (Ngoy Ngonda Ndenge, 1994, p. 75).
Pour ce faire, ces mouvements mystico-religieux fondent leur
prédication sur des thèmes qui essaient d’une manière ou d’une autre de
répondre aux problèmes fondamentaux de la population. Il caricature la
réalité par une éloquence qui efface le doute auprès des adeptes sur
l’originalité de la mission. Bref, Ndenge Ngunga (art. cit. pp. 70-71) nous
fait remarquer que « parmi les facteurs qui attirent beaucoup de gents vers
les sectes, l’on peut citer : la protection sociale et la libération, la
socialisation et la découverte de la Bible. La protection sociale et la
libération se traduisent par la trilogie guérison-délivrance-protection.
Présentées en grands renforts de publicité, les guérisons et les séances de
délivrance spectaculaires captivent les couches sociales pauvres ».
Tout ceci montre que les mouvements religieux se fondent sur un
logos, un pathos et un ethnos qui favorisent aussi bien son éclosion que
son fonctionnement. Nous y reviendrons en détail plutard. A présent,
voyons comment fonctionne l’économie capitaliste.
II. Du fondement et du fonctionnement de l’économie capitaliste
L’économie capitaliste est le fruit du libéralisme économique qui a eu
lieu au XIXème et XXème siècle. Ce courant ‘’libéraliste’’ avait affecté
aussi le domaine politique. Ainsi, du point de vue économique, on parle du
capitalisme qui s’oppose au communisme ou au socialisme et du côté
politique, la démocratie qui s’oppose aux systèmes dictatoriaux ou
totalitaires.
L’économie capitaliste est un système (-une structure-) à l’intérieur
duquel une série d’engrenages fonctionnent de manière harmonieuse sans
collision ni déraillement. Il respecte ses principes pour son
fonctionnement. Pour que ce système naisse, trois conditions, trois
préalables sont à observer. Ces derniers sont à bien des égards constitutifs
des mécanismes de l’accumulation de profit : « La réparation du travail et
des moyens de
production, l’existence des travailleurs libres et
l’accumulation du capital » (Labica G.et Bensussan G., p. 146).
Parlant des conditions, Labica G.et Bensussan G (ibidem), spécifient
qu’au moyen du système capitaliste, il y a donc la séparation radicale du
producteur d’avec les moyens de production ; l’accumulation primitive est
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ainsi le mouvement historique qui convertit les producteurs en salariés, en
les affranchissant du servage et de toutes contraintes liées à l’ordre féodal
comme le régime des corporations ; ce capital argent apparaît dès que la
production pour l’échange des marchandises se développe à côté de la
production destinée à satisfaire directement les besoins des producteurs.
Au fait, en scrutant les conditionnalités relatives à la naissance et au
fonctionnement du capitalisme, une idéologie fondamentale traverse les
esprits, à savoir la place qu’occupe le profit ou le gain. En d’autres termes,
pense Max Weber (n° 905), « le capitalisme moderne, différent de ce que
l’on appelle souvent ainsi dans d’autres civilisations, se caractérise d’abord
par une recherche rationnelle du profit ».
De cette considération, il se dégage trois piliers sur lesquels se fonde
le système capitaliste. Il s’agit notamment de la libre entreprise, du libre
marché et de la maximisation du profit. Ces trois piliers constituent
l’essentiel de la foi libéraliste en matière économique.
II.1. La libre entreprise
La libre entreprise est le premier principe du système économique
capitaliste. Ce principe stipule tout simplement que tout individu, ou
groupe d’individus, est libre d’entreprendre une action qui soit pour son
intérêt. Aucun individu ne peut être interdit, par une structure qu’elle soit,
d’organiser une activité pour son intérêt. En ce sens, le capitalisme est
d’abord une « technique de production ». Deux traits le caractérisent sous
cet angle, le premier d’ordre physique, le second d’ordre social :
allongement démesuré des trajets que suit la matière première avant de
parvenir au contact du consommateur, extraordinaire entrelacement du
producteur le long de ces trajets » (Bigo, Op. cit. p. 210).
Aussi, notons que par l’application de ce principe, les décisions sont
prises par ceux qui possèdent le capital de l’entreprise, les entrepreneurs,
pour les entreprises cotées en Bourses, seuls ceux qui en ont acheté les
actions disposent de ce pouvoir. En ce sens, il s’en suit que les entreprises
sont donc uniquement contrôlées par ceux qui ont les moyens capables
d’acheter les actions. En conséquence, le pouvoir économique de chaque
personne dépend donc directement de sa capacité à acheter des actions,
c’est-à-dire, de sa fortune » (hptt://www.oboulo.dépendance économique).
Actuellement, l’on constate que la libre entreprise est favorisée par la
mondialisation. Cette dernière professant la miniaturisation de la planète
grâce à l’internationalisation des flux économiques, un citoyen du monde
peut entreprendre son action partout il juge son activité rentable. C’est le
cas des sociétés multinationales qui sont implantées de par le monde. Ce
qui les préoccupe, dans une certaine mesure, demeure « le droit de l’Etat »
qu’elles doivent verser avant d’implanter leur action. Donc, en pratique,
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ces sociétés bénéficient d’une liberté d’échange et de marché vis-à-vis de
l’Etat dont le pouvoir est sensiblement diminué ou simplement limité.
II.2. Le libre marché ou le libre échange
La libre entreprise évolue avec le libre marché ou le libre échange. Le
principe du libre marché stipule que la transaction entre acheteurs et
vendeurs est déterminée seulement par leur consentement mutuel en tenant
compte de la loi du marché. Cela exclut que l’une des parties obtienne la
conclusion du marché par contrainte ou l’intervention du tiers pour forcer
ou empêcher le marché. Avec ce principe, l’on s’achemine vers la
consécration du principe de la limitation de l’intervention des pouvoirs
publics à l’application de droits de propriétés, respect des contrats et
vérification du consentement. A ce niveau, soutient Bigo (Op. cit, p. 212),
« la régulation de l’économie capitaliste est abandonnée aux
microdécisions des entrepreneurs et des consommateurs ».
Avec le libre marché, chaque intervenant est donc libre de fixer son
prix par rapport au profit qu’il entend gagner. Il est maître de son marché.
C’est ainsi que pense Pierre Bigo (ibidem, p. 211), « techniquement, le
capitalisme a son origine, non pas dans l’apparition d’un facteur autonome
de production, le capital, mais dans un événement qui dispose autrement
les travailleurs les uns par rapport aux autres et par rapport à la nature ».
Le principe du libre marché justifie le comportement d’un capitaliste face
au tiers en vue de maximiser le profit.
II.3. Maximisation de profit
Le principe de la maximisation de profit demeure le principe sacrosaint du système capitaliste. Les deux principes précédents n’ont de sens et
d’importance que lorsqu’ils conduisent ou favorisent l’accumulation ou
l’augmentation de profit. Considéré comme mode de production, « le
capitalisme est production de marchandises pour le profit, lequel est
destiné à l’accumulation » (G. CABICA et G. BENSUSSAN, Op. cit., p.
146).
En effet, une société privée a l’obligation de faire des bénéfices pour
pouvoir rémunérer les actionnaires qui lui apportent les capitaux
nécessaires à son développement. Ces bénéfices servent également à
constituer des réserves pour se prémunir contre des différents incidents et
besoins en investissement. Cette obligation de faire des bénéfices conduit
inexorablement l’entreprise à réaliser au quotidien des efforts de gestion et
des gains de productivité qui améliorent l’efficacité du service rendu et qui
créent de la valeur pour l’économie.
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Le propriétaire des capitaux met tout en œuvre pour accroitre son
intérêt ou son profit. C’est pourquoi, il peut procéder par augmentation des
heures de travail, la diminution de salaires et autres mécanismes qui lui
semblent efficaces à la maximisation de profit.
Car « produire de la plus-value sous ses différentes formes (plusvalue absolue, relative ou extra), telle est en effet la loi fondamentale du
capitalisme » (G. CABICA et G. BENSUSSAN, Op. cit., p. 147). Pour y
parvenir, la doctrine du libéralisme économique au sein de laquelle la
concurrence est libre et non forcée, prône l’affaiblissement du pouvoir
étatique au profit du pouvoir économique. Il est donc question de
dépouiller le pouvoir politique au profit de celui du marché. C’est
pourquoi, pense Bigo (Op. cit., p. 212), « sous les deux formes où il se
présente, capital de production ou capital de consommation, entreprise ou
fortune, le capital privé n’a pas à tenir compte, dans ses options, d’aucune
autre considération que celle de son intérêt. La législation peut limiter le
champ de ses décisions, le capital ne connaît d’autre loi interne que celle
du maximum de gains ».
Par ailleurs, notons que l’économie capitaliste introduit une nouvelle
relation entre les personnes et leurs productions. Son mode de
fonctionnement est tout à fait autre par rapport aux autres systèmes de
production. De cette relation, il se découle une aliénation pure et simple de
l’homme qui produit les marchandises et n’est aux yeux de capitaliste,
qu’un moyen de production comme les autres. Cette considération montre
clairement l’objectivation de l’homme au sein de ce système. En
conséquence, le capital se trouve en situation d’autonomie au regard des
producteurs « directs » ou des prolétaires. C’est ce que note Pierre Bego en
ces termes : « …cette rupture et l’objectivité qui en résulte, est l’essence
même du capital, comme réalité existentielle. Ce capital ne s’occupe ni de
l’homme qui est dans le besoin, ni de l’homme qui travaille. Que cet
homme vive ou meure, cela ne modifie pas son comportement. Il suit son
idée, voilà tout. Et son idée, c’est de s’augmenter du profit au cours de la
révélation qu’il opère sur lui-même en s’investissant dans un processus de
production : argent-marchandise-argent, et de recommencer l’opération
lorsqu’il l’achève, puisque, ayant sa fin dans une pure augmentation
quantitative, elle a toujours la même raison d’être » (ibidem, p. 214).
Cela se passe de tout commentaire. Le mode de fonctionnement du
capitalisme met en évidence le profit, l’intérêt qui semble accompagner les
mouvements religieux, en l’occurrence les sectes. Voyons-le d’un peu plus
près.
III. La prolifération de sectes comme conséquence de l’hégémonie capitaliste
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Avant d’aborder cette articulation, rappelons que, de la même manière
qu’avait conclu Paul Ricœur en affirmant que le signe ou le symbole
donne à penser ; laquelle affirmation a été reprise par Nkombe Oleko en
ces termes : les proverbes donnent à penser, de même nous aussi nous
pouvons haut et fort clamer que la prolifération des sectes donne à penser !
Pourquoi s’étonner ainsi ? C’est juste pour répondre à un besoin
philosophique de quête de sens ou de fondement de choses parce qu’il fait
partie de la totalité du réel.
En effet, le phénomène religieux est un acte social. La dimension
religieuse ou le sens du sacré est caractéristique de l’homme. Elle lui est
connaturelle. Elle est liée à la nature finie et contingente de l’homme. Ce
phénomène devient inquiétant ou problématique lorsqu’il s’écarte de
l’essence même de la religion. Ainsi, à ce niveau, la prolifération des
sectes nécessite une rexamination appropriée.
Nous référant à Max Weber (Op. cit.) qui pensait que c’est l’éthique
protestante qui donna naissance à l’économie capitaliste, nous pouvons
supposer qu’aujourd’hui, le système capitaliste a donné naissance à la
prolifération des sectes. Comment ? Voilà encore une question qui donne
à penser !
Certes, parler de la « religion » en termes capitalistes, paraît, à la
première approche inconcevable ou inadmissible. Qu’à cela ne tienne, le
vécu religieux actuel nous permet de nous lancer dans cette entreprise
parce qu’à travers la prolifération des sectes, la religion perd petit à petit
son essence, sa vitalité. Elle se trouve figée dans un cadre qui voile son
ambition.
Rappelons-nous que les sectes sont des mouvements religieux issus de
la désarticulation générale de la société et qu’ils essaient d’apporter tant
bien que mal des solutions. Elles se présentent comme des nouvelles
visions du monde révélées. Aux yeux de beaucoup d’observateurs, « les
sectes correspondent toujours à des situations historiques de frustration,
d’impuissance totale ou de désespoir qu’elles essaient de transformer en
créant une contre-église et peut-être plus encore une contre-société où les
déficiences des Eglises et de la société sont contestées de nouvelles
espérances souvent utopiques et illusoires libérées grâce à un engagement
personnel radical basé sur une expérience religieuse spécifique » (R. DE
HAES, 1989, p. 11).
Dans leur fonctionnement, on contrôle qu’ils s’écartent de l’idéal ou
de l’objectif ; ils sont le couroi de transmission. Raison pour laquelle ils
peuvent être compris comme des antennes-filles du système capitaliste au
sein duquel nous relevons un certain nombre d’éléments.
La libre entreprise est caractéristique de quiconque a le courage de se
proclamer prophète, apôtre évangéliste, etc. Ce dernier est libre
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d’implanter son église à n’importe quelle place où il juge rentable. Au nom
de la mission ou révélation il peut commencer sans payer les résidences à
l’Etat car il se dit envoyé de Dieu. Ainsi, c’est le libre marché qui s’ouvre.
Se faisant missionnaire, il se trouve parfois être exonérer au de la parole
de Dieu qui ne se fait payer ; son entreprise continuera. Et pourtant ce qu’il
vise n’est autre chose que l’enrichissement ou le profit.
Actuellement, les sectes se font passer comme des petites et moyennes
entreprises. La majorité de responsables de ces sectes exploitent
malignement les fidèles qui viennent désespérément chercher des solutions
à leurs problèmes. Ils font tourner l’essentiel de leur message sur un
certain bien qu’aura l’homme qui soutient le serviteur de Dieu ; sur les
questions liées au célibat, au chômage, à la stérilité, au bonheur, à la
guérison, aux maladies, aux délivrances, etc. qu’ils interprètent comme
une malédiction, une punition. Pour que les fidèles puissent être délivrés, il
leur faut des sacrifices ou ils doivent payer « l’amande », ou mieux, la
bénédiction. D’où l’expression : « pesa opambolama ». La bénédiction qui
est un acte libre de Dieu est maintenant soumise à la volonté égoïste des
pasteurs qui visent leurs intérêts. Avec ce préalable, on crée déjà la
discrimination parce que ceux qui n’ont pas de moyens vont se sentir
exclus des grandes séances de bénédictions dont ils ne peuvent profiter. La
pratique de l’offrande catégorisée n’est pas du reste et pousse les fidèles à
aller au-delà de leurs capacités. Ceux qui ont un petit montant à donner, se
sentent déshonorés car l’invitation à cette fin se fait sur base de la valeur
du montant.
Exemple :
- Nous allons commencer par ceux qui ont amené 100Fc,
- Ceux de 200Fc,
- Ceux de 300Fc,
- Ceux de 400Fc,
- Ceux de 500Fc,
- Ceux de 1000Fc,
- Ceux de 5000Fc, etc.
Cette pratique est aussi perceptible lorsque le pasteur veut voyager.
Ici, on trouve que le pasteur peut gagner 10 fois que ce qu’il cherchait.
Prenons l’exemple d’un billet d’avion qui coûte 350$. Pour l’avoir, il
commence comme suit :
Qui peut donner :
- 300$
- 250$
- 200$
- 150$
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- 100$
- 80$
- 50$
- 30$
- 20$
- 10$
- 5$ et moins.
Vous allez constater qu’avec le souci de la bénédiction, ces pauvres
fidèles vont s’exécuter dans toutes ces catégories parce que tout le monde
se dit il faut « na contribuer na voyage ya pasteur ». Malheureusement, au
lieu que le pasteur puisse être honnête pour leur dire que il a déjà reçu le
billet avec la contribution de 2 ou 3 personnes, il va continuer avec
l’opération 2 ou 3 Dimanches successifs. L’excédent prend une destination
inconnue. Cette situation pousse Marie-France Cros et François Misser
(2006, p.56) à penser que « Elles (sectes) servent à fournir une source de
revenus à des nombreux entrepreneurs en religion et à soulager de leur
angoisse existentielle des populations de tout niveau intellectuel et
financier qui ne savent vers quel sauveur se donner ».
Aussi, faisons remarquer que la manière dont ces sectes sont
organisées ou fonctionnent prouve à suffisance qu’il y a bien un agenda
caché de la part du responsable qu’il les passe sous un paravent
messianique ou évangélique. Dans la hiérarchie, on trouve que le circuit
est fermé aux seuls membres de la famille. C’est ainsi que vous trouverez
dans la majeure de cas à la tête, le père ; à la caisse sa femme ou l’un des
enfants et les autres postes stratégiques s’inscrivent simplement à cette
logique. Bénéficiant d’une certaine confiance aveugle de la part de fidèles,
ils justifient cette hiérarchisation par une certaine révélation ou vision.
Ainsi, quiconque voudrait avoir des éclaircissements sur la manière dont
les biens de l’Eglise sont gérés, est vite associé à un esprit satanique,
démoniaque et la meilleure de façon de s’en débarrasser est de
l’excommunier. Pour atteindre son objectif, le pasteur va utiliser un
argument par aveu alors qu’il est en train de résoudre un différend
personnel. C’est de la pure exploitation de l’homme par l’homme. C’est
ainsi que le Révérend Père René de Haes (Op. cit, p. 17) juge la confiance
aveugle, caractéristique des sectes de dangereuse. Car elle expose
l’homme à être manipulé pour des entreprises totalitaires ou fascinantes
dont il ignore les implications et les conséquences.
Un autre point interpellateur des sectes, est l’origine des disputes, de
division ou de la séparation. Le résultat de notre enquête a révélé que plus
de 75% de disputes ou séparations au sein des sectes sont liées à gestion
financière ; 15% théologique ou doctrinale et 10%, les autres paramètres
de la vie. Sur le plan économique, cette situation se situe au niveau des
responsables, surtout entre évangéliste et pasteur. Le plus souvent les
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pasteurs, même s’ils n’ont pas officié, voudraient toujours centraliser la
dîme dominicale au détriment de l’évangéliste qui, vraisemblablement
l’aurait produit. Et lorsque l’évangéliste ne se retrouve pas, il va claquer la
porte et créer son Eglise où il aura le pouvoir sur tout. Tout ceci se passe
sous le regard impuissant des fidèles dont la responsabilité n’est réduite ou
ne se limite qu’à la simple obéissance aux ordres de l’officient. Une fois de
plus, la religion devient un canal par lequel les uns s’enrichissent et les
autres s’appauvrissent à dessein.
Les sectes ou mieux leurs responsables endoctrinent les fidèles, les
enfermant dans un carcan idéologique qui les affaiblit et les anéantit au
nom d’une intervention miraculeuse de Dieu. Vous qui avez besoin de
ceci, venez, dans peu de temps vous allez l’obtenir. Pour cela, ils
retiennent les fidèles des jours et des jours sans travail, bafouent même
cette instruction de Dieu qui dit : vous mangerez à la sueur de vos fronts.
Et à saint Paul d’expliciter dans une de ses lettres aux théssaloniciens :
Celui qui ne travaille pas, qu’il ne mange pas non plus. Ce que font les
sectes à ce propos laisse à désirer. Comment allons-nous nous prendre en
charge sans travailler ? Ne dit-on pas ora et labora ? Cette manipulation ne
tient pas compte de couches sociales. Nous voyons chez les étudiants que
pendant la session, il y en qui font des veillées, qui sont dans les
permanences au lieu d’étudier. Le lendemain, ils sont chassés, soit ils ont
échoué. Une étudiante à l’Université de Bunia en G3 Economie a du
interrompre ses étudiants à cause d’une fausse prophétie de son pasteur qui
voulait faire d’elle son secrétaire particulier. Les mariages disloqués, les
familles séparées, les enfants sont chassés de la maison accusés de
sorcellerie, etc. Cet endoctrinement idéologique désarticule la société,
bouleverse l’ordre social dans ses principes et fondements. Personne ne se
demande parce que « les sectes trouvent un accueil favorable surtout
auprès des gens qui, malgré leur âge et situation sociale, manifestent des
traits d’immaturité humaine, intellectuelle, affective et n’arrive pas à
assumer dans la foi ou par une conviction personnalisée les risques et la
durée de la vie d’adultes » (R. de HAES, Op. Cit., p. 23). Ainsi, constate
Paul Poupard (Op. Cit., p. 1847), « parmi eux, certains inquiètent
lorsqu’ils s’imposent avec une insistance déplacée, qu’ils semblent
poursuivre des objectifs plus financiers que spirituels, et sèment la division
dans les familles ».
En outre, faisons remarquer qu’un autre aspect capitaliste des sectes
est la publicité. Par le moyen des média, elles font passer des messages
foudroyants qui attirent. C’est le cas des publicités des miracles, des
guérisons, des délivrances, des bénédictions, etc. où l’on fait croire aux
participants qu’ils auront satisfaction à leur préoccupation. Ces grandes
compagnes sont émaillées des témoignages préparés à l’avance en vue de
dissiper tout probable doute. On y trouve des messages comme :
« impossible ezalaka place na biso te ; awa eza tic tac ; soki obotaka te
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okobota, etc. ». C’est à travers l’aspect de miracles qu’elles exploitent les
naïfs et surtout les femmes. Ces pasteurs établissent leurs discours ou
prédications autour des thèmes tels que « avoir le mariage, le boulot, la
promotion dans son travail, le voyage, etc. bref, sur une vie heureuse
recherchée, sans labeur, mais grâce à l’intercession du pasteur.
Rationnellement, cela ne peut se comprendre, on est en mal d’établir
une relation de causalité entre les deux, entre avoir le boulot sans
manifester ou exprimer le désir et l’intercession du pasteur. Mais, celui qui
associe les deux peut espérer être satisfait. La naïveté et la croyance
aveugle poussent les gens à se laisser manipuler. Etant animés par l’esprit
de l’immédiateté, ils mettent Dieu en épreuve, ils veulent que coûte que
coûte il réponde favorablement à leurs attentes ; ils somment, au lieu de se
laisser guider par la miséricorde, le besoin humain qui guide. Ainsi, une
fois obtenu ce qu’on cherchait, le discours va complètement changer. Ceci
montre que le spirituel n’est qu’un tremplin ; superficiel, alors que
l’économique est profond. C’est pourquoi l’on ne peut s’étonner de ce
comportement car « ils désirent trouver de façon immédiate la solution à
leurs problèmes en croyant pouvoir échapper à la dure réalité de la vie où
l’homme doit acquérir de haute lutte sa liberté et sa libération » (R. DE
HAES, Op. Cit., p. 23).
Avec cette réalité, la duperie se retrouve aussi bien chez les fidèles
que chez les pasteurs. Les adeptes se « donnent » à être manipulés. Ainsi,
le pasteur exploite le principe ou cet aphorisme : « tout malin vit aux
dépens de celui qui l’écoute ». Au regard de cela, Kabasele Lumbala
(1987, p. 110) n’a-t-il pas raison d’affirmer que « le jeûne et la prière ne
constituent pas un distributeur automatique qu’il suffit de programmer
avec la monnaie requise pour que la marchandise désirée en sorte. Le
jeûne et la prière ne sont que des manières de tourner notre regard vers
Dieu et de l’implorer ; il reste que Dieu, dans toute sa science et sa bonté à
notre égard, dispose des choses autrement que nous le désirons et dans des
délais dont il est le seul à détenir le secret ».
Au niveau international ou mondial, les sectes sont interprétées
comme des courroies de transmission des multi-nationalistes afin de servir
de contrepoids au pouvoir étatique et les Eglises traditionnelles hostiles à
leur hégémonie. En d’autres termes, les multinationales entretiennent les
sectes dans le but de s’infiltrer dans la gestion du pays. En ce sens, pense
Kampetenga lusengu, « En effet, si aujourd’hui on ose parler avec sérieux
de recrudescence des sectes religieuses, c’est-à-dire, de leur actualité dans
le monde contemporain, la part des sectes religieuses « américaines »
d’origine ou d’importation y est sans contestation essentielle. Car tout
semble ici se passer comme si ce sont les USA qui sont en train de
ressusciter - pourrait-on dire – toutes sortes de sectes et de s’atteler à les
promouvoir pendant qu’ils ne cessent de s’ingénuer à en créer d’autres
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qu’ils répandent activement à travers le monde ». (Kampetenge Lusengu,
1987, p. 56).
L’implication des multinationales à l’avènement des sectes ne vise pas
seulement l’économie mais aussi et surtout le politique. En effet, à travers
leur implication ; il est plus question de lire les visées impérialistes.
Considérant que les sectes bénéficient d’une ignorance désemparée de la
part des fidèles, ces politiciens viennent comme des missionnaires alors
qu’ils sont en train d’espionner le pouvoir en place à sa guise. On se
souviendra de la pavée jette dans le chef du politique congolais lorsqu’on
avait découvert que le prophète de l’Eglise Jésus Seul Sauveur, JSS en
sigle, était responsable direct du mouvement rebelle M23 qui sévit à l’Est
de la RD Congo. Ledit mouvement bénéficie du soutien des supers
puissances à travers le monde. Ainsi, conclut Kampetenga (op. cit., p. 57),
« que les USA en inscrivant la plupart du temps ces sectes dans les
ornières des tribus ou ethnies plus ou moins recroquevillées sur une
tradition sans jamais trop conculper celles-ci, s’offraient gracieusement
l’avantage de retenir à
sa guise et à tout moment tous les peuples
emballés dans leur geste. Ainsi, arrivent-ils par là à contrôler et à régner
sur ces peuples sans coup férir ».
CONCLUSION
Nous voilà à la fin de notre réflexion critique sur l’influence de
l’économie capitaliste sur le phénomène religieux. Cette démarche
phénoménologique s’est fixée comme objectif de montrer comment le
besoin de sensibilité ou sensitif fait tomber la religiosité dans le terrain du
système économique capitaliste.
En effet,
à travers la prolifération des sectes, l’analyse
phénoménologique nous a révélé que les mobiles des responsables desdites
sectes sont, dans la majorité, économiques et moins religieux. Cela va de
soi à cause des conditions socio-économiques déplorables. Ces conditions
qui, d’autre part bénéficient d’une ignorance caractéristique ou de la
croyance aveugle, favorisent la naissance des sectes et l’aliénation ou
l’exploitation des adeptes. Le phénomène miracle en constitue l’élément
clé.
Les multiples contradictions qu’on retrouve expliquent la nécessité
d’un éveil critique afin de sauver la nation. L’esprit critique fera à ce qu’on
retrouve l’essence originaire de la religiosité, qui est certainement la
reconnaissance de notre nature, de notre finitude ou contingence. Ainsi, on
prendra que les Eglises ne doivent pas se faire passer comme des PME,
mais au contraire des lieux de rencontre avec l’absolu. La religiosité doit
être vécue dans une contemplation et non dans un rapport mercantiliste.
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Pour cela, un effort de rationalisation de la foi ne peut qu’être salutaire afin
d’échapper à la manipulation de toute sorte.
BIBLIOGRAPHIE
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